Jusqu'à ta mort que j'avais prédite

 Hiya la compagnie ! Bienvenue sur cet OS un petit peu spécial.

Spécial parce que :

1) C'est un crossover.

2) Il se situe en grande majorité avant la série.

 3) Je crois que ce n'est pas commun de développer la relation qu'il y a pu avoir entre Emilie et Nathalie.

Bonne lecture, par pitié donnez-moi vos avis et COMMENTEZ. Please, I need you to do better.

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Deux jeunes femmes étaient adossées aux grilles du jardin du Luxembourg. L'une d'elle, une blonde aux immenses yeux verts, tenait un téléphone entre les mains. Elle tremblait presque d'excitation.

« Eh, Émi, calme-toi, s'exclama l'autre, replaçant une mèche rouge dans sa chevelure noire, c'est juste trois mots dans un message, pas besoin de paniquer autant que pour les partiels !

— Mais tu ne te rends pas compte ! Sa réponse va déterminer toute ma vie...

— Tu exagères un peu, quand même ! Et puis, tu ne peux pas te prendre un râteau. C'est impossible, alors détends-toi.

— Il a répondu !!!

— Qu'est-ce qu'il dit ?

— C'est privé, Nath'. C'est pas tes affaires.

— Mais bien sûr, lança l'autre en levant les yeux au ciel, c'est privé. Je te rappelle que sans moi tu n'aurais jamais osé te déclarer.

» Et il n'y a pas de privé qui tienne entre nous, de toute façon. On se connaît littéralement depuis ta naissance, quand j'avais quinze jours, alors bon.
Remballe ton excuse et lis-moi son message !

— Il dit « je ne peux pas y croire. » Qu'est-ce que ça veut dire, à ton avis ?

— Qu'il t'aime! Je t'avais dit que tu ne risquais rien. Pourquoi tu ne veux pas me faire confiance ?

— Comment tu peux en être si sûre ? Tu lis les pensées ?

— Non, rétorqua la brune avec un sourire, même si je devine souvent les tiennes. C'est juste que ça se passe TOUJOURS comme ça, c'est une phrase typique d'amoureux. Ça te ferait pas de mal de me croire, d'accord ?

» Demande-lui où il est, et si tu peux le rejoindre. Tu me raconteras, ok ?

— Nathalie...Tu es vraiment en train de m'organiser un rendez-vous avec celui que j'aime en impro, là ?

— Je n'improvise pas, je m'y attendais, et tout le temps où je me suis battue pour que tu lui écrives ce fichu SMS, je réfléchissais à la suite. Tu me fais confiance ?

— Plutôt deux fois qu'une ! Je vais faire ce que tu m'as dit. Je te raconte tout ce soir. »

Nathalie sourit. Pendant qu'elles discutaient, Émilie tapait le message, et Gabriel venait de répondre qu'il était au Panthéon.

En regardant la blonde partir en courant, Nathalie failli laisser échapper un rire. Émilie était tellement dynamique, tellement innocente, tellement enthousiaste face à tout. C'était mignon.

Mais Nathalie secoua la tête. Elle venait d'avoir un mauvais pressentiment...

************

Aujourd'hui était jour de fête.

Dans l'immense salle de réception du manoir, les invités se pressaient, riaient, discutaient, échangeaient.

Les magnifiques banderoles bleues, blanches, violettes et roses, les lumignons accrochés au plafond, les grandes tables de buffet disposées le long des murs, les odeurs alléchantes des mets, l'écho des rires et la douce musique, tout contribuait à rendre l'atmosphère légère.

Mais près de la porte, quelqu'un regardait la fête sans y prendre part. La jeune femme aux cheveux noirs observait la salle avec désillusion.

Cela faisait trois ans qu'Emilie et Gabriel s'étaient trouvés. Et aujourd'hui, c'était leur mariage que l'on célébrait. Mais Nathalie n'arrivait pas à s'ôter de la tête le mauvais pressentiment qui l'avait étreinte le premier jour, et qui revenait parfois.

Et en voyant les invités, elle n'avait qu'une pensée en tête : pourquoi se retrouveront-ils, la prochaine fois ?

Émilie s'approcha, et lui prît les mains.

« Allez, Nathalie, viens t'amuser ! Ne te mets pas de côté comme ça, tu fais peur.

— Il vaudrait mieux que je parte Émilie. Je n'ai pas ma place au milieu d'une fête.

» Je n'arrive pas à être heureuse, et je gâche ta journée.

— Pourquoi la joie est-elle si difficile pour toi ?! Ce n'est pas dur pour les autres...

— J'ai peur. J'ai peur en permanence. Et je n'identifie qu'à peine pourquoi.

» Je ne veux pas t'embêter avec mes bêtises, va t'amuser Émi, va profiter de ta journée !

— Mais de quoi as-tu peur enfin ? Je ne risque rien ici !

— J'ai l'impression que tu devrais faire attention...que tu l'aimes trop, que tes sentiments sont trop forts. Parfois, j'ai l'impression que ça finira par te tuer.

» Ne me regardes pas comme ça ! Je t'avais dit que j'allais tout gâcher ! Je ne dis pas que l'aimer est mal, mais que tu dois surveiller les élans de ton cœur...

— Quel pessimisme ! Je te comprends pas, Nath', franchement. A quoi bon s'inquiéter pour des bêtises, quand on a toute la vie devant soi ? »

Nathalie secoua la tête. Elle ne pouvait pas expliquer à sa meilleure amie ce qui se passait en elle.

Si tu savais, Émi, si tu savais qui m'a élevée, au creux des impressions et des émotions...

Pour toute réponse, elle suivit la jeune mariée à travers la pièce, au milieu de cette foule réjouie, au milieu de cette foule la mettant en malaise. Et murmura encore quelques mots.

« Après j'arrête, mais dis-moi juste une chose. Est-ce que je me suis déjà trompée une seule fois à propos de votre relation ?

— Ce n'est pas parce qu'une chose ne s'est jamais produite qu'elle est impossible. Change toi les idées ! »

Nathalie avait hoché la tête, recalé sa mèche rouge derrière son oreille, et avait disparu au milieu des fêtards.

************

Seize ans plus tard, Nathalie avait le cœur en morceaux à chaque fois qu'elle croisait le regard d'Emilie Agreste.

Depuis le jour du mariage où Nathalie avait prédit la mort à Émilie, il y avait toujours eu une sorte de froid entre elles.

Même si la brune essayait sans cesse de réparer les dégâts, de se racheter, qu'elle ne disait pas un mot des cauchemars qu'elle faisait, elle savait que ce jour-là, elle était allée beaucoup trop loin.

Et elle le regrettait.

Émilie évitait le plus possible le regard de son amie. Malade depuis six mois, elle était forcée de reconnaître que, au jour de la rupture entre elles, c'était Nathalie qui avait raison.

Pour aider Gabriel et lui donner de l'inspiration, Émilie avait porté le Miraculous du paon, un objet magique lui permettant de se transformer en héroïne (ou en super-vilaine si ses intentions avaient été mauvaises).

Mais il était brisé, et en l'utilisant, Émilie était tombée malade.

Aujourd'hui, après six mois de torture physique, elle était aux portes de la mort.

Quand elle vit Nathalie entrer dans la pièce, elle sût qu'elle allait devoir affronter une tornade de reproches.

Et ce fût le cas.

« Émilie ! Tu dois rester avec nous ! Tu n'as pas le droit de partir !

— C'est pas une question de droit, mais de devoir. J'ai utilisé le Miraculous en connaissant les risques, je me suis moi-même mise en danger pour un objectif égoïste.

» Pourquoi je lutterais contre une punition normale ?

— Mais parce qu'il a besoin de toi. Ton mari ne supportera jamais que tu meures.

— Tu crois ?

— Il t'aime beaucoup trop pour l'accepter.

» Et tu sais comme moi la réaction qu'il aura.

— Tu ne veux pas croire en lui un peu ? Je suis certaine qu'il ne tombera pas ainsi.

— C'est pas possible que tu ignores la puissance de la souffrance ! Tu as souffert pourtant. Tu as eu des douleurs, toi aussi, comme tout le monde. Et tu ne sais pas que ça peut rendre fou ?! »

Nathalie criait presque. Émilie lui fît signe de se calmer, et son interlocutrice hocha la tête. Comme toujours. Comme avec tout le monde.

Je ne sais faire que ça. Hocher la tête, encore et toujours. Mais j'aimerais pouvoir être à sa place, parce que les catastrophes que je devine ne me font pas plaisir...

« Il faudrait au moins que tu luttes contre ta maladie. S'il te plaît, fais-le pour nous. Fais-le pour Gabriel, que tu aimes tellement et qui ne se relèvera pas facilement si tu pars.

» Fais-le pour Adrien, qui a besoin de sa mère pour avancer avec confiance dans la vie.

» Fais-le pour moi, qui ai besoin de ton dynamisme et de ta détermination pour avancer sans couler droit au fond.

— Je n'ai pas à lutter.

— Est-ce que tu as de nouveau dix ans ? Quand on avait dix ans, tu étais comme ça aussi, résignée, effrayée et timide. Je t'ai fait sortir de toi, ça m'a coûté des efforts, et maintenant tu réduis tout à rien.

» Fais-le par respect.

— Je t'assure que ce n'est pas utile, arrête de chercher des arguments.

» Gabriel ne va pas tomber, je t'assure.

— Est-ce que je me suis trompée une seule fois sur ses réactions, ses actions, ses pensées ? Est-ce que je me suis trompée une seule fois sur les étapes de votre relation ? Chaque rendez-vous, chaque mot, chaque avancée, chaque risque, chaque tension, je les ai devinés et t'ai aidée à les résoudre. Jusqu'à ta mort que j'avais prédite !

» Pourquoi ne me fais-tu pas confiance ?

» Pourquoi ne veux-tu pas m'écouter, juste cette fois ? Tu peux lutter contre ta maladie, tu n'es pas obligée de te résigner !

— C'est difficile de lutter. Et je suis trop fatiguée pour fournir cet effort. J'en ai assez Nath'. J'aimerais juste pouvoir me reposer...juste dormir un instant. Pourquoi pas...?

— Parce que cet instant, ce sera ce qu'il nous reste de vie. Je veux prendre ta place, si tu souffres. Ce que je vois si tu meures, je ferais tout pour l'empêcher.

» Donne-moi ta douleur, et que je meure à ta place !

— Tu le veux vraiment, questionna une nouvelle personne.

— Qui est là ?!

— Elpis ? Qu'est-ce que tu veux dire ? Pourquoi est-ce que tu me poses cette question ?

— Parce qu'elle est rituelle, répondît la personne qui était apparue, et tu as beau être ma fille adoptive, je ne dérogerai pas à mes rituels pour toi.

» Est-ce que mourir est vraiment ce que tu veux ?

— Si ça évite la mort d'Emilie, si je peux mourir à sa place et sauver Paris, oui, c'est ce que je veux.

— Elpis, si c'est toi Anne-Lise, si c'est toi la mère de mon amie, ne la laisse pas faire ! Elle ne doit pas mourir ! C'est impossible !

— Il y a un interdit sur l'Olympe, qui touche notamment Nathalie. Interdiction de faire du mal à certaines personnes. Thanatos refuse de les approcher, et Destin, Éros et Aphrodite, les Heures mêmes ont signé une sorte de pacte.

» Pour protéger ceux à qui je tiens.

— Pourquoi faire ça, s'étonna Émilie.

— Parce qu'ils ont peur de moi, répondit Elpis d'une voix lointaine.

— Mais comment peut-on avoir peur de l'espoir, et pourquoi ? Ce n'est pas mauvais l'espoir !

— Tant que je reste sage, Nathalie, tant que je reste sage.

» Quand l'espoir reste raisonnable, correct, conforme à la réalité et à la raison, il n'effraie pas.

» Mais quand l'espoir devient fou, quand l'espoir court après l'inimaginable, le contre-nature ou pour fuir la vie telle qu'elle est...là, l'espoir devient dangereux, et tenter de traiter avec lui est risqué.

» D'où le fait que l'Olympe évite de me contrarier.

— Est-ce que je peux prendre la charge d'Emilie ? Si je choisis de mourir pour sauver l'avenir, est-ce que ça marchera ?

» Est-ce que Destin changera ses plans, est-ce que Thanatos me prendrait ?

— Ils auront peur, mais ils le feront. Si tu me rejettes, ils le feront.

— NON. Je refuse que tu meures pour moi, Nathalie ! Je refuse ! Ta vie est plus précieuse ! Tu mérites de vivre, pas moi !

— Pour des pensées, Émi ? Chacune de tes pensées, chacune de tes idées, je les ai partagées. Il n'y a que les sentiments que tu aies gardés. Tu vaux autant que moi, et même plus, car ta présence sauve la ville, ma mort ne conduit pas à la catastrophe. Je meurs, tu restes.

— Tu ne t'es pas mise en danger, ce serait injuste.

— Tu es plus forte que moi. C'est ta mort qui serait injuste.

— Non, sérieusement, Nathalie ! »

Elpis soupira. Si ça ne tenait qu'à elle, Émilie serait déjà morte.

Mais Nathalie avait raison. La mort d'Emilie provoquerait un désespoir tellement grand chez Gabriel que Nooroo, pour empêcher le suicide, se sentirait obligé de lui révéler le secret des Miraculous, et Paris connaîtrait des heures sombres.

Elpis maudit encore une fois son don de voyance, et son altruisme. Elle avait transmis le second à sa fille adoptive, et le premier se transmettait sous forme d'instinct surpuissant chez tous ceux qu'elle fréquentait.

La déesse voulût s'approcher du lit où était allongée Émilie, mais fût repoussée violemment. Il y avait comme un champ de force, qui l'empêchait de passer.

Elle comprit immédiatement ce que ça voulait dire : Émilie refusait tout espoir, et rejetait donc toute forme de vie.

Émilie souhaitait mourir.

Et malgré toute l'argumentation que tint Nathalie pendant le quart d'heure qui suivît, Émilie ne changea pas d'avis.

Au bout de quinze minutes, Nathalie quitta la chambre, excédée. Son amie faisait n'importe quoi et refusait de s'en rendre compte, et Elpis n'avait pas aidé.

« Elle n'a pas tort, tu sais ? Tu pourrais lui faire confiance une fois de temps en temps...

— Est-ce que tu peux prédire l'avenir ?

— Une partie seulement, j'ai une « tendance Cassandre » c'est-à-dire que je ne peux voir que des catastrophes. Et je distingue les chemins qui y aboutissent. Si tu meurs, je vois la destruction de Paris.

— Est-ce que j'ai le droit de vivre à la place de Nathalie ?

— Oui.

— Est-ce que le fait que je sois en vie changerait l'histoire ?

—Indéniablement.

— Est-ce que tu souffrirais si Nathalie mourait ?

—J'ai vécu pire.

— Est-ce que tu deviendrais folle ?

— Je le serai un temps quoi que l'on fasse.

» Mais la folie durera plus longtemps si c'est toi qui meures.

— Est-ce que Nathalie veut mourir ?

— Elle veut comme moi : le moindre mal. Si ça implique qu'elle meure, elle l'accepte.

— Je ne vivrai pas si elle meure pour moi, je crois.

— C'est le risque de ce type de paris contre le destin.

— Si elle meure, je culpabiliserais au point que je n'accepterai plus de vivre.

» Autant aller par voie directe, non ?

— Tu es extrêmement têtue.

» Tu l'as toujours été, mais là tu atteins des sommets.

» Tu me demandes de choisir entre un suicide d'obéissance et un suicide de culpabilité.

» Dans les deux cas tu meures, et tu sais que je souffre plus dans le second.

— Effectivement. J'ai gagné, alors ?

— Je me rends. Parce que l'avenir s'est fermé. Au revoir, Madame Agreste. »

Elpis sortît en soupirant. La détermination d'Emilie avait supprimé la seule issue, le seul moyen pour que le Papillon ne mette pas la ville à feu et à sang chaque semaine... Elle avait échoué. Elle regarda le portrait de famille en haut de l'escalier.

N'avoir rien pu faire pour convaincre Émilie lui pesait sur le cœur. Paris était en danger.

************

Émilie était morte depuis six mois.

Comme Nathalie l'avait prévu, Gabriel avait utilisé le Miraculous du Papillon.

Les deux héros se battaient avec toujours plus de détermination.

Ils avaient failli, deux mois après le début des attaques, découvrir l'identité du Papillon.

Et Nathalie s'était condamnée pour empêcher cela.

Elle avait pris la broche du paon, et avait invoqué un senti-monstre.

En y repensant, elle ferma les yeux, assaillie par la culpabilité.

Elle se disait qu'elle avait trahi Émilie.

Mais en même temps, il y avait une sorte de fierté. Elle avait eu raison.

« Je t'avais dit que tu aurais dû rester, murmura-t-elle, qu'il ne supporterait pas ta mort.

» Je n'avais pas prévu de tomber amoureuse de lui, par contre...Là aussi, tu dois regretter d'être partie malgré mes demandes.

» En plus, tu me manques. Tu étais ma seule amie, et une amie c'est la chose la plus précieuse du monde. Clairement, je suis perdue sans toi.

» Si tu pouvais revenir, sans déséquilibrer le monde. Juste un instant...passe me conseiller.

— Elle te manque vraiment ?

— Elpis !! Qu'est-ce que tu fais là ?

— J'ai établi une résidence permanente dans la cuisine, vu que vous trouvez amusant de me convoquer environ deux fois par semaine. Et que j'avais envie de laisser Eurus tranquille.

» Mais n'évite pas la question. Est-ce qu'Émilie te manque vraiment ?

— Oui et non... Je...Émilie a emmené avec elle toute ma confiance en moi, et c'était toujours elle qui me conseillait, qui me guidait, qui m'aidait. Depuis son mariage en tout cas. Et maintenant qu'elle n'est plus là, je suis perdue.

» Et en même temps, je n'ai pas envie qu'elle ressuscite. Enfin... Je suis tombée amoureuse de son mari, et si elle ressuscite, je n'aurais pas le droit de l'aimer, même aux yeux de la loi. Donc... Je préférerais que ça n'arrive pas.

— Tu veux que je t'emmène la voir ?

— C'est possible ?!

— Tu es une des rares mortelles à ne rien risquer aux Enfers. Oui, c'est possible.

» Alors ? »

Nathalie s'apprêtait à acquiescer quand la porte s'ouvrît d'un coup, laissant apparaître un Gabriel surexcité. On lisait l'espoir délirant sur son visage. Elpis grimaça, ferma les yeux et se massa les tempes, luttant contre la folie de l'homme.

Nathalie secoua la tête. Elle ne voulait pas l'aider. Pas cette fois.

Elle avait assez de jouer un rôle. Assez d'être la petite poupée obéissante dont on fait ce qu'on veut. Assez de ne pas avoir confiance en elle. Assez de souffrir en silence. Assez d'avoir enterré sa capacité à s'affirmer quand elle avait dix-huit ans.

Ça suffisait comme ça. Elle ne se laisserait pas dicter son comportement par les autres. Plus jamais.

Elpis sourît en percevant le changement d'attitude de sa fille adoptive.

« Nathalie ? Venez-vous ?

— Pas cette fois Monsieur. Je ne veux pas.

— Pourquoi donc...qui êtes-vous, s'interrompît-il en apercevant Elpis.

— Tutoyez-moi, s'il vous plaît. Je suis Elpis, alias Anne-Lise dans ce monde-ci. Nathalie est ma fille adoptive.

— Les dieux grecs existent ?

— On dirait bien. Ne leur en voulez pas, les trois quarts du temps les autres ne font que m'obéir.

— Tu...diriges les dieux ?

— Théoriquement, le roi, c'est Zeus. Mais dans les faits, c'est moi qui donne les règles.

» Parce que Paris a bien vu cette année ce que ça donne quand l'espoir s'énerve. Quand l'espoir quitte les sentiers de la raison. N'est-ce pas ?

— Vous me traitez de fou ?

— Tu. Mais ce n'est pas vous le fou, c'est moi quand je suis dans cette maison. C'était déjà le cas avec Émilie, de toute façon...

— Non, Émilie était sur terre !

— Chaque jour avec elle, et tu n'as jamais remarqué que ses rêves dépassaient la Lune ? Je te croyais plus maligne, Nathalie...

— Est-ce que vous savez pourquoi elle est partie ?

— Pour leur conception de l'honneur. La bataille a duré longtemps, mais Émilie a fini par réussir à me forcer la main.

— Comment elle a fait ? Tu es beaucoup plus têtue qu'elle, interrompit Nathalie.

— Elle a fermé l'avenir en deux phrases. Je ne suis pas masochiste, souffrir pour rien c'est pas mon truc.

— Fermé l'avenir ? Que voulez-vous dire ?

— Elle m'a dit qu'elle mourrait de toute façon.

— Je ne comprends toujours pas...

— Je lui avais proposé de mourir à sa place, intervînt Nathalie.

— Pourquoi ?!

— Pour sauver le monde. Je savais que vous réagiriez en devenant le Papillon. Et je ne voulais pas que ça arrive, alors j'étais prête à prendre sa place. Mais elle a refusé.

— Pas exactement refusé, corrigea Elpis. Elle a dit qu'elle ne saurait pas vivre si tu te sacrifiais pour elle. En deux phrases, il n'y avait plus de solution.

— Et maintenant, c'est moi qui ne vis qu'à moitié.

» On ne peut pas vraiment vivre l'une sans l'autre, on avait partagé nos âmes...

— Elle t'as rendu ce qu'elle avait pris. Tu peux faire sans elle, en fait. Réaffirme-toi. »

Sur ces mots, Elpis disparût. Nathalie était bouche bée, surtout parce qu'elle se rendait compte que sa mère adoptive avait raison.

Aujourd'hui, pour la première fois depuis ses quinze ans, elle avait dit non.

Aujourd'hui, pour la première fois depuis ses vingt ans, elle avait confiance en elle.

Aujourd'hui, pour la première fois depuis ses vingt-cinq ans, elle assumait entièrement ce qu'elle pensait.

Elle sourît en s'en rendant compte. Parce que ça voulait dire qu'elle avait le droit de penser librement, qu'Emilie acceptait de redevenir la timide de leur duo, pour que Nathalie puisse être heureuse.

Après vingt ans, il était temps ! Temps que je me rappelle mes propres phrases. Ce n'est pas l'autre qui fait peur, c'est toi qui amènes la peur. Ce n'est pas l'autre qui donne confiance, c'est toi qui prends. Merci Maman...

Elle se tourna vers Gabriel. Maintenant, elle pouvait parler.

Maintenant qu'elle avait dit non, elle pouvait dire pourquoi.

« Je vous aime Gabriel.

— Quoi ?! Qu'est-ce que vous dites ? C'est pas...Ce n'est pas vrai, vous vous moquez...

— Absolument pas. Je sais que je n'ai aucune chance. Mais je le dis quand même, parce que Maman est venue pour ça. Je le dis parce que j'ai enfin retrouvé ma confiance en moi. Je ne blague jamais, vous le savez. Je ne ferais pas d'humour sur un tel sujet. Je vous aime.

— Depuis quand...depuis quand m'aimez-vous ?

— Mayura est mon aveu. Je ne sais pas quand j'ai commencé à vous aimer, après le Papillon c'est sûr... Je m'en suis rendue compte une semaine avant le jour des héros.

— Vous...je ne comprends pas comment vous pouvez aimer le Papillon.

— Peut-on savoir ce qui se passe dans l'inconscient ? Peut-on connaître vraiment les chemins de l'amour ?

— Non, vous avez raison. On a beau construire des murs, il les détruit toujours. De manière inattendue en général.

— De toute façon, je ne pouvais pas tomber amoureuse de vous avant. Je ne pouvais pas la trahir, elle était comme ma sœur. Elle et moi, on a vécu chaque jour ensemble, on a toujours été inséparables. On partageait chaque pensée, chaque opinion, à quelques détails près.

— Et quels étaient les sujets de vos désaccords ?

— Vous, le plus souvent. Je lui disais qu'elle vous aimait trop fort, et elle me traitait de jalouse. Ce qui n'était peut-être pas entièrement faux, mais certainement pas dans le sens où elle pensait.

» Mais j'ai eu raison sur un point. Je lui avais dit qu'elle devrait maîtriser les élans de son cœur ou qu'elle mourrait de son amour pour vous.

— Est-ce que toutes celles qui m'aiment doivent mourir ? Vous aussi vous vous êtes condamnée par amour pour moi...

— Il faut croire que je n'écoute pas les leçons que je donne. »

Gabriel esquissa un mince sourire. Voir Nathalie s'affirmer, oser enfin dire ce qu'elle pensait, se départir une fois de sa façade de marbre, cela faisait du bien.

Au moins, je suis sûr que j'ai une humaine en face de moi, et pas une machine !

Nathalie se sentait soulagée d'avoir enfin dit ce qui lui pesait sur le cœur, elle était heureuse de se retrouver enfin elle-même.

Et la réaction de Gabriel, une simple incrédulité au lieu du rejet qu'elle attendait, lui faisait du bien.

Un souvenir frappa sa mémoire. Le premier rendez-vous d'Emilie et Gabriel, quand son amie avait cédé et s'était déclarée par message. Nathalie avait assuré que l'incrédulité de Gabriel était le signe que les sentiments étaient partagés.

Est-ce possible qu'il ne me croit pas ? Comme avec elle ?

Elle se tourna vers Gabriel. Il semblait impassible, et n'importe qui aurait cru qu'il ne ressentait rien de particulier.

Mais Nathalie, qui le connaissait bien, savait qu'au fond il était plongé dans un mélange d'émotions embrouillées.

À la contraction de sa mâchoire, elle devina un refus. Refus d'espérer ? Elle n'arrivait pas à le distinguer.

Les yeux brillants de Gabriel indiquaient une tristesse, un regret. Sans doute celui de la briser, car ils étaient devenus amis avec le temps.

Et le très léger tremblement de sa main lui indiquait une tension nerveuse, signe qu'il ne savait pas comment réagir exactement, comment traiter les émotions provoquées par la déclaration de Nathalie.

Elle serra les lèvres, s'interdisant d'espérer. Il ne pouvait pas l'aimer, pas elle, la timide et effacée meilleure amie d'Émilie.

Gabriel essayait de faire le point. L'aveu de Nathalie ne l'avait pas surpris. Il avait cherché des explications à Mayura, et n'avait trouvé que celle-ci.

Il refusait cependant d'y croire. Il n'avait jamais aimé qui il était, avec le Papillon c'était encore pire. Si elle l'aimait, ça voulait dire qu'il avait de la valeur malgré tout.

Il s'attristait de la voir gâcher sa vie pour lui. Qu'elle se soit sacrifiée pour l'aider l'avait détruit. Chaque instant se remplissait de l'inquiétude éprouvée pour elle. Et les trois mots qu'elle avait prononcés lui perforaient le cœur, confirmation de sa crainte.

Mais, malgré l'inquiétude, la tristesse qu'elle soit tombée pour lui, il se sentait heureux. Il avait l'impression d'être noyé de lumière, qu'elle lui offrait un arc-en-ciel, une rémission.

Il se tourna vers elle. Il devait répondre.

« Je ne vous mérite pas, Nathalie.

— Il est là votre défaut principal. Émilie le voyait et refusait d'en tenir compte. Vous n'avez aucune estime de vous, et même moi j'ai plus de confiance en moi que vous n'en avez.

» Bien sûr que vous me méritez. Il n'y a pas de raison pour que ma valeur soit tellement supérieure à la vôtre.

— Votre regard est truqué, vous m'aimez.

— Alors donnez les clés à Adrien, et demandez-lui. Il sera on ne peut plus objectif.

— Pourquoi voulez-vous que j'ai de la valeur ? J'ai détruit Paris tant de fois, mis en danger des dizaines d'innocents, me suis battu contre deux adolescents ayant probablement autre chose à faire, vous ai poussée à la mort...tout ça pour un objectif presque futile.

— Vous avez oublié la crainte avec laquelle vous attaquiez chaque fois, la détermination, la peur de les blesser gravement. Le découragement et la détresse qu'il y avait parfois. Vous avez refusé la résilience, mais vous avez tout de même bâti quelque chose.

— Je suppose que je n'arriverai jamais à vous convaincre ?

— Jamais. Pourquoi tenez-vous tant à ne pas me croire ?

— Je ne sais pas...Ou plutôt, je considère que je n'ai pas le droit à l'amour et au bonheur après ce que j'ai fait.

— Tout le monde a droit au bonheur, même le pire criminel, si ça peut permettre de changer en mieux. Il n'y a qu'une fois mort que l'on ne peut plus agir pour mériter l'appréciation des autres.

— Le destin ne doit pas être d'accord avec vous. Chaque fois que je suis heureux, ça finit dans le désarroi...

— Pas cette fois, je vous le promets. Thanatos ne peut pas me prendre si je ne le lui demande pas.

— Il faut que vous soyez heureuse, et vous ne risquez pas de mourir...vous avez une chance étrange.

— À voir si elle ne se transformera pas en malédiction...

— J'empêchai ce changement. »

Nathalie écarquilla les yeux. Il avait dit ça tellement naturellement. Il savait que son bonheur ne dépendait que de lui, pourtant...

Il lui sourît avec tendresse. Non, il ne la laisserait pas être malheureuse. Son cœur s'était emballé tout à l'heure, bien trop pour qu'il l'ignore.

Il acceptait que ses sentiments aient fini par changer.

Il acceptait que son cœur accélère de nouveau pour un simple sourire.

Il acceptait de laisser la plaie de la mort guérir.

Il s'approcha de Nathalie, se pencha vers elle et lui murmura à son tour les mots enchantés.

« Je vous aime. »

************

4680 Mots ! + note de début.

Ne pas fangirler sur mon propre OS, ne pas fangirler sur mon propre OS, ne pas fangirler sur mon propre OS...

Oups, j'ai fangirlé...

Soyons clairs : le développement de la relation entre Emilie et Nathalie est sans aucun doute un des trucs les plus intéressants à faire.

Et, comme d'habitude, j'ai fini sur du Papyura. Mais c'est le meilleure ship au monde, alors bon...Je suis excusée.

Introduire Elpis, je le fais littéralement tout le temps. (Faut dire que je connais la mythologie grecque depuis toujours, mon père m'en racontait les histoires avant que je sache lire, et c'est un truc auquel j'accroche énormément. )

 Vous en pensez quoi, de mes broderies intempestives sur la série ?

 Bises, 

 Jeanne.

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