Under pressure
« Je ne peux pas faire ça, Nathalie !
— Bien sûr que si. Vous devez le faire. Vous devez lui dire.
— Je n'en suis pas capable. Vous pourriez le lui dire, s'il vous plaît ?
— Il ne me croirait pas.
— Et moi il me croira plus ?
— Vous êtes son père. »
Adrien fronça les sourcils. Son père et Nathalie parlaient de lui, aucun doute, et de quelque chose qu'ils devaient lui dire. Et Nathalie voulait absolument que ce soit Gabriel qui se dévoue à le dire, ça se sentait.
Le jeune homme se tourna vers son kwami, lui demandant de quoi ils discutaient à son avis.
« Mais je sais pas, moi ! De leur mariage, peut-être ? »
Adrien retînt un éclat de rire. Si ça avait été ça, ç'aurait sans doute été Nathalie qui aurait voulu le cacher. Il en avait déjà discuté avec elle, elle considérait qu'elle ne pouvait pas mériter ce bonheur et ce rôle.
« J'aimerais bien, mais je ne pense pas que ce soit ça. »
Le garçon haussa les épaules. Il verrait bien quand son père serait prêt à parler, pour l'instant il ne pouvait qu'élaborer des théories. Et à part celle avancée par Plagg, aucune ne lui semblait crédible.
Puis il se rappela que l'écoute des conversations entre son père et Nathalie n'était pas à son programme. Il avait rendez-vous avec ses amis et Marinette, son père l'avait autorisé à y aller, et s'il continuait de traîner il serait en retard. Un sourire aux lèvres en pensant à son amoureuse, il sortît de la demeure.
Marinette... Il se rappelait le jour où elle avait trouvé le courage de lui avouer qu'elle l'aimait, la manière dont son cœur s'était arrêté avant de repartir au grand galop. Il avait failli lui dire qu'il était amoureux de Ladybug, avant de s'apercevoir que ce n'était pas vrai. Il l'avait serré dans ses bras, lui murmurant qu'il l'aimait aussi. Ils s'étaient embrassés, il n'avait jamais ressenti quelque chose d'aussi fort auparavant. Depuis, ils étaient en couple, même s'ils se faisaient discrets, pour ne pas être embêtés par Gabriel, Lila ou Chloé.
Les souvenirs qu'ils se forgeaient ensemble étaient simplement magiques, les plus beaux de leurs vies. Et, miraculeusement, la double-vie de Chat Noir ne dérangeait pas leur amour.
************
Le soir.
Adrien terminait ses devoirs quand son père entra dans sa chambre. Il avait le visage défait, l'air inquiet. Et le blond remarqua tout de suite que son père ne portait pas son alliance.
« Père ? Que se passe-t-il ?
— Je... J'ai quelque chose à t'avouer Adrien. Je ne sais pas comment tu vas réagir, mais s'il te plaît, laisse-moi parler, ne m'interromps pas. Quand j'aurai fini... Tu feras ce que tu voudras.
» Je..., l'adulte déglutît, je suis le Papillombre. Et... C'est le Miraculous du Paon qui a tué Émilie. Tu... Tu es sa création. Je l'ai tuée, en voulant un enfant. Qu'elle ne pouvait pas me donner. Elle voulait tellement me rendre heureux qu'elle t'a créé. Puis... Évidemment, en te voyant, Amélie a été morte de jalousie. Mais la broche blessait déjà Émilie, alors je me suis opposé à ce qu'elle crée un nouveau senti pour sa sœur.
» Raphaël l'a fait à sa place, il a créé Félix. Je ne comprendrai jamais pourquoi il m'a confié l'amok de son senti, mais il l'a fait. L'amok de Félix se trouvait dans mon alliance, le tien dans l'anneau d'Émilie. L'avant-dernière fois qu'il est venu, il m'a pris le sien, et j'ai commencé à porter le tien. J'en ai abusé... J'espère que tu sauras me pardonner.
» Dès le début, Nathalie s'était opposée à votre création, elle disait que c'était bien trop dangereux. Elle avait raison. Nous aurions dû l'écouter... Raphaël et Émilie sont morts à cause de ça, avant même vos quatorze ans.
» Mais quand je me suis relevé, après la mort d'Émilie, que j'ai décidé de me battre, elle a été là, elle s'est battue avec moi... Elle s'est même condamnée, en sachant ce qui lui arriverait. Je voudrais pouvoir l'en empêcher, revenir en arrière... Quand elle l'a fait... Adrien, je m'en veux tellement, je lui avais interdit, mais elle l'a fait, maintenant elle est sans arrêt en suspend entre la vie et la mort, elle va mieux mais il y a toujours le risque de rechute, et c'est ma faute, entièrement ma faute. Et je n'ai pas su garder notre relation, j'ai tout détruit, je t'ai mis en danger un nombre incalculable de fois. Je vous ai brisés tous les deux.
» Je suis le Papillombre. Je suis un monstre. Je t'ai forcé à faire des choses que tu ne voulais pas faire. Je... »
La voix de Gabriel se brisa dans un sanglot. Adrien laissa un silence s'installer. Les émotions se bousculaient trop pour qu'il puisse réagir, il était seulement choqué de ce qu'il entendait.
Son père était l'ennemi contre lequel il s'était battu. Il était un sentimonstre. Sa mère était morte pour lui donner vie. Nathalie avait sacrifié sa vie pour sauver le Papillon. Et, c'était peut-être un détail, mais l'attention du garçon avait été accrochée par la manière dont son père avait parlé de sa mère, tout du long. Il l'avait appelée par son prénom.
Et puis, l'état de Gabriel était troublant aussi. Il tremblait, il avait le visage pâle, défait, ses aveux semblaient avoir pompé toutes ses forces. Adrien se rappela ses insomnies, les insomnies d'un enfant de sept ans qui passait ses nuits à contempler la lune jusqu'à ce qu'elle soit pleine et qui refermait les rideaux brutalement ces soirs-là, calfeutrant la fenêtre.
« Papa ? Depuis quand n'as-tu pas dormi ?
— Sincèrement ? Je ne sais plus.
— Tu sais que c'est pas ta faute si Maman est morte, vrai ?
— Bien sûr que si c'est ma faute. C'est mon envie stupide qui l'a poussée à faire ça.
— Je suppose que tu crois aussi que c'est ta faute si Nathalie est tombée malade ?
— Bien sûr ! C'est à cause de mes bêtises que...
— Tu te trompes. Tu ne leur as pas demandé de se sacrifier. Tu ne les as pas condamnées. Tu n'es pas responsable. On ne décide pas de capturer les cœurs, parfois on fait tout pour que ce ne soit pas le cas. Mais l'amour ne connaît pas les lois, il est sauvage et désobéissant. Et blessant. Ce n'est pas ta faute, tu en es la cause mais tu n'en portes pas la responsabilité, d'accord ?
— Adrien... Comment Nathalie pourrait-elle m'aimer ? Je suis un monstre...
— Je crois qu'on forme le plus grand duo d'aveugles de l'univers, soupira Adrien, entre moi qui n'ai pas été capable de comprendre que Marinette est amoureuse de moi jusqu'à ce qu'elle me le dise en face alors qu'elle rougissait et bafouillait chaque fois qu'elle me parlait et toi qui ne vois pas tous les gestes d'amour que Nathalie a pour toi ! J'ai toujours pensé que Mayura et le Papillon était un couple, en fait...
— Vraiment ?
— J'ai encore mal au dos de la fois où tu m'as propulsé sur l'arc de triomphe parce que j'allais lui faire du mal... Ça ne faisait pas vraiment de doute.
— Chat Noir ?
— Ne t'en veux pas. Oui, c'est moi.
— Pardon... Je crois que je n'ai pas vraiment conscience de l'augmentation physique des Miraculous.
— C'est normal, le Papillon ne sort jamais.
— Comment peux-tu prendre cela avec autant de calme ?
— On dit que les chats ont neuf vies, répondit Adrien en haussant les épaules, ça doit apprendre le détachement. »
Gabriel plaqua la main devant son visage pour cacher le sourire qui lui montait aux lèvres. L'humour de Chat Noir était peut-être idiot, mais il faisait un bien fou. Le jeune homme ne retînt pas le sourire qui lui venait. Il ne savait pas comment, mais il se sentait heureux des aveux de son père, il avait l'impression d'être libéré d'un poids trop lourd, le poids de l'indécision, et il n'en voulait pas à l'adulte pour ses actes. Et Chat Noir en lui l'aidait à parer le choc de découvrir qu'il était un senti, au fond il avait seulement enregistré l'information.
Il y avait encore des questions, des remarques, des émotions en pagaille, mais tout était figé, comme si son cerveau mettait tout en pause le temps d'analyser chaque mot.
S'attardant sur le détail dérangeant le plus insignifiant sans doute. Le poussant à requestionner et à se rééloigner.
« Vous savez que vous ne l'avez que nommée ?
— Pardon ?
— Maman. Avant quand vous me parliez d'elle, vous disiez soit « ta mère », soit « Émi ». Là, vous n'avez fait que l'appeler par son prénom.
— Je... Je n'avais pas remarqué. Comment cela se fait-il que tu te sois arrêté là-dessus ?
— Aucune idée. Mais ça m'a frappé, étonnamment plus que tout le reste, certes moins que la détresse. Je vous l'ai dit, Nathalie l'a fait par amour, ça me semble évident. Et je crois que...
— Tu penses que je l'aime aussi, n'est-ce pas ?
— Qu'en pensez-vous ? »
Gabriel réfléchît, laissant le silence s'installer, analysant ses sentiments, se remémorant les moments avec Nathalie, les sourires, la peur de la perdre, le désespoir, l'admiration, les confidences, les échanges, les conseils qu'elle lui donnait, le bien-être avec elle, la déchirure de ses blessures.
Les accélérations folles de son cœur parfois, les sursauts quand elle lui prenait la main. La vie qui avait repris son cours sans le prévenir.
Enfin l'évidence lui venait, il acceptait finalement de poser les vrais mots sur ces sentiments niés, il les voyait.
Le styliste adressa un sourire à son fils et déclara calmement :
« Tu as raison, Adrien. Je suis amoureux de Nathalie. Merci de m'avoir ouvert les yeux, mon fils.
— De rien. Merci à toi de m'avoir fait confiance.
— Ah, et au fait... Pourquoi t'es-tu mis à me tutoyer ?
— Je ne sais pas, je l'ai fait d'instinct, ça a été naturel. Ça... Vous préférez quand je vous vouvoie ?
— Non. Tu peux me tutoyer, Adrien. »
Le jeune homme sourît, serra son père dans ses bras, le remerciant silencieusement. Gabriel rendit l'étreinte, tendrement. Il était heureux d'avoir réussi, d'avoir retissé une relation avec son fils, et il sentait qu'elle serait stable.
Ils discutèrent ensemble pendant de nombreuses minutes, corrigeant facilement, rattrapant leur temps, jouant ensemble au piano, se libérant de leurs absurdes carcans.
Au moment de se séparer, Adrien fit promettre à Gabriel de parler à Nathalie. Le styliste hocha la tête, puis souhaita une bonne nuit à son fils.
************
Un quart d'heure plus tard, dans la chambre de Gabriel.
Le styliste était assis sur son lit. Longtemps, il avait cru que la révélation serait insurmontable. Tant de son côté que de celui d'Adrien. Il s'était attendu à des batailles, des cris, de la haine. Mais il n'y avait rien eu de cela, tout s'était passé dans la compréhension, la douceur et la promesse.
Quand il était passé voir Nathalie ensuite, qu'elle lui avait demandé comment ça c'était passé, il avait répondu « étonnamment bien », lui avait demandé si elle y avait aidé. Elle avait répondu que non, pointant la cage de verre sous laquelle elle avait déposé l'amok d'Adrien. Il l'avait remerciée, puis était sorti, retournant dans son domaine, tentant de limiter le trouble dans lequel la douceur de la voix de son amour l'avait plongé.
Il entendit toquer à la porte, et retînt un sursaut. Tentant de garder contenance, il se leva et alla ouvrir. Derrière la porte se tenait Nathalie, appuyée sur ses béquilles, secouée d'une quinte de toux.
« Oh, Nathalie, s'exclama-t-il, tu n'aurais pas dû... Regarde-toi, tu n'es pas remise... Viens, murmura-t-il en la soulevant dans ses bras, faisant tomber les béquilles.
— Monsieur, je peux marcher ! Vous n'avez pas besoin de...
— Ça ne me dérange pas, au contraire, sourît-il en déposant un baiser sur son front avant de l'asseoir sur le lit. »
Nathalie rougît sévèrement. Son cœur était parti dans une course folle, l'attitude de Gabriel lui donnait des espoirs insensés. Il était si... Charmant, doux, attentif. Merveilleux.
« Pourquoi vous êtes-vous enfui, tout à l'heure ? Que s'est-il passé ?
— Je... J'avais besoin d'un peu de temps. Parce que, grâce à Adrien, j'ai réalisé que... Je t'aime, Nathalie. Je t'aime...
— Monsieur ?! Comment est-ce possible ? Je ne suis pas... Je ne suis pas aimable, si ?
— L'amour ne se préoccupe pas de ça. Je t'aime, c'est tout ce que je sais. Et profondément. S'il te plaît... Arrête de m'appeler « Monsieur », de me vouvoyer... Si tu acceptes bien sûr...
— Bien sûr, Gabriel, répondît-elle, un sourire rayonnant au visage, bien sûr que j'accepte de me rapprocher de toi. Je t'aime, à mourir, à respirer pour toi. Tu es ma seule raison de vivre, Gabriel... »
Gabriel sourît, la serra dans ses bras avec tendresse et bonheur, déposa un baiser au coin de ses lèvres. Nathalie, avec un sourire, plongea ses yeux dans ceux de son amour, et l'embrassa passionnément, confirmant leur bonheur enfin présent.
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2166 Mots.
Merci beaucoup à @neobius pour le titre !!
J'ai trop aimé écrire la scène de révélation, vraiment. C'était génial. Ne me demandez pas pourquoi Adrien tutoie, vouvoie, puis re-tutoie. Je ne sais pas. Ca a vraiment été instinctif, je le voyais comme ça...
L'intervention de Plagg, c'est littéralement tout ce que je savais de l'OS au moment où j'ai commencé à l'écrire, et ça me tue... Leur mariage, on va peut-être attendre un peu...
Après, bien sûr, j'ai kiffé la scène de Papyura, c'est choupi...
Sinon, vous, qu'en avez-vous pensé ? Vous avez aimé ?
Bises,
Jeanne.
(01/12/2021)
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