~10~
(Colin)
— Assieds-toi pour commencer. J’ai l’impression que tu vas tomber comme tout à l'heure. Ici ou de l’autre côté comme tu veux mais j’ai besoin de comprendre.
Sa main entoure mon poignet et il me guide vers l'autre porte. Aucun geste brusque dans son mouvement mais malgré l’angoisse qui m'étreint, je le suis. La pièce est moins grande, mais toujours d’une main ferme, il me dirige vers la table.
— Assieds toi, redit-il . Je récupère de l’eau. Veux-tu un sucre ?
Il a parlé d'une personne diabétique. Un frère, je crois.
— Je ne suis pas diabétique, chuchoté-je. Mon malaise n’était pas dû à cela ce matin.
— Parfait.
Il pose quand même le verre d’eau sur la table et s'installe en face de moi. Mon stress monte et mes mains gigotent.
— Colin. Explique-moi.
— Cela me demande trop d’attention. Et au bout d'un moment, mon cerveau n’y arrive plus. Je ne sais pas trop comment l’expliquer avec des mots. Mon ancien patron le savait mais porter des meubles ne me posait pas de problème.
— Ce n’est pas la même chose, c'est certain. Mais tu vas t'adapter, tu verras.
— Ce n’est pas une question d’adaptation. Ma maladie posera des problèmes.
— Johan ne m'a rien précisé et toi non plus d'ailleurs.
— Il ne le sait pas. Son oncle ne m’a posé aucune question. C'est ma conseillère qui m’a décrochée le rendez-vous. Je suis resté dans le bureau un peu plus d'une demie heure.
— Ta conseillère lui a peut-être donné l'info ?
— Je doute qu'il m’aurait employé si c’était le cas.
— Vas-tu finir par me la dire, ou il est nécessaire que je hausse le ton ?
Je ne peux m'empêcher de sourire.
— TDAH , chuchoté-je.
— À moins que ce soit un gros mot, tu peux la nommer à voix haute.
— Trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité, récité-je.
Aucune réaction.
— Je comprends les mots mais tu n’as pas eu l’air d’être inattentif ou cela n’a rien à voir.
— L’intensité varie d'une personne à une autre. Je n’ai pas de difficultés pour me concentrer. Mais au bout d'un moment, mon esprit ressent le besoin de s’ échapper.
— Je comprends mieux certains de tes actes qui m’ont surpris. Faire les voyages avec les chariots par exemple.
— Cela coupe le rythme monotone qui me perd…
— D’accord. Ton malaise était dû à cela aussi ?
— Pas directement, non. Mon cerveau semble compenser le surplus d’informations au moment du coucher.
— En gênant ton sommeil ?
— Selon les nuits, oui.
— Qui entraîne un réveil en retard et l’effet boule de neige qui en découle. Je vois plus clair, mais je ne pense pas que cela implique nécessairement de donner ta démission.
— Ça ne serait pas honnête vis-à -vis de monsieur Tiroulet. Il n’arrivera pas à me former comme son oncle le souhaite.
— Je te propose quelque chose, Colin. Pour le moment, nous allons garder cette info pour nous. Jean, toi et moi. Nous allons devoir t’aider et modifier certaines façons de travailler mais je pense que c’est jouable.
— Mais quand monsieur Tiroulet l’apprendra, je doute qu'il apprécie !
— N’en sois pas si certain. Mais, toi, il te faudra tirer la sonnette d’alarme. Surtout les premiers temps. Je te laisse y réfléchir sans te mettre la rate au court bouillon. Le dernier bus a dû passer, je vais te raccompagner chez toi.
J’ai tenté de le dissuader mais il n’a rien voulu entendre, me déposant au pied de mon immeuble en deux temps trois mouvements. J’ai fait des œufs sur le plat que j’ai laissé brûler, tant mon esprit était en vadrouille. Je m’attendais à passer une mauvaise nuit mais ce ne fut pas le cas.
(Tom )
Pile poil à l’heure, comme d’habitude, me dis-je en entendant frapper à la porte de mon bureau.
— Entre Hervé. J’allais préparer un café, tu en veux un ?
— Je n’arrive toujours pas à m’en passer, donc je veux bien. Seule différence, il n’accompagne plus aucune cigarette.
— Félicitations, je suis loin d’y arriver, trop d'accros au tabac à mes côtés qui ne m’aident pas. Je présume que tu n’es pas ici pour une simple visite de courtoisie.
— Tu commences à bien me connaître. J’ai des questions concernant la sécurité autour du défilé de la Pride.
— Et un de plus. Vous me saoulez tous. Nous tâchons de faire au mieux pour éviter tout débordement mais, tu le sais tout autant que moi, aucun système n'est infaillible.
— Je sais. Néanmoins, je veux avoir des arguments pour rassurer.
— Je me doute que c’est pour cette raison mais y arriverais-je ? Elle a dû être traumatisée par un événement, je suppose.
— Il a été traumatisé. Son meilleur ami a été pris à partie par deux homophobes qui l'ont roué de coups de pied. Il est décédé deux heures après.
Comment réagir face à ce genre d’informations ?
—Je suis impressionné par son courage. Réellement. Je comprends parfaitement la situation à présent. J’ai en tête une solution qui pourrait être valable.
— Je t’écoute.
— Afin d’assurer une protection la plus complète possible, j’ai embauché dix personnes supplémentaires. Je les connais tous et j’ai entièrement confiance en eux. L’un deux me semble convenir à cette situation. Il a 22 ans, la tête sur les épaules. Il a un atout qui pourrait dissuader certains excités. Ce que l’on appelle un physique de déménageur mais version soft. Penses tu que cela rassurerait ton pote ?
— Je pense que oui, à condition que ce mec reste à ses côtés.
—Je ne peux pas répondre à l’aveugle mais je le contacte le plus vite possible et je te tiens au courant. Tu peux déjà de ton côté en discuter avec ton pote pour valider l’idée, qu’en penses-tu ?
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