~9~
Colin
La semaine est passée relativement vite. Guillaume et Jean, après la phase de “surveillance”, m'ont laissé de plus en plus d’autonomie. Les efforts pour contrôler au mieux ma concentration m’épuisent et le soir, je m'écroule de fatigue sans parvenir à dormir réellement.
Et les journées s’enchaînent…
Ce matin, le lever a été encore plus difficile. Sur mon téléphone clignote un message de Tom. Pas le temps de m’en occuper pour l’instant, je le ferai dans le bus. Ma fatigue ralentit mes mouvements comme si j'étais coincé dans un état second. Comment vais-je arriver à travailler ?
Je sais que je suis en retard mais je ne me sens pas en capacité de courir alors j'accélère au maximum de mes possibilités.
Lorsque je franchis la porte de l'entrepôt, ma respiration est rauque, mes mains tremblent, les muscles des jambes ressemblent à de la guimauve. Guillaume me regarde m'affaler au sol.
— Colin ? Ça va ?
J'entends sa voix mais mon esprit, embrouillé, est en incapacité d'y répondre.
— Jean ? Viens ici, vite !
Les deux hommes me parlent, s’affolent visiblement mais je sais pertinemment qu’à ce moment, il m’est impossible de leur répondre.
— Appelle l’infirmière, Jean. Je reste avec lui.
— Non, dis-je, dans un souffle.
— Aide moi à l'asseoir. Nous allons l'appuyer contre le mur dans un premier temps. Tu ne vas pas te lever, d'accord ?
Je ne tente même pas de refuser. Mon “presque” évanouissement n’est pas une crise de mon Tdah. Il en est juste ce que je pourrais nommer un effet secondaire.
— Voilà. Reprends tranquillement ta respiration, chuchote Guillaume. Y-a-t-il quelque chose que nous pouvons te donner pour t’aider à te remettre ? Un café ? De l’eau ?
Pas facile d’expliquer que le manque de sommeil me met à mal. Enfin, c’est une telle évidence. La question qui fuserait indubitablement concernerait la raison de mes insomnies. Je suis conscient que je ne pourrais pas longtemps cacher ma maladie. J’en redoute juste les conséquences.
— J’ai raté le réveil…
— Et tu as voulu courir pour rattraper le temps, je vois. Mauvaise idée. Je te propose une méthode plus simple et moins risquée, la prochaine fois, et qui a déjà fait ses preuves, complète Guillaume en fixant Jean.
— Tu envoies un message à Guillaume, confirme Jean. Cela nous arrive à tous. Courir à en perdre haleine et sans rien dans le ventre donne un résultat encore plus désastreux. Je file récupérer de quoi te resucrer.
Je n’ai pas le temps de commenter qu'il est déjà parti. Guillaume reste silencieux. J’essaye pour ma part de calmer les tremblements de mes mains.
— Je voulais t’aider à te lever pour t’asseoir plus confortablement mais, dit-il en fixant mes mains, rien ne presse. Mon jeune frère est diabétique et parfois, son corps agit un peu ainsi. Il est important de préciser certaines choses, tu sais. Être au courant de certains “problèmes”, permet de les gérer rapidement. Et Johan n’a pas besoin d’être averti. Je te glisse ma carte de visite dans la poche, tu en fais ce que tu veux.
Je veux réagir mais Jean est déjà de retour. En peu de temps, les deux hommes m’aident à me poser sur la chaise. Un café sucré et deux chocolatines plus tard, je peux reprendre le travail. Guillaume me charge d’aider Jean à préparer les paquets. Rien de très complexe, mais répétitif. Mon attention m’échappe vite mais je m’autorise des voyages avec des chariots déjà pleins afin d’échapper à la monotonie. La pause de milieu de journée me permet de récupérer un peu. Jean comme Guillaume ne pose aucune question. Ma décision est de toute manière prise. J’espérais être capable de gérer ce travail et ma maladie. Cela me semble beaucoup moins évident après quelques jours. L’embauche, rapide, m’a dispensée d'une avalanche de questions. Mon allure musclée a, en quelque sorte, dissimulé ma maladie. J’espérais réellement y arriver. Il me reste à être honnête et à m'expliquer auprès de Guillaume.
À peine après avoir quitté l’enceinte de la boîte, mon téléphone en main, je lance la recherche de localisation du domicile de Guillaume. Le nom me disait quelque chose et pour cause, la rue est près de mon arrêt de bus. Il me reste à présent à décider la façon de procéder. Sonner directement à la porte me semble être particulièrement impoli. L’appeler pour convenir d'un moment où il sera disponible largement plus correct.
— Colin ?
Je n’avais pas envisagé cette troisième situation. J’en reste muet.
— Puisque tu es ici, pourquoi ne pas entrer ?
— Je…
— Je ne te force en rien. Il n'est pas tard, tu pourras récupérer du sommeil après. Ou, si tu veux, demain je n’ai rien de prévu…
— Je préfère maintenant.
— Alors, suis moi.
Il ouvre la porte, et je le suis, gêné.
— Tu me pardonnera mais je te laisse deux minutes. Mes pieds demandent un peu plus d’espace.
Et il disparaît derrière la porte à gauche. Je me retrouve au milieu d'une pièce à vivre assez spacieuse. Un sofa et un fauteuil dans un coin peu éloigné de la fenêtre.
— Veux-tu boire quelque chose ? Je ne suis pas certain d’avoir beaucoup de choix mais …
— Un verre d’eau conviendra dans ce cas-là. Je repérais juste l’adresse.
— Rien de mal à cela. Je ne veux pas te mettre mal à l’aise. Je te l’ai dit, on peut reporter cette discussion à demain.
— Je….Je vais être obligé de démissionner, chuchoté-je tout en glissant mes mains dans les poches de mon sweat.
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