Trouver sa place
Zoé soupira en refermant sa valise. La vie à New-York était devenue trop compliquée et elle avait demandé à venir en France. Son père avait longuement hésité, avait tenté de la dissuader, mais il avait fini par accepter de l'envoyer chez sa mère.
Ici, elle laisserait des souvenirs. Sa seule amie, la seule personne qui avait accepté de rester avec elle quand la blonde avait laissé tomber son masque. Mais c'était aussi pour la protéger que la jeune fille voulait partir, ayant parfaitement reconnu qu'elle avait développé un crush sur Angelina. Impossible de lui dire bien sûr. Elle n'avait pas voulu la faire partir, alors elle lui avait caché une bonne partie de l'historique de ses différents crushs. Lors de ces deux mois d'enfer, elle n'avait jamais parlé que de ceux « acceptables ». Les garçons.
Et même au moment où elle avait crushé sur Ray, un•e élève non-binaire de la classe, elle n'avait rien dit. Ray était impossible à genrer autrement qu'au neutre, de toute façon, mais Zoé avait eu la certitude qu'Angelina trouverait ça bizarre. Surtout à partir du principe que la blonde ne faisait strictement aucune différence suivant les genres, ni même l'expression de genre, elle se considérait comme « aveugle » à ces détails.
Mais dans son collège, la différence ne semblait pas autorisée, et un truc aussi bizarre... Elle avait préféré le garder secret.
« Zo ? You're ready ?
— Yes Dad. I was saying goodbye to my room. They're plenty of memories I'm leaving, répondit la jeune fille en sortant, sa valise au bout du bras, son cartable empli d'objets et de livres sur le dos. »
Durant le trajet vers l'aéroport, elle laissa les larmes rouler sur ses joues alors que les gratte-ciels défilaient autour d'elle. Certes, sa vie ici ressemblait beaucoup à un cauchemar, mais New-York était sa ville. C'était là qu'elle avait toujours vécu, elle connaissait les grandes artères et certaines petites rues comme sa poche, ça lui faisait bizarre de partir. Et si loin... Huit heures de vol, un océan entier, une langue et sans doute une autre culture à apprendre. Devoir tout recommencer.
Est-ce qu'elle pourrait être sincère cette fois ?
Est-ce qu'elle saurait qui elle était ?
Est-ce qu'elle pourrait aimer les gens sans tricher, ou seraient-ils insupportables et des pestes comme les filles de l'internat ?
En montant dans l'avion après avoir passé tous les contrôles et dit au-revoir à son père, l'adolescente soupira.
Trop de questions tourbillonnaient dans sa tête, bloquée sur une douleur idiote de quand son père lui avait dit qu'elle était « the most wonderful girl here ». Parfois, ça faisait mal, et elle ne pouvait même pas expliquer pourquoi. Comme si le mot de fille ne la désignait pas, ne parlait plus d'elle. C'était juste vide de sens. Et il n'y avait pas de termes correspondant au vide en elle. Heureusement, ce n'était pas souvent, et même quand elle était dans ces moments-là, il arrivait que ça ne blesse pas. De temps à autres, le mot passait, même si, à l'instant, il ne parlait pas de son identité.
Assise à sa place, Zoé secoua la tête. Elle était définitivement trop bizarre, et ça ne servait à rien de se casser la tête sur des questions sans réponses. Et surtout pas toute seule, elle n'allait pas inventer des solutions.
Elle saisît son téléphone, changea l'heure sur celle de Paris pour essayer de se mettre d'ores et déjà en rythme et limiter l'effet du décalage horaire. De deux heures de l'après-midi, elle passa à huit heures du soir en une seconde. Elle régla une alarme pour deux heures plus tard, afin de se rappeler d'essayer de dormir à ce qui correspondrait à son heure habituelle. Puis elle activa le mode avion, rangea l'objet dans la poche de sa veste, récupéra un livre dans son sac et commença à lire alors que l'avion décollait. Les livres étaient le meilleur moyen de faire taire ses angoisses. Eux ne jugeaient pas, et ils occupaient l'esprit.
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Deux jours après Pirkell.
Accueillie par les amis de Marinette, la bleutée qui lui avait souri en premier ici, Zoé avait commencé à se sentir un peu mieux. On pouvait dire que son séjour à Paris n'avait pas débuté du bon pied, mais ça allait s'améliorer, aucun doute là-dessus.
Installée dans la suite de l'Hôtel Bourgeois qui lui servirait de demeure à présent, la blonde se sentait bien plus confiante qu'à son départ. Elle regardait son fil Instagram avec curiosité. Finalement, elle avait des amis à suivre, des posts qu'ils partageaient à observer. Les Stories qui s'affichaient en haut de la page, partageant des photos et des publications la fascinaient. Il n'y en avait jamais eu autant.
La première sur laquelle elle cliqua fût celle d'Alya, avec une photo de Pirkell, le commentaire « elle n'avait pas son akuma sur elle !?!!😱 » et un lien vers un nouvel article du Ladyblog. Zoé secoua la tête, elle n'avait pas envie de penser à ça. Les stories de Rose et Juleka étaient simplement adorables, partageant les mêmes posts, les mêmes photos, des sourires adressés de l'une à l'autre. Nino faisait la pub du blog de sa petite amie, ainsi que celle d'une musique électronique sans paroles qu'il avait créée, que la New-Yorkaise écouta avec joie. Marinette encourageait ses abonnés à venir voir le profil de sa nouvelle amie. Marc et Nathaniel, des camarades de classes du groupe, partageaient des teasers sur leur nouvelle BD. Ivan et Mylène relayaient des publications pour calmer le stress. Kagami montrait un trophée d'escrime et des dessins magnifiques. Aurore et Mireille, deux camarades de la blonde, annonçaient une future émission.
Mais le plus intéressant, c'était les posts envoyés par Luka. Des posts pleins de couleurs, de drapeaux, de mots, de soutien, de conseils, d'affirmation, d'histoires.
Qu'il avait assorti d'un gentil « je crois que certains pourraient en avoir besoin... »
Elle explora, timidement, tous ces mots, ces couleurs, ces drapeaux. Toutes les lettres cachées derrière le plus de « LGBT+ ».
Et quand elle découvrît le mot pansexuel, à la fin d'une longue série, qu'elle en lût la définition, elle ne put empêcher un sourire de monter à ses lèvres. Ce mot lui paraissait étonnamment confortable. Bon. Comme si elle l'avait cherché tout ce temps sans pouvoir le trouver. C'était elle. Elle en était certaine. Une petite voix à l'intérieur protestait, disait que c'était n'importe quoi, qu'elle n'était pas queer, mais... Zoé savait la vérité.
Du bout des doigts, elle tapota un message à Luka, le remerciant des posts qu'il avait partagés, lui expliquant la réalisation qu'elle venait d'avoir, grâce à lui. Elle le vît presque sourire alors qu'il répondait que ce n'était rien, qu'il était heureux d'avoir pu l'aider à se trouver.
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Quelques semaines plus tard.
Zoé sourît en enfilant son bonnet bleu qui complétait le drapeau pan à l'envers qu'elle portait sur la tête, ses couleurs rose, jaune et bleu la faisant toujours sourire. Parce qu'elle n'était pas seule dans sa bizarrerie et c'était agréable à savoir. Elle avait simplement transmis l'information à ses amis quand ils avaient remarqué la mèche teinte grâce à Luka, clairement son meilleur ami.
Et depuis quelques jours, elle avait commencé à chercher un moyen de se sentir mieux avec sa part de vide. La part d'elle-même qui n'acceptait pas le féminin.
Elle avait d'abord demandé à certains de ses camarades d'utiliser parfois le « they » singulier en cours d'Anglais. Puis elle avait découvert le pronom « iel », en se perdant sur Internet, et avait commencé à l'utiliser, à fabriquer un neutre qu'elle utilisait en fonction de sa perception. Quand le féminin était acceptable, elle l'utilisait. Mais de plus en plus, le neutre lui semblait préférable.
Iel avait aussi trouvé les mots pour exprimer correctement ses sentiments d'elle-même.
Gender-fluid.
Demi-girl.
Agenre.
Iel était partiellement une fille, mais aussi partiellement sans genre réel, et sa perception, son identité, fluctuait entre les deux, passant de l'un à l'autre, parfois plusieurs fois dans la même journée, voire la même heure, parfois restant fixe pendant des jours.
Ses amis avaient eu un peu de mal à comprendre toutes les définitions, tous les concepts qu'iel leur avait présentés, mais ils avaient accepté sans problème d'utiliser le neutre, d'être attentif à sa propre utilisation du langage, de s'adapter.
Tout le monde était merveilleux, l'aidait à être vraiment elle-même.
Sauf sa mère et sa demi-sœur, à qui Zoé n'avait pas parlé, vu l'attitude que Chloé pouvait avoir envers tout ce qui ne rentrait pas dans ses critères de perfection, la jeune préférait éviter de dire à quel point iel différait. Quant à Audrey, elle n'était même pas capable de retenir le prénom de ses enfants, lui parler était définitivement inutile.
Mais tant pis, après tout.
Le bonheur était là quand même.
Poser les mots avaient été incroyablement libérateur.
Se montrer et être accepté·e lui faisait chaque jour un bien incroyable.
Elle avait des amis, et était proche de tous ses camarades, et surtout une des filles, Louise, qui l'encourageait toujours, l'aidait, la guidait dans un programme scolaire inconnu, et l'aidait à rester fidèle à son identité malgré les moments de doutes, qu'elle connaissait aussi dans sa bisexualité.
Paris s'était avéré bien plus accueillant, beau, tolérant et sécurisant qu'iel ne l'avait craint.
Et, malgré l'akumatisation, les disputes, la mésentente avec Chloé, Zoé avait finalement trouvé sa place ici.
Et iel y était bien.
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1551 Mots.
Un OS narratif, tiens, ça faisait longtemps.
Ou comment régler et mettre en mots les vibrations queer que m'envoie ce personnage. Je l'ai dit dans "Union extraordinaire", je ne perçois pas du tout Zoé comme cisgenre et hétéro. D'abord parce qu'elle a le drapeau pan sur la tête. Ensuite je ne la sens pas cis non plus, mais c'est clairement pas un gars trans, et j'ai cherché dans tous les termes non-binaires que je connais, pour trouver celui qui correspond le mieux à la vibe qu'elle m'envoie.
Donc oui, c'est de l'headcanon sauvage, mais... Ca passe ? J'veux dire, j'ai renoncé à mon headcanon sur Ju, donc j'ai deux headcanons queers au total, Nathalie bi et Zoé... Beaucoup de choses. Comparé à ce que je peux faire quand je lis.. Euh... C'est rien.
(Est-ce que j'ai réussi à lui mettre autant de labels que j'en ai ? J'suis ace grey-romantique bi-anglée. Ca fait trois. Elle en a 4. Elle m'a battue.)
Aussi, j'espère SINCEREMENT que j'ai pas dit de conneries sur les identités utilisées... Pan normalement ça va, mais les identités de genre c'est un domaine compliqué. Très compliqué. Si quelqu'un s'y connaît assez bien, je serais ravie d'avoir un avis.
Sinon, ça vous a plu ? C'est correctement exploitée ? C'est pas trop fumeux ? Dites-moi tout !
Bises,
Jeanne.
(29/09/2022, 01h09)
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