Résurrection
Emilie regardait autour d'elle. Elle savait où elle était, dans un des multiples souterrains du manoir. Les papillons stylisés sur les fenêtres ne trompaient pas.
Elle fronça les sourcils en apercevant le cercueil derrière elle. La longue passerelle menant à un ascenseur, les jardinières bien entretenues, les quelques papillons blancs voletant autour d'elle, tout lui indiquait que son mari venait ici assez souvent.
Il était au pied de l'ascenseur, d'ailleurs. Nimbé d'une lumière sombre, d'où jaillissaient parfois des rayons d'or, il semblait en transe.
Posant le regard sur le sol, elle aperçut un corps. Immobile, replié sur lui-même. Manifestement un cadavre.
Émilie déglutît difficilement. Ce corps-là lui semblait familier.
C'est la contrepartie. Pitié, pitié, s'il vous plaît, faites que ce ne soit pas elle. Tout mais pas ça !
Elle s'approcha. Si. Elle retint difficilement les sanglots qui montaient dans sa gorge.
Elle s'agenouilla, chassant une mèche du visage de sa meilleure amie. Son amie, sa confidente, celle qui la relevait dans les moments difficiles. Morte pour elle.
« Nathalie ? Nathalie, je t'en prie...Nath'...S'il te plaît...Gabriel ! Gabriel tu n'avais pas le droit de faire ça ! »
Elle sentît les larmes envahir ses yeux, mais elles ne l'empêchèrent pas de voir que Nathalie serrait un papier dans sa main. S'escrimant contre la raideur de la mort, elle parvînt à le récupérer.
Et, alors que les premières larmes roulaient sur ses joues, elle commença la lecture.
Émilie,
Il a réussi.
Je sais que j'y perdrai la vie, d'une manière ou d'une autre.
Ne lui en veux pas. Tu lui avais demandé de ne pas te rejoindre.
C'est le seul moyen qu'il a trouvé. Que ce soit toi qui le rejoignes.
Quand tu liras ce mot, je serai morte, sans doute. C'est seulement ce que je mérite.
Je n'ai pas su l'empêcher de sombrer comme tu me l'avais demandé, j'ai plongé en enfer avec lui.
Lis jusqu'au bout.
J'ai une faute à me faire pardonner. Une, à l'origine de toutes les autres. Je l'aime.
J'espère que tu ne m'en voudras pas. Je te le laisse entièrement, puisque pour ta vie je me suis condamnée à partir.
« Nathalie, chuchota Émilie, arrête de t'excuser, arrête un peu. Comment pourrais-je t'en vouloir pour ça, idiote ? Je n'ai pas à être là alors que tu es morte. Ça doit être l'inverse... »
Je suppose que tu vas demander, en te réveillant, ce qu'Adrien en pense.
Je reconnais que nous ne lui avons pas demandé. Je suis certaine qu'il serait très heureux de retrouver sa mère, même s'il n'y croirait pas tout de suite.
Effectivement, elle s'était posé la question. Mais ce début de réponse l'étonnait. Il ne pouvait pas n'y avoir que ça, ou Nathalie n'aurait pas pris toutes ces précautions.
Mais...Eh bien, c'était Chat Noir. Gabriel a été extrêmement atteint en l'apprenant, il s'en ai beaucoup voulu. Mais il n'a pas entièrement craqué, il n'a pas tout abandonné. Ça n'a pas été pour rien.
Ici, je t'avertis. Même si Adrien éprouvera du bonheur à te revoir, il sera sans doute extrêmement en colère. N'essaie pas de le calmer. Il pardonnera avec le temps.
Voilà. C'était ça. Deux des êtres les plus chers à ses yeux s'étaient affrontés pendant elle ne savait combien de temps, dans un combat contre-nature, à se battre pour un résultat qui n'aurait déplu à aucun des deux...Et avait coûté la vie du troisième être à avoir de l'importance pour elle.
À la prochaine fois, peut-être,
Ton amie (malheureusement traîtresse) Nathalie.
En lisant la signature, Émilie eût un sanglot convulsif. C'était impossible, impossible, c'était injuste que Nathalie soit morte et elle en vie, alors que, de toute sa vie, Nathalie n'avait fait que se battre pour mettre les autres en lumière.
Et elle se considérait comme une traîtresse...Pour un sentiment ? Pour quelque chose d'incontrôlable, d'involontaire, qu'elle avait sacrifié tout autant que sa vie?
C'est intolérable ! Je ne peux pas vivre ! C'est pas l'ordre des choses ! Pas à sa place. Elle peut le sauver, je n'ai rien à faire ici.
Émilie se releva. Elle regarda Gabriel, toujours en transe. D'un air décidé, elle se dirigea vers lui.
Elle remarqua tout de suite la broche du Papillon, inactive, sur sa poitrine. Elle leva les yeux au ciel avec un soupir. Gabriel était complètement fou, voire suicidaire. Porter plus d'un Miraculous donnait beaucoup trop de pouvoir.
Et plus on avait de pouvoir, plus on risquait son intégrité, plus on devait avoir de responsabilités. C'était les règles basiques de toute magie, et Émilie, bien que les ayant comprises immédiatement, en avait fait les frais.
Elle arracha la broche à Gabriel, et la déposa sur son tailleur. Immédiatement, Nooroo en jaillît.
« Nooroo. Qu'a-t-il dit, exactement ?
— Dame Émilie ? Que voulez-vous faire ?
— Rétablir la justice. Nathalie a donné sa vie pour moi, alors qu'elle était amoureuse de Gabriel.
» Je ne peux pas l'accepter. Mon mari joue avec des forces qui le dépassent et dont je comprends à peine le mécanisme. Il faut que je corrige ses erreurs.
» Quels étaient ses mots quand il m'a ramenée ?
— Maître Gabriel a demandé à ce que vous reveniez pour qu'Adrien ait à nouveau une mère et que lui-même retrouve le bonheur.
— Les mots exacts, Nooroo.
— « Je souhaite qu'Émilie Agreste née Graham de Vanily revienne à la vie dès à présent, que je retrouve grâce à elle le bonheur et que notre fils Adrien puisse avoir de nouveau une mère qui prenne soin de lui. », récita le kwami.
— Tout va bien, il n'y a rien que je ne puisse réparer. Puisque Nathalie peut remplir ces rôles. Est-ce que tu pourras expliquer à Gabriel pourquoi je fais cela ?
— Oui, Dame Émilie. Mais il n'écoutera que peu, je crois.
— Ne t'inquiètes pas. Nooroo, je renonce à toi. »
Alors que le kwami était aspiré par la broche qu'elle mît immédiatement dans sa poche, Émilie saisît les mains de Gabriel et l'entraîna à l'autre bout de la pièce, près du cercueil.
Elle le fît asseoir, tout en s'inquiétant vaguement qu'il soit toujours dans sa transe.
Elle récupéra la lettre de Nathalie, trouva un stylo à bille dans sa poche, et commença à écrire une « réponse ».
Nathalie, Gabriel,
Je me doute que ce que je suis en train de faire va être mal accueilli.
Mais je ne peux pas laisser les choses dans l'état où elles sont.
Nathalie, tu me dis que tu en serais morte de toute façon. Mais une personne ainsi prête à se sacrifier, à sacrifier sa vie, à sacrifier ses sentiments, mérite une vie heureuse.
Bien plus que moi. Que je vive irait contre la nature, contre la magie, contre les règles instituées. Et contre toute forme de justice.
Gabriel, tu as fait ça pour tenir ta promesse de me survivre, d'après Nathalie. Je veux bien la croire. Mais si tu as tenu jusqu'à présent, c'est que tu n'as plus besoin de moi. N'essaye pas de me ramener encore. Il y a autour de toi des personnes qui ont besoin de toi. Ne les abandonne pas.
Adrien serait sans doute heureux de me revoir, d'avoir à nouveau sa mère, mais il a avant tout besoin de son père. Il a besoin que tu t'occupes de lui. Même si tu l'as laissé sortir et aller au collège. (C'est une déduction. Il aurait découvert rapidement ton secret s'il avait dû rester ici toute la journée tous les jours)
Nathalie aussi a besoin de toi. Je suis sûre qu'elle va s'écrier que ce n'est pas vrai, et vouloir t'empêcher de faire ce que je te recommande. Ça lui ressemblerait. Mais ne l'écoute pas. Lis la lettre qu'elle m'a écrite, tu comprendras.
Maintenant, je vais redonner son équilibre au monde, et retourner à la mort, à laquelle je n'aurais jamais dû être arrachée.
Émilie.
PS : je garde les Miraculous du Chat Noir et de la Coccinelle, je confie celui du Papillon à Nathalie.
Elle déposa la lettre au pied du cercueil, récupéra la broche du Papillon, la déposa dans la poche de Nathalie et ôta le Miraculous du Chat Noir de la main de Gabriel.
Celui-ci reprît vaguement conscience suite à ça, mais Émilie posa un doigt sur ses lèvres, l'obligeant à se taire. Elle lui ôta les boucles d'oreilles de la coccinelle.
Et les mît. Tikki écarquilla les yeux en voyant qui était sa nouvelle porteuse. Dans un murmure, Émilie se transforma.
Elle retourna dans son cercueil, qu'elle ferma de l'intérieur. Elle enfila la bague de Chat Noir, et prononça la formule d'amalgame.
Puis elle murmura son vœu.
« Je souhaite effacer le vœu de Gabriel Agreste, que ses effets se dissipent et que Nathalie Sancœur soit sauvée. »
Elle ferma les yeux, étendit ses bras le long de son corps, et laissa une dernière pensée envahir son esprit tandis que la mort revenait vers elle.
Comme ça, je prends sa maladie sur moi.
Et tout s'arrangera.
************
Nathalie s'éveillât en sursaut. Immédiatement, elle sût qu'il s'était passé quelque chose d'étrange.
Elle se redressa, les souvenirs lui revenaient par vagues.
La victoire du Papillon, la révélation de l'identité de Chat Noir et Ladybug, la panique de Gabriel, la douceur dont elle avait fait preuve pour qu'il se pardonne, la détermination qu'il avait retrouvée, la lettre qu'elle avait écrite pour Émilie.
Gabriel amalgamant les deux Miraculous, prenant le pouvoir. Les mots qu'il avait prononcés. Le sacrifice de sa vie pour ramener Émilie, qui s'était présenté à Nathalie sous la forme d'une immense fatigue et d'une ombre envahissant son champ de vision.
Mais maintenant, elle était bien vivante, son cœur serré le lui indiquait. Émilie avait refusé de revenir, c'était évident.
Elle repéra la feuille posée au pied du cercueil, et sentît sa gorge se serrer. Une lettre d'adieu, comme celle qu'elle avait écrite.
Elle aperçut Gabriel, prostré près du cercueil, regardant Émilie avec désespoir.
Nathalie s'approcha de lui, sincèrement désolée qu'il doive revivre cela. La perdre à nouveau.
Il se tourna vers elle, les yeux emplis de détresse.
« Nathalie...Est-ce que vous avez une idée de ce qu'il s'est passé ?
— C'est ma faute, Monsieur. Émilie s'est manifestement réveillée, elle a pris les Miraculous. Elle n'a pas voulu rester, et je crains que ce ne soit ma faute.
— Et comment serait-ce possible ?
— Je savais qu'il y avait toutes les chances que je meure. Alors je lui avais écrit une lettre.
Elle l'a lue, et elle a même imité mon geste. Elle a répondu. Et je crois que ce que j'ai dit aurait pu...
— Je peux voir sa réponse ?
— Bien sûr. »
Gabriel saisît la lettre que Nathalie tendait.
Il annonça que la lettre leur était adressée à tous les deux, alors son amie devait lire avec lui.
La première phrase fut accueillie avec un sourire agacé. Elle savait bien que son mari lui en voudrait. Mais elle l'avait fait quand même.
En lisant les deux paragraphes qui lui étaient destinés, Nathalie sentît les larmes envahir ses yeux. Émilie était morte pour la sauver, pour elle. Parce qu'elle estimait que c'était plus juste.
On y passe notre temps, à se détruire pour l'autre. Mais je m'incline cette fois.
Gabriel avait continué la lecture. Le premier paragraphe à son attention le surprît. C'était comme si elle avait su combien de temps ils avaient lutté.
Il était surpris aussi de trouver les mots de sa femme parfaitement exacts. Il se rendait compte qu'il avait, à son insu, surmonté la mort d'Émilie.
Le paragraphe sur Adrien leur serra le cœur à tous les deux. Encore une fois, elle avait visé extraordinairement juste, ils le savaient tous les deux. Et Gabriel s'en voulût encore d'avoir miné la faible relation qu'il avait avec son fils.
« Nous corrigerons nos erreurs, Monsieur, nous y arriverons, je vous aiderai.
— Vous croyez vraiment que je pourrais réussir à reconstruire une relation avec Adrien, après ça ?
— Avec la volonté, vous pouvez tout réussir. Il faut juste que vous essayiez.
— Peut-être. Et à propos de vous, que veut-elle dire ? »
Nathalie regarda la phrase que Gabriel pointait du doigt.
Un sourire triste se dessina sur son visage. Elle était bloquée, et devrait lui dire de toute manière. Qu'il retourne la feuille ou qu'elle l'en empêche ne changerait rien.
Elle poussa un soupir.
« Elle veut me forcer à vous avouer que...
— Que ? Il ne faut pas que vous hésitiez, s'il vous plaît...
— C'est dur à dire. Dur à reconnaître. Et j'ai toujours peur que...Je ne sais pas très bien, mais j'ai peur.
— Vous préférez que je cherche dans la lettre que vous lui aviez écrite ?
— Non. Je vais le dire. Je...Je vous aime. »
Gabriel la regarda, refusant de comprendre vraiment. Elle l'aimait ? Mais comment était-ce possible ? Comment pouvait-elle l'aimer en ayant vu le monstre qu'il pouvait être ?
Et elle s'était sacrifiée pour lui, par amour. Elle avait pris le Miraculous brisé pour lui offrir un bonheur qui était son malheur, elle avait été dans le sacrifice jusqu'à agir contre elle-même.
« Émilie a raison, murmura-t-il, vous devriez avoir le droit d'être heureuse réellement.
— Ça n'est pas grave si je ne suis pas heureuse absolument. Le bonheur des autres me suffit, parce que j'ai appris que le mien est inaccessible. Tout ce que je demande, c'est pouvoir rester près de vous.
— Je ne mérite pas qu'un ange comme vous souffre pour le démon que je suis.
Je ne mérite pas d'amour.
— Mais vous avez le mien pour toujours, déclara-t-elle doucement, lui prenant les mains, je vous aime et si vous ne considérez pas avoir le mérite pour m'avoir, ça ne change rien.
» Vous m'appelez un ange, mais je suis seulement une humaine. Et vous êtes un humain aussi, pas un démon. Un démon ne doute pas, ne regrette pas, et ne s'en veut pas de blesser les gens.
» Et un démon ne pleure pas, ajouta-t-elle en essuyant une larme sur la joue de Gabriel.
— Comment en êtes-vous si sûre, murmura-t-il.
— On définit le démon comme le mal absolu. Je ne vois pas comment le mal absolu pourrait éprouver ces sentiments.
— Si vous le dites... »
Nathalie sourît à Gabriel, avec toute la confiance qu'elle lui accordait dans le regard.
« Vous devez avoir confiance en vos capacités. Vous pouvez devenir quelqu'un de vraiment bon. Vous pouvez corriger les erreurs que vous avez faites. Vous pouvez vous améliorer, encore et encore.
» On est sur Terre pour progresser, et devenir meilleur. Tant qu'on est pas mort, on en a encore la possibilité. Vous êtes vivant, non ?
— Grâce à vous. Et je le resterai. Tant que vous serez là pour me sauver, je vivrai.
Mais je vais avoir besoin de vous pour réapprendre à avoir une vie normale.
— Je suis là pour vous aider. Je suis là pour vous. Je vous aime. »
Il lui sourît. Et il prît conscience, en entendant sa déclaration, que son cœur le savait depuis bien longtemps.
Et que ce cœur n'avait pas attendu que la raison lui donne le feu vert pour recommencer à battre.
Gabriel se rendait compte qu'il n'avait plus le désir de ramener Émilie.
Qu'il n'en avait plus besoin. En écrivant les mots qu'elle lui destinait, Émilie avait réussi à lui ouvrir les yeux.
Il regarda Nathalie, qui commençait à s'inquiéter de son silence.
« Je vous aime aussi, Nathalie. Vous pouvez la remercier de m'avoir ouvert les yeux.
— Vous dites vrai ?
— Je ne me permettrais pas de vous mentir. On ne ment pas à son ange gardien.
— Arrêtez donc. Je vous ai dit que je ne suis pas un ange !
— Mais vous êtes la gardienne de mon âme et de mon cœur. Je vous aime. »
Elle laissa son sourire répondre, puisqu'elle ne trouvait pas les mots pour exprimer son bonheur.
Il se pencha vers elle et l'embrassa, pour la simple joie de la sentir heureuse.
Tout l'amour du monde s'échangea dans leur baiser, éclairant l'avenir.
Tout irait bien, puisqu'ils se l'affirmaient l'un à l'autre.
*************
2698 Mots.
Je l'ai commencé hier soir (22/03/2021), je l'ai fini après la publication de "Dominos".
En cinq heures, quoi. Bien...L'inspi a décidé qu'elle ne me lâcherait pas, je crois.
Je l'aime beaucoup cet OS. Vraiment.
Parce que, de ce qu'on peut deviner d'Emilie dans la série, on voit que c'est quelqu'un qui désapprouverait l'utilisation du Papillon.
Et aussi, je suis persuadée, mais alors persuadée que la contre-partie sera soit Nathalie soit Adrien, selon la formulation qu'emploiera Gabriel.
Ah aussi, pour le média, j'ai hésité entre celle que j'ai mise et celle-ci :
https://youtu.be/94PXKQ-EeP0
(😍😍😍😍)
Vous pensez quoi de l'OS ?
Et des chansons ? Elles vont bien ?
Bises,
Jeanne.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top