Louise-045

‒ Je n'ai pas trop le choix, répond Garance.

Elle est allongée sur son côté gauche, la tête vissée sur la paume de sa main.

‒ Tu peux venir dans notre chambre... je rapplique.

Je peux quand même faire ça pour ma meilleure amie même si je préfère rester seule avec Laurène.

‒ C'est gentil mais je vais rester ici, entendre ce qu'il a à me dire mais hors de question de pleurer ! dit-elle convaincue.

Je n'insiste pas, lui dépose un bisou sur la joue et me relève engourdie.

‒ Bonne nuit ! j'articule en baillant, avant de refermer la porte derrière moi. 

Je trouve ma copine étirée gracieusement au milieu de notre lit que nous partagions avant même d'être en couple. Comment fait-elle pour être belle à n'importe quel moment et sous toutes les coutures ? Elle pourrait quand même me révéler son secret.

Je me hisse à côté d'elle, jusqu'à me blottir dans ses bras. Nous ne parlons pas, parce qu'il y a trop de choses à dire et que les événements nous dépassent.

Je crois que nous restons ainsi jusqu'à l'aube. Sans bouger. Écoutant la symphonie de nos coeurs l'un contre l'autre. Ils jouent d'un même accord et pas besoin de cours de solfège pour le comprendre.

Parfois ce sont nos pieds qui se croisent parce que le reste de nos corps ne sont plus capable de bouger. Juste de s'encrer l'un sur l'autre comme si le temps qui passe allait finir par les visser entre eux. Comme si nous allions finir par ne former plus qu'une seule et même statue, résidant sur ce matelas pour l'éternité.

Soudain, le réveil s'agite dans un vacarme insupportable. Les battements de nos coeurs s'affolent, d'abord à cause de la brutalité de cette interruption et aussi parce que ce réveil sonne le début d'une journée qui marque un tournant pour l'une et l'autre.

Je bouillonne, pourquoi n'ai-je pas pensé à le désactiver ? Je saisis le réveil de l'hôtel et l'eteint brusquement. Si je pouvais je l'aurais jeté par la fenêtre mais je n'ai pas envie de finir en prison pour avoir tué quelqu'un avec un réveil.

Laurène ne sourit pas ce matin. Les comissures de ses lèvres peinent à s'étirer. Elle semble moins sûre, pensive.

‒ Qu'est ce qu'il va se passer maintenant ? je demande fébrilement.

Puisqu'il fallait bien que la discussion arrive à un moment donné. Puisque nous n'avons pas réussies à finir en statue sapphique, il faut bien penser à l'après.

Dommage, je nous voyais déjà exposées dans les locaux de GRAVITATION, à côté du logo avec une phrase d'accroche telle que "La statue née de l'amour grâce à notre application". Ou quelque chose d'encore plus bizarre. Mais nous sommes bien de chair et de sang, il est donc inutile de refouler ou de repousser à plus tard le sujet qui fâche puisque nous allons y passer.

‒ Je ne sais pas, murmure ma copine dans le creux de mon oreille.

Son regard semble assombri, orageux.

‒ Qu'est ce que tu comptais faire avant de me rencontrer, je demande sans grande assurance.

Elle se mord la levée inférieure, un peu nerveuse.

‒ Je voulais juste retrouver la personne la plus compatible avec moi et surtout pas me remettre avec une mademoiselle hétéro... elle répond en me regardant droit dans les yeux.

‒ Une mademoiselle hétéro... comme moi tu veux dire ?

Un faible rictus de place à l'extrémité de ses lèvres.

‒ Non, c'est justement ça le problème. Tu étais déjà différente parce que tu étais une mademoiselle-pas-lesbienne, elle dit doucement.

Je ne pense pas qu'une personne extérieure arrivant à ce stade de la conversation trouve un sens à tout ça. Mais moi je ne sais pas pourquoi j'ai l'impression de comprendre.

‒ Et en quoi c'est un problème ? je murmure.

Nous sommes allongées au milieu du lit, comme si nous étions recroquevillées dans une même coquille.

‒ Tu chamboules mes plans. Mais je ne veux pas retourner à Trève... mon passé me colle aux fesses.

‒ Tu habites à Trève, la ville d'où ont décollé les fusées ?je demande un peu embarrassée parce que nous ne savons rien l'une de l'autre alors que nous semblons nous connaître par coeur.

‒ Oui, enfin j'y habitais, parce que j'ai tout quitté en saisissant l'opportunité de l'application pour commencer une nouvelle vie... et puis il y a toi, toi qui m'attire de nouveau vers cet endroit que j'ai quitté...

‒ Moi j'habite Live, c'est pas loin, tu dois connaître. Pourquoi pas tout recommencer là bas ?

‒ Je ne sais pas, elle répond, ses yeux plantés dans les miens.

C'est comme si je venais de recevoir un coup. Elle ne veut plus habiter près de chez moi... Je ne peux rien dire parce que c'est son choix et c'est son passé.

Nous n'avons pas plus de réponses sur la suite des événements. Est-ce que tout sera fini lorsque nous embarquerons de nouveau ? Est-ce que notre idylle ne sera plus qu'un souvenir gravé dans la mémoire de ce pauvre matelas ? Ou bien, est-ce que nous allons vivre une relation à distance ?

Je ne sais plus rien. Mais il faut bien qu'on avance.

‒ Je pense qu'il faut que tu rencontres @vingt-cinq-ans, je dis avec un pincement dans le ventre.

Elle semble interpellée comme si je venais de lui poser un problème trop difficile à résoudre.

‒ Pourquoi ? elle m'interroge simplement.

‒ Faisons ce qui était prévu au départ, on verra bien après, je dis en souriant.

C'est un sourire triste.

Nos questions, nos tourments, notre peine, notre amour, nos émotions, nos sentiments et tout le reste, se matérialisent sous forme de gouttes d'eau qui roulent de nos yeux à nos mentons pour finir éclatées sur le drap blanc.

‒ Tu ne m'aimes pas assez pour revenir avec moi ? je sanglote lamentablement.

Je pensais résister à tout ça, je pensais avoir du recul et ne pas perdre ma raison mais je viens de redevenir une petite fille spontanée qui a le coeur emietté.

‒ Je t'aime, et c'est pour ça que je ne veux rien te promettre, elle me réponds d'une voix qui se brise en pleine trajectoire.

C'est comme si une météorite heurtait mon être de plein fouet. Et la lune me rend mes cratères.

Elle a toujours sa raison. Est-ce qu'elle ne m'aime pas aussi aveuglément que moi je l'aime pour qu'elle puisse conserver toutes ses capacités ? Ce qui est sûre c'est qu'elle connaît le domaine comme son propre terrain de jeu : l'amour. Et que c'est la plus fabuleuse de toutes les coachs.

Avis ? :)

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