Louise-014

Est-ce que je suis vraiment en train de taper un scandale parce qu'il manque Laurène ? Garance se tient derrière moi et visiblement cette séquence la fait marrer. Tant mieux pour elle mais moi je ne ris pas du tout. Encore moins lorsque je vois que la première personne à monter dans la fusée se prénomme Vivian, un peu plus lorsque je remarque qu'il est suivi de Laurène. C'est à ce moment que je dois déclarer forfait et retourner sagement à ma place sans avoir de compte à rendre, à personne. Je m'exécute, talonnée par Laurène.

Ma meilleure amie reste figée sur l'image de son ex, et je le laisse se débrouiller avec ça.

‒ Merci, murmure Laurène.

Je l'ignore, je ne voulais pas qu'elle voit que j'ai « agressé » Christian pour ne pas la laisser là. Pourtant elle m'a vu. Plutôt entendu puisque j'ai crié comme une furie. Je ne voulais pas qu'elle soit témoin de mon acte de solidarité amical parce qu'elle m'a rejeté après le Starbucks.

‒ Démarrage dans 3, 2, 1, annonce Christian agacé (par moi je suppose).

Mais je m'en fiche. Laurène est là, et c'est ce que je voulais. Je jette tout de même un œil en direction de Garance et le fleuriste pour voir s'il n'y a pas de meurtre : je n'ai aucune envie d'être témoin de ça. Ce que j'observe c'est que notre chauffeur supplie ma meilleure amie de regagner sa place pour que l'on puisse enfin démarrer. Celle-ci n'y prête aucune attention, trop plongée dans le regard de son ex, dans ses souvenirs.

Quand est-ce que toute cette histoire va me retomber dessus ? Laissez-moi juste souffler cinq minutes. Les deux fantômes du passé restent muets : je vois d'ici que leurs lèvres restent immobiles. Je ne suis pas trop mal non plus question enquête... même si je n'arrive pas à la cheville de notre grande détective : j'ai nommé Garance.

Celle-ci prend les devants (comme à son habitude) et tire le pauvre Vivian jusqu'à nous. Elle reprend sa place à ma gauche et lui propose de s'assoir à sa gauche. Il faut suivre. Mais, ce n'est pas en espionnant ma meilleure amie que je vais m'échapper de ma propre vie : de ma propre histoire. En effet, si Vivian est à la gauche de Garance, Laurène est à ma droite. Et Candace à rompu avec Mathieu. OK, ça n'a aucun sens. Tout est pire que dans un premier jet. Le problème c'est que dans la réalité on ne peut pas prendre des choses qui ne nous plaisent pas et les chiffonner pour ensuite les lancer d'un revers de la main en ratant la poubelle. Ici la poubelle c'est un peu notre mémoire : enfin je suppose. Et peu de souvenirs passent à côté : enfin je crois.

Et si Garance et Vivian restent muets pour le moment c'est aussi le cas pour Laurène et moi. Et c'est un peu de ma faute. Il n'y a plus qu'a regarder droit devant et attendre que le plus courageux d'entre nous brise la glace. Malheureusement je ne constate qu'aucun d'entre nous n'a cette qualité puisque dix minutes plus tard nous en sommes toujours au même point et que nous n'avons fait que déglutir dans un malaise de plus en plus pesant.

Tout à coup, le peuple est violemment réveillé par un cri perçant et aigu de Garance. Mon cœur à fait un bon et je suis sûre que celui de Laurène aussi. La glace est brisée : presque autant que mes tympans. Le personnel en violet s'affole et accourt jusqu'à ma meilleure amie. Des questionnements fusent dans tous les sens. Est-ce que j'ose jeter un œil ? C'est inévitable. Je n'aurais pas dû : une vague de dégout s'empare de ma gorge. Je pardonne à Garance son cri puisque Vivian a vomi sur les chaussures de celle-ci. Les yeux de monsieur et madame en violet s'écarquillent : je vois très clairement qu'ils auraient adoré éviter cette situation. Mais c'est trop tard. Le taco est déjà dehors : et beaucoup moins apetissant qu'avant la digestion. J'essaie de respirer principalement par la bouche : question de survie. Certains passagers portent une main à leur bouche, d'autres ne peuvent s'empêcher de ricaner dans leur barbe. Rien de méchant, c'est nerveux. Il faut que cette image disparaisse de mes pupilles. Je crois le regard de Laurène qui cherche aussi une échappatoire : alors on se fixe. Ça marche plutôt bien comme technique.

‒ Sérieux, tu aurais pu me dire que tu étais malade à l'arrière ! hurle Garance, à cause de la panique, tandis que Clara s'affaire à nettoyer le carnage. Et pour le coup à lui retirer ses baskets noires.

Vivian semble trop faible pour rouspéter à cause de son estomac qui ne joue pas en sa faveur. Quelles étranges retrouvailles. Au moins avec ça, on oubliera le fait que je n'ai pas mentionner la présence du fleuriste à Garance. Tout ce qui restera dans les esprits c'est la trace de ce vomi. Le fait que Garance s'énerve et l'absurdité de la situation fait que les yeux de Laurène rougissent et je crois que les miens aussi. Nos jouent se gonflent jusqu'à ne plus pouvoir contenir se rire qui nous chatouille la gorge.

Je sens le regard noir de Garance dans mon dos mais je me décharge de tout dans ce fou rire qui me fait mal au ventre. Je suis exclusivement tournée vers Laurène quand soudain une secousse nous pousse vers le fond de nos sièges : heureusement tout le monde est attaché mis à part le personnel qui se rattrape à des barres en métal.

Un sursaut général s'est fait ressentir, heureusement ce n'était rien, et le trajet reprend normalement. Clara propose une nouvelle paire de chaussures à Garance qui n'a pas vraiment le choix d'accepter. Elles sont presque identiques aux anciennes : des baskets noires à lacets basiques, mais moins belles.

Le nettoyage fait, les hostilités entre les deux anciens amoureux viennent tout juste de commencer j'ai l'impression. Le silence reprend mais une phrase me brûle les lèvres :

‒ Dis, heureusement que tu es plutôt du genre à être malade à l'avant, soufflai-je à Laurène.

Celle-ci esquisse un large sourire.

Et la fusée s'arrête. Que se passe-t-il encore ? Instinctivement mon regard va vers Christian : c'est tout de même lui qui conduit l'engin. Et je remarque qu'il a convoqué ses deux collègues. Les trois chuchotent, l'air désemparé. Des passagers rouspètent. Le personnel hésite visiblement à nous dévoiler quelque chose.

Quand soudain une annonce au micro :

‒ Mesdames, et messieurs j'ai le privilège (on entend clairement l'ironie) de vous annoncer que la fusée est en panne.

Et tout retombe à ce moment précis. 

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