~20 ~
(Johan)
Est-ce possible d'être aussi heureux ? Je me pincerai bien pour vérifier qu'il ne s'agit pas d'un rêve ! Pourtant des images jaillissent encore dans mon esprit. De ma frousse difficilement contrôlable, du calme de Colin qui m'a permis de me poser. Sa proposition, si étonnante, m'a, en un instant, apaisée. Ses bras m'enveloppaient, annihilant ma peur. Son cœur battait contre ma peau, l'extérieur ne m'effrayait plus.
Puis la fatigue est arrivée. Ma nuit précédente n’avait pas été extraordinaire à cause de l’angoisse.
— Je suis fatigué, et tu ne sembles pas plus fringant que moi.
— J’avoue que mes pieds commencent à me faire souffrir. On s’installe à une terrasse ?
— Une pause au calme plutôt pour moi, répliqué-je. Mon frigo doit contenir de quoi nous rafraîchir.
— Je contacte Philippe pour qu'il nous aide à sortir du secteur, si tu veux ?
— Ma peur semble s’ être envolée. Il faut les prévenir afin qu'ils ne s'inquiètent pas et après j’appellerais un taxi.
— Je m’en charge.
Très sérieux, il communique avec Philippe. Nous avons cessé de marcher mais le défilé continue, me permettant de réaliser la foule joyeuse et chatoyante qui continue d’avancer.
— Philippe tout comme Hervé préfèrent que nous attendions ici quelques minutes. Il va nous raccompagner.
— Tu aurais souhaité rester encore un peu ?
— Je t’avoue sans aucune honte, j’ai la sensation d’avoir fait un marathon.
Je n’ai pas envie de passer le reste de la journée seul. Je dois peut-être le dire à haute voix.
— Je n’ai pas envie de rentrer seul chez moi. Il n’était pas dû à l’émotion...mon baiser.
— Je n’avais pas l’intention de te laisser rentrer seul, réplique-t-il, un sourire au lèvres.
Lorsque Philippe nous rejoint, je tente de négocier le choix du taxi mais visiblement Hervé et Tom n’y tiennent pas.
— Parfois, certains salopards sévissent aux abords du défilé quand les personnes se retrouvent isolées. Il est plus prudent que je vous dépose chez vous.
— D’accord. Chez moi. Je me charge de raccompagner Colin plus tard, il est tôt .
Aucune réaction et très vite, nous nous retrouvons au bas de chez moi. Le silence de Colin m'indique clairement qu'il est angoissé. Je ne suis pas dans un meilleur état, à vrai dire. Dans un geste impulsif, je lui attrappe la main et l’entraîne avec moi dans l’escalier. Face à face dans l’immense pièce, pas un mot ni de lui ni de moi.
— Hé, chuchoté-je en m’approchant très près de lui. Orangina ou coca ?
— Tu ne t’étais pas vanté d'avoir du choix ?
— Non monsieur, j’ai mentionné de quoi nous rafraîchir et c’est exactement ce que je te propose.
— Orangina, s'il te plait. Ce sont des photos que tu as prises ? questionne-t-il en me montrant le mur.
— Non. La déco, les meubles, tout était déjà là. Mon oncle n’a jamais précisé que j’étais libre de le mettre à mon goût. Ce n’est pas si moche, et franchement j’ai tant de travail à gérer le soir et le week-end pour m’en préoccuper. C’est si moche ?
— Je ne trouve pas. Peut-être un peu vieillot… Non, même pas. La déco est digne d'un magasin Ikea, en plus stylé.
— Tu as l’air de t'y connaître.
— Pas le moins du monde. Ma déco se résume pour le moment à des meubles posés contre un mur beige. J’ai tenté, je t’assure mais j’ai cru que les vigiles allaient me mettre dehors à force de me voir examiner les tableaux exposés.
Son visage souriant ne m’indique pas s'il blague ou pas mais je ne peux m’empêcher de m’approcher de lui. Très près. Cette fois, c’est lui qui se retourne vers moi. Il me débarrasse des deux canettes qu'il pose sur la table basse. Deux tout petits pas et il est face à moi, silencieux.
— J’ai aimé le goût de tes lèvres tout à l’heure.
— Tu penses qu'il s’ est modifié ?
— Je n’en sais rien. C’était une première pour moi.
— D’embrasser ?
(Colin)
Il m’est impossible de lui expliquer. Je n’ai jamais eu de “petit copain” si toutefois cela s’appelle encore ainsi. Ado, j'étais angoissé par mes envies peu conformes à celles des autres. Et lorsque je me suis enfin accepté, la réaction brutale de mes parents n’a pas vraiment aidée. Ne rien dire était plus facile. Seul Tom a été dans la confidence.
— Je n'ai jamais eu de copain. Enfin…
— Des relations longues, je comprends.
— Non. Pour beaucoup, je n’ai même jamais su leur prénom.
— Plus facile à gérer ?
— Mon homosexualité ne me gêne pas. Enfin plus précisément, elle ne me gêne plus. Je ne renie pas ce que je suis. Mais…
— Parler de ta maladie est….
— J’y travaille, je t’assure. Mes premières crises étaient dignes d'un fou. Je ne contrôlais rien.
— Tu étais ado ?
— Non. Je n’ai aucun souvenir de crises durant cette période-là. Mon toubib pense que de me retrouver dehors a de toute évidence générer une fragilité. Mon Tdah est celui d'un adulte. Mes premières crises, violentes, nécessitaient des hospitalisations.
— Tu travaillais déjà ?
— Des petits boulots grâce aux nombreuses connaissances de Tom. Quand j’ai commencé à garder le contrôle, il m’a pistonné pour entrer chez Marchaux Déménagement.
— D’accord. Pourquoi me racontes-tu tout cela Colin ? Afin d’espérer me faire fuir ?
— Non. Je ne sais pas si je suis capable d’une relation longue. Encore moins ce que, toi, tu attends de moi. Mais, pour la première fois, l’envie de plus est forte.
— Sans être vide, ma vie sexuelle n’a pas non plus était riche. J’ai découvert tardivement mon attirance pour le sexe masculin. Tout perdre d'un coup a été lourd à gérer. La proposition de mon oncle m’a permis de passer à autre chose. Pour autant, je n’ai pas cherché à trouver ni l’âme sœur ni un coup du soir. Ma seule préoccupation : le travail. Rien ne presse, donnons nous du temps. J’apprécie nos discussions, continuons ainsi, nous verrons bien ...
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