T'accueillir
Hiya bonjour !
Juste pour dire que mon cerveau bilingue s'est lâché, les perso parlent régulièrement en Anglais, les traductions sont en comm
Bonne lecture
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Nathalie se redressa dans son lit, clignant des yeux. Elle s'était évanouie, mais ensuite...? Elle observait la chambre, perplexe, jusqu'à ce que son regard tombe sur Ladybug, assise devant la porte, l'air perdu.
« Ladybug ? Vous êtes encore là ?
— Je... Je suis revenue. Je me suis dit que... vous devriez être la première à... à apprendre ce qui s'est passé...
— Ce qui s'est passé ? C'est-à-dire ?
— Je...
— Ladybug, pourquoi avez-vous l'air si terrorisée ? Pourquoi évitez-vous mon regard ? »
Le trouble et l'inquiétude étaient audibles dans la voix de Nathalie, mais malgré cela, ils rencontrèrent le silence.
La jeune fille ne put répondre immédiatement, relevant ses yeux embués de larmes contenues. Il s'était écoulé presqu'une heure, déjà, une heure pendant laquelle elle avait remis les Alliances-mères dans son yo-yo, cherché le Miraculous du Papillon mystérieusement volatilisé, essayé d'enregistrer, d'analyser la scène qui s'était déroulée devant ses yeux, de lutter contre les cris qui s'emparaient de sa gorge, une heure où elle avait aussi veillé sur une Nathalie endormie paisiblement, une heure où les images ne cessaient de flasher devant ses yeux.
En regardant la femme qui se tenait en face d'elle, la jeune fille ne savait pas comment exprimer tout cela. Mais un minuscule détail vint à son secours, les cheveux rouges brillants au-dessus du front de Nathalie, reflétant la lumière alors qu'ils étaient blanchis de maladie auparavant.
« Gimmi a refait votre teinture, nota-t-elle simplement.
— Gimmi ? Qui est-ce ?
— Le... La fusion de Tikki et Plagg... Le kwami de la réalité...
— Le kwa... Ladybug, que s'est-il passé ??
— Je... »
Le bleutée inspira profondément, préparant ses phrases, réfléchissant à la meilleure formulation. Comment annoncer à quelqu'un que la personne qui avait dû être le plus proche d'un ami ces dernières années était mort ?
La voix tremblante, les phrases hachées par les sanglots qui menaçaient, par le besoin de reprendre sa respiration, les yeux brouillés par les scènes bloquées sur sa rétine pour ce qui semblait l'éternité, elle raconta. Elle essaya. Elle parla de l'arrivée de Plagg alors qu'elle se cachait dans la cuisine, du combat de Bugnoire contre Monarque, des coups échangés, de sa tentative de le convaincre, de la manière dont il s'était joué d'elle, la paralysant alors qu'il lui ôtait les deux derniers Miraculous, l'apparition de Gimmi, si impressionnant dans le sous-sol détruit, de l'échange entre le styliste et l'être presque divin devant eux, de son corps s'élevant dans les airs avec celui d'Émilie, sa mort, des Alliances et des deux Miraculous tombés au sol, de sa recherche pour celui du Papillon...
Les mots s'échappaient d'elle en désordre, dans un flot continuel, elle parlait, elle parlait encore, le récit s'échappant d'elle comme le sang d'une plaie profonde, répétant parfois...
« Viens ici, murmura l'adulte en pointant le côté de son lit, viens. Ça va aller, Ladybug... Je comprends que tu sois choquée, et perdue, mais... Tu vas y arriver. Tu t'en remettras. Tu es forte... Tu peux gagner sur ce trouble. Même si voir quelqu'un mourir, c'est toujours extrêmement dur, parce qu'on ne peut rien faire.
— Vous... Vous savez ce que ça fait ?
— C'est moi qui ai fermé les yeux d'Emilie. Oui. On s'en remet. Ne laisse pas la culpabilité te dévorer.
— Comment... Dites, comment vous faites pour accepter ça si calmement ?
— J'ai... J'ai déjà eu le temps de faire mon deuil, en quelque sorte. Je l'ai vu devenir fou, au fur et à mesure, ne plus penser qu'au pouvoir, manipuler, oublier tout... C'était extrêmement douloureux. L'homme que j'avais appris à connaître, à apprécier, était en train de mourir psychologiquement sous mes yeux. Et je ne pouvais rien y faire. J'essayais, je tentais de le raisonner, de lui faire comprendre. Rien ne marchait. Alors... Je suis passée par toutes les étapes, quelque part. Même si je n'ai jamais pu m'empêcher d'espérer qu'il revienne. Et... Il m'a sauvée. Je crois que je... je ne me suis probablement pas juste évanouie. N'est-ce pas ?
— ......
— Il m'a sauvée. Et il a épargné Adrien, tu me l'as dit. Puisqu'il ne veut pas qu'Adrien sache. Alors, je peux avoir une paix. Il est revenu, il a compris qu'il était déraisonnable, et que la meilleure solution, pour tous, était qu'il renonce entièrement. Il a compris qu'il était un agent de désespoir, et il a été prêt à sacrifier sa vie pour détruire ce malheur. Ladybug, dis-moi, pourquoi es-tu si bouleversée ? Il était ton ennemi, après tout.
— D'abord, il reste un être humain, et... vous l'avez dit vous-même. Ensuite... Je... Est-ce que je peux vous donner mon identité ? C'est le seul moyen d'expliquer vraiment...
— C'est à toi de décider. Sache juste que je n'ai plus de protection contre l'akumatisation. Outre mes propres forces, mais elles pourraient ne pas suffire...
— Je... Je crois que vous êtes digne de confiance... Et... je pense que j'aurai besoin de votre aide... Dé-transformation. »
Nathalie ne dît rien, enregistrant seulement l'information, comprenant pourquoi la mort de Gabriel avait autant ébranlé l'adolescente, elle lui prit la main doucement, lui adressant un sourire rassurant. Il n'y avait pas besoin de mots, simplement l'attention et la présence. La brune savait que la bleutée aurait besoin de temps, autant qu'elle-même. Elle devinait aussi le nombre de secrets qui tenait dans cette simple discussion. Leurs identités de porteuses, les derniers instants de Gabriel, le plan terrifiant qui avait animé le manoir.
Le besoin de fabriquer un mensonge crédible pour expliquer la mort de Gabriel, sans révéler qu'il avait été Monarque. Les questions qui allaient se poser en pratique, notamment le fait que, légalement, Adrien devrait être confié à Amélie, puisque les orphelins sont confiés à leurs plus proches parents. Nathalie craignait d'aborder la question, sachant que les deux adolescents souffraient de l'idée d'être séparés... Peut-être... Peut-être qu'Amélie pourrait venir à Paris...
Consolant l'adolescente, écoutant ses propositions, Nathalie tentait d'oublier le choc qui grandissait en elle. Avec le plan qui se mettait en place, elle pourrait survivre.
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Un mois et demi plus tard.
Allongée sur un des transats installés dans le jardin, Nathalie souriait. Cela faisait longtemps, très longtemps, que la vie n'avait pas paru aussi simple. Il y avait un mensonge, mais un seul, et la paix coulait. Avec Ladybug, elles avaient inventé un récit du combat final où Gabriel se serait interposé, poussé à agir suite au « piratage » des Alliances. Et il avait été victime de la folie de Monarque, qui s'était lui-même mis hors d'état de nuire. Alors le monde considérait le styliste comme un héros.
Quinze jours après, Amélie était arrivée, avec Félix. Elle s'était installée au manoir le plus naturellement du monde, dans la chambre d'amis, Félix partageant l'espace d'Adrien. Les amis de son protégé étaient rapidement devenus ceux de son cousin, et tous s'entendaient à merveille, passant les après-midi à jouer ensemble et rire. Dans la cour, ils avaient délimité et creusé une piscine profonde, où ils plongeaient et s'éclaboussaient avec joie. Cela faisait deux semaines qu'ils en profitaient et essayaient de convaincre Nathalie et Amélie de les rejoindre dans l'eau. Et les deux adultes refusaient systématiquement. Alix, avec son entêtement, avait fini par obtenir qu'au moins, elles jouent un peu au taureau chaque jour, au moins vingt minutes, insistant que sinon elle les éclabousserait jusqu'à ce que les adultes cèdent.
Elles passaient donc les après-midi sur les transats, en maillots de bain, espérant se faire oublier.
« Nathalie, Amélie, pourquoi vous ne voulez pas nager avec nous ?
— J'ai mes raisons, Adrien, déclara la tante de l'adolescent avec un demi-sourire.
— Ça, c'est de la triche, s'exclama son fils quelques mètres plus loin.
— Et tu sais pourquoi je ne peux pas. Pourquoi... »
Amélie s'interrompît, secoua la tête, se releva et partit vers le manoir, une ombre hantant ses yeux verts.
« Mummy ! Wait, please. I didn't... we didn't mean to. Please! »
Félix se précipita vers sa mère, l'air très préoccupé. Tout le groupe put voir les deux s'arrêter debout sur le porche, discutant avec animation, la mère laissant couler des larmes, l'adolescent la rassurant, doucement, mais elle argumentait visiblement, et plus d'une fois, ils entendirent des bribes de conversations, des protestations rendues quasiment incompréhensibles par la vitesse et l'éloignement, sauf pour Zoé, qui refusait cependant d'écouter avec attention.
Nathalie observait la scène avec une tristesse visible. Elle devait comprendre la situation, avoir des sous-titres que personne d'autre ne voyait, un contexte que personne ne connaissait.
« Mam ? Qu'est-ce qui se passe ?
— Colt a fait des dégâts... De gros dégâts. Félix a raison, il faudra qu'Amélie s'y confronte un jour... Mais... C'est très difficile pour elle.
— Que voulez-vous dire, Nathalie, s'inquiéta Marinette doucement.
— Félix et Kagami t'ont raconté, je crois. Colt était un personnage horrible. Amélie l'a épousé seulement pour faire plaisir à ses parents. Il était absent les trois quarts du temps, et quand il revenait... C'était les abus et les menaces en permanence. Il haïssait Félix, et s'il acceptait de lui parler, la conversation était jonchée d'insultes. Am' essayait de protéger son fils alors Colt l'a prise en grippe et a commencé à la menacer elle aussi, à limiter ses activités, à lui faire des scènes, à l'accuser de tout et n'importe quoi... Avec Émilie, nous avons essayé de l'en sortir, plusieurs fois, nous lui avons proposé de l'accueillir, nous la protègerions. Elle n'arrivait pas à s'y décider, parce qu'elle ne voulait pas décevoir ses parents, elle ne voulait pas provoquer de scandale. Et puis, parfois, il semblait se transformer en ange, et elle prétendait que ces moments-là valaient tout. On arrivait à la faire venir de temps en temps, pour une journée ou un week-end, et voir son angoisse en parlant de lui était absolument terrifiant. Les deux dernières années de sa vie et de celle d'Émilie, elle n'a jamais pu venir. Il a dû nous considérer comme un danger.
» Je crois qu'Amélie n'a pas pris conscience de tout le mal qu'il lui a fait, et pourtant, ses menaces sont encore présentes dans sa tête, ça se sent. Il a dû lui interdire de nager. Et elle n'arrive pas à lutter contre toutes les blessures qu'il a laissées, parce qu'elle préfère les enfouir plutôt que les regarder en face et les cicatriser. Alors parfois on appuie dessus et elle s'effondre, sans que l'on puisse véritablement comprendre pourquoi.
— Mam's, il faut la forcer à confronter ses démons, tu ne crois pas ?
— Sûrement, Adrien, soupira la brune, mais pour avoir été obligée plus d'une fois de regarder des blessures en face, je ne le ferai pas. Je ne suis pas sûre de pouvoir lui imposer la douleur.
— Moi, j'ai une idée, décréta Alix depuis la piscine, mais va falloir que vous acceptiez de venir dans l'eau. Sinon elle refusera. Et le meilleur moyen qu'elle reconnaisse les marques, c'est de lui faire prendre conscience de ses peurs irrationnelles. Donc la faire nager et lui faire remarquer qu'il ne se passe rien.
— Alix, tu es démoniaque, commenta Ondine.
— Tu m'aides ?
— D'accord.
— ... Je peux demander quel est le plan, interrogea Nathalie avec un froncement de sourcils inquiet.
— Elles vont vous pousser dans l'eau, répondit Kim avec simplicité, puis la pousser elle.
— Vous faites vraiment dans le direct, vous trois, hein, commenta Nathaniel.
— Ouais. Mais la preuve que la simplicité c'est plus efficace, c'est que vous et vos plans tordus à l'infini pour l'Adrienette, vous n'êtes arrivés nulle part. Donc maintenant que je suis de retour, on fait simple ! »
Tous rirent. La rosée n'avait tout à fait tort. Nathalie donna son accord, mais réclama d'attendre qu'Amélie revienne avec Félix pour mettre le plan à exécution.
Les adolescents approuvèrent, et tous replongèrent dans la piscine, sauf les deux filles à l'origine du plan.
Alix confia un petit bracelet à Ondine.
L'idée était simple.
La nageuse allait faire semblant d'avoir volé le bracelet.
La plus petite la poursuivrait autour de l'eau.
Bousculerait intentionnellement Nathalie. Puis Amélie. En s'excusant abondamment bien sûr.
À partir de là, il allait simplement falloir la convaincre de rester dans l'eau mais ça allait se faire, elles en étaient certaines.
Nathalie resta debout auprès de la piscine, observant Félix et sa mère qui finirent enfin de discuter et revinrent vers le bassin, donnant le top à Alix pour enclencher son idée. Ondine s'échappa de quelques mètres en avant, poursuivie par son amie qui criait de rendre le bracelet, faisant deux tours de plus en plus serrés autour de l'eau, jusqu'à ce que la poursuivante bouscule légèrement la brune qui leur avait dit, plusieurs fois, pour la mise en scène, d'arrêter de courir sur le sol humide, sans être écoutée bien entendu. En sentant le coude de la rosée l'effleurer, l'adulte se laissa déséquilibrer et atterrit dans l'eau en un plongeon impressionnant, elle garda la tête sous l'eau quelques instants avant de remonter et de se mettre à nager, avec un peu d'hésitation au début, puis avec une aisance incroyable.
Elle entendait à peine les excuses de l'adolescente, à qui elle sourît en disant que ce n'était rien. Et, trente secondes plus tard, Amélie atterrissait elle aussi dans la piscine, bousculée par une Ondine jouant la confusion.
Mais la blonde se reprenait beaucoup moins vite que son amie, esquissant à peine quelques mouvements pour se maintenir en surface. Nathalie soupira.
« Am', j't'ai dit combien de fois ? Si tu restes à la verticale, tu coules... »
En trois larges brasses, elle traversa l'espace qui la séparait de la tante d'Adrien, et la força à s'allonger dans l'eau en position de planche.
« If you really don't wanna swim, just stay like this it'll be fine.
— It's not... It's not that I don't want to, but I can't...
— Were you hurt?
— When?
— What is the answer?
— When I disobeyed he did hurt me...
— Are you disobeying?
— Yes, somehow...
— Is he hurting you?
— How do you know the words to calm me down?
— I like to observe the world. To read the stories of others. And I had loads of storms to weather.
— Thank you for forcing me here.
— Mais de rien. »
Les deux adultes se sourirent.
Elles aimaient nager, profondément. Avec Émilie, ça avait été une de leurs activités préférées. Une des seules libertés des jumelles. Un des jeux favoris d'Anne-Lise, la mère de Nathalie. Se voir privées de l'eau était une crainte de leur adolescence. Et elles avaient toutes fini par arrêter de nager.
Avec un sourire, les deux amies fendirent l'eau jusqu'à un des bords, retrouvant leur élément. Il y avait des ombres dans les yeux verts d'Amélie, mais elles se dissipaient progressivement.
« Et toi, Nathalie, pourquoi tu ne voulais pas nager ?
— Premièrement, je ne nage pas sans toi. Deuxièmement... C'est Anne-Lise qui m'a appris à nager. Et j'ai toujours un peu de mal à m'habituer à l'idée que je ne la reverrai sans doute jamais, sans savoir si elle est morte ou si elle s'est juste effacée pour me laisser ouvrir mes ailes. C'est douloureux. Je ne voulais pas réveiller les souvenirs. Mais avec toi, c'était moins difficile à accepter, et... Tu avais besoin de plonger. N'est-ce pas ?
— Oui. On fait une course ?
— Tu es sûre ?
— Ça, c'est la réponse de quelqu'un qui est sûr de gagner, nota Ondine en s'approchant, on peut participer ?
— Avec plaisir, répondit Amélie en adressant un sourire à l'adolescente, et... Merci pour m'avoir jetée à l'eau. »
La jeune fille secoua la tête, l'air de dire que ce n'était rien. Kim, Alix et elle s'alignèrent contre le bord de la piscine, bientôt rejoints par les deux adultes, Adrien et Marinette. Nathalie laissa échapper un sourire. D'instinct, elle savait comment traverser l'eau, chaque eau était différente, chacune avait ses forces et ses vagues, mais pour chacune, la brune avait appris à comprendre ces mouvements d'instinct. L'eau était une deuxième nature, parce qu'Anne-Lise avait jugé que c'était un apprentissage important et l'avait forcée à apprivoiser l'eau avant même de marcher. Alors, quand Max, choisi comme arbitre, lança le top départ, elle s'élança, les yeux fermés, le liquide glissant sur elle sans la ralentir.
Arrivée à l'autre bout du bassin, elle rouvrît les yeux pour voir les autres tous à peu près au milieu de la piscine.
Cinq secondes plus tard, quand Ondine et Kim arrivèrent en même temps, ils ne purent s'empêcher de laisser échapper leur surprise.
« Bon sang mais comment vous faites ? Vous avez été hyper rapide !
— C'est une question de perception. Anne-Lise voulait que je nage, alors elle me mettait dans l'eau dès qu'elle pouvait, et j'ai appris à reconnaître les caractéristiques propres à chaque bassin. Toute eau a ses vagues, ses forces. Ça peut paraître un peu étrange mais l'eau n'est pas simplement un milieu différent. Elle est plus proche d'un être vivant qu'il faut appréhender et auquel on s'adapte. Enfin, c'est comme ça que je vois les choses...
— Ça... Ça a étonnamment du sens, commenta Ondine, je crois que je vois ce que vous voulez dire... »
Nathalie sourît. Elle appréciait les amis d'Adrien, parce qu'ils étaient tous positifs, forts et compréhensifs à leur manière, ils avaient réussi l'exploit de l'intégrer avec Amélie dans leur groupe, sans les traiter vraiment différemment, leur offrant une respiration d'insouciance dont elles ignoraient avoir besoin.
Et maintenant que les filles leur avaient rendu leur élément, les adultes se sentaient encore plus en vie. Alors elles laissèrent l'après-midi couler entre leurs doigts, à rire ensemble dans le bassin, à ré-apprendre à baisser les barrières.
Elles vivaient.
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Deux mois plus tard.
Amélie se tenait devant la porte de Nathalie, le poing levé pour frapper, tout en se sentant parfaitement ridicule. Pourquoi diable avait-elle à ce point besoin de discuter, et pourquoi hésiter autant ? C'était absurde.
« Entre, Amélie.
— Comment tu as su que j'étais là, s'étonna la blonde en poussant la porte.
— Tu as des talons, Amélie. Et sur le carrelage, ça claque. Je t'ai entendue arriver. Qu'y a-t-il ?
— ...
— Ok. You are not fine, don't even dare to pretend. What is the matter, Amélie ?
— I just... feel wrong. Like the world is not... real ? Yeah, I know, that just sounds weird, but I guess... I'm not used to silence ? To quiet silence at least. Silence meant danger, meant pressure. Cause we needed to fill our house with our voices for it to look slightly like a home, we would speak loud, put music on, laugh forcibly at the smallest occasion, but he hated it... And forced us to silence. And this summer, I discovered real life noises, and natural laugh, and sincere smiles. But now... The kids are back to school, and I feel alone, and... Oh my, why am I saying this when you're here, listening and smiling at me, how can I even dare to say I feel alone, it's probably... »
Les larmes remplirent les yeux d'Amélie, qui ferma les paupières pour les retenir. Nathalie se leva et guida son amie pour l'asseoir sur le lit, elle lui serra la main avec douceur. Elle n'avait pas vraiment de mots, pas de réponse magique à apporter pour apaiser la blonde, alors elle restait silencieuse, la main de son interlocutrice serrée dans la sienne, son pouce massant le dos de la main qu'elle tenait, murmurant que les larmes pouvaient couler.
La brune regardait les larmes, les sanglots contenus qui secouaient la Londonienne, sans pouvoir agir. Elle connaissait le sentiment de vide dont son amie parlait, cette impression que l'on pourrait tomber dans un trou sans fin juste en suivant ses pensées, et ne pas en ressortir en un morceau, la peur de faire un pas de travers. Elle avait appris. Les mots jaillissaient parfois sur ses lèvres, rassurants, calmes, rares, affirmant qu'il n'y avait pas d'excuse à faire, de regret à avoir, que tout était valide, que tout pouvait être échangé.
Le temps passait, Amélie déballant finalement toutes ses peurs, tous ses réflexes de fuite, tous les coups qu'elle essayait d'éviter, coups au cœur, coups au corps, qui lui interdisaient irrévocablement de penser et de ressentir, de protester et de parler, de consoler ou d'aimer, un nombre invraisemblable d'interdictions sans fondement, des forces arrachées, des échappatoires sabordées, des créations interdites, tout ce qui pouvait lui apporter un sourire était dénigré et mis hors de portée, parce qu'il voulait être le centre de tout. Et pour Félix, c'était encore pire, et Amélie souffrait le double en voyant son fils subir autant. Mais sans réussir à pouvoir partir jusqu'à ce que la mort coupe le lien qui la tenait prisonnière. Alors elle avait pu accepter, arrêter de nier qu'il lui avait fait du mal, à reconnaître la présence de bleus et de plaies ouvertes partout, sur son corps et son esprit. Et elle avait eu honte, honte de ne pas avoir pris la douleur au sérieux, honte de ne pas s'être sauvée, honte de ne pas avoir pris Félix avec elle dans une fuite. Donc elle avait recommencé à nier les plaies, prétendant que tout allait bien maintenant qu'elle était débarrassée de son bourreau.
Jusqu'à ce jour fin juillet, quand la plaie liée à l'interdiction de nager avait été brutalement rouverte, avait saigné, mais Nathalie avait été là pour contenir l'hémorragie, d'une phrase, d'un sourire enjoué, de sa présence réconfortante comme une couette épaisse dans un hiver glacial. Et elle était encore là, à écouter, à sourire, à rassurer.
« Merci, Nathalie... Pour tout ce que tu fais pour moi. Pour nous. Tu nous jettes littéralement à l'eau pour nous forcer à confronter nos démons, et tu restes à côté pour nous apprendre à nager. Je... Je ne sais pas comment je pourrais faire si tu n'étais pas là.
— Je ne risque pas de partir, ne t'inquiètes pas, sourît la brune, mais... Même si ça arrivait, tu t'en sortirais. Tu es extrêmement forte, Am', même si c'est une force discrète, une force de résilience et de résistance plus qu'une force de construction. N'en doutes pas.
— Merci... Dis-moi, Nathalie, comment vas-tu ? »
Nathalie laissa un silence s'installer, serrant les lèvres. C'était une question qu'elle ne se posait jamais, qu'elle évitait à tout prix. Parce que, si elle se la posait, elle verrait les failles dans son armure, les craquelures sur son cœur, elle risquait de craquer, et elle ne pouvait pas craquer, imploser devant quelqu'un d'autre. Alors elle allait bien, ou c'est ce qu'elle prétendait, elle répondait automatiquement pour ne pas hésiter. Mais maintenant, Amélie demandait une réponse honnête, une réponse complète, une réponse dont la brune n'avait aucune idée.
« Nathalie ?
— Je ne sais pas. Honnêtement, je ne sais pas. Je vais. J'évite de trop réfléchir, parce que comme toi, j'ai besoin de me cacher de mes cicatrices, au moins pour l'instant. J'ai peur de m'effondrer, et je ne veux pas craquer alors que... Vous avez besoin de moi...
— Nathalie, tu sais. Tu peux craquer, tu peux avoir des émotions en tornade, tu n'as pas besoin de retenir tes sentiments, ça ne nous embêtera pas. Tu as le droit d'avoir des faiblesses. Et tu as le droit de ne pas savoir ce que tu ressens, de cacher tes peurs et tes blessures. Sache juste que je suis là pour les écouter, les soulager si tu en as besoin. Tu n'as pas à t'enfermer.
— Merci, Amélie... »
La brune se mordit la lèvre, réfléchissant. Oui, elle avait besoin de parler, de simplement évacuer le désordre, mais les mots n'étaient pas faciles à trouver pour dire la désorientation où elle vivait, les moments d'angoisse absurde où elle avait l'impression que Gabriel planifiait une nouvelle attaque, puis le souvenir frappait. Et malgré tout...
« Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à m'habituer à son absence ?
— C'est un processus long, de s'habituer à la mort de quelqu'un. Surtout quelqu'un à qui l'on tenait. C'est ça le deuil, seulement s'habituer à ce que la personne ne soit plus là. Accepter de continuer à vivre.
— C'est compliqué... Le nombre d'années où je n'ai vécu que pour eux... Maintenant, il faut que j'apprenne à vivre pour moi... Et j'ai peur. Comme si la vie était un voyage et je n'ai soudainement plus de direction. Et ça a beau faire déjà trois mois et demi, je ne trouve pas...
— Suis ton cœur. Il y a des choses qui comptent pour toi, des personnes auxquelles tu tiens, des activités que tu aimes faire, n'est-ce pas ?
— Oui, bien sûr... Mais... J'aime me casser la tête, réfléchir à des plans farfelus, à des idées complexes. Et tout ça je le faisais pour la chasse aux Miraculous, je le faisais pour lui, et surtout avec lui. Et ce serait bizarre de le faire sans lui.
— Il t'a offert sa vie. Fais un plan pour être heureuse, pour vivre entièrement, fais-le pour lui, pour qu'il ne soit pas mort pour rien. Ris. Invente. Joue. Sois toi-même. Tu me l'as dit quand tu m'as raconté le dernier combat, avec Ladybug. Il a choisi de mourir quand il a compris que sa vie vous étouffait, Adrien et toi. Quand il a compris qu'il vous privait d'espoir. Tu ne peux plus faire les plans avec lui, affirma la blonde en se tournant vers son amie et en lui relevant le menton, mais tu peux faire avec son souvenir et pour sa mémoire. Je t'assure.
— Am... Dis, comment tu sais autant ?
— J'ai eu deux deuils à faire ces dernières années. Ma jumelle, à qui je tenais énormément mais dont je n'ai pas pu avoir de souvenirs proches, et mon mari... Colt... Même s'il était infernal la plupart du temps, il savait se rendre indispensable, se faire apprécier au moins, et quand il est mort... À la fois je n'avais plus à angoisser et à souffrir, mais en même temps je perdais ses lumières et la possibilité d'anesthésier les souffrances avec ses mots de négation. J'ai appris, toutes les douleurs qui peuvent remonter, tous les dénis auxquels on est arraché. J'ai eu mal, j'ai eu peur, j'ai été en colère contre le monde entier et surtout contre moi, d'avoir laissé faire. J'ai pleuré des jours entiers sur les moments de bonheur et sur ma vie éclatée, sur mon âme fracturée. Puis... J'ai commencé à accepter. Mais la reconstruction ne pouvait pas démarrer entièrement car je niais encore les cicatrices. Maintenant je reconstruis. Tu y arriveras aussi, Nath, car tu es forte, inventive.
— Merci. Heureusement que nous sommes ensemble, hein ?
— Oh que oui. Dis, on fait une partie d'échecs ? »
Nathalie sourît, se leva et prépara son plateau d'échecs. Ça au moins, c'était facile. Ça lui permettait de réfléchir, sans avoir à déclencher de crise existentielle, de s'échapper des règles illogiques de la vie et du monde.
Amélie, elle, était heureuse de retrouver enfin réellement son amie d'enfance, sa partenaire de jeu qui avait appris à se barricader derrière une armure mais qui l'ôtait finalement au moins un peu. Pourquoi cela faisait-il battre son cœur ainsi ? Pourquoi ressentait-elle des décharges électriques à chaque fois que leurs doigts s'effleuraient ? Pourquoi être dans la même pièce que Nathalie suffisait-il à réduire ses angoisses et ses douleurs à de la poussière insignifiante ?
Elles jouaient.
Et chaque coup martelait les questions dans l'esprit de la blonde.
Jamais elle ne s'était sentie aussi à sa place, et pourtant une part d'elle voulait fuir.
Parce qu'elle avait peur de tout gâcher.
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Un mois plus tard, fin octobre.
« Adrien, tu peux me passer le scotch pour que j'accroche la guirlande ?
— Oui, tiens Félix. C'est super cool que Mam et Amélie aient accepté qu'on décore pour Halloween, et qu'on puisse aller récupérer des bonbons le soir.
— Yep. C'est pas avec mon père que j'aurais fait ça, répondit Félix en fixant la guirlande de citrouilles en papier à une extrémité du mur.
— Le mien non plus, je t'assure. Aussi, je suis super content que tu sois resté... C'était un peu compliqué de te comprendre parfois mais... Maintenant, je sais pourquoi t'agissais tellement froidement... Tu voulais juste pouvoir être libre et t'étais pas sûr de pouvoir y arriver sans manipuler tout le monde autour de toi...
— Exact. Mais maintenant on est tous les deux libres, et heureux, et on peut s'amuser. D'ailleurs, je crois que ma mère apprend à être heureuse aussi, et ça me fait plaisir.
— Sûr, répondit Adrien en jetant un regard sur la cour arrière où Nathalie et Amélie discutaient et riaient, elles ont réussi à trouver un équilibre pour surmonter leurs peurs du passé... Et s'inventer un présent.
— Nathalie donne l'impression d'avoir toujours su faire ça, rebondir, ré-inventer. Mais Mummy n'était pas bonne à ça.
— Je ne sais pas si Mam's est si bonne que ça, c'est très compliqué de savoir ce qu'elle ressent et comment elle navigue, si elle se perd on ne le saura pas. Je crois qu'une grande partie de ce qui leur permet d'avancer c'est qu'elles sont là l'une pour l'autre. Ça doit aider pas mal.
— Clairement. C'est plus facile de vivre avec des amis. »
Dans la cour en contrebas, ils observaient leurs mères discuter, Amélie qui riait, évitant soigneusement le regard de Nathalie, cette dernière semblant avoir gagné de l'expressivité, sa confiance multipliée.
« Elle agit bizarrement ta mère quand même, nota le Parisien avec un froncement de sourcils.
— Oui, on dirait qu'elle est en déséquilibre, j'suis d'acc. J'crois qu'elle est en crush sur Nathalie... Mais elle ne l'admet pas.
— Tu crois ?
— Pff... J'ai pas vérifié mais oui, ça en a l'air.
— On peut l'aider, tu penses ?
— Pas ouvertement, elle nous en voudrait. Et pas nous seuls. Et puis... Regarde comme elle évite ta mère, ça va être compliqué...
— Sûr... »
Dans le jardin, Amélie retînt un éclat de rire. Elle ne comprenait pas les battements déréglés de son cœur, mais elle ne pouvait s'empêcher de rire aux plaisanteries idiotes de son amie, de sourire en voyant ses yeux de ciel briller de lumière, sa voix seule suffisait à l'emplir de joie, elle aurait donné sa vie entière pour une seconde près de la brune, mais elle avait envie de fuir aussi, le plus loin possible, elle se sentait vulnérable, mais respirer sans Nathalie lui semblait une idée absurde...
« Nathalie ? Pourquoi j'ai besoin de toi ? Émotionnellement je veux dire.
— Je ne sais pas, Am'. Pourquoi est-ce que tu me dis ça ? Si tu veux, je peux donner des conseils sur comment te détacher, mais le pourquoi, je n'ai aucun moyen de savoir, je ne suis ni dans ta tête ni dans ton cœur.
— Non ! Je veux dire, non... Je n'ai pas envie de me détacher de toi. Je... I think I don't know why I needed you to know it. Ugh. I don't even understand why I'm feeling all that I feel, and I'm not even sure what I'm feeling, it's like I'm in a shaker, with no way to escape, and every time I try to grasp a view of what's going on, I feel even more torn... It's absurd, I'm so sorry... »
Amélie s'éloigna, une excuse accrochée aux lèvres, une peur dans les yeux, son cœur battait, lui interdisant de réfléchir, elle ne savait pas arrêter de penser, et elle avait l'impression de devenir folle tant ses envies, ses instincts, se contredisaient, se répondaient, se battaient, l'envie de simplement serrer Nathalie dans ses bras, et le besoin de fuir, le désir de ses sourires et le désarroi de leur lumière, et elle savait instinctivement qu'elle aurait détruit le monde brique à brique pour que son amie soit heureuse, qu'elle serait morte ou aurait tué sans hésitation si Nathalie le disait, et cela la terrifiait tout en lui faisant envie, son esprit de rationalité perdu face à ces émotions. Elle avait peur, alors elle s'éloignait, un souvenir incongru brillant dans son esprit.
« Nathalie, when we're older, I'm gonna marry you!
— Really?
— So the parents could never separate us!
— Yeah, that's an idea... But you can't do that Émi.
— Why, Am? Stop being jealous!
— I'm not jealous, I'm just saying. You're both girls.
— I don't care. I'll find a way.
— You're so fun Emilie, Nathalie had smiled, if you really want to, I'd be glad.
— You two really act like book characters. Wedding is overrated anyway, I don't want to. »
Emilie, m'en voudrais-tu si je prends ta place dans ton rêve ?
Debout sur le perron, Amélie figea. Elle s'était égarée dans ses pensées, essayant de s'éloigner de la discussion qu'elle avait avec Nathalie et des éclats électriques que l'échange avait provoqués dans son cœur. Mais soudainement, le souvenir de cette conversation innocente quand elles avaient onze ans lui était revenu. Ce jour-là, la mère des jumelles avait décrété qu'elles devaient arrêter de fréquenter leur unique amie, la brune était soi-disant une mauvaise influence. Les sœurs s'étaient faufilées dehors, et Émilie avait commencé à inventer des solutions. Jusqu'à cette proposition saugrenue d'épouser Nathalie, une idée qui les avait fait rire toutes les trois.
Mais maintenant, l'instinct d'Amélie adoptait l'idée avec joie, la laissant perdue devant l'entrée, perdue dans une confusion qu'elle ne connaissait pas. Au pied de l'escalier, Nathalie s'était assise, des fleurs dans les mains, fredonnant une chanson inconnue, tressant les tiges ensemble, respectueuse de la distance derrière laquelle son amie s'était réfugiée. Elle ressemblait à une gravure, un tableau de maître, contempla la blonde. Et ce simple commentaire fît jaillir une idée dans sa tête.
Une minute plus tard, elle était de retour, son appareil photo autour du cou. Elle l'avait gardé, même si les manipulations de Colt l'avait relégué au placard pendant des années, et elle se rappelait de tous les réglages.
Une part d'elle restait focalisée sur le choc reçu quand elle avait réalisé qu'épouser Nathalie lui ferait plaisir, mais elle niait encore les implications, tous ces sous-entendus ignorés qui la poussaient à ré-apprendre à sourire, à ré-découvrir ses limites, à rire de nouveau, à ré-explorer sa personnalité enfouie, pour la faire briller à nouveau, elle ne le faisait pas pour elle, pas directement, mais elle ne s'en rendait pas compte, elle ne réalisait pas que ses améliorations visaient aussi, presque surtout, l'appréciation de Nathalie. Son cerveau tournait autour de sa pensée réflexe au souvenir, sans vouloir en découvrir le sens, persuadé que c'était impossible, inventant d'autres explications à ces troubles, à ce bonheur en voyant la brune, à ce besoin de la voir, à ce désir de la sentir près et à la panique qui l'accompagnait toujours. Elle se niait en demandant à son amie si elle pouvait la photographier, en ajustant les paramètres sur son appareil, elle niait la joie indicible qui la submergeait, l'excitation de créer quelque chose qui pourrait représenter leur bonheur.
Elle savait qu'elle allait se balader dans la capitale et collectionner les images, les associer pour raconter une histoire, elle retrouvait une nouvelle flamme, qui alimentait et se nourrissait de l'autre feu de son âme, celui qu'elle niait.
« Tu as l'air heureuse, Amélie.
— Je viens d'avoir une idée, avec la photographie, je vais aller explorer la ville. Ça fait tellement longtemps que j'avais abandonné mon appareil parce qu'il ne voulait pas ! Mais maintenant je peux. Je peux faire ce que je veux, en partie grâce à toi, et c'est juste excitant !!!
— Je suis heureuse que tu t'en rendes compte, sourît Nathalie, et que tu sois aussi excitée. Bonne chance pour ton projet !
— Merci ! »
La brune regarda son amie placer son objectif vers la statue d'Émilie, portrait immobile et bienveillant au milieu des roses, puis filer vers l'autre côté du manoir, vers la cour avant et la sortie, le déclencheur résonnant plusieurs fois, avant que la porte ne s'ouvre et que la blonde ne disparaisse dans la rue.
Restée dans la cour arrière, Nathalie tentait de voir autre chose que les yeux d'émeraude pétillants de joie, le sourire aussi sincère que ceux de l'enfance, d'oublier la joie si lumineuse, d'effacer le gonflement de son cœur et cette impression absurdement forte qu'elle ferait absolument tout pour protéger Amélie. Tout et n'importe quoi, sans hésiter une seconde, pour un sourire sur le visage de son amie. Elle connaissait trop bien ce sentiment, cette déraison, et elle en avait une peur bleue. Peut-être n'était-ce pas aussi désespéré que la fois précédente, vu l'aveu fait par la Londonienne quelques minutes auparavant, mais c'était tout aussi absurde. Parce qu'elle doutait de jamais accepter assez ce type de sentiments pour ne pas simplement tout détruire autour d'elle.
« Vous êtes amoureuse de ma mère, nota Félix, apparu de nulle part.
— En effet. Mais tu es prié de ne pas espionner mes émotions.
— Je n'espionne pas, la lecture est permanente, même si elle est plus imprécise quand je ne suis pas transformé.
— Je sais. Mais on peut bloquer certaines lectures.
— Ah bon ? Je ne savais pas ! Duusu, c'est vrai ?
— Oui, admit le kwami, mais... Tu n'avais pas l'air d'en avoir besoin, je suis désolé de ne pas te l'avoir dit...
— Ce n'est pas grave, sourît l'adolescent en effleurant le visage de la petite créature du bout des doigts, est-ce que tu pourrais bloquer la lecture des émotions de ma famille, s'il te plaît ? Nathalie incluse.
— D'accord Félix !
— Je fais partie de ta famille, alors ?
— Oui, bien sûr... Vous êtes un peu comme une tante, et depuis longtemps... Même si nous nous sommes encore plus rapprochés ces derniers mois.
— Pourquoi me vouvoies-tu alors ?
— Je... Je ne sais pas vraiment. C'est plus naturel. Mais je peux te tutoyer, si tu veux.
— Oui, s'il te plaît. Dis, est-ce qu'Adrien sait que tu es Argos ?
— Compliqué à cacher alors qu'on dort dans la même chambre. Il a vu Duusu, je ne pouvais pas mentir.
— Comment l'a-t-il pris ?
— Je ne lui ai pas dit la vérité complète. Il continue à croire à l'histoire de Ladybug, et il ne sait pas que nous sommes des Sentis. Je lui ai dit que j'avais découvert l'identité du Papillon, et que j'avais décidé de m'arranger pour lui voler le Miraculous du Paon. Mais que, puisqu'il était mort dans son dernier combat contre Ladybug, ça ne servait à rien que je lui dise l'identité, puis ça ne lui dirait probablement rien. C'est mieux comme ça.
— Félix, à ton avis. Quand le Miraculous du Papillon sera ré-activé, que se passera-t-il ?
— Il l'a été. Deux fois. Mais c'était extrêmement discret, Ladybug a interdit à Alya de mettre à jour le Ladyblog, et comme c'était de nuit, il n'y avait pas de journaliste. Les akumatisés ont été très vite libérés. Nous sommes prêts si le nouveau porteur veut semer le chaos. Nous sommes forts, nous sommes nombreux, et nous sommes une équipe unie. Tout se passera bien.
— Tu en es sûr ?
— J'y crois en tout cas.
— Est-ce que j'ai la moindre chance avec ta mère ?
— Plus que ça. Mais elle ne fera jamais le premier pas, et elle risque de nier pendant longtemps. Elle ne peut même pas poser de mots. N'hésite pas à agir toi-même. D'accord ?
— Je ne sais pas si je saurai, mais d'accord. J'essaierai.
— Tu vas y arriver.
— Merci Félix. Ça se passe bien avec Kagami ?
— Oui. Et même, elle m'a dit que sa mère avait enfin arrêté d'essayer de la pousser vers Adrien, c'est super !
— Tant mieux, répondit la brune avec un sourire légèrement fier, tant mieux.
— Merci de veiller sur nous tous, Nathalie. Thank you... for all the things you did for Mum and I, welcoming us here and letting us be free, thanks for keeping us safe, for caring for us even when we hurt you, for treating me the same as Adrien, for always giving advice, and stepping back when you think we should work it out ourselves. You guard us, and when we're scared of what's in the corners of our minds, you're there to lead us in confronting it, and help us deal with it. So... Thank you...
— It's nothing, Félix, you should be able to wear your name truly. »
Elle le prit dans ses bras, doucement, lui murmurant qu'elle savait seulement que tous avaient besoin d'un nid de sécurité et d'amour, et que, quoi qu'elle fasse, tout lui était rendu au centuple par les adolescents et Amélie, qu'eux aussi l'aidaient à s'affronter.
Le blond ne savait pas comment répondre, alors il rendit simplement l'étreinte en se disant que Nathalie devait sacrément se déprécier pour ne pas voir à quel point elle les aidait.
************
Premier novembre 2017.
Félix serra la main de son cousin, doucement. Le ciel pleurait au-dessus d'eux et l'orphelin tentait vainement de ne pas laisser sa peine le submerger. Il avait insisté pour venir voir son héros en ce traditionnel jour des morts, il voulait pouvoir appréhender l'image, troquant son habituelle veste blanche contre un imperméable noir, échangeant son jean bleu pour un pantalon en velours de la même couleur nuit. Il n'aimait pas vraiment cette obscurité, mais une part de lui l'avait jugée nécessaire, et devant la tombe, il pleurait sans un mot.
Et pourtant, la présence de son cousin, de sa mère de cœur et de sa tante l'aidait. C'était difficile, mais il n'était pas seul.
Nathalie avait failli essayer de le dissuader, mais un regard d'avertissement de Félix lui avait rappelé que le Parisien ne devait pas savoir. Et que ce moment pourrait faire du bien.
Maintenant, ils étaient tous réunis devant la tombe, sous la pluie de plus en plus drue, mais bizarrement, elle se sentait bien. Elle apercevait un sourire apaisé derrière les yeux humides de son protégé, un soulagement tangible dans la grimace apaisante de Félix, une paix claire dans les yeux brillants d'Amélie, qui avait la main posée sur son appareil photo auquel elle s'accrochait comme à une bouée de sauvetage.
« Est-ce que c'est bizarre de me sentir bien alors que... Bah on est dans un cimetière, d'abord, et ensuite... C'est un peu... Sa mort... Et, je suis mélancolique pour les bons souvenirs, mais je me sens bien...
— C'est une bonne chose que t'arrives à te sentir bien quand même, Adrien, coupa Félix, ça veut dire que tu comprends que la vie ne s'arrête pas à la mort de quelqu'un. Et que tu arrives à te reconstruire. Ça peut prendre du temps d'y arriver, mais tu l'as fait. C'est pas bizarre.
— Merci Félix.
— C'était joliment dit, apprécia Amélie, et je suis contente pour toi Adrien... Ça me donne presque envie de prendre une photo.
— Ce serait bien, approuva Nathalie avec un léger sourire, mais tu mérites d'être dessus aussi...
— J'aimerais bien, sourit la blonde, mais... Je ne peux pas prendre la photo et être dedans...
— Y a un retardateur sur ton appareil, Mummy ?
— Oui, mais...
— Attendez-moi une minute, s'exclama l'adolescent en s'enfuyant vers l'entrée du cimetière.
— Pardon, s'étonna sa mère, où est-il parti ?
— Aucune idée, répondit Adrien avec un sourire, mais s'il a dit d'attendre, il reviendra vite.
— Sûrement..., fit Nathalie avec un froncement de sourcils dubitatif. »
Mais quelques instants plus tard, le Londonien était effectivement de retour, un trépied à la main, expliquant qu'il l'avait emprunté au gardien, ça n'avait pas été compliqué de le convaincre d'abandonner l'outil quelques minutes.
Amélie laissa échapper un large sourire, plaça le trépied, déposa son appareil photo dessus, commença les réglages en dirigeant les positions de son fils, son neveu et son amie, les deux adolescents côte à côte, la brune un peu plus éloignée, la tombe légèrement visible en arrière-plan pour sa symbolique. Puis elle activa le retardateur et se mît en place, à côté de son amie, un sourire sur son visage cachant la soudaine nervosité éprouvée à la proximité physique.
Je suis absolument ridicule... Et encore plus à nier ce que j'éprouve...
Une fois la photo prise, Amélie remit son appareil autour de son cou, et ils repartirent ensemble, Félix rendant le trépied au passage, remerciant le gardien.
Et dans leur quatre cœurs battait le même bonheur, la même sensation d'être une famille pour toujours.
************
Deux semaines plus tard.
Debout face au bureau installé devant la fenêtre de sa chambre, Amélie effleura la toile où ses photos étaient disposées, le cœur blanc laissé au centre du panneau parce qu'elle ne savait remplir son cœur, des images de Nathalie, d'Adrien et Félix, de leurs amis, de la ville et ses monuments, de leur famille complète, et quelques clichés où elle se tenait seule, son œuvre de bonheur où elle avait accepté de prendre place. Où elle avait décidé d'être elle-même, de se faire plaisir et d'agir.
« Amélie ? Je peux entrer ?
— Oui, bien sûr, s'exclama la blonde en se tournant vers la porte.
» Nathalie ? Tu vas bien ? Tu..., murmura Amélie en déposant sa main sur la joue pâle de son interlocutrice, tu n'as pas l'air...
— Tout va bien, répondit la brune d'un air paniqué, s'éloignant brutalement, tentant de dissimuler la rougeur montée à ses joues.
— Désolée, je ne voulais pas te...
— Tu n'as rien fait de mal. C'est juste que... Je ne suis pas habituée au contact...
— D'accord, répondit-elle avec un sourire, tu voulais me parler ?
— Je voulais juste discuter, sourit Nathalie en s'asseyant sur le lit, je me sens toujours mieux avec toi.
— Moi aussi, affirma la Londonienne, c'est plus facile d'être juste... Heureuse, quand tu es là.
» Oh, attends ! J'ai quelque chose pour toi ! Regarde, déclara-t-elle en attrapant la toile couvertes avec les photos derrière elle et en la lui tendant.
— C'est toi qui l'as fait ?! C'est magnifique, s'exclama la brune en effleurant les images, les souvenirs associés défilant dans son esprit, vraiment magnifique.
— Merci ! Je suis contente que ça te plaise.
— Pourquoi le cœur est-il vide ?
— Je ne sais pas remplir mon cœur... J'ai peur de le voir plein, je crois...
— Est-ce que tu accepterais que je t'aide à le remplir, demanda Nathalie doucement en prenant les mains.
— Je... I would love to...
— You should stop running back to English every time you feel strongly...
— Why ? If it helps you read me, it's a good thing.
— You don't see how much light you give, do you ?
— You are light. If I give any, it's just reflecting you...
— Je ne crois pas, Amélie, murmura la brune, parce que quand je te regarde, je me sens en sécurité, et je sais que je briserais le monde sur ta demande, et j'apprécie la personne que je deviens quand je suis avec toi, et... Ta lumière me permet d'avancer, tes sourires et ta bienveillance me donnent la vie, et si je pouvais j'en douterais, mais je ne suis pas capable de nier mon cœur, de rejeter le bonheur d'être près de toi, de refuser la vérité, de ne pas voir à quel point je t'aime, Amélie... Je t'aime. Je ne sais pas si je peux être à ta hauteur, je sais que je suis maladroite et incertaine, mais... Je t'aime. Et je ne peux m'empêcher d'espérer qu'un jour... »
Les yeux écarquillés de surprise et de bonheur, la blonde serra les doigts de sa partenaire contre les siens, effarée de sentiments. Son cœur battait à exploser, elle prit simplement la brune dans ses bras, dans une étreinte dont la force parlait pour elle, les mots s'échappant de ses lèvres dans un torrent qu'elle ne pouvait et ne voulait pas contrôler, son amour, ses craintes, son déni, son refus intellectuel, son besoin de créer pour Nathalie, son bonheur et ses joies inexplicables de juste la voir sourire, son excitation à chaque seconde de bonheur, son envie de grandir et d'être elle-même décelée grâce à son interlocutrice, tout ce qui avait remué son cœur et son esprit ces derniers mois sans qu'elle puisse le dire, et Nathalie la rassurait, et leurs mots et leurs larmes de vie et leurs gestes se mêlaient.
Leurs lèvres se trouvèrent finalement, leur permettant la certitude et la paix.
Elles s'aimaient.
Réellement.
Sans comprendre.
Et ce n'était pas grave.
Parce qu'ensemble, elles étaient heureuses.
Enfin.
************
7974 mots + Note de début.
Waw c'est long. Je savais que c'était long, remarque. Y a même certaines formulations que j'ai raccourcies, parce que sinon ça aurait juste été trop long. Je ne fais jamais ça, recouper ce que j'ai écrit.
J'ai eu du mal. Beaucoup de mal. En même temps... S'il vous plaît. Amélie a grand maximum une minute trente de temps d'écran sur toute la série, c'est pas exactement suffisant pour la connaître. Donc ça m'a pris quasi un mois à écrire. Donnez-moi du canon d'Amélie svp.
Mais c'est fait ! Et j'en suis contente.
Déjà je me suis éclatée, pouvoir passer de l'Anglais au Français sans problème c'est si fun. Vous avez dû le sentir dans ceux avec Zoé, d'ailleurs. Mon cerveau change de langue de manière complètement aléatoire, je passe du Français à l'Anglais et vice-versa en permanence (et quand je suis fatiguée ou très stressée, on rajoute de l'Italien basique). Là, j'ai le droit de le faire, parce que j'insiste sur le fait que Nathalie est une amie d'enfance des jumelles, et vu que, grâce à Félix, on sait que c'est Emilie qui est partie, qu'elles ont grandi en Angleterre... Je pouvais faire des dialogues bilingues. Le ✨bonheur ✨.
Je sais que le deuil d'Adrien est juste effleuré. Je sais. Et la relation avec Félix itou. J'y reviendrai, promis. Comment on l'accueille, comment il s'intègre à l'équipe, comment Adrien gère etc. Peut-être pas tout de suite (d'abord j'écris le spécial Noël, éventuellement le Nouvel An, et quand ils sont prêts je vois), mais ce sera fait.
Par ailleurs. Oui, je me rabats sur l'Aminath. Je n'abandonne pas le Gabenath pour autant. En univers canon, je suis bien obligé, il est mort. Mais je vais explorer le passé, les univers alternatifs, le Paris... Vous inquiétez pas, je ne vous abandonne pas totalement.
Grr j'peux plus faire des robes. J'crois que je vais apprendre à coudre à Nathalie, aussi. Vous savez à quel point je tiens aux tenues. Je trouve des parades pour la création interne, je trouverai...
Bref.
Ca vous a plu ? Mon impro sur Amélie vous paraît correcte ? C'était pas trop long ?
Dites-moi tout,
Bises,
Jeanne
(08/12/2023; 12h59)
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