Laurène-028

Je ne suis vraiment pas une actrice. Je suis déjà pressée que la journée se termine. Moi qui voulais être tranquille, je vais être là à attendre que les passagers me racontent leurs petits problèmes de séduction. Je sens ma tête s'alourdir rien qu'à cette idée, j'allonge mon bras sur le dossier du fauteuil (je prends mes aises parce qu'il ne me reste plus que ça à faire).

‒ Laurène tu joues la séductrice, on va voir si tu es convaincante, indique Clara.

Louise pousse un soupire de soulagement ce qui me donne envie de bien jouer mon rôle pour qu'elle succombe vraiment à mon charme. Elle l'aura voulu. Je ne vais pas lui laisser la possibilité de sortir la moindre réplique et pire encore, je vais bousculer toutes ses pensées.

‒ Première scène ! lance Clara en tapant dans ses mains.

‒ Et dernière, je précise.

Notre professeure me fait un clin d'œil rapide ce qui m'encourage pas mal à faire succomber la coupable (c'est de sa faute si on doit faire tout ça). Le soleil bat son plein dehors mais je plonge mon regard dans celui de ma future conquête, ce qui me permet de me créer une ambiance tamisée directement.

‒ Salut, je dis sans la lâcher des yeux, détaillant la matière de sa chemise.

Mes pupilles balaient sa silhouette, de ses lèvres à son short. Je ne m'en étais pas rendue compte jusque là mais j'aurais pu le faire avant cet exercice, ça ne m'aurait pas déplu. En revanche, je ne sais pas ce qu'elle en pense et j'avoue que mon cœur palpite. C'est rare que je sois stressée dans une telle situation, normalement je maitrise, cependant je crois que le fait que ce soit un exercice me bloque.

‒ Salut, elle répond doucement.

‒ Stooop, intervient Clara.

On la regarde, surprises.

‒ Ça n'allait pas ? demande Louise.

Ce qui me fait totalement revenir sur terre.

‒ Le jeu de regard et de lèvres pincées marche très bien pour vous deux ! Bravo : vous avez réussi à faire monter la température d'un cran ! Mais ça n'est d'aucune utilité pour l'exercice puisque vous ne faite pas d'erreur du peu que j'ai pu voir : ça commence très bien. Vous êtes superbes toutes les deux soit dit au passage. Mais il faut corser les choses, dit Clara.

Je suis vraiment déçu d'avoir été interrompu. C'est comme si j'avais la bonne réponse pour la première fois mais qu'on ne me donnait pas la parole. Je suis frustrée et Clara ignore le regard noir que je le lance. Elle ne pense qu'au boulot, si bien qu'elle nous donne de nouvelles consignes.

‒ Très bien, on va changer de méthode... (elle pose son index sur son menton et prend le temps de réfléchir). Louise, tu vas jouer le client qui vient demander conseil à Laurène. Il croise une fille tous les jours sur son lieu de travail et il ne sait pas comment l'aborder : il aimerait des conseils.

Je n'ai qu'à me laisser guider par Louise ce coup-ci. Celle-ci prend à cœur son exercice : elle se lève marche jusqu'à l'autre bout du hall (là où commence l'escalier), sa démarche n'a rien a envier à un mannequin (elle exagère les traits ce qui me fait sourire) puis reviens vers nous en me serrant la main et en s'exclamant « bonjour madame » comme si nous avions des spectateurs. C'est beaucoup moins intime que tout à l'heure mais nous sommes toutes les trois lancées dans la scène comme si on la vivait.

‒ Bonjour monsieur David, je réponds.

Ce qui la fait glousser tandis que Clara ne loupe pas une miette.

‒ Asseyez-vous, je vous prie, je dis.

‒ Merci. Alors euh... je suis là parce que...

J'éclate de rire et elle me fusille du regard.

‒ Je suis là parce que je suis amoureux d'une fille ! lance Louise avec des éclairs dans les yeux.

Elle semble beaucoup plus déterminée tout à coup.

‒ Très bien, et quel est le problème ? Je demande naturellement (ou pas).

‒ Le problème, madame (elle appuie sur ce mot), c'est que cette fille ne m'aimera jamais.

Est-ce que je vais devoir tirer les vers du nez à Louise David tout le long ? Je crois que les deux personnages ne font pas un bon mélange : c'est très agaçant.

‒ Qu'est ce qui vous fait dire qu'elle ne vous aimera jamais, monsieur David ?

J'insiste sur le « monsieur David » parce que ça me fait rire.

‒ Parce que c'est impossible !

Et c'est reparti.

‒Pourquoi impossible ? je demande par obligation.

C'est bien parce que c'est Louise que je n'envois pas balader monsieur David parce qu'un client qui joue à ça avec moi ne sera plus mon client dans les secondes qui suivent. Mais là... c'est Louise.

‒ Parce qu'elle est lesbienne ! s'écrie David ou Louise, je ne sais plus très bien. Sa voix se brise sous l'effet du jeu d'acteur... ou d'une émotion.

Coup de théâtre ! Clara apporte une main devant sa bouche grande ouverte face à ce drame sentimental. Et moi... je retiens mon souffle. Je prends quelques secondes pour encaisser le coup. Ce n'était pas le rôle qu'elle était censé jouer. Pourquoi elle a dit ça ? Tout se bouscule dans ma tête.

‒ Effectivement, dans ce cas-là, je ne peux pas faire grand-chose pour vous monsieur... Je peux cependant vous conseiller d'en parler avec quelqu'un afin de dépasser cette épreuve, si douloureuse soit-elle. Il y a les amours impossibles qui deviennent possibles à la fin d'un roman et il y a de vrais amours impossibles qui ne commencent jamais dans la réalité...

Je viens de plomber l'ambiance qui n'avait pas besoin de ça.

Louise David baisse le menton.

‒ J'aurais aimé être lesbienne juste pour être avec elle... (il/elle dégluti) mais je suis un homme.

Cette phrase s'achève dans un soupire. Et le rideau tombe.

‒ Alors, si je peux me permettre, commence Clara, la situation était pour le moins... inattendu, dit-elle en dévisageant curieusement Louise. En effet, cette tournure n'était pas prévue ce qui n'est pas plus mal, ça a rendu l'exercice plus difficile pour Laurène mais c'est d'autant plus bénéfique pour s'entrainer. Laurène, tu as bien réagi en admettant que tu ne pouvais rien faire dans cette situation et ça c'est très important de le reconnaître. Effectivement, si elle est lesbienne elle ne changera pas pour devenir hétéro ça c'est clair et net ! Et le but est de le faire comprendre au monsieur en question. Je pense que vous êtes prêtes, si vous avez des questions n'hésitez pas.

‒ L'équipe a trouvé une nouvelle fusée ? je demande.

Elle nous doit bien la vérité.

‒ Pas encore, elle répond. Je vous informe dès que j'ai des nouvelles.

‒ Merci, je réponds.

‒ De nous faire confiance pour jouer les coachs sentimentales, ajoute Louise.

‒ A vous de jouer d'ailleurs. J'annoncerai aux passagers, l'ouverture de l'atelier à 13h00.

Je me rassure en me disant que je n'ai rien signé, donc rien à perdre. 

Avis sur le chapitre ? :)

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