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         (Johan)

Guillaume vient de sortir de mon bureau. J’aurai voulu discuter plus longuement avec lui mais je n’en avais pas le temps. J’ai eu la sensation qu'il était surpris de mon refus mais mes arguments avec les mots clefs visioconférence, banque l’ont fait fuir. Ais-je honte ? Même pas un petit peu. Enfin si, je mens. Je suis certain qu'à un moment de la soirée ou pire encore au milieu de ma nuit, je m’insulterai pour lui avoir menti. 

J’ai œuvré toute la semaine, et même un peu avant pour obtenir une soirée avec Hervé. Mon presque harcèlement a fonctionné puisque je dois le rejoindre à l’adresse qu'il m’a envoyée sur mon téléphone dans un peu plus d'une heure. Hervé n’ est pas du genre patient. Vu les difficultés de stationnement, il tolérera un quart d’heure de marge mais au-delà, il ne m’attendra pas. Je dois avant cela passer chez moi, prendre une douche et me changer. 

Impossible de le rater,  il n'a pas changé. Cette silhouette digne d'un mannequin dont il est si fier. Pour avoir vécu quelques mois chez lui, j’ai vu à quel point cela demande de l’énergie et de la rigueur pour obtenir ces muscles et les conserver surtout. Il a, un temps, tenté de me convertir à muscler mon corps de la même façon. Il m’assurait que mes soucis d'argent disparaîtraient et, qu’avec un beau corps et mon cerveau je serais vite plus riche qu’en bossant. Pour ma part, j'étais très loin de croire en cette réussite.

— Et bien, dit-il après m’avoir passé au scanner, si tu me dis que tu ne pratiques aucun sport, je veux bien des renseignements sur ta méthode.

— Bonjour Hervé. Je suis très loin d’être aussi rigoureux que toi mais associé à un régime strict et à des journées bien chargées, la graisse n’a pas le temps de s’installer.

— Le moindre faux pas chez moi se fixe là, dit-il en montrant son ventre. Et pour un strip-teaseur,  c’est inenvisageable. Je suppose que ton avis sur la question n’a pas évolué et que je n’ai rien à craindre de ta part.

— Juré, dis-je. Ce n’est toujours pas mon objectif. 

— Allez viens, j’ai réservé une table dans un coin plus calme, tu vas m’expliquer pourquoi tu m’as harcelé de messages. 

Le stress, en un instant, se glisse dans mes veines. Mes mains, moites, que je m’empresse d’essuyer sur mon jean, afin de les cacher du regard incisif d’Hervé. Pas assez rapidement, puisque je le vois grimacer. 

En un seul mouvement que je n’ai pas pu anticiper, il m’attrappe par le col de mon tee-shirt et me colle à son buste, sa bouche tout près de mon oreille. 

— Ne me dis pas que c’est, une fois encore,  à cause de la Pride que tu es là ?

Est-ce qu’un peu d’humour arrangerait la situation ? Bien deviné, mes félicitations ! J’adorerai pouvoir jouer ce scénario mais l’humour est très loin d’être une force chez moi alors je me tais. Son regard ne me lâche pas. Pas vraiment en colère mais plein de déception. 

— Je ne peux te dire que les mêmes mots que l’année dernière et des années précédentes. Nous faisons en sorte que rien ne se passe de mauvais, de traumatisant. La grande majorité des personnes qui défilent lors de la Pride sont heureuses d’être ici. Mieux que cela encore, ils en sont fiers. Nous faisons en sorte, chaque année, d’être vigilant afin que tout se passe bien. C’est souvent le cas mais parfois, un mec ou plus souvent, plusieurs, s’ infiltrent au milieu du défilé et cela déraille. Notre service de sécurité, plutôt efficace, a parfois des failles. 

Que répondre à cette argumentation. Je sais que c’est la vérité mais je ne peux pas non plus oublier que lorsque cela déraille …

— C’était il y a plus de 4 ans, me souffle-t-il à l'oreille. 

Ces mots me révoltent. Croit-il que je pourrais un jour oublier que Martin n’est jamais rentré chez lui. Deux bras forts me serrent un peu plus contre lui.

— Je suis un idiot qui ne réfléchit pas.  Si tu prends la décision de venir, je chargerais un des gars à veiller exclusivement sur toi. Tu es conscient qu'il y aura sûrement des caméras à un moment ou à un autre. Je n’ai aucune possibilité de maîtriser cela.

— Ceux que cela pourraient gêner n'ont plus la possibilité de me nuire. Je ne m’exhibe pas mais je ne mens pas non plus. 

— Malgré ta future place ? 

— J’ai, d’entrée de jeu posé cette condition. J’ai suffisamment sacrifié de moi une partie de mon adolescence afin de leur satisfaire.  J’aime les hommes, ceux que cela dérangent peuvent quitter le navire, moi je ne changerai pas ma façon de faire. 

— J’aime le nouveau Johan. Fort, déterminé. Martin d’où il est doit être très fier de toi. N’en doute pas un instant. 

Je ne restais pas. La foule, où qu’elle soit, me rendait fébrile. J’avais dansé beaucoup, des soirées durant mais Martin ne me quittait pas. Hervé était mon ami d’enfance, d’adolescence aussi. Le seul avec qui je pouvais être moi. Lorsque mes parents m’avaient menacé de me mettre dehors, Hervé avait voulu m’initier au strip-tease dont il vivait. Il m’ avait fait découvrir l’univers de la nuit sans me convaincre. J’y avais croisé Martin.

En rentrant chez moi je m'installais à mon bureau. Il était urgent d'occuper mon esprit si je ne voulais pas que ma nuit se transforme en nuit blanche.

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