S'apprendre

 Marianne poussa un soupir. La vie avait pris un très étrange tournant depuis un mois. Depuis que Wang avait renoncé à la boîte-mère des Miraculous. Ladybug, ou Marinette Dupain-Cheng, le lui avait confié, estimant qu'elle était la personne la plus à même de trouver les solutions. Ce qui n'était pas totalement faux.

Elle avait raconté en partie leur enfance, leur amitié, l'effondrement du temple et leur fuite, sans mention des Miraculous. Elle lui avait rendu une partie de ses souvenirs, imputant l'amnésie à un accident de pédalo. Elle mentait tous les jours, en partie, et c'était compliqué, et lourd. Mais elle ne pouvait pas faire autrement.

Alors elle se levait tôt le matin, écrivait comme un roman ce qu'elle connaissait de la magie, créait un monde parallèle qui respectait les règles qu'elle avait apprises, laissait les indices à ceux qui savaient, évacuait tout ce qu'elle ne pouvait pas révéler. Depuis toujours, elle avait eu besoin de trouver un moyen de se sortir ses pensées de la tête. Au grand dam des gardiens du Temple qui les formaient, elle avait beaucoup de mal à s'empêcher de tout dire à ses camarades.

En grandissant, elle s'était tue, séparée de son meilleur ami, exilée dans une ville étrangère, devant tout réapprendre. Ses pensées étaient passées de sa bouche à sa main, elle écrivait. Dans les temps de paix, en grandissant, en devenant elle-même, la folie d'expression s'était apaisée. Mais depuis que les Miraculous avait fait leur réapparition à Paris, elle avait replongé. Sa solitude et son inquiétude avaient ressurgi sous la forme d'un journal qui racontait tout, qu'elle cachait précautionneusement.

Depuis le retour de son ami, ses pensées débordaient mais de manière bien plus organisée que d'habitude. Entre sa propre akumatisation et la perte de mémoire, ils avaient recréé une relation bien plus solide et complète que celle de leur adolescence. Une relation qui avait transformé l'amitié autrefois qu'elle éprouvait en un amour bizarre, amour qu'elle cherchait à retransmettre dans la manière dont elle s'occupait de lui à présent. Malgré le trou de ses souvenirs, il était resté le même, curieux et prudent, sage mais enthousiaste, passionné, mélancolique, patient et rapide.

Si elle écrivait, lui peignait des paysages fantastiques, la beauté cachée de Londres, une magie qu'il ressentait partout, d'un simple repas la table dressée devenait un banquet sous ses pinceaux. Et quelque part, au fond d'elle, Marianne regrettait l'existence des Miraculous qui l'avait empêché de montrer ses talents plus tôt.

« Marianne ? Tout va bien ?

— Oui, Wang, merci, répondit-elle en se tournant vers lui, je réfléchissais sur notre enfance. Et toi ? Tu as bien dormi ?

— Oui... Mais j'ai fait un rêve bizarre...

— Ah oui ?

— Oui... Tu sais, les héros à Paris ? Nous les voyons tout le temps à la télévision. Cette nuit, j'ai rêvé que je les connaissais, et que je pouvais devenir un super-héros, moi aussi, grâce à une espèce de créature magique très mignonne, qui ressemblait un peu à une tortue miniature...

» Marianne ? Tout va bien ? J'ai dit quelque chose de mal ?

— Non, ne t'inquiètes pas, s'exclama-t-elle en secouant la tête pour chasser la pensée qui l'avait figée un instant, j'ai simplement été surprise par l'étrangeté de ce rêve ! Tu as bien plus d'imagination que tu ne le laisses paraître pour inventer des histoires pareilles !

— Eh bien mon inconscient est un original, répondit-il en haussant les épaules, mais j'ai toujours moins d'imagination que la grande auteure qui me fait l'honneur de s'occuper de moi. »

Marianne rît en réponse au sourire ironique de son ami, puis déclara qu'il devait prendre son petit-déjeuner, elle avait prévu une longue escapade-surprise dans la journée.

Le rêve raconté par Wang l'inquiétait. Il ne devrait pas avoir de telles réminiscences, même s'il les jugeait absurde. Elle termina de siroter son thé, le regard perdu dans le vide, répondant à-demi aux questions que son partenaire lui posait en essayant de deviner où elle comptait l'emmener.

Quand il eût terminé de se préparer, elle lui sourît et le prît par la main pour le guider dans la ville.

Depuis son arrivée, ils avaient exploré les parcs et quelques musées, parcouru les rues. Un samedi, ils étaient même montés dans la tour de BigBen. Et, depuis tout ce temps, il avait exprimé un seul désir de visite, une curiosité, qu'elle comprenait mais à laquelle elle avait eu besoin de temps pour céder.

Le London Eye.

La vieille dame avait longuement hésité, un souvenir de collège gravé au fer rouge dans son esprit, l'accident de la grande roue, elle avait été forcée de monter avec deux élèves qui la haïssaient pour ses notes, les sept minutes les plus longues de sa vie, dont les conséquences sur son poignet et ses biceps avaient mis bien longtemps à s'effacer, et depuis ce jour, monter, ou même approcher de ces machines provoquait des bouffées d'inquiétude, des larmes montaient à ses yeux, et elle se figeait sur place, incapable de bouger. Avec le temps, l'horreur s'était peu à peu apaisée, les symptômes se faisant moins sensibles, mais elle rechignait toujours.

Par l'amour qu'elle portait à Wang, elle avait décidé de se battre. Tout allait bien se passer, il n'y avait pas de risque.

Bientôt, les deux amoureux qui se niaient encore arrivèrent devant la grande roue. Un nuage d'inquiétude assombrit les yeux de Marianne, et ses mains commencèrent à trembler. Wang lui posa la main sur l'épaule, doucement, et l'entraîna vers la queue. Pendant le trajet, elle lui avait expliqué. Il lui avait simplement serré la main, sans répondre, mais elle avait deviné tout son soutien. Maintenant qu'ils attendaient devant le monument, il lui murmura doucement :

« Tout ira bien, Mariané, je suis là. Il ne t'arrivera rien, je te protège.

— Merci, Wang... Tu sais, de n'importe qui d'autre... Je ne suis pas sûre que je l'aurais cru... Je...

— Je sais, sourît-il en replaçant une mèche grise dans le chignon de sa partenaire.

» Je ne m'en rappelle pas, mais je sais que nous avons traversé le pire ensemble, et ça nous lie forcément, à un niveau qu'on ne peut pas comprendre.

» Tu viens, lança-t-il alors que leurs billets avaient été scannés.

— Oui. »

Ils grimpèrent dans la nacelle, miraculeusement seuls, se blottissant contre la fenêtre.

Toute la ville était envahie d'une brume obscure, qui ne se dissipait qu'alentour du troisième étage. Mais, en montant au fil des mètres, les rayons fantômatiquement orangés perçant les nuages délicatement. Et quand ils la dépassèrent, la lumière éclata magiquement, comme un feu d'artifice, comme un lever de soleil tardif, les noyant de rose, d'or, de pourpre et mauve, éclairage fantastique digne d'un conte.

Ils en restèrent tout deux bouches bées, effarés par la magnificence du ciel, émerveillés par la magie des bâtiments émergeant de la brume, fascinés par la lueur qui les entourait. Leurs deux cœurs se serrèrent puis s'épanouirent pleinement, leur donnant l'impression de respirer pour la première fois de leurs vies.

Wang et Marianne vivaient ensemble depuis un mois. Mais leurs cœurs n'avaient jamais pu trouver la force de s'exprimer. Mais dans ce matin qui les subjuguait, ils se faisaient enfin face. Et sans s'en rendre compte, ils comprenaient et écoutaient enfin les sentiments qu'ils avaient oubliés pendant une centaine d'années.

Et, dans cette lumière de rêve, ils se trouvaient enfin, et réveillaient les rêves d'adolescence. La main de Wang s'égara sur la joue de Marianne dont le regard s'était perdu sur les lèvres de son colocataire. Rien n'était prémédité, tout était presque inconscient. Leurs bouches s'effleurèrent sans qu'ils le réalisent, revinrent timidement l'une à l'autre plusieurs fois, avant de s'affirmer, de se sceller, de se promettre l'éternité, à bout de pensées, dépassant l'imaginaire, vivant jusqu'à être à bout de souffle.

Quand ils s'éloignèrent, d'à peine un centimètre, ils sentaient le cœur de l'autre battre dans leur propre poitrine. Si longtemps, leurs âmes avaient été déchirées. Mais, dans le murmure d'une déclaration simultanée, ils réalisaient enfin qu'ils ne pouvaient pas se séparer. Ils étaient eux, ils étaient faits l'un pour l'autre, l'un avec l'autre. Écrits de la même plume, peints du même pigment.

Oui, c'est possible.

 ************

 1352 Mots.

 Oh mais qu'est-ce que c'est que ça ?! Un OS narratif ?! Whaouh, ça faisait longtemps dites-moi...

 Et sur un ship que je n'aurais probablement jamais traité sans @Sarah3400, c'est une suggestion de sa part (avant que je commence les Midnights, elle a demandé si je pouvais pas faire des narratifs, j'ai répondu que j'étais complètement à sec et elle m'a proposé d'écrire sur eux). Merci encore.

 Oui, ça a été hautement compliqué.

 Mais je crois que j'ai le meilleur baiser du recueil. Honnêtement, si j'arrive à dépasser ça, je suis forte. Le seul truc, c'est que je les ai nommés. Je préfère ne pas nommer dans les baisers, je sais pas si vous avez remarqué, mais c'est parce que ça permet, je crois, de mieux partager les sentiments.

Bref.

 Qu'en avez-vous pensé ? C'était bien ? Vous trouvez ça plausible ?

 Dites-moi tout,

 Bises,

 Jeanne

 PS: promis le prochain est aussi un narratif

 (04/12/2022)


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