Similitudes

Marc referma son stylo, préoccupé. Levant les yeux, il croisa les regards moqueurs de ses camarades, mais ça ne le blessait plus, maintenant. Il avait appris à leur sourire et à être fier de qui il était.

Sauf que c'était une chose d'assumer l'homosexualité pour laquelle il avait été harcelé, c'en était une autre de déclarer ses sentiments au garçon qu'il aimait. Surtout qu'il y avait quatre-vingt-dix-neuf pourcents de chance que ce ne soit pas réciproque, malgré les attentions du roux, ça ne voulait rien dire.

Il ferma les yeux. La cloche retentît, il les entendît sortir. Lui restait le soir, une heure après les cours, faisant ses devoirs à l'étude surveillée qui était proposée par le collège. Très peu le faisait, mais lui préférait rester ici que se confronter à ses parents. S'ils avaient plus ou moins accepté son coming-out, il y avait toujours une forme de malaise, malgré le temps.

La porte de la classe s'ouvrit, laissant entrer les autres élèves. Marc, ayant replongé les yeux sur son cahier, ne fit qu'entendre la personne qui s'installait à côté de lui.

« Marc ? Ça va ? »

Il ne répondit pas. Juleka baissa les yeux, marmonna un « désolée » à peine audible.

« Le sois pas, c'est pas ta faute si les autres sont idiots.

– Comment tu fais pour assumer malgré ça, murmura-t-elle.

– Ça m'a valu des coups... La sixième et la cinquième ont été un véritable enfer. Je les laissais frapper, parce que je considérais à demi qu'ils avaient peut-être raison, que j'étais un monstre... Mais j'ai commencé à traîner sur Internet, et j'ai vu que je n'étais pas le seul. Alors j'ai décidé d'assumer, d'en faire une fierté, de les défier, de leur montrer qu'ils ne me brisaient pas.

» Ils continuent d'être moqueurs, parfois, mais ils ont arrêté de me ridiculiser et me harceler ouvertement. Je les impressionne. »

Juleka hocha la tête. Cachée derrière ses longs cheveux bruns, la jeune fille était régulièrement impressionnée par la confiance en soi affichée par son ami quand il était en confiance.

Elle sortit ses cahiers, commençant ses devoirs en silence. Marc l'imita, mais il savait que la jeune fille avait besoin de parler.

Il fallait juste attendre qu'elle y soit prête.

Au bout d'un moment, après avoir fini des exercices de physique qui lui avaient paru étonnamment faciles, Juleka se tourna vers son ami.

« Comment tu l'as dit ?

– A mes parents, je l'ai un peu lâché sous le coup de la colère... Quand j'étais en primaire, j'avais déjà des sortes de coup de cœur, des garçons sur lesquels je flashais. Sauf que bien sûr, ça ne passait pas la barrière de mes lèvres. Tu sais comme l'amitié est genrée... Notre société est abrutie de telle manière que les garçons ne peuvent être qu'amis avec des garçons, par contre dès qu'il parle à une fille, c'est son amoureuse...

» Ça me passait complètement au-dessus de la tête, puisque pour moi, c'était l'inverse. Mais mes parents avaient le stéréotype intégré. Quand je leur parlais de mes amies, ils avaient des sourires en coin qui m'agaçaient prodigieusement. Et ça s'est encore accentué à la fin du CM2. J'en avais tellement assez, il fallait que je leur dise. J'ai retenu la frustration aussi longtemps que possible, en me disant qu'ils jugeraient, mais j'ai fini par craquer à un de leurs énièmes regards en coin, j'ai quasiment crié « Bon, ça suffit, maintenant, je suis pas amoureux des filles et je le serai jamais, j'en ai assez de vous sous-entendus idiots ! J'aime les garçons, c'est tout. »

– Aïe... Ils l'ont pris comment ?

– Assez mal au début. Ils ne m'ont plus vraiment parlé jusqu'à la rentrée, où j'ai fait la bêtise de le mentionner dans ma présentation. Mes parents ont vu que je n'allais pas bien, ils se sont occupés de moi, ils m'ont aidé à ne pas couler sous les coups des autres.

» Tu comptes le dire à ta famille, toi ?

– Je suis certaine que Maman accepterait, et mon père... Bon, on se parle pas vraiment beaucoup mais il est pas le genre à qui ça poserait problème. Quant à Luka... Je crois qu'il est déjà plus ou moins au courant, il me connaît mieux que n'importe qui. Mais j'ai peur de leur dire...

– N'aie pas peur, Ju', déclara-t-il en lui prenant la main, n'aie pas peur je suis là. Je suis là, et je suis ton ami, d'accord ?

– Oui ! Je sais que tu peux me soutenir. T'es en or, Marc, laisse jamais personne dire le contraire !

– Vu comme tu arrives à parler avec moi, je veux bien te croire. Mais je crois qu'on devrait leur dire.

– A Nathaniel et Rose ? Tu crois... Tu ne crois pas qu'on risque de tout casser en faisant ça ? Imagine s'ils...

– Toi avec Rose, tu risques pas grand-chose, j'en suis certain ! J'ai vraiment l'impression que ton amour est réciproque, mais qu'elle ne l'accepte pas, pour la même raison que toi, crois-moi !

– Et toi et Nathaniel ? Tu n'as pas peur ?

– Si. Bien sûr que si j'ai peur. Nathaniel n'est pas seulement le garçon que j'aime, c'est mon meilleur ami. Mais... Je ne veux pas avoir peur toujours. Je ne veux pas me poser des questions pour le restant de mes jours. J'ai besoin de savoir sa réponse.

– Tu sais, j'y arriverai pas toute seule. J'ai besoin de toi.

– Je ne pense pas que je pourrai être réellement avec toi. Mais si tu veux... On peut le faire en même temps. Ça sera comme si on était ensemble, à se soutenir, à s'encourager.

– Je veux bien. Je... Comment on fait ?

– Juleka, Marc, en silence, on travaille s'il vous plaît ! »

Les deux adolescents échangèrent un regard qui signifiait clairement que le prof qui surveillait l'étude les embêtait prodigieusement.

Pour ne pas se faire gronder plus que ça, ils décidèrent de continuer leur conversation par écrit. Juleka sortit une feuille, et griffonna dessus « demain ? »

Marc secoua la tête, répondit que le surlendemain, le samedi, c'était mieux, comme ça il y avait le week-end entier... Pour profiter.

Ou se remettre, rétorqua Juleka par écrit.

Marc dessina un smiley qui soupirait, réécrivant ce qu'il lui avait dit. Elle ne risquait rien du tout, et dans le pire des cas, Rose était sans doute la personne la plus compréhensive de ce collège, elle n'allait pas mettre fin à leur amitié pour ça, il fallait que Juleka se détende.

La brune haussa les épaules, puis recommença à réfléchir à une tentative de plan.

************

Le samedi suivant, treize heures, pont Mirabeau.

Juleka regardait la Seine qui coulait sous le pont. Elle avait donné rendez-vous à Rose ici. Elle savait que, plus haut sur le fleuve, sur le Pont des Arts, Marc attendait Nathaniel de la même manière.

Soudain, elle sentit quelqu'un lui tapoter l'épaule. Elle sursauta violemment mais, en croisant le regard de son amie, elle laissa échapper un sourire.

« Salut Rose, ça va, marmonna-t-elle.

– Oui, merci ! Et toi, ça va ? Pourquoi tu m'as demandé de venir ici ? C'est pas vraiment notre coin...

– C'est à cause du poème.

– Celui d'Apollinaire ?

– Oui... Tu sais que ça fait partie de mes poèmes préférés...

– Sous le pont Mirabeau, coule la Seine, et nos amours... Faut-il qu'il m'en souvienne, la joie venait toujours après la peine, récita la blonde.

– Vienne la nuit, sonne l'heure, les jours s'en vont, je demeure...

» Rose, on sera toujours amies, quoi qu'il arrive, hein ?

– Bien sûr, Juleka ! Quoi qu'il arrive, quoi que tu fasses, je ne t'abandonnerai jamais. Même si tu tuais quelqu'un, je resterais là, je t'aiderais.

– T'es flippante parfois, marmonna la brune indistinctement.

– Toi aussi, parfois, tu fais peur, murmura la blonde, mais c'est pas une mauvaise chose.

– Il faut que je t'avoue quelque chose. »

Juleka avait les yeux perdus dans le vague. Par réflexe, elle avait pris la main de Rose, la serrait doucement.

La plus petite caressait la paume de son amie, la sentant tendue, inquiète. Elle venait de remarquer que Juleka ne portait pas ses mitaines noires , et elle savait que, dans les habitudes de son amie, ça voulait dire qu'elle avait peur, peur de faire une bêtise.

« Détends-toi, Ju', ça va aller. Je ne t'abandonnerai jamais, je te le dis encore. Tu ne peux pas nous casser.

– Tu es sûre ?

– Certaine. Juleka Couffaine, tu es la personne la plus précieuse de l'univers pour moi, j'ai une chance immense de te connaître, je ne vais pas te lâcher !

– J'ai peur, marmonna son interlocutrice.

– N'aie pas peur. Tu n'as pas besoin d'avoir peur de moi, Ju'.

– Je... Je suis amoureuse de toi, Rose, mais j'ai peur de tout casser, déclara-t-elle dans un marmonnement incompréhensible pour qui que ce soit d'autre que Rose.

– C'est vrai ? »

Rose regardait son amie avec des étoiles dans ses yeux écarquillés de surprise, son sourire ne mentait pas sur le bonheur qu'elle ressentait à cette déclaration.

Juleka hocha la tête, murmurant qu'elle ne pouvait pas mentir sur un sujet pareil.

Rose serra son amie dans ses bras, tendrement, murmurant qu'elle l'aimait aussi, qu'elle était profondément heureuse, que tout allait bien, maintenant.

************

Même moment, pont des Arts.

Marc était assis sur un banc, non loin du pont où il avait donné rendez-vous à Nathaniel. Penché sur son carnet, il griffonnait des idées pour le scénario de leur bande dessinée.

Il sentit plus qu'il n'entendit ou ne vît son partenaire s'asseoir à côté de lui.

« Bonjour Nath, s'exclama-t-il en se tournant vers son ami, refermant son carnet d'un geste, comment vas-tu ?

– Ça va. En fait, tu sais, tu n'as pas besoin de poser la question... Quand je suis avec toi, je vais bien.

– C'est gentil... C'est surprenant aussi... Je ne sais pas, tout... C'est comme une blague dans ta voix...

– Tu m'as réappris à rire comme un enfant, répondit le roux en haussant les épaules, c'est un truc que l'on m'avait volé. Tu as beau être timide, caché, discret, tu sais mettre les gens en confiance. Mais là... Aujourd'hui, tu as peur. Je peux demander pourquoi ?

– Bien sûr, tu peux demander... Mais... Je ne suis pas sûr de réussir à répondre.

– Viens, on va marcher. J'ai remarqué que tu arrives mieux à rassembler tes idées quand tu es en mouvement.

– Tu sais que t'es fantastique, demanda Marc en se levant et commençant à marcher.

– Juste attentif, répondit Nathaniel avec un sourire, en le suivant.

– Oh, non, pas que ça. Tu es attentif, attentionné, gentil, drôle, rassurant, ouvert d'esprit. Un ami en or. Sans toi, je serais encore complètement perdu dans ma vie.

– Je suis sûr que tu aurais réussi à t'en sortir.

– Peut-être. N'empêche. Je suis chanceux de t'avoir.

– Tu sais que tu peux me dire n'importe quoi, je resterai avec toi quoiqu'il arrive, tu le sais, n'est-ce pas ?

– Je le sais... Avec ma tête. Parfois, mon cœur doute... Je suis un inquiet, Nath. Tout le temps.

– C'est pas grave, Marc, t'es comme ça. Change pas, t'es parfait. Je t'aime comme tu es. Et ça, tu ne peux pas en douter, je te l'interdis. »

Marc s'arrêta brutalement de marcher. Est-ce qu'il avait vraiment entendu ce qu'il avait entendu ? Il se tourna vers Nathaniel, la question brûlant dans ses yeux.

Le roux lui prit les mains, doucement, et, le regardant droit dans les yeux, hocha la tête.

« Oui, Marc, tu m'as bien entendu. Je t'aime. D'amour. Pas juste comme un ami. Je t'aime vraiment. Je ne sais pas si j'ai la moindre chance, mais il fallait bien que je te le dise un jour...

– Tu as plus que la moindre chance, murmura le brun, bien plus que ça, Nath. Je t'aime, moi aussi, et tout à l'heure, j'avais peur de le dire et que ça gâche... »

Il ne put finir sa phrase. Nathaniel l'avait pris dans ses bras, le serrait contre lui tendrement, le noyant de surprise et de bonheur.

Quand il le lâcha, au bout d'une magnifique minute, Marc posa une question du regard, et Nathaniel hocha la tête. Alors, doucement, Marc s'approcha, et réunît leurs lèvres avec tendresse et bonheur, laissant l'amour libéré couler en eux pour les renforcer.

************

2050 Mots.

(Même si Watty dit 2028, moi j'écoute mon équivalent de Word. Ils comptent pas pareil...🤷🏻‍♀️)

Bref. Re une idée de @SachaBlanc1 , la suite c'est bosser les musicaux proposés par @neobius (y en a tellement que je vais faire un recueil spécial, je le sens...)

Conscience : et Imagine Dragons ? Tu devais pas en écrire ?

Moi : ...

Si. Mais... Flemme. En fait, j'ai un plan chronologique, et là j'en ai 4/5 qui s'annoncent pas ultra fun.

Bref, on verra ça plus tard. Et y a le chap 13 des Héritiers à faire.

Inspi : nop.

Conscience : l'inspi préfère ton histoire originale...

Moi : ouais je sais, elle a écrit quatre chaps en dix jours, mais après elle m'a lâchée. Mais j'ai dit : la suite, c'est les OS de @neobius .

Sinon, je suis contente de cet OS-là. Bon, le titre est vraiment pas terrible, mais j'ai pas d'autres idées (fin si, j'avais nommé le doc "Chassé-croisé", mais ça colle pas.)

J'aime bien l'idée de mettre Ju et Marc amis. On sait que Marc a relativement des interactions avec la classe de Marinette, il est régulièrement là dans les réu quand y a tout le monde. Du coup, je me dis, il doit bien être pote avec les autres...

J'aime trop le Roseka, elles sont trop choupis. Et j'ai bien précisé que personne d'autre que Rose ne comprend la déclaration de Juleka. D'ailleurs, je crois que Rose est télépathe, c'est pas possible autrement.

Sinon, le Marcaniel... Bon, je m'y suis reprise à deux fois, la première version n'avait clairement aucun sens, et finissait en impasse. Mais j'aime beaucoup l'idée que ce soit Nath qui se déclare en premier, alors que c'est Marc qui a planifié le rendez-vous.

Je crois que j'ai tout dit, à vous la parole, qu'en avez-vous pensé ? C'était bien ? Dites-moi tout !

Bises,

Jeanne.

(21/01/2022, 00h20)

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