Louise-017
L'invitation à dîner... disons que c'est un début. La vision d'une scène avec un lieu et des personnages : mais qui ne va pas plus loin que ça. Ça peut être une idée avortée tout comme ça peut déboucher sur une histoire. Nous le saurons plus tard.
On est peut-être dans une fusée mais je n'oublie pas la terre d'où je viens. Il faut vraiment que je me remettre à écrire avant que je ne sorte ce genre de phrases à voix haute. Ce que je voulais dire c'est qu'il vaut mieux que je prévienne mes parents que ce soir je « dors chez Garance ». Ce qui me vaut une réponse en texto dans la seconde qui suit :
‒ Ok.
Parfait.
‒ Merde ! s'écrie Christian, avant de se rendre compte qu'il a parlé trop fort puisque tout le monde le fixe.
Il se passe une main dans les cheveux, l'air très embarrassé. S'il peut nous épargner une autre mauvaise nouvelle j'en serais très reconnaissante. C'est exactement ce qu'il se produit puisqu'il ne donne pas de suite à son juron et tout le monde vaque de nouveau à ses occupations.
Je suis engourdie des pieds à la tête et surtout de la bouche, lorsque je me réveille. J'émerge en quelques secondes quand je prends conscience que je ne suis pas dans mon lit : donc pas en terrain familier. Le problème, parce qu'il faut qu'il y en ai un, c'est que je relève ma tête de l'épaule de Laurène. Et mon cœur commence une course contre mon imagination. Il essaie de se barrer avant que je n'aie le temps d'envisager les pires situations. Trop tard celle-ci est venue à moi toute seule : la pire chose qui puisse arriver c'est que je bave pendant que j'ai dormi. Je prie pour que ça ne soit pas le cas.
Je passe mes doigts autour de ma bouche pour vérifier qu'aucune substance baveuse n'ai séché : RAS. Je respire enfin. Puis ma cage thoracique se comprime de nouveau lorsque je réalise à peine que j'étais couchée sur l'épaule de LAURENE. Oh mon Dieu. Le rouge me monte au joue tel un incendie qui me ravage de l'intérieur.
Que va-t-elle penser maintenant ?
Il faut que je trouve une explication et tout de suite car je sens qu'elle s'aperçoit de mon réveil. Vite. Et lorsque son regard rencontre le mien je dis la première chose sincère qui me vient à l'esprit :
‒ Oups. Je me suis trompée d'épaule !
J'essaie d'être convaincante mais la phrase en elle-même ne m'aide pas beaucoup.
‒ Tu sais, les deux sont pareilles, réplique-t-elle un rictus au creux de la lèvre.
‒ Ce n'est pas ce que je voulais dire ! insistai-je en croisant les bras autour de ma poitrine.
‒ Je t'écoute, poursuit-elle avec une voix chaleureuse qui pousserait tous les criminels à avouer leurs crimes.
‒ Je voulais dire que d'habitude je dors sur l'épaule de Garance.
‒ Oui je sais tu n'es pas lesbienne. Mais je te jure que dormir sur mon épaule ne t'engage en rien, poursuis-t-elle un peu plus sérieuse.
Je me retrouve un peu confuse. Est-ce vraiment ce que je sous-entendais ? Je ne sais plus moi-même. Je ne sais plus comment réagir. Et laisse un blanc s'installer malgré-moi. Garance vient à notre secours en intervenant.
‒ Dites, les filles (cette formulation me fait bizarre, elle nous appelle comme si nous étions amies depuis toujours.) Vous comptez vraiment manger avec ce gros homophobe, demande-t-elle.
Laurène acquiesce.
‒ Et tu viens avec nous ! poursuivais-je.
‒ Mais... tente-t-elle.
‒ T'inquiète pas, tu viendras avec ton Roméo, dis-je.
Son regard s'illumine.
‒ Ce n'est pas mon Roméo, c'est mon ex Roméo, s'indigne-t-elle.
Oui, oui. Je laisse couler. On verra ça à la fin du chapitre.
‒ C'est cool Laurène, franchement à ta place je ne l'aurais jamais invité ! continue ma meilleure amie en parlant de l'homophobe.
Je me sens un peu fautif car j'ai l'impression qu'elle a fait ça uniquement pour ne pas contrarier mon idée. Pourquoi d'ailleurs ? On ne se connaît même pas. Enfin il faut que je me calme : je n'ai pas envie de faire partie de ces hétéros qui se sentent tellement fraiches qu'elles pensent que tout le monde les veut, y compris les lesbiennes qu'elles se permettent de regarder de haut.
‒ Je sais, mais j'ai mon égo, répond Laurène.
Je ne sais pas trop ce qu'elle veut dire et en même temps je comprends tout à fait. C'est assez étrange comme sensation. Mais plutôt agréable. Peut-être parce que c'est elle qui le dit. Je n'ose pas me l'avouer mais j'ai hâte de voir comment elle va lui clouer le bec. Et j'ai très peur en même temps. Peur que ça tourne mal : parce qu'on ne sait pas de quoi il est capable. Et en même temps je ne devrais même pas avoir à penser à ça car tout le monde devrait être capable de se mêler de ses oignons. Il est hétéro et il en est fier : tant mieux pour lui. Je suis hétéro : tant pis pour moi. Attends quoi ? Ça y'est je m'égare. Je sais pourtant que dormir la journée ça ne me réussit pas !
Si je devais écrire son histoire, je lui inventerais une âme-sœur bisexuelle et un fils homo. S'ils les aiment il ne pourra plus rien dire. Le début de soirée approche et la fusée se vide à mesure que les passagers descendent pour aller se chercher à manger.
Laurène, Garance, Vivian et moi sortons également sous l'œil méfiant de l'homme que nous avons convié.
‒ Vous venez ? lance Laurène en s'adressant à lui.
Nous avons le droit à un froncement de sourcil en guise de réponse, mais la curiosité l'emporte et il nous suit. Et nous, nous suivons Laurène.
Nous marchons quelques minutes avant de se mettre d'accord sur une petite pizzeria. Je pense que nous avons tous été attiré par l'odeur du feu de bois. A l'intérieur, un serveur en costume et nœud papillon nous installe vers le fond du restaurant où tout est en bois. C'est parfait. On dirait le coin idéal pour évoquer des sujets tabous. La table est ronde, je m'installe entre Garance et Laurène tandis que Vivian se met de l'autre côté de ma meilleure amie et l'homophobe se trouve encore à côté. Niveau originalité très bat : nous avons quasiment reconstitué nos places dans la fusée.
Malgré les craintes, l'ambiance est plutôt bienveillante : comme si nous voulions tous apprendre à nous connaître. Peu importe nos orientations sexuelles. Nous sommes juste des passagers avec un différant qui ne demande qu'à disparaître.
Quand tout à coup Laurène demande le prénom de notre invité celui-ci répond :
‒ Mathieu !
Et je n'ai pas pu m'empêcher de venger mon personnage...
‒ Menteur ! Comment t'as pu faire ça à Candace ! m'écriai-je.
Tous les visages se tournent vers moi et ça ne dure que quelques secondes mais j'ai cru avoir gagné le pouvoir d'arrêter le temps tellement il me paraît long à ce moment précis. Serais-je devenue une sorcière ? Bon ok, inutile de repousser le moment ou je dois me justifier :
‒ Je suis désolée... C'est juste que j'écris des romans et (il arque un sourcil). (Je me suis trompée d'épaule).
Il faut que je change de technique pour une excuse beaucoup plus normale. J'ai trouvé, je reprends :
‒ C'est juste que j'ai mal dormi...
L'atmosphère semble enfin se décrisper. Quand Mathieu reprend, la voix un peu cassée :
‒ Que savez-vous sur Candace ?
Que pensez-vous de ce chapitre ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top