Mouais ?


Je reste un instant figée devant ce dernier message. J'ai du mal à trouver une réponse et mes Douze bloquent complétement. Je m'enfonce une seconde dans mon fauteuil qui grince et observe autour de moi. Une petite pointe de nostalgie me pique au vif. Me voilà sur un site de rencontres dans mon ancienne chambre. Si on m'avait dit que j'écouterais Eva et me serais inscrite là-dessus il y a quelques semaines, j'aurais répondu à cette personne que sa drogue semblait plutôt chouette. Je ris seule de mes pensées stupides. Il faut admettre que je ne sais plus quoi écrire à Hugo. C'est un sentiment étrange qui me parcourt. Je fixe mon lit à droite, le regard vide. La housse de couette grise me rappelle le sentiment de tempête qui sévie dans ma tête depuis quelques temps : une brume douce et triste qui peut imploser en un ouragan en un clin d'œil. Je soupire, j'ai toujours pas d'idée miraculeuse. Il est évidemment hors de question de lui avouer que j'ai procédé à un vote avec moi-même parce que j'ai craqué sur son regard avant de lui envoyer ce « Hey ».

Et puis quoi encore ?

Je réfléchis à comment expliquer ça sans dévoiler le fond de mes pensées. J'ai besoin d'aide et de me concentrer un peu parce que je divague sur le gris de ma parure de lit. Si je ne me ressaisis pas dans peu de temps, je risque de me mettre à baver. Léthargique et à la merci du trou noir dans mon esprit. Quand c'est comme ça, c'est comme si les Douze s'étaient volatilisées, éteignant la lumière avant de foutre le camp. Il faut absolument que je remette le courant là en haut, alors je grogne contre mes déserteurs, leur ordonnant de rappliquer au plus vite.

Trouve quelque chose !

Ma petite crise de nerfs secoue certaines d'entre elles dont Amour, Justice et Cynique. Amour me propose de lui dire que c'est un homme avec un regard intense, mystérieux, au point de m'avoir fait frissonner d'amour.

Non, mais ça ne va pas bien ?

Elle délire à fond celle-là !

Hors de question de lui écrire ça. Même Cynique se moque de mes pensées rose bonbon. Elle insiste pour avouer que je suis une petite princesse paillettes convaincue qu'il est un prince.

Non, mais sérieusement !

Je pousse un râle enragé envers moi-même et mise tout sur Justice. Du coin de l'œil, je retrouve mon reflet dans le miroir. Un bref hochement de tête et je retrouve ma vivacité d'esprit.

Objection !

Emma12 : C'est exact, mais je ne suis pas dans mon élément. Je n'ai pas du tout l'habitude de parler avec un clavier. Je me suis d'ailleurs inscrite hier.

HugoM : Et tu es venue me parler...

Fais chier !

Mais attends... il veut que je dise quoi là, au juste ?

Emma12 : Serais-tu en train de chercher les compliments ?

HugoM : Non, absolument pas. Je cherche à comprendre la complexité de ton esprit... J

Petit menteur...

La complexité de mon esprit... et le tiens alors ?

Je remonte le fil de la discussion pour relire sa description. C'est vrai que c'est aussi complexe que la mienne. Même si je suis un peu agacée, je dois admettre que la mienne est également très contradictoire. Quoi que ce soit normal pour moi.

On est Douze dans ma tête...

Par contre venant de lui, ça m'intrigue. Il a l'air secret. Son regard est déjà très sombre et infranchissable. Je clique sur sa photo de profil et analyse. Il donne l'impression de sonder mon âme. C'est stupide. C'est juste une photo. Enfin, plutôt un cliché qui me happe et m'empêche de décrocher.

Pourquoi est-ce qu'il a choisi cette citation ?

Et puis, qu'est-ce qu'il veut dire par là ?

Un inconvénient est un inconvénient, rien de plus.

Pourquoi il devrait avoir un avantage ?

C'est n'importe quoi...

Emma12 : Ça ne va pas être simple... Et le tien a aussi l'air bien tordu.

HugoM : Je ne dis pas le contraire. Je me demandais juste pourquoi tu m'écrivais à moi.

Merde...

Je réfléchis en regardant du coin de l'œil le miroir de ma coiffeuse comme si la réponse était écrite sur ma tronche.

Comment lui expliquer qu'il a eu l'unanimité ?

Emma, ce n'est pas que pour cette raison...

Ouais je sais !

Je fulmine, mais m'obstine à dénicher la bonne réponse. Tout un tas de phrases me passent en tête et Cynique finit chacune d'elles par « princesse paillettes ». Je crois qu'elle n'est pas la seule à se foutre de moi. Je me ressaisis.

La vérité...

Emma12 : En fait, ce sont tes yeux...

HugoM : Vraiment ? Qu'est-ce qu'il a mon regard ?

Il se moque de moi ?

Il est modeste ou alors il chasse pour de bon les compliments. J'hésite une seconde mais pianote quand même.

Emma12 : Oui, ils sont très mystérieux. C'est très intriguant...

HugoM : Mon regard est mystérieux et il t'intrigue ?

Tu n'imagines pas à quel point l'effet qu'il me fait...

Je me surprends à me montrer si honnête. Je n'arrive pas à mentir, c'est frustrant. Surtout, je ne parviens pas à me mentir à moi-même. Il n'est pas question que j'aille plus loin dans la franchise.

Subtilité...

Emma12 : Peut-être...

HugoM : Ah... peut-être ? Peut-on parler du tien maintenant ?

Hein ?

Emma12 : De mon regard ?

HugoM : Oui, il est très malicieux.

Quoi ! Il déconne à plein tube !

Je quitte ma chaise et bondis devant ma coiffeuse pour m'observer avec attention. Je plisse les yeux, penche la tête, ouvre grand les orbites. Mais non, je ne vois pas où est la malice. Deux points bruns. Rien de pétillant ou malicieux.

Emma12 : Je ne vois pas en quoi il l'est.

HugoM : Et je ne trouve pas le mien mystérieux...

OK...

J'ai raison et il a tort.

Justice me toise et aimerait remporter cette partie. Je ne peux pas la laisser faire. Il faut que je sois un peu plus subtile que ça.

Emma12 : Mouais... et pourquoi tu ne souris pas sur ta photo ?

HugoM : (Mouais... ?) Je n'aime pas les photos et il en fallait une pour l'inscription, alors...

Emma12 : (Oui, mouais...) J'ai aussi juste pris une photo à la va-vite. On y voit même ma chaise de bureau ! Donc ! Mon regard n'est pas malicieux...

HugoM : (Non, pas mouais...) par contre là, Il s'agit de ton avis, pas du mien. Et ton regard l'est. Point.

« Non pas mouais » ! Point !

Il a du culot quand même...

Il aime bien avoir le dernier mot, mais il faut tout de même admettre qu'il délire un peu là. Ses deux billes turquoise n'ont rien de comparables.

Emma12 : Non, je ne pense pas. Il n'a rien d'exceptionnel... Mes yeux sont bruns, banales. En revanche, les tiens sont d'un lagon captivant et débordant de mystère.

HugoM : D'accord...

Je vois trois petits points apparaitre, disparaitre et réapparaitre à nouveau.

Qu'est-ce qu'il est en train de m'écrire ? 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top