Monologue

Nathalie repoussa ses couvertures d'un geste. Elle était suffisamment en forme pour se déplacer, se lever. Même si elle avait toujours besoin de béquilles pour cela.

Elle avait patiemment attendu que Gabriel soit couché, encore habillée. Comme leurs deux chambres étaient contiguës, ce n'était pas difficile de percevoir ses déplacements, si elle était attentive.

Assise sur son lit, elle réfléchît une dernière fois à ce qu'elle allait faire. Elle en avait besoin, mais comme d'habitude face à un geste important, elle doutait.

Elle secoua la tête, se leva, saisît ses béquilles, sortît discrètement de la chambre, se faufila jusqu'au bureau, pestant silencieusement contre leur léger cliquetis contre le sol. Quand elle arriva dans la grande salle de travail, elle s'arrêta un instant, observant le mobilier qu'elle connaissait si bien troublé par l'obscurité.

Elle traversa l'espace, et posa les doigts sur le tableau d'Émilie, appuyant sur les boutons qui permettaient d'accéder à son cercueil. La plaque du sol plongea, la mettant face à un ascenseur de verre, dans lequel elle monta, commençant une nouvelle descente.

Mais il y a combien de mètres sous le manoir ?! À croire que c'est infini...

En pensant cela, Nathalie ressentît une sorte de malaise, se représentant inconsciemment les choses comme une descente en Enfer. Elle chassa l'idée en se disant que les anges comme Émilie ne reposait pas dans l'Enfer.

En arrivant au bout du trajet, elle fût impressionnée par l'espace. Elle n'était jamais venue ici auparavant, et elle n'en revenait pas.

D'un pas mal-assuré, elle traversa la distance qui la séparait du cercueil de sa meilleure amie, une boule dans la gorge.

Il était fermé, bien sûr. Alors elle glissa les doigts sur le couvercle, sachant que cela suffisait à écarter les deux pans sombres qui rendaient le corps d'Émilie invisible.

En voyant la jeune femme figée dans le temps apparaître, la brune retînt un demi-sourire, les yeux brillants de larmes. Puis, elle prît la parole.

« Bonsoir Émilie. Je voudrais que tu sois là, avec moi, qu'on puisse à nouveau discuter comme avant. Mais je sais que ça ne sera jamais le cas. Je vais mourir pour toi. Je sais bien ce que la magie coûte. Si Gabriel réussît dans son projet, je te laisserais ma vie. Pardonne-lui, je t'en supplie. Je sais que tu y étais complètement opposée, mais il serait mort s'il n'avait pas eu cet espoir.

» Maintenant, je ne sais pas... C'est comme s'il en était devenu fou. Il n'arrête pas d'y penser. Il me fait peur, j'ai l'impression qu'il serait prêt à tout pour y arriver, même blesser Adrien. Et je n'arrive pas à le raisonner.

» Oh Émilie, murmura-t-elle alors que sa voix se brisait, pourrais-tu jamais me pardonner ? Je n'ai pas la force de le raisonner, je n'y arrive pas, et même si c'est complètement absurde, je n'en ai pas envie. Je l'aime, Émilie, je respire pour lui, je pense ce qu'il pense, je l'admire déraisonnablement, et en même temps je vois ses défauts, mais je n'arrive pas à le condamner pour ses méfaits. Et il ne m'aimera jamais, bien sûr. J'ai à la fois envie que tu restes morte en espérant avoir une chance et à la fois envie que tu reviennes pour le voir heureux ! C'est infernal, vraiment. »

Nathalie se tût, secouée par une quinte de toux. Elle avait le vertige, son cœur battait trop fort, un voile noir vînt se poser devant ses yeux, elle les gardait ouverts mais ne voyait plus rien. Elle se laissa tomber au sol, regrettant son action. Elle tenta de calmer sa respiration, se forçant à inspirer profondément et à expirer lentement.

Au bout de quelques interminables minutes, le voile noir se déchira enfin, des tâches de couleur réapparurent devant ses yeux, se précisant au fur et à mesure. Elle tenta de se relever, prudemment, mais elle était encore trop faible.

Plus jamais je ne fais une folie pareille ! C'était complètement irresponsable !

Elle resta assise auprès du cercueil, un temps qui lui parût à la fois infiniment long et extrêmement court s'écoulant alors que les pensées tournaient, s'enchaînaient et se bousculaient dans son esprit.

Elle fût tirée de cette étrange torpeur par la voix paniquée de Gabriel.

« Nathalie ? Nathalie, vous m'entendez ? Est-ce que...

— Tout va bien, Gabriel, ne vous inquiétez pas.

— Oh, Nathalie, s'exclama-t-il en la serrant brièvement dans ses bras, j'ai eu si peur. Vous avez fait un malaise, n'est-ce pas ? Vous n'auriez jamais dû venir ici seule, sans me prévenir...

» Tu es complètement folle, murmura-t-il, si tu t'étais évanouie, ou si tu avais été vraiment mal... Je n'aurais même pas su que tu étais là... Je t'aurais laissée seule ! Déjà que je ne me pardonne pas ton sacrifice, alors si tu...

— Je vais bien, Monsieur. J'avais besoin de lui parler. Seule. Je voulais la voir...

— Je comprends, Nathalie. Mais tu aurais dû me prévenir, je maintiens. S'il te plaît, ne te fatigues pas. Ça ne sert à rien. Je voudrais juste te voir guérie, vraiment c'est tout ce que je veux. Je t'aime tellement...

— Monsieur ?? C'est vrai ? Vous dites la vérité ?

— Oui. Je n'ai pas grand espoir, parce que tu as toujours eu l'air de porter ton nom de famille mieux que n'importe qui au monde...

— Oh, Gabriel ! Si seulement c'était vrai, ça m'aurait épargné bien des souffrances ! Je ne sais pas lequel de mes deux amours m'aura fait le plus souffrir, sans doute celui que j'ai vainement porté à ma meilleure amie pendant des années... Mais maintenant je ne souffres plus... Je t'aime, Gabriel, même si je ne sais pas montrer et dire. »

Un sourire éclatant vînt illuminer le visage de son interlocuteur, qui l'a serra passionnément contre lui. Alors ils s'étaient trouvés, enfin, ils avaient calmés leurs cœurs affolés de désespoir, ensemble.

Gabriel tendît la main vers le cercueil, l'ouvrît, caressa le visage de sa femme, puis s'agenouilla à ses pieds, tripotant les fils qui l'avaient maintenue dans un coma artificiel.

Émilie était morte. Il n'avait plus besoin d'elle. Nathalie était là, elle. Et il l'aimait.

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1007 Mots.

Ah, j'ai les 1000. C'était pas garanti pour un OS entamé ce matin dans le métro à 7h20 et fini là à 15h30 !

Non, plus sérieusement, il n'a pas besoin d'être plus long.

Je voulais imaginer Nathalie parler à Emilie aussi. Parce que c'était sa meilleure amie, c'est dit à un moment, mais on a ABSOLUMENT AUCUNE INDICATION de comment se déroulait leur relation. Et, à mon humble avis, Nathalie devrait avoir été secouée par cette mort. Pas comme Gabriel, bien sûr, mais secouée... Or, on ne le voit pas.

Mis à part ça, je vous ai enfin glissé mon délire sur Nathalie. En fait, dans " Jusqu'à ta mort que j'avais prédite", j'ai écrit une phrase assez ambiguë sur Nathalie. Elle est en train d'expliquer à Gabriel que parfois elle se disputait avec Emilie à propos de la relation Gabriel/Emilie. A quoi Emilie traitait Nathalie de jalouse. Nathalie commente "Ce qui n'était peut-être pas entièrement faux, mais certainement pas dans le sens où elle pensait".

J'ai regretté la phrase à l'instant où j'ai relu l'OS. Parce que ça a immédiatement sonné dans ma tête comme un aveu de Nathalie qu'elle était amoureuse d'Emilie. OS publié le 07 février, l'idée ne me lâche pas depuis... Et je ne peux plus faire sans...

Sinon, revenons à notre OS actuel. Pas beaucoup d'autres choses à dire, sinon que le fait qu'ils se déclarent auprès du cercueil est hautement symbolique...

Et vous, qu'en avez pensé ? Vous avez aimé ?

Bises,

Jeanne.

(12/11/2021)

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