Lueur (Spécial Saint-Val 2024)

Ladybug se tenait dans une vieille station de métro désaffectée, nerveuse, se détransformant régulièrement pour essuyer ses mains humides de sueur sur son pantalon avant de reprendre sa tenue d'héroïne, réarrangeant les couverts et les fleurs sur la table, lissant la nappe du plat de la main, se forçant à respirer. Ce qu'elle s'apprêtait à faire était, comme toutes ses idées depuis son périple dans l'autre monde, à la frontière de l'autorisé. Enfin là, ça atteignait probablement des sommets... Elle aurait dû le prévenir, elle le mettait en danger après tout... Les pensées se bousculaient dans son esprit, les mots de son message résonnant dans sa tête, « Hey, tu peux venir ici s'il te plaît ? C'est en sous-sol... », sa conscience aiguë de risquer le malheur à chaque pas.

Avec une inspiration elle se força à se détendre alors que tous ses muscles s'étaient contractés à l'entente de pas dans le couloir qui menait à son refuge.

« Ladybug ? Ça va ?

- Hey, salut Patte Douce. Oui, ça va... C'est juste...

» Ok, je vais sonner complètement ridicule, et je sais que ce n'est pas une bonne idée, mais j'avais envie de te voir, juste comme ça...

- Non, ce n'est pas ridicule. Et ce n'est pas dangereux, je pense. Personne n'a besoin de savoir qu'on se retrouve en-dehors des attaques et des réunions de la Résistance.

- Tu es vraiment imprudent, toi, parfois.

- Et toi tu dois apprendre à te détendre, Princesse. On est dans ta tanière, non ? C'est sécurisé ici.

- C'est pas faux... Je l'ai aménagée au début de notre mission, mes parents étaient hyper étouffants, en plus de ne jamais être capable de se mettre d'accord sur ce que je peux faire ou pas, donc je m'enfuyais ici. Ça fait un moment que je suis pas revenue.

- D'acc. Eh, rends-moi ça, s'exclama-t-il en faisant mine d'attraper une rondelle dorée que sa partenaire faisait sauter entre ses doigts.

- Faut que tu fasses plus attention à toi et à tes affaires, répondit-elle en lui lançant la pièce marquée au sceau de sa famille.

- J'sais que t'es une voleuse depuis la première fois que je t'ai vue, de toutes façons, Marinette.

- Ah ouais ? Et j'ai volé quoi d'autre ?

- On va passer sur le portefeuille, la monnaie et tout ce qui traîne dans mes poches à chaque mission, ainsi que sur ma carte de mission une fois ou deux. Tu m'as fauché ma concentration, mon sang-froid, et mon esprit. Mais je sais qu'on finira ensemble, alors je prendrai tout mon temps pour te faire comprendre.

- Patte Douce ? Est-ce que tu réalises que chaque relation positive est considérée comme un crime ici ?

- Et j'aime les bad girls autant que tu aimes te rire des règles.

- Mais je suis incapable de le faire sans m'inquiéter, j'ai peur, et juste être avec toi me ferait transgresser la loi...

- Il ne peut pas désapprouver notre relation, c'est lui qui nous a mis en contact, on ne se serait jamais parlé sans la mission.

- Je...

- Écoute, Marinette, murmura-t-il en caressant doucement son visage de sa main gantée, je ne veux pas te blesser, je voudrais juste que tu te sentes bien. Tout va bien se passer, je te le promets. Ça ira. Nous avons nos Miraculous, il n'en porte pas. Nous avons appris à nous battre. Et nous ne sommes pas seuls, nous avons le soutien d'Hesperia et de sa résistance. Tu sais que malgré le fait que le Suprême nous a reproché fortement nos changements de costumes et notre échec à s'emparer du Papillon dans l'autre monde, il croit toujours que nous sommes de son côté, même quand nous le fragilisons. Nous pouvons le battre. Nous gagnerons, je t'en fais le serment.

- Patte Douce... Tout le monde en parlerait. Et j'ai peur. Si nous sommes aperçus ensemble... Tout le monde nous connaît, ce serait la conversation du siècle.

- Tu en profiterais pour montrer tes talents de styliste au monde, rétorqua-t-il d'un ton blagueur, ce serait pas mal !

- Tu sais comment les traîtres au Suprême sont traités par la population, Adrien, tu sais nos risques, on ne peut pas se permettre de faire parler de nous, pas alors que notre ennemi est si grand... Je ne sais pas, je fais ce qui me passe par la tête mais je... Je te mets en danger rien qu'en te demandant de me rejoindre et je..., marmonna la jeune fille, sa voix se brisant dans un sanglot contenu, ses genoux la trahissant alors qu'elle tombait au sol.

- Eh, Mari, ça va aller, répondit-il doucement en s'agenouillant à côté d'elle, respire. Tu n'as pas à porter la responsabilité. Tu n'as que quatorze ans et demi, ce n'est pas assez pour te mettre autant de pression.

- Comment peux-tu en être sûr ?

- Je sais que personne ne réagit bien à la pression. Ça peut apparaître comme de l'attention, mais c'est une attention néfaste, tu le sais. S'il te plaît, ne t'en ajoute pas.

- Je...

- Je peux me défendre seul. Alya et Nino savent se protéger aussi. Hesperia et Juno sont des adultes, ils résistent depuis longtemps, ils ne risquent rien. Tes parents ne sont pas au courant, et s'ils peuvent te vanner sur le fait que tu aies appris à sourire, ils ne sont pas en position périlleuse. Cesse de chercher à t'emparer de la situation. Tu es une héroïne, tu penses aux autres et c'est noble, mais il est important que tu penses à toi. Détends-toi.

- Adrien... J'ai peur de mourir.

- Ça n'arrivera pas. Tu es beaucoup trop forte pour ça.

- Je ne le suis pas. Je ne suis qu'une ado paumée qui a décidé d'envoyer le monde se faire voir, qui est mal dans sa peau, à qui on a confié des pouvoirs qui la dépassent et qui essaye de trouver une lueur d'espoir dans un monde chaotique, qui voit des gens avec de l'importance et qui mourrait pour les protéger, alors qu'elle sait qu'elle serait plus utile en vie, qui ne sait pas vivre, et puis, je ne... »

Patte Douce s'était détransformé, avait trouvé un coussin épais et un plaid dans un coffre, avait installé le premier contre le mur, avait blotti sa partenaire dans le second et l'avait adossée sur l'oreiller, la laissant se réfugier contre son épaule alors qu'elle continuait de lister toutes ses peurs, toutes ses faiblesses. Il savait qu'il ne devait pas l'interrompre, seulement l'écouter, être là, la serrer dans ses bras. Elle avait besoin de pleurer, de craquer un peu, et il était heureux de savoir qu'elle se sentait assez confortable avec lui pour le faire, qu'elle n'avait plus besoin de fuir et de se cacher.

Du bout des doigts il la recoiffait doucement, défaisant les nœuds, et il murmurait des paroles apaisantes, lui rappelant tous les combats qu'ils gagnaient, l'admiration des gens dont elle encourageait l'espoir, rappelant lors des purifications des kamikos que leurs convictions avaient toujours de la force, soulignant la beauté des tenues qu'elle créait en secret, sa nouvelle détermination en classe face à une Chloé pire que jamais.

Elle était un trésor de puissance et de ressources, une fille inventive et positive qui, malgré le masque d'obscurité qui recouvrait leur univers, était toujours tournée vers le service. Mais la bleutée ne savait pas encore le voir, ne connaissait pas sa valeur, écrasée par les chamailleries ridicules et permanentes de ses parents, étouffée par les responsabilités confiées par le Suprême, privée de respiration par les remarques en pointe de flèches constantes au collège. Avec Alya, ça allait un peu mieux, la brune l'aidait discrètement, lui partageant son esprit de lutte. Mais l'adolescente restait très seule et en souffrait, plus encore que ce qu'Adrien avait éprouvé.

Alors il était là, il la laissait pleurer contre son épaule, lui affirmant à quel point elle était fantastique. Parce qu'elle l'était et qu'elle luttait en permanence contre l'obscurité qui régnait partout.

« Regarde-moi, Marinette, chuchota-t-il quand elle arrêta de parler pour reprendre sa respiration.

- Ou... Oui ?

- On sera la meilleure équipe du monde, on peut l'être, on peut être le duo final, je te le promets. Si tu es d'accord pour essayer avec moi.

- Je ne... Oui. Je veux être avec toi dans la vie. Mais je ne veux pas que tu me manques, je... Je ne veux pas qu'on se sépare, devenir juste... redevenir anonyme.

- À nous deux on y arrivera. On le fera durer, pour toujours, je te le promets.

- Adrien... Est-ce que tu sais à quel point tu es fantastique ?

- Forcément moins que toi, ma Lady.

- Ah nan, hein, s'exclama-t-elle en lui donnant une pichenette sur le nez, je suis pas bonne avec ça moi, j'sais pas rassurer les gens comme tu fais, mais je sais que t'es absolument génial, avec tes blagues, ton audace, tes défis au monde entier, ta miséricorde sans fin même quand on te blesse, et ton adresse. T'as zéro concentration c'est clair, mais j'garantis que y aurait pas de Ladybug sans Patte Douce. Je serais nulle part si tu n'étais pas là.

- Tu crois, demanda-t-il avec espoir.

- Oui bien sûr ! Tu me protèges toujours, tu me fascines, tu m'aides, et surtout, tu me donnes une raison de combattre, quel que soit le camp que nous choisissons, je veux... Je veux te protéger. Je veux t'aider. Je veux te soutenir. C'est un des trucs qui m'animent... Tu as dit que je pensais toujours aux autres, que je veux aider... Toi encore plus. Tu es incroyable, n'en doute jamais. Et c'est pour ça que j'ai peur qu'on se fasse prendre, pas pour moi, mais pour toi. Pour les conséquences que ça aurait sur moi. Tu... Tu es ma raison d'espérer, d'avancer. Et... s'il t'arrivait quelque chose, je n'ai aucune idée d'où j'irais, de ce que je ferais... Je craquerais probablement... Tu es ma force, mais aussi ma plus grande faiblesse et c'est terrifiant...

- S'il m'arrive quelque chose, va voir la résistance. Hesperia, et Juno surtout, sauront te conseiller. Ils... Ils ont vécu ça...

- Comment tu le sais ?

- Ils me l'ont dit. Et je leur ai dit qui je suis en échange. Puisque l'objectif de la résistance est de démontrer que les relations sincères et heureuses sont possibles, il valait mieux que nous enlevions nos masques, pour nous ressouder et arrêter de nous faire la guerre. Après la mort de Maman... Papa a failli renoncer. C'est grâce à Nathalie qu'il lutte encore, et c'est grâce à leur amour que la résistance peut être si puissante. Si je subis le destin de ma mère, que tu te sens prête à abandonner la lutte, que le désespoir revient t'envahir, va demander conseil.

» Et rappelle-toi. Il y a des enfants dans ce monde qui veulent être heureux, vivre sans la peur. Il y a des adolescents qui ont besoin de rêves dont ils sont privés par le dysfonctionnement de notre univers. Il y a des adultes qui cherchent un sens et ne peuvent pas en trouver alors leur cerveau arrête de fonctionner et ils ne peuvent plus rien faire. Il y a des vieux qui se rappellent de jours meilleurs et se noient dans la mélancolie. C'est pour eux qu'on se bat. Je veux un monde meilleur pour eux. Et si je ne peux pas y arriver, je compte sur toi pour réaliser notre rêve. Tu peux faire ça ?

- J'essaierai, chaton, j'essaierai je te le promets. Je me rappellerai toujours de ces mots. Tu restes ma boussole.

- Et tu es la mienne. Nous allons nous guider vers la victoire, pas vrai ?

- Absolument.

- Ah, aussi, j'avais une question. Pourquoi aujourd'hui ?

- C'est-à-dire ?

- Tu l'as dit toi-même, tu hésites et tu as peur de me voir, de me retrouver, de rester avec moi. Alors pourquoi aujourd'hui en particulier ?

- Y a pas vraiment de raison..., répondit-elle alors que son regard se faisait fuyant.

- Tu ne sais pas mentir.

- Ok. D'accord. Tu sais que... Toute ma manière d'agir c'est grâce à l'autre Ladybug, n'est-ce pas ? C'est elle qui m'a montré comment me réparer, me construire.

- Oui, je suis au courant, autant que Chat Noir m'a appris à être moi.

- Voilà... Bah, tu sais... J'avais lu son journal.

- Oui...?

- Le quatorze février ça avait l'air d'un jour important là-bas... Elle appelait ça la Saint-Valentin, et de ce que j'ai compris, c'est une date spéciale pour dire aux gens à quel point ils comptent pour nous, l'occasion d'être honnête et de faire des activités avec ceux auxquels on tient... Du coup, je me suis dit... Pourquoi ne pas essayer ici ? Utiliser cette date comme objectif pour rassembler mon courage... C'est juste ça...

- C'est adorable, sourit le garçon en déposant un baiser léger sur le front de sa partenaire.

- Merci. Tu es la personne la plus précieuse pour moi, tu sais.

- J'ai cru comprendre. Au fait, j'ai rapporté un jeu de cartes, ça te dit ?

- Pas de triche alors.

- C'est toi qui dis ça ?

- Baaah. Ouais, bon, d'accord. J'utilise pas mes astuces pour te distraire, tu n'essayes pas de changer tes cartes. On joue à la loyale.

- Si tu ne m'embrouilles pas, je veux bien être honnête. »

Les deux adolescents se sourirent, la bleutée récupérant un deuxième coussin qu'elle tendit à son ami, pour qu'il soit lui aussi installé confortablement, elle mélangea le paquet et commença à distribuer les cartes avec un sourire. C'était Nino qui leur avait appris à jouer, un jour qu'Hesperia était en retard à une réunion, et leurs parties étaient toujours l'occasion de rires, de clins d'œil, de développement de stratégies, de discussions profondes ou de blagues idiotes et d'échanges superficiels. Elles étaient synonymes de détente, de joie, de plaisir, de partage, une autre forme de résistance puisque tout cela était complètement contraire à l'idéologie du Suprême qui les torturait, qui brisait leur monde pour le rendre aussi sombre que son esprit, qui jouait avec les habitants comme avec des pantins.

Et par-dessus leurs cartes dissimulées soigneusement, les deux jeunes se lançaient à présent des regards curieux. Ils ne pouvaient pas sortir d'ici ensemble, mais dans la tanière, tout disparaissait, ils étaient à l'abri, mais toujours perdus car ils ne comprenaient pas les battements désordonnés de leurs cœurs, l'excitation quand ils se voyaient, la capacité à brûler le monde entier si l'autre le demandait, la certitude d'être capable de tout se sacrifier l'un à l'autre. Ils ne connaissaient pas vraiment ces sentiments, ils n'en connaissaient pas les mots, alors ils n'osaient pas les partager, de peur que des mots maladroits ne brisent leur équilibre fragile de vie et d'espoir.

Pour une fois ils ne parlaient pas, ils restaient tranquillement sur leur silence, sur le bonheur qu'ils éprouvaient dans cet instant suspendu. Oui, ils avaient parfaitement conscience que dehors, les gens diraient qu'ils faisaient quelque chose de mal, mais alors pourquoi était-ce si agréable ? Pourquoi le referaient-ils encore et encore s'ils en avaient l'occasion ? Ils étaient intimement convaincus que, malgré les valeurs étranges et inversées dans lesquelles ils grandissaient, si leur cœur leur disait qu'une chose était bonne, si une action ne blessait personne, ils ne pouvaient définitivement pas être en train de faire du mal. Les humains habitaient ensemble, dans des villes, choisissaient en général un partenaire pour la vie, les enfants avaient besoin de leurs parents, et même si toutes ces relations se fragilisaient et explosaient à cause de l'obscurité, elles étaient la preuve même que l'être humain n'était pas fait pour la solitude ou la haine. Que quelque chose avait été déréglé et qu'ils pourraient le régler, avec l'espoir et la vie. Qu'ils pouvaient s'amuser.

Les gens pouvaient mettre le feu, brûler ceux qu'ils considéraient comme des traîtres même s'ils étaient innocents, la foule inventait toujours des preuves et prenait ses armes quoi qu'il arrive. Et détruisait.

La pensée résonnait entre eux et ce fut Ladybug qui la vocalisa.

« S'ils brûlent tous ceux qu'ils voient criminels même si ce sont des innocents, je crois que je leur demanderai de me mettre en feu également. Que mes flammes créent un souvenir, un choc, qu'ils m'illuminent et prouvent mes raisons. Si je meurs, si l'un de nous meurt publiquement, tout le monde verra la folie, et... Peut-être que l'espoir pourrait en ressortir plus grand.

- Et c'est la raison pour laquelle il ne nous condamnerait pas, je pense. Nous sommes trop précieux, et trop jeunes. Nous serions des martyrs bien trop visibles, même s'il nous tuait dans un accident apparent. Je sais que ça ne me ressemble pas de dire des trucs comme ça, mais tant que nous ne prenons pas trop de risques, que notre flamme d'espoir reste une lueur discrète mais vivante, il n'aura pas de quoi nous retourner au public. Nous sommes appréciés, mais il est malin.

- Je ne ferai pas de bêtise, si c'est ça que tu crains. C'était juste une observation.

- Moi de même. Tu l'as dit tout à l'heure, nous sommes quand même plus utiles en vie. Et surtout, nous nous connaissons... Si l'un commence à faire une idiotie, l'autre voudra l'en empêcher, et ça pourrait être cataclysmique, sans mauvais jeu de mots.

- Idiot, répondit-elle en levant les yeux au ciel et se mordant la lèvre pour ne pas laisser échapper son sourire, tu es un vrai clown. Mais je suis contente qu'on soit d'accord là-dessus. »

Un rire partagé leur échappa. Ce n'était pas le plus heureux des rires, il était presque nerveux, mais il traduisait toute la force de leur relation, à quel point ils s'équilibraient, ils s'entendaient même dans le silence, tout se clarifiait entre eux, et quand l'un se retrouvait plongé dans l'inquiétude, l'autre savait toujours trouver les mots, les gestes nécessaires pour régler le problème, quand l'un se laissait intimider par l'obscurité du soleil au-dessus d'eux, par les flammes dévorant la ville, par les décors d'apocalypse, l'autre savait ramener la force, pointer les joies.

Ils se connaissaient, se connectaient à la perfection, et pourtant, ni Ladybug ni Patte Douce, ni Marinette ni Adrien ne savait poser un mot, n'osait dire la vérité de leurs âmes. Parce que le questionnement ne se faisait pas insupportable, que leur zone grise était devenue une habitude, que les taquineries des autres membres de la résistance ne les atteignaient pas vraiment. Il y avait un mot qui flottait entre eux, clair et précis. Mais les deux héros préféraient les périphrases, les tournoiements, les preuves, l'attraction irrésistible et innommée, comme si la précision risquait de les brûler.

Comme si franchir une telle étape changerait leur monde à jamais.

Comme si oser parler de ce qui existait déjà pourrait soit détruire ce sentiment, soit le rendre si puissant qu'il pourrait détricoter tout l'univers dont ils avaient l'habitude.

Comme si se rapprocher plus encore en échangeant trois mots bouleverserait leurs âmes de manière irréversible et plus encore qu'elles ne l'étaient déjà.

Et alors qu'ils continuaient leurs parties de cartes de manière automatique, posant et reprenant les cartes, les mélangeant et les distribuant tour à tour, marquant leurs victoires de sourires lumineux, ils échangeaient toutes ces considérations de leurs regards figés l'un dans l'autre, se noyant dans les yeux de l'autre, perdant toute notion de temps, d'espace et de rationalité, il n'y avait plus que les cartes, la partie, leurs deux paires d'yeux dans l'obscurité qui réfléchissaient de concert.

Jusqu'à se muer en une interrogation précise et forte, obsédante, résonnant avec force dans leurs têtes, les poussant à poser les cartes, à se lever, à retourner s'asseoir blottis l'un près de l'autre le long du mur.

Que risquaient-ils ?

Tout.

Est-ce que ça valait le coût ?

Probablement.

« Ladybug ? Qu'est-ce qu'on est exactement ? Des amis ? Autre chose ?

- Je ne sais pas. Je n'ai pas de mot. Mais je sais que pour toi, je tomberais en disgrâce, juste pour effleurer ton visage, si tu t'éloignais, je te supplierais à genoux de rester avec moi. Et... C'est réciproque, n'est-ce pas ?

- Oui... Absolument, répondit le garçon d'un air pensif.

» Je crois que j'ai le mot. Parce qu'il est partout autour de moi. Et tu le connais aussi. Pas vrai ?

- Je le connais sur la théorie, je ne savais pas qu'il pourrait devenir réel un jour...

- Je pensais la même chose jusqu'à te trouver. Jusqu'à réussir à oublier de douter de moi parce que j'étais avec toi.

- J'ai peur.

- Moi aussi. Mais il paraît que la vie est une aventure et que le meilleur moyen d'être heureux c'est de la vivre. Et avec toi, je sais que je réussirai. J'ai confiance en toi, et surtout... J'ai confiance en la personne que je deviens quand je suis avec toi.

- Pareil. À ton avis, Adrien, qu'est-ce qui va changer si on le dit ?

- On osera être plus honnête avec nous-mêmes. Être plus proches l'un avec l'autre. Discuter plus à cœur ouverts. Les combats seront plus faciles parce que ce ne sera pas une question. Mais... Le Suprême aura plus de soupçons, nous devrons faire plus attention, parce qu'une relation romantique serait sans doute plus visible qu'une relation amicale. Tant qu'on reste dans notre zone grise, même en sachant ce que nous éprouvons, nous pouvons mentir. Après, on ne pourra plus, ou avec beaucoup de difficultés.

- Je crois... Je crois que je suis prête à le tenter. Prête à essayer de passer ce cap. Nous sommes ensemble pour le négocier. Si tu me suis.

- Oui. Je suis prêt. Je suis prêt pour ça maintenant, alors que tout à l'heure j'avais encore un doute.

- Nous nous sommes trouvés, murmura la bleutée avec un sourire.

- Absolument, répondit le blond avec une grimace taquine, et ça va être comme une drogue que je vais utiliser le reste de ma vie, je le sais déjà. Je sais que l'amour peut rendre fou, mais j'ai envie de tester.

- Alors... À trois ?

- À trois. »

Les mains dans les mains, leurs regards plongés l'un dans l'autre, un sourire tremblant mais décidé sur leurs lèvres, ils comptèrent en cœur au milieu des échos de la station.

Un.

Deux.

Trois.

« Je t'aime. »

Les trois mots résonnèrent longuement sur les murs autour d'eux, et quand le silence revint, Marinette ne put retenir un éclat de rire, léger et sincère.

C'était fou comme elle s'en était fait un drame, et pourtant le monde ne s'était pas écroulé sur elle. Et ça n'allait pas être le cas, elle le savait maintenant. Avec un sourire apaisé, elle se blottit de nouveau dans les bras d'Adrien, soulagée et heureuse, libérée du poids d'un secret contre-nature pour elle.

Ce n'était peut-être pas pour le mieux vis-à-vis du monde, mais ils s'aimaient pour qui ils étaient, parce qu'ils se connaissaient.

Du bout des doigts, elle caressa les lèvres de son partenaire, avant de se dresser sur la pointe des pieds, d'unir leurs sourires de soulagement et de paix dans une explosion de joie, dans un feu de vie, leurs corps se réunissant dans une étreinte d'espoir, un contact de liberté.

Quand ils se séparèrent pour pouvoir reprendre leur respiration, les mains soudées ensemble, ils laissèrent leur bonheur s'exprimer dans de véritables sourires lumineux.

« Merci, Marinette.

- De ? C'est moi qui dois te remercier Adrien, d'être toujours avec moi, de me tenir debout même si on se chamaille, de me forcer à respirer. Tu es extrêmement précieux.

- Toi aussi. C'est toi qui trouves la force, les idées, les phrases pour répandre la lueur.

- Je t'aide à te battre ? Vraiment ?

- Bien sûr.

- Alors tu es la raison et je suis la technique je crois. Et c'est pour ça que nous devons rester unis.

- Nous le serons. Nous apprendrons à l'être.

- Adrien... Est-ce que c'est bien que je t'ai dit tout ça ?

- Est-ce que c'est ok que tu sois dans ma tête ? Je sais que c'est délicat ici, mais... Tu connais parfaitement la réponse à ces questions. Oui. C'est bien. C'est ok. Chill. Ça va le faire. On va y arriver. Parce que nous venons de passer une étape encore supérieure, et notre connexion fonctionne parfaitement. Nous nous connaissons, ma Lady. Détends-toi.

- Tu es si courageux, toi... Comment j'ai la chance de t'avoir, alors que j'ai tellement peur tout le temps ?

- Tu sais, Ladynette, le courage c'est de battre la peur, pas de ne pas être effrayé. Je n'ai jamais peur avec toi, jamais, parce que je sais que tu trouveras toujours une sortie, quoi qu'il arrive. Je n'ai pas peur, ou très peu. Je t'apporte ce que je peux, comme je peux, avec mes plaisanteries, mes colères, ma détermination, parce que je peux le faire sans souci. Toi, tu trouves des solutions, tu inventes des plans, parfois hautement farfelus, tu crées des diversions, tu nous extirpes des problèmes, tu nous portes chance. Et tout cela tu le fais en ayant peur, en t'inquiétant pour moi, en angoissant sur la solidité de nos couvertures. C'est ça le vrai courage, la vraie force. Et je t'admire vraiment pour ça. On ne peut pas se faire de promesses maintenant, n'est-ce pas ? Mais je peux te faire à boire, t'apprendre à respirer.

- T'as un vrai problème pour les chutes de tes discours, toi, s'exclama la jeune fille en riant, d'où ça sort cette histoire de boisson ?

- J'sais pas, juste l'inspiration du moment. Mais attends... T'as un frigo, toi, s'étonna-t-il en découvrant l'armoire à froid au fond du repaire.

- Oui... Y a différents jus de fruits, j'ai ouvert du jus de raisin l'autre jour...

- Je peux te faire un cocktail ?

- Tu sais faire ????

- Parmi les milliers de trucs apparemment inutiles que mon père a voulu que j'apprenne, j'ai plein de recettes de cocktails, softs et alcoolisés...

- Wow, impressionnant ! Vas-y, éblouie-moi.

- Avec plaisir, s'exclama le blond en ouvrant la porte et commençant à étudier les différentes bouteilles avec intérêt. »

Marinette ne pouvait quasiment pas s'empêcher de sourire. Il était absolument adorable quand il réagissait ainsi et se jetait dans un défi. En tant qu'Adrien, il montrait des compétences incontestables en pratiquement tout, et ça l'avait profondément agacée pendant longtemps, au moins Griffe Noire n'agissait pas comme s'il savait tout. Mais après elle avait compris. Il savait tout, ou presque, et il n'attendait que de pouvoir offrir ces connaissances et cette maîtrise, que quelqu'un lui tende la main pour le sortir du désespoir où il était plongé sans sa mère pour l'encourager.

Alors elle se faisait enthousiaste, curieuse, et elle s'émerveillait réellement devant ses talents, qui l'époustouflaient toujours. Et c'était en s'ouvrant ainsi qu'elle était tombée amoureuse, de lui en entier, des blagues de Patte Douce et des capacités d'Adrien, de leurs sourires. En le regardant verser adroitement les liquides dans les petites bouteilles qu'elle gardait, la bleutée sentait son cœur gonfler de bonheur. Il savait faire, et il le faisait pour elle. Les mélanges prenaient des teintes féériques et elle comprenait d'un coup ce qui battait en elle depuis des mois, cette certitude soulagée que, quoi qu'il arrive, elle ne regretterait jamais d'avoir ouvert son cœur, pour les moments de joie simple comme celui-ci.

Oui, c'était bien qu'ils se soient dit tout ça, qu'ils soient dans la tête l'un de l'autre, même si c'était délicat de s'aimer. Parce qu'ils en seraient encore plus forts.

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4623 Mots.

Pfiou. Les publications, ça devient de plus en plus n'importe quoi. En fait quand je recolle depuis Outlook ça détruit mes paragraphes, même dans Google Doc, et si je colle dans LibreOffice et que je repasse tout en police normal, y a des endroits où le changement se fait pas, donc c'est moche. J'crois le problème c'est Outlook. Bon, je réglerai ça plus tard.

Joyeuses Saint-Valentin.

Nan, j'espère vraiment qu'il vous a plu. Parce que ça a été un tout petit brin compliqué à faire. En même temps qu'est-ce qui m'a pris ? J'ai voulu faire une espèce de musical sur tout l'album. Après la cinquième chanson, j'ai dit stop. Mais il y a certaines phrases qui sont des traductions des chansons de l'album, et j'ai essayé de me débrouiller pour que ça passe à peu près au moment où y a la phrase correspondante si on écoute l'album en même temps. C'était galère. Et long.

Mais j'avais décidé d'écrire avec Rep en arrière-plan, et c'est parti en vrilles. Parce que j'aime beaucoup trop cet album. Que c'était le seul qui correspondait à un Saint-Val dans les ténèbres. Et que je savais que j'allais faire des références, déjà dans le précédent doit y avoir une dizaine de phrases de Lover. Là j'ai juste décidé de les organiser...

Bref. Sinon c'était assez fun de jouer sur les mots, d'inventer le décor, les raisons. L'approfondissement du monde quoi. Puis les Marinette et Adrien alternatifs sont si intéressants !

Sur ce, je vous souhaite une bonne nuit/journée, je prie pour que l'outil de planification de publication marche, je vous embrasse, oubliez pas de vous aimer vous-même.

Bises,

Jeanne

(13/02/2024, 23h12)



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