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Colin
Après un année faite d'une succession de petits boulots, j'ai enfin décroché un travail. Certes, mon salaire ne ressemblera en rien à celui d'un milliardaire mais j'aurai au moins l'assurance de pouvoir payer le loyer de mon petit studio.
Il y a un peu moins de deux ans, suite à d'incessants conflits avec mes parents, j'ai mis fin à mes études de vétérinaire. Trop coûteuses, et, comme aimait le répéter mon père, “bien trop difficiles pour quelqu'un comme toi”.
L'art de donner confiance en soi, cet homme !
J'ai donc modifié mes objectifs en acceptant tout ce qui se présentait. Résultat des courses, mon allure de gringalet a évolué petit à petit. Sans être un bloc tout en muscles, l'image que je croise tous les matins dans le miroir est très loin de me déplaire.
Mes essais dans une boîte de déménagement, bien payés, ont été constructifs sur pas mal de points. Le salaire, plus que correct, me permettait de payer mes factures. Le patron, satisfait de moi, m'avait fortement conseillé de chercher autre chose avant de bousiller mon dos. Dans les idées proposées afin d'attiser ma curiosité, il avait cité le métier de magasinier.
J’ai remarqué qu'il est assez facile de dégoter des formations, si possible rémunérées. Il suffit de frapper aux bonnes portes, d’être souriant et poli. Voire très poli.
Dans la mesure du possible, si la responsable est une femme, sans jouer le balourd avec une sorte de drague qui révulse, choisir plutôt de faire en sorte de l’intriguer. Ma conseillère semble l'être.
— C'est un très bon point et plutôt rare, Colin. Seulement j'y trouve un problème. Si vous désirez débuter une formation, votre salaire va baisser drastiquement.
— A quel point ?
— Presque la moitié. Sauf si…
— Ne vous arrêtez pas en si bon chemin, plaisanté-je.
— Depuis le temps, je vous ai, je crois, assez bien cerné. Vous sentez vous capable d'assumer une formation professionnelle ?
— Apprendre en bossant ? Ce n'est pas ce que j'ai fait toute cette année chez Monsieur Marchaux ?
— Exactement. Laissez-moi quelques jours, Colin. Et s'il vous plaît, ne vous éloignez pas trop de votre téléphone.
Ma conseillère m'appréciait pour pas mal de motifs. Jamais je ne lui avais fait faux bond lors d'une proposition de travail et ce n’était pas si courant a priori. À peine deux semaines après cette conversation, j’étais de nouveau dans son bureau.
— J’ai bien travaillé de mon côté. Est-ce que le nom de Marcus Forp vous dit quelque chose ?
— Pas vraiment, non, avoué-je.
— Il possède deux sociétés qui fonctionnent bien. La plus importante se trouve à l’étranger. Il vient d’ouvrir une succursale en France. Le dernier secteur, ouvert il y a peu, comporte une partie vente par correspondance…
— Donc nécessitant des magasiniers…
— Toujours aussi vif d'esprit, réplique-t-elle avec un grand sourire. Monsieur Forp est en France pour quelques semaines. J'ai régulièrement travaillé avec lui sur différents secteurs. Il cherche à agrandir le service magasinage.
— Dont je ne connais pas grand-chose…
— Il en est informé. En fait, cela lui convient tout à fait. Son neveu est le futur patron et il souhaite…
— Le mettre à l'épreuve… je ne suis pas certain de vouloir jouer ce rôle.
— Quel rôle ? Le patron veut découvrir si son neveu a les épaules solides. Cela me semble être une bonne chose, non ? Il dirige en partie la boîte comme manager mais il n'a encore jamais montrer ses capacités à former. C’est à vous de décider, Colin. Monsieur Forp peut vous recevoir après-demain à 15 h. C’est un bureau hors de l’entreprise.
— Et donc le neveu n’en saura rien…
— Si vous êtes embauché seulement.
— N’est-ce pas un peu particulier comme méthode ?
— C’est lui le patron des deux entreprises. Il me semble logique qu'il décide des employés qu'il souhaite embaucher.
La nuit a été brève, très brève.
Parce que, bien sûr, j’ai accepté le rendez-vous avec l’homme d'affaires. Je ne risque pas grand-chose. Si l’entretien se passe mal ou si je ne me sens pas à l’aise, je continuerai le travail dans la société de déménagement. Si, au contraire, la proposition du boss me convient, je pense que mon avenir pourrait prendre une autre direction.
La secrétaire prend mon nom, signale mon arrivée par téléphone. A peine deux minutes plus tard, une autre jeune femme apparaît et me guide dans un labyrinthe de couloirs.
-Monsieur Forp. Monsieur Mirade est là.
-Merci Isabelle. Faites-le entrer.
La pièce n’est pas très grande mais l’homme qui se tient debout est imposant.
- Entrez, Monsieur Mirade, veuillez vous asseoir dit-il en me montrant la chaise devant son bureau. Madame Muser m’a parlé de vous en termes élogieux. Toutefois, j’aime juger de moi-même. Je vais vous poser différentes questions. Le but n’est pas de bien ou mal y répondre mais de juger de la façon dont vous allez le faire. Etes-vous prêt ?
-Je n’en suis pas certain. La lueur de plaisir dans vos yeux me donne l’impression d’être le prochain jouet d'un chat sauvage !
Son éclat de rire puissant doit-il me rassurer ou m’ autoriser à claquer la porte ?
- Je ferais attention à ne pas vous griffer. Vous n’avez jamais travaillé dans le milieu du magasinage ?
-Non. J’ai touché à beaucoup de secteurs mais jamais à celui-ci.
Son regard se détourne de moi pour la feuille sur la table.
- 22 ans et j’ai la sensation que vous avez déjà une longue expérience derrière vous. Vous pouvez m’en parler ?
- Cela tient en quelques mots. La nécessité de payer mes factures.
-Parfait. Le chat arrête de jouer. Mon neveu me représente en France dans cette entreprise. Il en deviendra sûrement le patron d’ici quelques années. Il devra acquérir certaines compétences dont celle de former ou de veiller sur la formation du personnel de l’entreprise.
— Donc c’est plutôt lui le chat qui va jouer avec moi ?
-Pas nécessairement. Une souris peut, si elle n’est pas contenue, faire d’énormes ravages.
Mon cerveau analyse le plus vite possible l’information. Comme je le craignais, le rôle qu'il voulait m’attribuer était très loin de me convenir.
-Vous voici bien silencieux, Colin, dit il après avoir jeté un nouveau coup d’oeil sur la feuille.
-J’en ai discuté un peu avec madame Muser. Je ne suis pas certain d’être très à mon aise dans le rôle que vous avez envie de me faire jouer.
Il reste silencieux, impassible aussi je continue de parler.
-Je n’ai aucune expérience dans le secteur du magasinage mais travailler ensemble pour agir au mieux de l’intérêt de votre entreprise me semble être l'option la plus prometteuse. Je n’ai jamais eu à former quelqu'un mais j’ai souvent été celui que l’on formait. Cette expérience de quelques années peut être une aide pour votre neveu.
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