~12~

(Colin) 

À la même seconde, je reconnais mon patron et comprends qu'il est celui qu'il me faudra protéger. 

— C’est quoi cette embrouille Tom ? dis-je, très énervé. 

— Quelle embrouille ? De quoi tu parles ? 

— Le mec que je dois protéger, là, c’est mon patron ! Ce sera sans moi, merci dis-je et, sans attendre une quelconque réponse, je pars à grands pas. 

Tout le long du chemin pour rentrer chez moi, je grogne tout seul. Est-ce, cette fois encore, une sorte de test ? Pourquoi y mêler Tom ? Je sens une bouffée de panique monter, il est urgent que je me calme. Retrouver le silence de mon appartement m’apporte relativement vite le réconfort espéré. Je sais qu'il sera de courte durée si je ne fais pas en sorte d’occuper mon cerveau. Au cours d'une de mes nombreuses hospitalisations, j’ai découvert certaines techniques. Celle qui fonctionne le mieux pour moi est le dessin. Il n’est pas question de talent mais de simplement suivre des instructions et colorier les cases. Attraper et ranger les crayons par couleur minutieusement est déjà très efficace. 

La sonnerie de l’interphone me fait sursauter.  Avant même qu'il parle, je sais qu'il s’agit de Tom. L’envie de le laisser poireauter est grande mais je suis tout autant curieux d’entendre ses explications. J’appuie sur le bouton et ouvre la porte en attendant qu'il grimpe le seul étage. J’espère qu'il n’est pas trop en colère, je n’aurais pas dû lui parler sur ce ton.

— Je m’excuse, chuchoté-je lorsque je le sens tout près de moi

— Je te l’ai dit des milliers de fois. On ne s’excuse pas. Au pire, on demande pardon mais là ce n’est ni de ta faute ni de la mienne. Ni celle de ton patron d’ailleurs. Je le voyais pour la première fois et Hervé qui est à l’origine de la demande n’était pas au courant non plus.

— C’est vrai ?

— Est-ce que je t’ai menti une seule fois depuis que nous nous connaissons, Colin ? 

— Non. Mais cela ne change rien à l’histoire. Lundi, j’irai déposer ma démission. 

— Pour quelle raison ?

— Tu te moques de moi ? Crois-tu qu'il apprécie que je connaisse son secret ? Qu'un de ses employés, qu'il connaît très peu, sait qu'il a peur ? Moi je n’en crois pas un mot. Je préfère donc donner ma démission avant qu'il me vire. 

— Il semblait plus choqué de ta fuite qu’en colère ! Que tu ailles le voir est une bonne idée. Il faut que vous discutiez de la situation. Le but de la présence d'une tierce personne à ses côtés au défilé ne sert pas à dissimuler qui il est. Il veut juste retrouver la force d’y participer. À entendre tes mots, celui qui a peur c’est plutôt toi, non ? 

— Bien entendu que j’ai peur ! J’ai besoin d’avoir un boulot pour pouvoir payer mon loyer.

— Je ne vois pas le rapport. Ton propriétaire est homophobe ? 

— Pas que je sache. Je suis bien ici. Je n’ai plus peur de me perdre…

— C’est cela qui te fait peur, en fait. Il ne sait pas ? 

— Ce n’est pas lui qui m’a embauché et personne n’a pris le temps de me questionner. 

— Tu me caches un truc, je le sais, réplique-t-il en croisant ses bras sur son torse. Je te connais quasiment par coeur.

— Je suis arrivé en retard, paniqué,  le ventre vide…

— Tous les ingrédients pour faire un malaise… 

— Exactement. Guillaume, mon chef, a géré la situation en pensant à un malaise hypo. 

— Et je suppose que tu ne l’as pas contredit. 

— Sur le moment, non mais il m’avait discrètement laissé sa carte de visite. 

— J’espère que tu as profité de cette opportunité.

– Oui, chuchoté-je. Guillaume et Jean connaissent ma maladie.

— Mais pas le patron. Je crois comprendre ton cheminement de pensée à présent. Mais je pense que tu as tort. Ton Tdah n’est pas incompatible avec ton travail. Il te faut juste en tenir compte. Je me trompe peut-être mais l’homme que j’ai vu ce soir ne ressemble pas à un salopard. Va discuter avec lui. Laisse le décider de la suite des événements. Quoiqu'il se passe, je serais là pour t’aider.

Une demi-heure après, assuré que tout ira bien, il rentre chez lui avec la promesse qu’à la moindre trace d’angoisse, je l’appelle. Le coloriage fait son effet et contre toute attente, ma nuit est plutôt calme. 

( Johan)

Tout s'est passé si vite que j'aimerais pouvoir rembobiner. Le départ en fanfare de Colin suivi de celui de Tom nous a laissés, Hervé et moi, comme deux idiots. 

— Cela te dérange si on va prendre un verre quelque part ? J’ai besoin de comprendre ce qui c’est passé, propose Hervé.

— Allons à la maison, je ne suis pas près à divulguer ma vie au milieu d’inconnus. 

— Ça me va. 

— Mazette, ça c’est de l’appart ! s’exclame Hervé en découvrant la pièce principale. Le mien semble minuscule à côté. 

—Je préférais moins grand pour ma part mais mon oncle ne me laisse pas le choix pour l’instant. J’ai condamné plusieurs pièces. Je ne sais même pas pourquoi il avait besoin de 4 chambres.

— Je ne crois pas qu'il s’agisse d'un besoin plutôt d'une façon de vivre. Parle-moi de ce gars. Il bosse chez  toi depuis longtemps ? 

— Même pas encore un mois. C’est mon oncle qui l’a embauché. Je n’ai rien à lui reprocher…

– Sauf le fait qu'il en connaisse, un peu trop peut être, de tes orientations sexuelles.

— Non. Je m’en moque. Je sais qui je suis, mes parents m’ont sortis de leur vie à cause de cela. Je ne renie rien. J’aimerais seulement retrouver la force de défiler sans être submergé par la peur.

— C'est exactement pour cette raison que j’ai contacté Tom. Et je suis intimement persuadé que son choix est le bon. Savoir qu'il connaît ton orientation sexuelle ne te gêne pas, accepte- le pour t'aider à franchir cette dernière étape. 

— Mais, je ne m'y oppose pas, Hervé ! C'est lui que cela dérange visiblement

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