Impasse
Hi !
Deux petites choses, d'abord. Premièrement, on est en AU, où Gabriel & Co n'ont trouvé que le Miraculous du Paon et le grimoire.
Deuxièmement, léger TW pensées suicidaires. Y a eu pire. Mais elles sont quand même là. Donc je préviens.
Bonne lecture, commentez bien
************
21 novembre 2014.
Nathalie poussa un soupir, les yeux rivés au tableau de son amie accroché dans le bureau. La vie au manoir était pour le moins complexe. Depuis la mort d'Emilie en août, Gabriel se noyait dans une tempête émotionnelle. Il n'en sortait pas. Et la visite au cimetière quelques semaines auparavant, même s'il savait la tombe vide, n'avait pas arrangé les choses.
Adrien devait juste arriver au collège, profitant d'un semblant de liberté qui lui permettait de sourire, faire de nouvelles expériences, rencontrer des amis. Au moins, l'adolescent allait bien, ou à peu près.
« Bonjour, Nathalie. Vous êtes déjà à travailler ?
— Bonjour Monsieur... Je... Je réfléchissais.
— Au moins vous y arrivez, vous. »
La jeune femme détourna le regard à la morgue et la jalousie audibles dans sa voix. La journée n'allait pas être facile, s'il commençait ainsi.
Oui, elle arrivait à réfléchir. Mais c'était bien parce qu'elle avait coupé tout accès à ses émotions des années auparavant et qu'elle agissait en auto-pilote, comme elle avait dû le faire après la disparition de sa mère.
« Comment faites-vous pour le prendre avec autant de calme ?!
— Monsieur, respirez s'il vous plaît. Vous n'avez pas besoin d'être jaloux.
— Mais vous ne savez pas. Vous ne souffrez pas. »
La brune serra les poings, essayant d'éliminer les insomnies, les questions, la culpabilité. Non, bien sûr ce n'était pas pareil...
« Nathalie, s'il vous plaît. Vous savez que j'ai besoin d'elle.
— Monsieur, vous êtes fort, et créatif, et résilient. Vous nous avez raconté vos enfers. Vous pouvez surmonter son absence, vous avez surmonté tellement.
— Pourquoi ne me laissez-vous pas au moins essayer ? »
La voix du styliste était si fragile, si hésitante, alors qu'il était si déterminé auparavant. Ça faisait mal, comme un éclat d'un passé hanté. Mais il fallait lutter contre cette faiblesse. Après une longue inspiration, elle formula sa réponse.
« Parce que... Je ne peux pas vous laisser faire...
— Nathalie. Je l'aime, et ça ruine ma vie. Et vous le voyez.
— Elle m'a demandé de veiller sur vous, Gabriel.
— Et j'étais celui responsable, celui qui aurait dû être envoyé au loin, à la mort.
— Non.
— Nathalie.
— S'il vous plaît.
— Une fois.
— Une fois lui a suffi.
— Pourquoi est-ce que je ne peux pas ?
— J'ai un serment à tenir. Et une identité à vivre. Je ne pourrai pas assumer.
— Je...
— Vous n'avez pas à être désolé, Monsieur. Je ne montre pas ce que j'éprouve. J'essaye de ne pas vivre dans la détresse. J'essaye de porter le nom que ma mère m'a donné. C'est plus facile ainsi.
— Merci, Nathalie, murmura Gabriel en lui effleurant la joue, merci... Je sais que je suis imbuvable mais... merci de rester.
— Ce n'est rien. »
La brune ferma les yeux. Elle savait que Gabriel en aurait besoin, un jour ou l'autre. Il ne se passait pas une demie-semaine sans que le débat ne revienne sur la table.
Ils savaient tous les deux que le Miraculous du Paon, qu'ils avaient trouvé des années auparavant n'était pas le seul bijou magique.
Ils savaient que certains étaient plus puissants.
Ils savaient que, en réunissant les Miraculous de la Coccinelle et du Chat Noir, on pouvait obtenir le pouvoir absolu, faire un voeu.
Mais pour que cette potentialité se réalise, il fallait forcer les héros à se dévoiler. Il fallait provoquer l'activation des Miraculous. Il fallait... il faudrait se battre pour les obtenir, mettre sa vie sur la ligne. Ils connaissaient tous les deux les risques, ils avaient vu Émilie les prendre. Et ils ressentaient les conséquences au plus profond d'eux-mêmes.
Des années de bonheur semblaient si courtes à présent que tout s'effondrait. Le dialogue était mort, chacun était retourné dans un autre monde. Le silence était leur confort pour éviter de se concentrer, pour rassembler leurs faits.
Et malgré toutes les réflexions, elle ne connaissait pas la quantité de tristesse que Gabriel pourrait supporter avant de craquer, combien de tragédie il y avait en lui.
À quel profondeur pourrait-il descendre avant d'imploser ?
Elle ne pouvait pas se permettre de tester.
Émilie lui avait demandé de le protéger, de l'aider.
Et Nathalie était prête à tout pour cela.
Contrairement à Gabriel, ce n'était pas la mort qu'elle chercherait en portant la broche brisée.
Elle se battrait pour la victoire.
« Gabriel ? Je peux le faire.
— Nathalie, non !
— Ça n'aurait pas de sens de ramener Émilie si vous vous tuez dans le processus, n'est-ce pas ?
— Non. Ne le faites pas. »
Elle hocha la tête discrètement. D'accord. Il ne voulait pas plus qu'elle ne voulait. Leur tragédie se déployait magnifiquement.
Ils voulaient tous les deux changer les choses.
Ils refusaient unanimement de laisser l'autre agir.
Ils étaient bloqués.
Et le temps passaient, glissant comme de l'eau entre leurs doigts, les poignardant de sa présence.
************
Vingt-et-un décembre.
Gabriel était debout dans l'observatoire. Le soleil ne semblait pas s'être levé de la journée, caché dans les nuages et la neige fondue. Adrien s'était enfermé dans sa chambre à travailler pour les multiples interrogations à venir en janvier. Nathalie ne s'était pas montrée, il savait qu'elle devait être debout à regarder les nuages, à ressasser des souvenirs, l'anniversaire de sa rencontre avec Émilie. Bien sûr qu'elle voulait être seule.
Le styliste sortit la broche de sa poche, la faisant tourner dans le faible éclairage. Il se rappelait des discussions avec sa lumière, avant, quand leur bonheur n'était pas brisé de maladie. Cette broche les tuerait tous les deux, il le sentait. Deux tombes pour une seule arme. Pour retrouver un instant de soleil.
Il ne savait pas ce qu'il souhaitait, au fond. Il voulait juste la revoir. La retrouver. Retrouver le sentiment d'être un adolescent insouciant qu'il avait avec elle, retrouver l'impression d'être ivre des blagues qu'elle faisait, du son de son rire si mélodieux, de la manière dont il ne comprenait pas ce qui pouvait lui plaire chez lui et dont elle répondait en riant « mais regarde-toi, andouille ! ». Et leurs jeux, leurs blagues, les kiss, marry, kill, c'était juste un jeu mais à peine l'avait-il rencontrée qu'il pariait déjà sur les trois pour eux deux. Il voulait retrouver tout ça. Peu importe le moyen. S'il fallait mourir pour la revoir... Eh bien le pari serait tenu. De toute façon, la vie ne valait rien sans elle, malgré les arguments et les supplications de Nathalie.
« Duusu...
— Non !! Monsieur, s'il vous plaît !! Je sais que je suis dangereux... ne...
— Je mourrai de toute façon sans elle. Autant que ce soit en essayant de corriger l'erreur du destin.
— Je ne veux pas.
— Tu n'as pas le choix. Duusu, transfo...
— Gabriel, non !! »
Nathalie venait d'entrer dans l'observatoire, et son regard s'était immédiatement posé sur lui. Elle traversa la pièce à grands pas, les yeux rivés sur le visage de son patron. Ça, elle ne laisserait pas faire. Il était trop important. Pour le monde, pour son fils, même pour Émilie. Même pour Amélie, de l'autre côté de la mer, il était encore celui qui avait forcé Colt à diminuer ses maltraitances, il incarnait encore la liberté.
Et pour elle, il était un centre. Une inspiration. Elle ne pouvait pas le perdre. Pas lui. Et c'était peut-être égoïste, mais c'était important, peut-être qu'il entendrait cet argument, puisqu'il n'entendait pas qu'Émilie ne voudrait pas cela.
Les mots débordaient de ses lèvres en torrents inarrêtables, la broche scintillait dans sa main, et Gabriel restait là, debout, figé, à l'écouter. Tout ce qu'elle pouvait dire n'était que du bruit blanc, au final c'était juste son choix.
« Gabriel. Je sais. Je sais que je ne vous convaincrai pas de renoncer. Ce n'est pas ce que je cherche. Je veux juste que vous viviez. Pour elle. Je peux le faire. Je le ferai. Vous devez vivre. Pour Adrien, pour Émilie, pour la compagnie, pour vos rêves. Mais je veux vous aider...
— Nathalie...
— Je ne désire pas la mort. Mais c'est un prix que je suis prête à payer pour vous voir à nouveau heureux tous les deux.
— Vous...
— Gabriel, vous tenez à la vie, mais elle est tellement douloureuse en ce moment que vous la haïssez. Je ne compte pas. Laissez-moi faire. Nous y arriverons.
— Je n'ai pas assez de force pour dire non, Nathalie, vous le savez, murmura-t-il avec désarroi, mais...
— Tout ira bien.
— Vous comptez aussi pour elle.
— Moins, vous le savez. Je m'en sortirai.
— Vous y croyez vraiment ?
— Oui. »
La dernière partie était à moitié un mensonge, mais elle avait besoin de se rassurer. De le rassurer. En apercevant un éclair de détermination passer dans les yeux acier de son patron, elle sut qu'elle avait gagné cette bataille-ci.
Et, sans plus hésiter, elle se transforma.
Les yeux fermés, elle se concentra pour percevoir les émotions de la ville autour d'elle, les scènes. Utiliser les émotions des autres était tellement plus facile que confronter les siennes.
Elle les sauverait. Elle l'avait décidé.
************
Dix mars 2015.
Nathalie était assise dans le salon, à travailler. Le Miraculous n'était pas tendre avec elle, et en un peu plus de sept semaines, même en limitant ses attaques, sa santé s'était déjà fragilisée. Elle tenait debout, mais c'était plus difficile. Sa respiration était plus courte. Elle était prise d'étourdissements et de migraines impitoyables.
Mais tout cela valait le coup, valait la douleur.
Cette cage de maladie lui convenait parfaitement et elle n'avait plus à pleurer, elle agissait.
Soudain la porte s'ouvrit doucement, laissant entrer un courant d'air léger.
« Bonjour Gabriel. Vous savez, vous pouvez pousser les portes pour de vrai, je ne suis pas en porcelaine non plus, je ne vais pas me briser.
— Merci...
— Ce n'est rien. Monsieur... J'ai parlé avec Adrien. S'il vous plaît, prenez soin de lui... Il a besoin de vous, vraiment. Écoutez-le, aidez-le, rassurez-le. Il... L'école est un peu complexe pour lui, il a du mal à s'intégrer véritablement même s'il a été adopté par un garçon apparemment assez apprécié. Aussi, Chloé est un démon apparemment... Enfin... Il se débrouille, mais il est un enfant, il a besoin de se savoir soutenu...
— Ne vous inquiétez pas. Est-ce que vous allez bien ?
— Oui. Enfin, ça va. Je suis fatiguée quasiment en permanence, mais à part ça, ça va. Et il y a les quintes de toux, mais ça n'est pas dérangeant. Et vous ?
— Nathalie... Je...
— Ne vous inquiétez pas, Gabriel. Tout ira bien. »
Elle le vit froncer les sourcils, reculer d'un pas, son regard s'emplissant d'orages.
Puis il s'agenouilla à ses côtés, comme le jour de sa première attaque, quand elle s'était effondrée et avait pratiquement détruit le sentimonstre immédiatement, elle avait tenu les quinze minutes du combat puis était tombée. Il l'avait portée jusqu'ici, sur ce même siège, et il s'était agenouillé en la suppliant de faire attention, en la remerciant. Et il était de retour dans cette position à présent, les yeux pleins d'inquiétude et de peine.
« Nathalie, je vous en supplie, ne mentez pas. Nous savons tous les deux que ça ne peut pas marcher. N'essayez pas de me rassurer. Nous connaissions le prix en commençant. Alors ne mentez pas, car vous savez peindre un paradis d'espoir, mais si vous mentez, il devient l'enfer.
— D'accord... Dites, Gabriel, comment allons-nous faire...?
— Je ne sais pas, Nathalie, soupira-t-il, je... parfois, j'aimerais pouvoir oublier comme nous avions presque tout, avant, peut-être... Peut-être que nous aurions dû laisser cette histoire être enterrée...
— Gabriel, non. Ne renoncez pas. Pas pour moi.
— Nathalie s'il vous plaît... Laissez-moi vous aider.
— Non. Ça ne sert à rien de vous sacrifier, nous avons déjà eu cette discussion mille fois. Nous ne ferons pas ça pour rien.
— Nathalie. Je suis déjà brisé, tous les morceaux de mon âme sont éparpillés, j'essaie de sourire, j'essaie de faire ce qui est attendu, mais je ne peux pas le faire avec le cœur brisé ainsi.
— Je ferai tout ce qui est nécessaire pour que vous n'ayez pas à le faire longtemps. Pas plus. Je vous le promets. »
Le styliste se releva, refusant de croiser le regard de son assistante.
Il comprenait bien sûr. Il savait.
Il voyait bien que sa mort ne ferait rien de bon pour leur idée.
Mais le sacrifice et la force de caractère de Nathalie le détruisaient, lui faisaient peur. Il avait l'impression d'être l'homme le plus petit, le plus vil qui ait jamais vécu.
Le cœur en pagaille, des morceaux de phrases, d'arguments incohérents résonnant dans sa tête, il salua Nathalie et retourna dans sa chambre.
Il ne voulait plus mourrir, pas comme l'année dernière, pas comme en décembre quand il lui avait abandonné le combat.
Mais maintenant elle était là, prête à mourir pour lui, pour ses erreurs, à mourir à l'intérieur. Elle était si forte. Si déterminée. Et pour l'utiliser ainsi et la condamner à mort, à ses propres yeux il méritait la prison.
************
Onze mars 2015, nuit.
Gabriel était debout dans l'observatoire. Dans la journée, Nathalie avait créé un sentimonstre gigantesque, extrêmement puissant, qui avait causé énormément de destruction et le combat avait duré ce qui semblait des heures. La créature avait presque réussi à obtenir le Miraculous de Ladybug, mais Chat Noir avait cataclysmé leur adversaire une seconde trop tôt. Le monstre avait visiblement hurlé de douleur, s'était débattu, mais le héros avait réussi à entrer dans sa gueule, trouvé la victime paniquée et avait saisi le petit bracelet qui enfermait l'amok.
Le styliste avait regardé son amie lutter contre le malaise pendant toute la durée de la bataille. Il avait senti son cœur se briser, se réduire à de la poussière trop fine tandis que sa décision se renforçait. Il devait l'aider. Elle n'avait pas à porter ce fardeau à sa place. Ensemble, peut-être qu'enfin ils pourraient changer l'équilibre, entrer dans une période de victoire.
Les yeux fermés, Gabriel Agreste respira profondément, ayant l'impression qu'il vendait son identité dans ce pacte contre le destin. Il ne savait pas qui il serait demain.
En un murmure il se transforma, et commença à scruter les émotions de la ville, la voix de son assistante résonnant dans ses souvenirs.
« Pourquoi ne gardez-vous pas l'amok ? Ce serait plus facile, non ?
— J'aurais à connaître mes sentiments pour cela... et je n'aime pas faire ça. J'imagine que vous comprenez ?
— Parfaitement.
— Puis... Je n'aime pas avoir le contrôle sur une autre créature... Je n'aime pas cette idée... Et aussi. C'est plus facile de ré-utiliser la peur de cette manière. Si tous peuvent se retrouver maîtres de Senti, ils se font moins confiance et sont plus nerveux. Je peux rendre les foules folles en un claquement de doigts. »
Elle avait souri après cela, et maintenant qu'il écoutait le calme hanté de la ville, Gabriel se demandait s'il pourrait jamais réussir aussi bien qu'elle à vivre, à se battre, à se décider.
Au bout d'un moment, il sentit la peur qui se faufilait dans la nuit, les murmures de terreur. La crainte dont elle parlait. Il voyait les cauchemars qui se dessinaient.
Un enfant qui tremblait dans son lit, les yeux grands ouverts alors que son rêve d'une visite à l'aquarium était devenu une terreur où les orques montraient les dents, sortaient du bassin, dévoraient les adultes.
« Bonjour Orquis. Je suis Pfau. Tu es terrifié. Je te donne le pouvoir de devenir ta peur pour mieux la maîtriser. En échange...
— Les Miraculous de Ladybug et Chat Noir, je sais, je sais comment ça fonctionne. »
Un instant plus tard, le sol tremblait dans toute la ville, les rues se remplissaient d'eau plus ou moins saumâtre, visiblement emplie de déchets, comme si les berges du fleuve avaient soudainement implosé. Un instant plus tard, l'alerte amok résonnait dans la ville, éveillant les habitants, faisant jaillir deux ombres devant la fenêtre, les deux héros partant en mission.
Pfau sortit immédiatement son téléphone de sa poche, se penchant sur la chaîne d'information continue qui assistait à chaque combat, se demandant ce que les deux adolescents pourraient bien mettre en place alors que sa victime avait plongée dans l'eau, entourée d'une armure semi-consciente en forme d'orque géante, éjectant de l'eau de tous les côtés.
« Chat Noir... On va devoir aller dans l'eau.
— Je suis un chat, Ladybug. Je n'aime pas l'eau.
— Oh, arrête, t'as la tête de quelqu'un qui a une piscine dans sa salle de bain. Puis tu as les pouvoirs spéciaux, non ?
— Premièrement, tu ne sais rien de ma salle de bain. Secondement, oui, ceeertes... Mais enfin...
— Allez, à dans une minute. »
Les deux héros disparurent momentanément, avant de revenir sur l'écran, leurs costumes apparemment modifiés. Ce détail laissa Pfau avec les sourcils froncés tandis que Ladybug et Chat Noir plongeait dans l'eau. Agenouillé sous la fenêtre de son repaire, tentant de contenir le malaise qui commençait à s'étendre en lui, de penser à travers la brume de douleur, il essayait de comprendre.
Il y avait forcément une explication à cette transformation, à ce nouveau pouvoir, à cette adaptation.
Il la trouverait, il y arriverait, il...
La douleur perça son esprit dans un éclair, lui coupant le souffle, interrompant ses pensées, il sentait seulement son cœur battre à imploser, il faisait si noir, si noir, que se passait-il...?
************
Une main fraîche se déposa sur son front, doucement.
« Ne vous agitez pas, Gabriel. Restez calme. Vous n'auriez jamais dû...
— Nathalie... Nathalie, il y a une solution ! J'en suis certain, le... lors du combat, ils avaient fait évolué leurs pouvoirs, ce qui signifie qu'ils ont dû... Il doit y avoir quelqu'un qui sait, qui connaît les secrets des Miraculous, qui...
— Et vous croyez vraiment que cette personne accepterait de nous aider ?
— Peut-être... Mais, Nathalie, vous pourriez... vous pourriez guérir...
— Comme si j'étais celle qui en avait le plus besoin. Gabriel, vous auriez dû détruire ce Senti, trouver un moyen. Le combat a duré presque trois heures, et rester transformé aussi longtemps, avec un Miraculous brisé... Cela a entièrement aspiré vos forces, ça fait quatre jours que vous dormez... J'ai cru vous perdre tellement de fois... Ne recommencez jamais une telle bêtise. C'était impressionnant, bien sûr, et ils ont eu du mal, et c'était une création extrêmement intelligente et puissante, mais ne recommencez jamais. Je ne veux pas avoir à vivre ça... à vivre sans vous, à me demander comment tout a fini...
— Nathalie, tout va bien. Nous avons été aveugles à des circonstances imprévisibles, mais nous avons une solution. Je vous le promets. Nous pouvons... Keuf, keuf...
— Je vous interdis de faire ça. Je sais que vous vouliez me soulager, mais... Nous le faisions pour ramener Émilie, pour que vous la retrouviez. Cela fait des mois que nous avions décidé que ça n'avait pas de sens si vous mourriez dans le processus...
— Je suis désolé, Nathalie, répondit Gabriel avec un sourire maladroit, je n'aurais pas dû faire ça. Mais vous alliez si mal après votre dernier combat, j'avais l'impression d'être perché dans un arbre avec un fantôme, déjà en train de mourir... comme si... comme si la mort arrivait à nouveau. Et je l'ai trop vue... Je... J'avais besoin d'agir...
— Monsieur... Je... Merci d'avoir... merci d'avoir fait ça pour moi. Nous trouverons un moyen de naviguer, n'est-ce pas ?
— Oui. Bien sûr. »
Elle s'assit à côté de lui sur le lit, et, avec un soupir, elle commença à lui raconter le combat, la difficulté des deux héros à atteindre le Sentimonstre-orque qui les défiait dans l'eau, la manière dont le garçon avait utilisé son bâton pour les éclairer et filmer leur bataille, cherchant manifestement à documenter la situation, à pouvoir analyser. Cette vidéo avait été mise en ligne sur le Ladyblog à peine une heure après le combat, vers trois heures.
Mais il était resté encore transformé jusqu'à ce qu'elle le trouve, recroquevillé, brisé, effondré dans la pièce supérieure, le lendemain matin.
Depuis, il n'y avait pas eu une attaque, elle était restée à son chevet, essayant de se rassurer et de rassurer Adrien, de ne pas laisser la panique l'envahir, chassant la nostalgie en se répétant que ce n'était qu'un tour de l'esprit, les palais passés étaient gelés, et pourtant elle rêvait d'un univers où tout se passait bien.
Son patron lui serra la main doucement, la remercia de s'être occupée de lui avec tant d'attention, avec douceur. Elle avait cru mourir, mais elle assurait qu'elle allait bien, et il le sentait. Et, avec douceur, il lui demanda d'aller se reposer.
Quand ils iraient mieux, ils chercheraient une véritable solution, un angle d'attaque pour leur nouveau problème.
Trouver le savant des Miraculous. Lui parler. Le convaincre de les aider. Guérir. Et peut-être trouver un moyen de vivre.
Ensemble ils y arriveraient, assurait-il.
Elle hocha la tête, se leva et se dirigea vers sa chambre, essayant de calmer son cœur. Peut-être y avait-il véritablement du progrès.
************
Trois semaines plus tard, cinq avril 2015.
Nathalie marchait dans la rue, essayant de ne pas faire attention au début de migraine pulsant dans sa tête, à la faiblesse de ses jambes. La brise printanière l'aidait à respirer. Au moins ça, ça compensait pour les centaines de mètres carrés d'eau qui semblaient tomber à la moindre occasion.
Depuis le onze mars, il n'y avait plus eu d'attaque. Elle ne se sentait pas capable de recommencer alors que son état physique avait poussé Gabriel à faire un tel sacrifice. Et il ne s'en remettait pas. Alors ils se contentaient de réfléchir, de planifier une grande attaque, essayant de déterminer des hypothèses, de ne pas se détourner, elle s'acharnait à ne pas noter comme il se rapprochait d'elle par moments, elle luttait contre l'étrange gravité qui l'attirait vers lui, se répétant qu'il n'y avait aucune chance.
Et comme la tension se faisait trop forte, sur toutes ses questions, elle avait demandé à retourner au bureau, à la compagnie, elle avait besoin de se changer les idées.
Mais maintenant elle était là, à marcher en direction de la place de l'Etoile, où elle prendrait le métro, et elle regardait les vitrines, elle apercevait la vie des gens à travers leurs fenêtres, comme si Émilie allait apparaître à leur table et sortir lui donner des conseils, comme si regarder le monde vivre pourrait résoudre tous les « si seulement... » qui se bousculaient dans son esprit.
En descendant les escaliers, elle eut une idée. Leur but était de trouver le gardien, non ? Alors il fallait mettre Ladybug en difficulté, le forcer à sortir de sa cachette. Et leur arme la plus puissante pour cela était la peur. Il fallait terrifier réellement le gardien. Même si cela nécessiterait d'effrayer la ville entière, de créer leur Senti le plus puissant, et elle savait...
Cela leur couterait une vie.
Les jambes tremblantes, elle s'assit dans la rame, ferma les yeux, prit une grande inspiration. Le plan était clair dans son esprit, mais elle luttait encore pour ne pas l'accepter, s'accrochant à une lueur d'espoir trop faible, et elle suppliait dans sa tête, espérant qu'on puisse changer le destin, qu'on change la prophétie qu'ils avaient enclenché en prenant le pouvoir. Vie pour vie.
Essayant de retenir les larmes, elle sortit son téléphone et commença à taper, expliquant son idée à Gabriel, quelques détails du plan qui se dessinait dans son esprit, assurant qu'elle le mettrait à exécution le soir même.
Elle ne voulait pas mourir. Mais elle ne voulait pas le perdre, et pour lui elle le ferait. Pour que ses sourires lumineux continuent, pour que l'éclat de douceur et de fierté dans ses yeux d'acier ne disparaisse jamais. Elle était terrifiée à l'idée d'avoir scellé son destin, il n'y avait pas de signe de solution.
Avec une boule dans la gorge, Nathalie ré-envoya un message, suppliant Gabriel de l'attendre, de ne pas agir. Parce qu'il était la seule personne à qui elle pouvait parler pour changer leur prophétie.
Les arrêts défilaient, elle tapotait nerveusement sur l'écran de son téléphone, essayant de chasser les pensées angoissées qui se bousculaient.
En entrant finalement dans le bâtiment de la compagnie, elle laissa échapper un soupir de soulagement. Elle était arrivée. Tout allait bien.
Une minute plus tard, elle était au sommet de la tour, dans son bureau, regardant la ville et les autres immeubles depuis la fenêtre, un sourire léger aux lèvres. Quoi qu'il arrive, elle avait toujours sa place ici et ça ne changerait jamais. Un peu de stabilité au milieu de la tornade de sa vie.
« Hey, patronne ! Vous êtes de retour ?
— Bonjour Éloïza, sourit Nathalie en se retournant, oui, j'avais besoin de me changer les idées.
— Tant mieux. Le patron va bien ?
— Difficile. Émilie lui manque. Mais on fait aller.
— Pourquoi vous mentez, patronne ?
— Parce que la vie est compliquée, et c'est plus facile en disant que ça va.
— Si ça vous aide...
— Oui.... Je suis désolée...
— Non, c'est normal. J'espère que la situation va s'améliorer.
— Merci Éloïza... Et ici, comment ça va ?
— Oh, plutôt bien. Y a une nouvelle couturière, et aussi une nouvelle comptable. Vous demanderez à Ath'.
— Bien sûr... Éloïza ? Est-ce qu'on pourrait se tutoyer ? Nous avons été assez proches, et...
— Oui bien sûr ! C'est juste... T'es toujours impressio... »
La rousse fut coupée au milieu de son mot par une explosion à la fois lointaine et proche, qui fit pâlir les deux femmes.
« Est-ce que... est-ce que c'est une amokisation ?
— Probablement. J'imagine qu'on s'était tous déshabitués, après presqu'un mois sans attaque...
— Ou... oui, absolument.
— Nathalie ?
— Tout va bien... Est-ce que tu pourrais me laisser seule, s'il te plaît ?
— Bien sûr. »
À peine Éloïza eut-elle refermé la porte que Nathalie s'effondra sur sa chaise, entre le bureau de chêne et la fenêtre.
Il avait promis, pourtant, promis de ne pas recommencer, de l'attendre, des promesses océaniques, mais qui n'avait jamais censé être tenues, apparemment, et son cœur se brisait, il aurait dû grandir, accepter, ne pas... Il aurait dû pouvoir grandir au-delà du deuil, comme Adrien et elle l'avaient fait, mais...
Elle s'efforça de respirer. Au loin, les coups du combat résonnaient, elle n'avait pas la force de regarder les informations.
Ça allait bien se passer.
Des flashs de son plan défilait dans son esprit, le prix qu'elle était prête à payer, le sacrifice qui ne valait rien, mais la peur qu'il le fasse lui-même, elle savait, elle avait vu les plus petites fissures dans l'armure, dans le sol du bateau où ils étaient embarqués, elle avait lutté de toutes ses forces contre son instinct de fuite, mais maintenant c'était lui qui s'échappait, qui refusait la difficulté en se plongeant dans un combat...
Et si toute la ville révélait ses terreurs à cause du Senti, les siennes n'avaient pas besoin de magie pour se montrer, car c'était ça, sa peur, le perdre, le voir abandonner, le voir sacrifier sa vie pour leur absurde lutte.
Les larmes roulaient silencieusement à présent, elle ne voulait pas être la seule survivante de leur catastrophe commune, elle ne voulait pas de cette culpabilité qui compressait son cœur, ç'aurait dû être elle, pas lui, elle n'avait pas besoin de vivre, il devait le faire, pour Émilie, pour Adrien, pour tous les rêves qu'il n'avait pas réalisés, les bonheurs qu'il n'avait pas connus.
Respire.
Nathalie releva la tête, sécha ses larmes. Si on ne saigne pas, on ne grandit pas, sa mère le lui avait répété.
Mais il n'y avait pas besoin de laisser les plaies devenir une hémorragie incontrôlable et mortelle.
« Gabriel, murmura-t-elle, je voudrais tellement pouvoir vous détester. »
D'un geste, elle saisit son téléphone, espérant vaguement obtenir une réponse, tout en connaissant l'improbabilité de la chose.
« Nathalie ?
— Gabriel, arrêtez ça tout de suite. Détruisez le Senti, détransformez-vous. Ça ne vaut pas la peine.
— Si.
— Je ne veux pas avoir encore à vous veiller pendant des jours.
— Et je ne veux pas vous voir souffrir et perdre votre vie encore et encore. Pas alors que vous m'avez ramassé quand j'avais l'impression d'être comme une veste abandonnée sous un lit, que vous me souriez comme si j'avais de la valeur, que je ne vis que grâce à vous. Je ne veux pas que vous souffriez.
— Alors vivez, vivez, je vous en supplie, tout ce que vous pourriez faire pour me guérir, ce serait absurde sans vous. Je ne peux pas tenir sans vous.
— Nous y arriverons. Je vous le promets.
— Gabriel... Détruisez ce Senti... C'est trop puissant.
— Nathalie...
— J'ai déjà vu ce film, Gabriel, et je n'ai pas aimé la fin. Je ne veux pas y être bloquée.
— Je vous promets que ça va bien se passer. Vous vouliez vous changer les idées, vous pouvez le faire.
— Il n'y aucune quantité de pleurs et de protestations pour vous faire changer d'avis, n'est-ce pas ?
— Vous n'avez jamais appris à lire mon esprit. Oui, il y aurait des solutions, vous ne les voyez pas, malgré les signes, mais ce n'est pas grave. Faites-moi confiance.
— ......... J'ai confiance en vous, Gabriel, même si j'ai peur pour vous.
— Ce n'est pas nécessaire, murmura-t-il doucement, je vous souhaite une bonne journée.
— Bonne journée, Gabriel... »
Nathalie raccrocha, le cœur battant. Il n'y avait plus de larmes dans son corps, elle ne savait pas comment tenir, comment accepter ce qu'elle devinait, comment se retirer gracieusement de la lutte, parce qu'on l'avait toujours félicitée de la bravoure de se battre pour la vie.
Mais elle avait perdu son combat.
Quoi qu'elle fasse maintenant, elle ne pourrait rien y changer, même rentrer et arracher le Miraculous, même détruire le Senti ne changerait pas la situation, elle le savait.
Et elle pleurait, incontrôlablement, silencieusement, elle savait que ses larmes coulaient aussi sur le visage de Gabriel, parce qu'ils connaissaient tous les deux le sort.
Il avait eu à la tuer, mais ça le tuait tout autant.
************
Le soir.
Gabriel ouvrit les yeux, désorienté. Il faisait sombre, très. Une douleur lancinante déchirait sa poitrine, son cerveau pulsait violemment contre sa boîte crânienne, sa respiration était lourde.
Des éclairs de la journée repassaient dans son esprit, le combat qu'il avait engagé à dix heures et demi, qui n'en finissait pas, qui se poursuivait, il s'était évanoui avant la fin, puis s'était réveillé alors que le Senti-géant entrait dans la pièce et déposait le Gardien doucement sur le sol, une vague discussion demandant à ce dernier de rester dans la pièce, un message à Nathalie affirmant que tout allait bien, de l'obscurité à nouveau.
Il ne s'était pas détransformé, il le savait, et la broche pesait encore sur sa poitrine, lourde de toutes les émotions de la ville.
« Quelle heure est-il, marmonna Pfau d'une voix pâteuse, rauque de fatigue.
— Je ne sais pas, répondit une voix posée, probablement vers vingt heures, peut-être vingt-et-une. Il devait être midi quand j'ai été amené ici, le soleil était haut. Mais maintenant il fait nuit.
— J'ai été évanoui si longtemps ?
— Vous vous réveilliez parfois, quelques instants.
— Et je ne me suis pas détransformé... Je... Détransformation... »
Aussitôt, le costume de vilain disparut, et Duusu jaillit du Miraculous, roulé sur lui-même.
Le styliste l'attrapa dans une main délicatement et lui caressa le front doucement, sortit un sachet de thé de sa poche et en versa les graines à côté de la petite créature visiblement épuisée.
Gabriel lui-même tenait à peine debout, il sentait les blessures brûler l'intérieur de son corps violemment, mais toute cette douleur était effacée par la simple idée qu'il avait réussi. Il avait trouvé le Gardien.
Le kwami grignotait lentement quelques miettes de thé, l'air inquiet.
« Monsieur ? Est-ce que vous allez bien ?
— Tout va bien Duusu, ne t'inquiète pas.
— Pourquoi êtes-vous si triste ?
— Rien. »
Discutant avec la petite créature, il avait presque oublié la présence du Gardien, dont il ne pouvait pas voir l'air extrêmement surpris et inquiet du maître, teinté aussi de compréhension, de compassion. Voilà qui expliquait l'impulsivité et l'indépendance de Chat Noir.
Fu était assis face à la fenêtre sous laquelle se tenait Gabriel, et tournait nerveusement le Miraculous de la Tortue à son poignet. Il ne comprenait pas ce qui l'avait amené ici, pourquoi il était là. Il avait remarqué que le Miraculous du Paon était brisé, ce qui signifiait que tant Pfau que Mayura devait souffrir des conséquences importantes pour l'avoir utilisé, et expliquait la perte de conscience prolongée de Gabriel Agreste.
Gabriel Agreste... une part de lui ne pouvait pas croire qu'il avait été si proche des adversaires de Paris quand il était venu expliquer les évolutions et les pouvoirs potentiels à Chat Noir, Adrien.
Il ne fallait pas que le garçon l'apprenne. Il en deviendrait sûrement instable, et un porteur du Miraculous du Chat instable était une des pires choses qui puissent arriver...
« Monsieur ?
— Oui, Monsieur Agreste ?
— Sauriez-vous comment guérir les dégâts d'un Miraculous brisé ?
— ... Potentiellement. Mais je n'ai pas de grimoire.
— Un grimoire comme celui-ci, demanda le styliste en récupérant un épais livre dans une cachette secrète le long du mur.
— ... Ou... oui, exactement. Où l'avez-vous...
— Dans les montagnes, en même temps que le Miraculous, quand nous voyagions avec Émilie. S'il vous plaît... Je ne peux pas le lire, mais... vous pouvez sans doute... S'il y a la solution, s'il vous plaît, guérissez-la... Guérissez Mayura. Je... Ça n'a... Elle ne mérite pas de mourir, elle a fait tout ça en espérant m'aider, et elle ne mérite pas... S'il vous plaît...
— Wayzz ? Pourrais-tu aller chercher Ziggy et Orikko, s'il te plaît ?
— Oui, Maître, s'exclama le kwami de la Tortue en jaillissant d'apparemment nulle part avant de disparaître par la fenêtre.
— Bon. Il devrait revenir d'ici quelques minutes. Et vous, vous ne voulez pas être guéri ?
— Peu importe. C'est elle qui compte, parce qu'elle agit comme... elle peut changer tout ce qu'elle est pour correspondre à son environnement, mais elle est une boule à facettes, et les miroirs de ses yeux montrent toutes les versions de nous, et les meilleures, et... elle est fantastique. Je veux juste qu'elle puisse vivre. Peu importe si je suis là pour la voir. La savoir en vie... si elle peut être heureuse aussi...
— Vous êtes amoureux d'elle.
— Peut-être.
— Vous saviez que le Miraculous vous mettait en danger ?
— C'est ainsi qu'Émilie est morte. Elle l'a utilisé une fois, et treize ans après elle est décédée après une longue maladie. Nous savions. Je... au début, je ne pouvais pas supporter son absence, je voulais la ramener, ou mourir en essayant. Nathalie me l'a interdit. Elle... elle l'a fait pour me sauver. Et au fil du temps... oui, mon cœur a changé, et elle est mon univers. Et je veux simplement qu'elle vive, heureuse. Peu importe si je suis avec elle. »
Fu laissa échapper un léger sourire. Il comprenait parfaitement. Il se rappelait son amie Marianne, leur amour comme un souvenir de légende, qui durait si longtemps. Il comprenait parfaitement le désarroi de Gabriel Agreste, il savait comme l'amour pouvait être puissant. Et le désarroi dans les yeux de son interlocuteur l'encourageait à accepter. Mais guérir...
Il saisit le grimoire et l'ouvrit, tournant les pages, lentement. Des années avaient passé depuis qu'il avait déchiffré cette langue et ses caractères pour la dernière fois, des décennies même. Mais les mots sacrés dansaient toujours dans son esprit, les lettres s'arrangèrent immédiatement, il comprenait, il se rappelait le moment où il se disait qu'il aurait toujours la sécurité du temple. Tout était clair, les descriptions des Miraculous, les pouvoirs, tout ce qui avait été trouvé au fil des siècles, la maîtrise des bijoux magiques progressant avec les Gardiens et leur ordre. À la fin, après toutes les explications précises sur chaque kwami et ses pouvoirs, il y avait encore des pages de notes d'observations générales, des conseils, des pistes, l'or était un guérisseur puissant, mais les blessures des bijoux étaient des blessures de leur concept...
D'accord. Avoir de l'or et guérir les émotions. Je vais aller loin avec ça.
« Je ne sais trop quoi faire, il n'y a pas de recette magique, malheureusement. Avec Orikko et Ziggy, je pourrai peut-être y arriver. Mais les anciens ont découvert que la poussière d'or peut aider les guérisons.
— .... Excusez-moi, mais ce n'est pas toxique d'ingérer de l'or ?
— Pas dans ce cas-là, apparemment. Mais je ne suis pas certain que le risque mérite d'être couru. Avec Ziggy et Orikko ce sera plus simple... »
Et le Gardien commença à expliquer son plan.
************
Le lendemain soir.
Gabriel se tenait devant la porte de Nathalie, hésitant à entrer. Il avait besoin de lui parler, même s'il n'avait aucune idée de ce qu'il allait dire. Elle était allée au bureau, l'avait à peine salué en rentrant, et s'était enfermée dans sa chambre. Il ne voulait pas la déranger mais...
« Nathalie ? Pourrais-je te... vous parler s'il vous plaît ?
— Bien sûr, Gabriel, entrez.
— Bonjour, Nathalie. Est-ce que vous allez bien ?
— Oui, beaucoup mieux, merci. Vous n'auriez pas dû, vous savez ?
— Je... s'il vous plaît, ne m'en voulez pas... Je voulais juste... Je voulais simplement que vous sachiez que... Cette lutte, c'est moi qui essaye de... de vivre, je ne pourrais jamais supporter de vous voir mourir pour moi, alors que...
— Gabriel, asseyez-vous. Je comprends, je crois. Je sais que vous n'avez jamais voulu accepter l'idée que j'en meure aussi. Mais pourquoi avoir refusé de... le Gardien m'a laissé une lettre, il m'a expliqué avoir proposé de vous guérir aussi, mais vous étiez inquiet pour moi, et vous avez refusé... vous avez dit qu'il devait me guérir d'abord, et ensuite vous l'avez remercié, avant d'aller vous coucher. Vous auriez dû...
— Je n'en avais pas besoin, Nathalie. Je voulais simplement que vous guérissiez. Je veux que vous viviez, d'accord ?
— Pas sans vous.
— S'il vous plaît.
— Il y a des fils invisibles qui me lient à vous, et qui m'étoufferaient si je devais vous survivre. Laissez-moi vous guérir.
— Vous...
— Il m'a laissé le Miraculous du Coq, déclara-t-elle en se levant, Gabriel, laissez-moi vous guérir.
— D'accord... Allez-y. Si vous y tenez tant que ça...
— Vous voulez encore mourir, interrogea-t-elle d'un ton surpris.
— Non. Mais je n'ai jamais été certain de ma valeur, de mon droit de vivre, et en seulement deux attaques, j'ai fait un nombre incalculable de dégâts, et... vous êtes la seule personne qui...
— Chuuut, arrêtez vos bêtises, ou je vais me transformer en sorcière de contes, une femme folle et en colère, qui crache du venin. Ne parlez pas de vous ainsi. Certes, vous avez fait du dégât, mais Ladybug a tout réparé, personne n'est mort. Et vous m'avez sauvée. Vous avez sacrifié votre vie, votre santé, pour une chance infime de pouvoir m'aider. Vous êtes fort. Vous vous ré-inventez. Vous protégez. Vous vous battez avec la vie, même quand vous vivez des choses si horribles que vous ne pouvez pas en parler. Vous refusez de voir quiconque d'autre verser son sang sans intervenir, même si vous avez la survie en valeur principale. Vous êtes prêt à y renoncer, pour le bien de l'autre. Ne dites pas que vous n'avez pas d'importance, pas de bien en vous, Gabriel. Vous en avez. Plus que vous n'osez imaginer.
— Nathalie... »
Il détourna le regard, hésitant. Il entendait les mots qu'elle disait, devinait la force avec laquelle elle y croyait, mais...
Elle s'agenouilla devant lui, dans cette même position qu'il avait adoptée chaque fois que les combats la détruisaient trop pour qu'elle se lève.
« Gabriel, avec vous je servirais dans l'armée, je tomberais à la guerre, je vivrai pour vous, je tomberai si vous me le demandiez. Je vous aime, Gabriel. Je veux que vous le sachiez. Je tiens à vous. Je vis pour vous. Je sais que vous n'allez pas y croire, parce que vous considérez que vous ne pouvez pas me comprendre, je sais que vous n'osez pas respirer près de moi, je sais que vous considérez que vous m'avez utilisée et que c'est la pire chose que vous ayez faite. Mais vous ne m'avez pas utilisée. Je me suis sacrifiée volontairement, en sachant que je risquais, et vous avez plongé avec moi pour espérer me sauver. Et regardez. Je suis guérie, non ?
— Vous l'êtes, répondit-il avec un véritable sourire, vous l'êtes. Et... Je veux bien essayer de vous croire. Vous savez comment me guérir ?
— Oui. Orikko, transforme-moi. »
Aussitôt, le tailleur de la brune se teinta d'un orange écarlate, l'avant de la veste se refermant entièrement sur son pull dans une ébullition de tissu rouge au bout bleu-vert éclatant, son col s'écartant et dessinant une collerette de toutes les nuances de rouge, orange et jaune à l'arrière de son cou, la veste s'étalant autour de ses jambes dans un arc-en-ciel éclatant.
Les yeux fermés, elle saisit la plume orangée au-dessus de sa main, murmura la formule pour activer le pouvoir, tendit les mains vers Gabriel, laissant échapper une lueur blanche extraordinaire, qui entoura le styliste.
Ce dernier laissa un sourire soulagé se dessiner sur son visage alors que ses forces revenaient lentement, que son corps se réparait sous l'effet du pouvoir, comme plongé dans une eau revigorante. Après toutes les difficultés du combat, être resté dans des tranchées et des tornades avec son amie, s'être exposé à l'épuisement total de ses forces, elle lui offrait enfin la paix, à nouveau.
Après quelques minutes, la lueur disparut, et Nathalie se détransforma, renonça au kwami et l'encouragea à retourner auprès du Gardien.
Puis elle s'assit près de Gabriel, et lui prit la main, hésitante.
« Nathalie... Merci. Merci pour tout... Nathalie... Je t'aime, moi aussi, et... tu es comme un soleil qui s'éclipse parfois, que je n'ai pas toujours su voir, mais je sais que tu es là, tu es mon nouveau soleil, ma seule raison de ne pas mourir en réalité, tu es ma raison de vivre quand j'ai l'impression d'être au bord d'une falaise, à crier à l'aide, tu... es toujours restée, même aux cœurs des pires moments, tu m'as sauvé la vie, plus d'une fois, au-delà de même cette année et... Je ne sais pas trouver assez de mots pour m'exprimer, parce que je suis maladroit avec les mots, je... Juste... Je t'aime. Je veux te savoir en vie, heureuse, et je ferai tout pour que ça arrive, même si je devais t'emmener au bout du monde ou disparaître. Est-ce que... Est-ce que tu accepterais qu'on essaie de...
— Oui, Gabriel. Oui, j'accepte de t'aimer, de vivre en amoureux, parce que je n'appartiens pas véritablement au monde, mais toi non plus, mon amour, et même quand je veux m'isoler, je ne peux pas partir sans toi. Merci, Gabriel, d'être là.
— Ce n'est rien... »
Il la prit dans ses bras, doucement, serrant d'une étreinte leur nouveau pacte de vie.
Ça n'avait pas été facile.
Ils étaient morts mille fois à l'intérieur.
Mais ils s'étaient trouvés, et dans les bras l'un de l'autre, ils trouvaient leur paix, leur amour, leur sécurité, leur sûreté.
Ils étaient enfin sains et saufs, heureux.
************
7311 Mots + Note de début.
Ouf, enfin. Maintenant... Trouver un spécial Halloween, l'écrire, fixer le vide... J'ai une idée pour la Toussaint mais pas pour Halloween. J'écrirai peut-être un truc avant, mais je suis un peu à court... (Spécial Londres vient me sauver)
Enfin bref.
Je crois qu'à ce stade, on peut dire que Taylor Swift a co-écrit l'OS, vu la quantité de phrases et de situations qui sont tirées de la playlist.
Dooont les idées suicidaires de Gabriel sur "So High School". Idée la plus tordue que j'ai pu appliquer je pense. Merci Cookie_Noir, encore une fois... J'espère que le résultat d'un OS à moitié Swiftien ne t'as pas trop détruit-e, tu disais avoir peur.
Mais regarde, c'est en Happy End (ooooh un OS que je peux montrer à Miel sans trop de risque 😱😱😱)
Aussi, je me suis passée d'une robe, parce que je me suis vengée avec la tenue Miraculous du Coq. J'aime toujours autant designer. Je ferai peut-être un dessin de celle-là, elle est jolie et elle m'a pas l'air trop compliquée.
Breeef. J'espère que ça vous a plu, que c'était bien,
Bises,
Jeanne
(27/09/2023, 00h48)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top