~23~

(Johan )

Colin est très angoissé et je le comprends. Il m’a raconté sa première rencontre avec mon oncle. Rien ne m’a réellement surpris, celui-ci apprécie tout particulièrement tester ceux qu'il reçoit pour des entretiens d’embauche. Il s’ en explique en prétextant qu’ainsi ils deviennent indubitablement plus combatifs. Colin refuse de garder secrète sa maladie. Il apprend à la gérer mais une crise plus ou moins forte peut arriver. La dissimuler est pour lui une tricherie. L’avouer, dit-il, permettra à mon oncle de décider s'il veut prendre ce risque ou pas.

 Je suis rentré chez moi très tôt ce matin, histoire de récupérer des habits propres, il dormait encore. Une première pour l’un comme pour l’autre mais je sens que nous allons y prendre goût. Discuter, rire, se découvrir mutuellement, le programme est vaste. Mon oncle vient cet après-midi. Colin sera à mes côtés. Est-ce précipité ? Nous nous sommes posés la question. Nos manques d’expériences ne nous aident pas mais est-ce que nous devons pour autant fermer la porte à notre amour ? La majorité de nos discussions a abouti à la même conclusion : on tente !

Impossible de décrypter le regard de mon oncle. Pas malveillant mais je le connais suffisamment pour savoir à quel point son comportement ou ses mots peuvent mettre à mal. En deux enjambées, le voici la main tendue face à Colin.

— Bonjour Monsieur Mirade. Je ne m’attendais pas à cette situation en vous embauchant mais je ne la rejette pas non plus.

— Encore heureux, interviens-je. 

— Bonjour Monsieur Forp. Puis-je préciser qu’elle était nullement préméditée. 

Les deux affichent sur leur visages le même petit sourire. Colin m’impressionne. Je retrouve le jeune homme à qui j’ai fait, le premier jour,  visiter l’usine. Curieux, plein d’énergie, une pincée d’humour. Je veux découvrir toutes ses facettes, bonnes ou pas et, bien entendu, qu'ils découvrent les miennes. Être le petit ami du boss n’a rien d'une position facile mais il est déjà apprécié par Guillaume et Jean. Je ne doute pas que le reste de ceux qu'il peut être amené à côtoyer l’apprécient eux aussi,

(Colin )

Il ne me regarde pas de la même façon.  Il semble, malgré tout, s’amuser de la situation. Au détriment de Johan ? Ce serait contre productif, non ? Il est temps d’être honnête. 

— Je me dois d’être franc avec vous, monsieur. L’entretien que vous m’avez fait passer était court, très court. Aucune question ou presque. Je ne pensais pas avoir la place… J’ai caché une information que je vais vous dévoiler à présent. J’ai un Trouble du Déficit de l’Attention sans Hyperactivité à ce jour. 

— Pourquoi me le dire à présent ? C’est à ta demande Johan ? 

— Pas du tout. Je lui conseillais plutôt de ne rien dire vu ta défiance envers les handicapés en général.

— Je le reconnais même si ce n’est guère glorieux. Vous espérez être favorisé car vous avez une liaison avec mon neveu ? Je ne mange pas ce pain là, désolé. 

— Moi non plus, monsieur. C’était juste une volonté de ma part d’être honnête et que cela n’entrave en rien la situation de Johan. 

— Vous travaillez dans l’équipe de Guillaume, il me semble ? 

— En effet.

— Si celui-ci n’y a rien trouvé à redire, je valide. Avez-vous mesuré, jeune homme. ce qui peut se produire quand votre relation sera connue de tout le monde ? 

— Il y aura sûrement des mécontents, des jaloux mais je ne pense pas qu'ils soient si nombreux, rétorque Johan. D’autres couples homosexuels travaillent au sein de l’entreprise sans heurts. Nous n’avons ni l’intention de nous exhiber ni de nous cacher.

— Vous semblez avoir,  l’un comme l’autre,  toutes les chances de réussir et j’en suis bien heureux. Je crois que tu es prêt à prendre les commandes de l’entreprise, Johan. Nous devons travailler au plus vite sur différents projets. 

– Quand est-il de la photo ? 

— Elle n’a aucune importance. Vous ne craignez pas que votre relation soit connue, il ou elle n’a donc aucun moyen de vous faire chanter. Il n’est même pas nécessaire de publier quoique ce soit. Ne vous cachez pas, l'information sortira toute seule en très peu de temps. Sinon, nous le ferons, nous.

— Je vais rejoindre mon poste de travail. Au revoir, monsieur. A plus tard, Johan. 

Guillaume et Jean me regardent réintégrer ma place. Pas un mot. Ils savent, l’un comme l’autre, où j’étais. Ils meurent d’envie, j’en suis sûr, d’en savoir plus mais je ne sais pas comment le faire.

— Tu penses rester muet tout le reste de la journée, m’interpelle Guillaume. 

— Je ne voulais en aucun cas déranger votre rythme, plaisanté-je. 

— Il n’est pas, par hasard, en train de se moquer de nous, là ? intervient à son tour Jean. 

— Cela y ressemble bien et c’est guère sympa. Même si cela prouve que tonton n’a pas dû être méchant.

— Il n’avait aucune raison de l’être, dis-je. Il a reçu au courrier une photo de Johan et moi. En train de nous embrasser. 

— Du chantage ? À notre époque ? s'indigne Guillaume.

— On s’en fout. Laisse le finir sans l’interrompre, je te prie. J’ai besoin de quelques précisions sur le bisou. Tu as omis de nous mettre au courant des différentes étapes. 

— Tu n’es pas très vigilant, Jean. Les regards, les départs sans prendre le temps de discuter. Raconte, petit.

— C’est le hasard qui est en partie responsable de notre rapprochement. Un ami gère la sécurité de la Pride chaque année.  Il m’a proposé une place au sein du service d’ordre. 

— Vu ton gabarit, rien d’anormal. Euh. Tu es gay ? 

— Ils ne te servent vraiment à rien tes yeux, ironise Guillaume. Continue. 

— Je vais accélérer le déroulé de mon histoire. Et pour te répondre, Jean. Oui, je suis gay. 

— Et Johan aussi, précise Guillaume à l’intention de Jean  

— Je vous dispense de toutes les explications. Mon rôle était de m’assurer que tout se passe bien.

Le silence suit ma remarque suivi d'un éclat de rire.

— Si vous vous êtes embrassés,  c’est que le client était satisfait précise Jean, hilare.

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