Ne me dévoilez pas

Gabriel et Nathalie travaillaient en silence, chacun de son côté, quand une idée traversa l'esprit du styliste.

« Nathalie ? Pourquoi n'avez-vous pas de masque ?

— Pardon ?

— Mayura. Tous les héros en portaient un, ou avaient au moins le visage couvert, Pégase étant dissimulé par son Miraculous. Le grand Gardien même en avait un. Mais vous n'en portez pas.

— Je ne sais pas. Je change de couleur de peau, alors ce n'est pas vraiment nécessaire que j'aie un masque.

— Certes, répondît-il avec un sourire, mais un masque eût été plus simple, non ? »

Elle haussa les épaules. Peut-être, mais à quoi cela servait-il de se poser des questions sans réponse ? Elle n'avait pas choisi son costume.

Gabriel acquiesça et fît mine de se replonger dans son travail. Nathalie, elle, ne pût s'y remettre. La question la taraudait vraiment. Au fond, c'était vrai que cette absence de masque était étrange.

Elle regarda en direction des deux kwamis, qui discutaient activement au-dessus de leur tête. Ils auraient probablement la réponse à sa question, ou au moins des pistes pour la trouver.

Mais pour l'instant, ils n'avaient pas l'air disposés à répondre.

« Tu crois qu'on devrait leur dire, murmura Nooroo.

— Elle nous en voudrait terriblement, répondît Duusu avec douceur, mais tu fais comme tu le sens.

— Ça ne sert à rien si on peut y échapper, alors.
Tu sais pourquoi elle n'a pas de masque ?

— Évidemment, c'est ma porteuse ! Et je sais pourquoi elle change de couleur de peau, aussi.

— Vraiment ? Et tu pourrais me le dire, Duusu ?

— Si vous voulez, répondît Duusu de mauvais gré, mais je suis sûre que vous le savez.
Nooroo a deviné, d'ailleurs, ça doit être évident pour vous.

— Donc j'ai juste. Mais je t'ai déjà dit de ne pas lire mes pensées.

— Apprends à te protéger.

— Toujours aussi prête à maîtriser tes pouvoirs, je vois...

— Calmez-vous, vous deux, intervînt Gabriel d'une voix dure. Nooroo, de quoi parlais-tu tout à l'heure ?

— Vous n'allez pas apprécier, Maître.

— Dis toujours.

— Les costumes magiques sont issus de l'imagination de celui qui les porte. Si vous vous posez des questions sur les costumes, il faut chercher les réponses en vous.

— Mais vous avez des théories, questionna Nathalie.

— On cherche toujours, répondît Duusu, c'est un peu un moyen de savoir à qui on obéit.

— Pourquoi est-ce que je change de couleur de peau ?

— Nous sommes vraiment obligés de répondre, marmotta Nooroo.

— S'il vous plaît.

— Nooroo, je te laisse l'honneur. J'expliquerai le masque.

— D'accord, soupira le kwami du papillon, d'accord. C'est pour la même raison que celle pour laquelle il n'y a besoin de rien pour vous akumatiser en Catalyste. La détermination n'est pas une émotion négative.

— Que veux-tu dire, Nooroo, s'étonna Gabriel.

— Que si je pouvais être quelqu'un d'autre, j'accepterais volontiers, répondît Nathalie, si je pouvais faire autre... »

Elle se tût brutalement. Elle ne pouvait pas dire des choses pareilles, enfin ! Le mal-être permanent était suffisamment dur à vivre, pas besoin d'en rajouter en l'explicitant. Et surtout pas avec lui.

Elle entendît Duusu soupirer. Gabriel s'approcha d'elle, et l'obligea à croiser son regard, la regardant dans les yeux.

« Qu'y a-t-il, Nathalie ? Pourquoi n'avez-vous pas fini votre phrase ?

— C'est le retour du masque répondit Duusu alors que le silence s'éternisait, elle refuse de le retirer devant vous.

— Je ne peux pas !

— Et pourquoi pas ? Le silence ne fait aucun bien, je vous assure.

— Tu as déjà essayé ?

— Pendant près de deux millénaires. Mais vous n'avez pas le temps d'attendre autant.

— Mais de quoi elles parlent, demanda Gabriel à son kwami.

— Duusu est en train d'essayer d'arracher à Dame Nathalie les masques qu'elle porte. Mais je ne suis pas persuadé que ce soit possible.

— Et pourquoi Duusu a-t-elle parlé de son expérience ?

— Me permettez-vous de ne pas répondre ? Si elle réussit, vous comprendrez aisément.

— C'est d'accord, répondît Gabriel, curieux des résultats qui ressortiraient. »

Nathalie soupira. Elle ne craquerait pas, c'était hors de question. Elle ne pouvait pas se livrer ainsi. Elle en souffrirait plus encore qu'elle ne souffrait déjà, parce qu'il était impensable qu'il ne la repousse pas.

Gabriel la regardait avec une sorte de perplexité, mêlée de curiosité et de crainte. Il craignait que ce qu'il devinait sous le « masque » de son amie ne soit réel. Il inspira profondément et décida de lui poser la question directement.

« Nathalie, vous savez que vous pouvez me faire confiance ?

— Bien sûr, Monsieur. Mais je ne peux pas faire ce que vous me demandez.

— Que craignez-vous ? Je ne vous ferai pas de mal, je vous le promets.

— Trop tard, lâcha-t-elle à mi-voix, mais vous n'y pouvez rien.

— Je suis désolé.
Je ne veux pas vous blesser.

» Est-ce que vous demander pourquoi la peau de Mayura est bleue vous blesse ?

— La question en elle-même n'est pas blessante, et ne fait aucun mal.

» Mais la réponse fait mal. La réponse, c'est que je suis mal dans ma peau, très mal. Je voudrais pouvoir être quelqu'un d'autre, ailleurs, autrement, mais je n'ose même pas me dire qu'il est possible d'essayer.

» Et c'est lié à l'absence de masque de Mayura. Je n'assume pas qui je suis, ce que je pense et ce que j'éprouve. Je me cache en permanence dans des attitudes qui ne sont pas les miennes. Mais, en tant que Mayura, j'arrive à les accepter, à m'accepter...

— Vous ne vous cachez pas toujours, parfois vous êtes vous-même...

— Rarement.

— Certes, et c'est dommage je trouve. Pourquoi faites-vous cela ? Pourquoi vous cachez-vous ?

— Je ne peux pas vous le dire...

— Vous ne voulez pas, corrigea-t-il en s'approchant d'elle et en l'obligeant à le regarder, vous ne voulez pas et vous posez cette volonté en incapacité.

» Regardez-moi dans les yeux et dites-moi la raison de ce refus.

— S'il vous plaît, laissez-moi me taire, murmura-t-elle d'une voix suppliante, je vous en prie ne m'obligez pas à parler. »

Gabriel lui prît la main doucement, et la serra. Il adressa un sourire rassurant à son amie. Elle n'avait rien à craindre de lui, il le lui promettait.

Nathalie secoua la tête, s'éloigna et recomposa sa façade de marbre, dissipée un instant.

Son regard se fît dur, et son attitude toute entière envoyait des ondes de refus, de rejet.

« Ne cherchez pas à me faire céder, vous n'y arriverez pas. Je refuse de vous laisser abattre mes défenses.

— Mais arrêtez donc de croire que vous avez besoin de détester tout le monde, s'exclama Duusu exaspérée, vraiment !
Ça ne va pas provoquer de cataclysme de faire confiance.

— Je ne crois pas devoir détester tout le monde, simplement je suis persuadée que me laisser aller aux autres sentiments aura pour seul résultat de me faire souffrir.

— Vous souffrez de toute façon, objecta Nooroo, donc autant l'admettre.

— Peut-être, répondît Nathalie en fixant le sol avec attention.

— Nathalie...Je crois que j'ai compris ce qui vous empêche de parler. Mais j'aimerais être sûr. Est-ce que cela vous blesserait ?

— Vous comprenez toujours mes insinuations. Je suis certaine que vous savez ce que j'éprouve.

» Ai-je besoin de prononcer ces trois mots-là ? À quoi cela servirait-il ?

— Ça pourrait tout changer, murmura-t-il d'une voix à peine audible. »

Nathalie haussa un sourcil, manifestement perplexe. En réponse, Gabriel haussa simplement les épaules.

Il ne savait pas vraiment ce qui se passait dans sa tête et son cœur. Il savait juste que le rejet de Nathalie et son attitude de glace l'avait effrayé, que sa panique l'avait ému, que sa demi-déclaration l'avait empli d'un bonheur inattendu. Qu'il avait besoin d'entendre les trois mots pour être fixé, savoir enfin ce qu'il ressentait.

L'entendre, ça pourrait tout changer.

Nathalie avait froncé les sourcils. Comment ça « tout changer »? Qu'est-ce qu'il voulait dire ?

Elle leva les yeux vers son kwami qui secoua la tête et écarta les bras en signe d'ignorance, tandis que Nooroo allait se taper la tête contre le mur.

« Nooroo, qu'y a-t-il ? Pourquoi fais-tu ça, s'étonna Gabriel.

— Parce que j'ai les bras trop courts pour me frapper le front comme font les humains.

— Et pourquoi voulais-tu faire ça, questionna Nathalie avec perplexité.

— Mais bon sang ! Vous êtes vraiment des cas désespérés !

» Pardonnez-moi d'être aussi direct, maître Gabriel, dame Nathalie, ajouta-t-il avec un peu plus de calme et une pointe de regret, mais je ne sais pas vraiment comment le dire autrement.

— Ils ne sont pas si désespérés que ça, regarde-les, lança Duusu en éclatant de rire. »

Nathalie et Gabriel se regardait avec perplexité et une sorte de timidité, comme s'il se rencontraient vraiment pour la première fois. Leurs cœurs avaient été purement mis à nus par l'éclat de Nooroo et ils n'étaient pas sûrs de l'attitude à avoir.

Nathalie soupira. Au fond, elle savait ce qu'avait voulu le kwami. Lui forcer la main. Et à vrai dire...ça n'était plus si dérangeant. Elle ne se l'expliquait pas, mais ça ne posait plus autant problème.

Elle regarda Gabriel avec l'impression que, cette fois, aucune de ses paroles, aucun de ses actes ne pourrait lui faire de mal.

Elle s'appuya sur ce sentiment pour trouver sa détermination, ôter enfin le masque.

« Gabriel ? Je vous aime. »

Voilà, c'était dit. Et elle aurait pu le redire encore, elle le savait, s'il ne l'en avait pas empêchée.

À peine la phrase prononcée, il s'était rapproché d'elle, l'avait saisie par les épaules et avait plongé son regard dans celui de Nathalie.

Il avait chuchoté à son oreille deux mots tout simples, tout discrets, qui demandaient le pardon.

Et il s'était penché sur elle, déposant ses lèvres sur celles de sa partenaire, légèrement et tendrement.

Il s'était retiré après à peine une mili-seconde, laissant Nathalie complètement ébahie et incrédule, noyée dans un bonheur qu'elle ne comprenait pas tout à fait.

« Te pardonner quoi, exactement, demanda-t-elle rêveuse.

— De m'être à ce point trompé sur ce que j'éprouvais pour toi. Je t'aime, Nathalie.

— Merci...Tu sais, tu n'as pas à demander pardon, il t'est déjà accordé entièrement.

— Tant mieux... »

Nathalie se dressa sur la pointe des pieds, et déposa ses lèvres sur celles de Gabriel à son tour, lui interdisant de s'éloigner en saisissant son visage en coupe.

Il se laissa aller à l'étreinte, laissant le bonheur se réinstaller enfin dans son cœur, dans son âme.

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 1723 Mots. (Il est court, non ? Ou c'est juste une impression ?)

 J'ai dû le terminer mardi dernier (donc le 16/03/2021), mais j'ai pas eu le temps de le retaper depuis [en fait, mercredi j'ai commencé un autre OS (que j'ai terminé hier), et du coup j'ai préféré l'écrire que retranscrire celui-là].

 J'ai l'impression qu'il n'est pas achevé, je sais pas pourquoi. Une idée de ce qui me donne ce sentiment ?

 Bon, alors...L'OS a un peu dérivé par rapport au plan d'origine, je crois. C'est lié à l'incruste des kwamis. Je me suis lâchée avec eux, là. Entre la télépathie de Duusu, la crise de nerfs de Nooroo, le ship. Mais je regrette pas. Ca rend bien.

 Et aussi, ça part d'une remarque de Plagg dans Rossignoble, qui est exactement la réponse que fait Nooroo à Gabriel. Les costumes magiques sont issus de l'imagination de celui qui les porte. Que je traduis par : ils disent quelque chose du porteur.

 Suffit mon bla-bla, qu'est-ce que vous en avez pensé ? 

 Vous avez aimé ?

 Bises, 

  Jeanne.

 PS : quelqu'un a une idée de titre potable ?

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