Folie

Hi ! Juste une petite note pour dire que y a un léger zeste de lemon ( = -18 pour ceux qui connaissent pas les codes si y en a...) dans cet OS, dans le début... Si ça vous dérange énormément vous pouvez juste skip la partie en italique, mais c'est assez light vu que... Je ne sais pas ce genre de trucs.

 En tout cas bonne lecture, commentez bien !

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 Nathalie se réveilla en sursaut, le cœur au bord des lèvres, sans comprendre ce qui se passait. Une minute plus tard, les idées encore embrumées, la brune avait l'impression de se vider de ses entrailles dans les toilettes de sa salle de bain, tentant de trouver une explication à cette nausée soudaine.

Jamais, jamais, elle n'avait été malade ainsi, et son cerveau effaré cherchait désespérément dans sa mémoire ce qui pouvait être à l'origine de ce malaise inédit. Jusqu'à retrouver des flashs de cette nuit, une semaine auparavant...

Il devait être presque trois heures, Nathalie était épuisée d'attendre son patron, gelée par la fraîcheur du hall s'engouffrant dans son pyjama. Non, elle n'était pas obligée de l'attendre, mais sa tranquillité d'esprit le réclamait, elle ne saurait pas dormir tant qu'elle ne l'aurait pas vu rentrer sain et sauf. Et, alors que ses yeux commençaient à se fermer malgré elle, la brune entendît la porte grincer.

« Gabriel ? Vous êtes enfin rentré...

— Mf oui, marmonna le styliste.

— Vous êtes ivre. »

Nathalie soupira. Elle avait fait son constat d'un ton extrêmement froid. Il tenait à peine debout, c'était visible. Il savait, pourtant, qu'il ne tenait pas l'alcool. Là, c'était vraiment catastrophique. Elle lui prît le poignet, d'un geste autoritaire et le guida jusqu'à sa chambre, lui intimant d'une voix fatiguée de se coucher maintenant. Le voir, si fragile, instable, l'esprit manifestement en équilibre, les yeux perdus, la troublait profondément, mais elle ne pouvait pas l'admettre. Elle avait tellement envie de le protéger...

« Veux pas être tout seul... »

Il avait à peine marmonné, la voix terriblement pâteuse, pourtant les mots étaient on-ne-peut-plus clairs pour Nathalie, qui s'en trouvait comme électrisée. Mais vu l'état dans lequel Gabriel était, elle ne pouvait pas se permettre de laisser ses émotions la pousser à agir ou même de les montrer.

« Gabriel, vous êtes un adulte, vous n'avez pas besoin que je vous borde et vous lise une histoire.

— S'il te plaît... »

Son regard suppliant, rivé à son visage, à ses lèvres, et sa voix rendue presque enfantine lui perforaient le cœur. Elle pouvait bien rester un moment, le temps qu'il s'endorme et puis...

Elle acquiesça, le suivît dans la chambre, fermant les yeux pendant qu'il ôtait ses vêtements et passait un pantalon de nuit, son murmure dans l'obscurité qui lui chuchotait qu'elle pouvait le voir, la chaleur dans ses joues quand elle se blottît contre lui dans le lit lui tournèrent la tête. À cet instant, Nathalie sût qu'elle pourrait faire n'importe quoi. Et absolument tout.

« Je peux t'embrasser ? »

Elle sentît le sang refluer de son visage, son cœur s'emballer, plus rien n'avait de sens, elle devrait dire non, il ne l'aimait pas, il était juste ivre, au-delà du raisonnable, mais sa chaleur, sa présence, le contact de sa poitrine, si étrangement lisse, quand son bras malade était rugueux, mais elle ne pouvait pas, la fatigue, le rêve, tout tournait, ce n'était pas raisonnable, mais tant pis pour la raison, il était là, il le voulait, sa voix était extrêmement rauque, d'appréhension et de désir, quand elle murmura un oui libérateur. Leurs lèvres se rencontrèrent dans la pénombre, déclenchant des feux d'artifice dans leur cœur, déclenchant une pluie de sensations comme elle n'en avait jamais ressenties.

Leurs lèvres pressées se séparaient et se retrouvaient, dansant dans la nuit, les brûlant, et soudain ce n'était plus seulement la bouche de l'autre qu'elles touchaient, mais tout le visage, le cou, les épaules... Une seconde Gabriel douta, mais Nathalie retira simplement son haut pour lui dire qu'il pouvait embrasser, toucher du bout de ses doigts tout ce qu'il voulait, et les baisers échangés entre eux devinrent de plus en plus brûlants, de plus en plus passionnés et dévorants, de plus en plus frustrés, aussi, sans qu'ils ne comprennent vraiment pourquoi, ils dansaient dans le lit, évitant le mot, tentant de se satisfaire, mais ils étaient devenus soûls, ivres du désir de se toucher, les vêtements avaient volé dans la pièce, leurs corps se trouvaient, mais ils tentaient tous les deux, désespérément, de retenir l'envie qui montait, qui incendiait leurs ventres.

À bout de souffle de toutes leurs embrassades et retenues, la voix rauque de fatigue et de désir, Gabriel admît finalement dans un murmure effaré :

« J'ai envie d'aller plus loin... Si tu es d'accord...

— J'en rêve. »

Trois mots, un aveu, le feu, le désir et la folie qui battaient en eux, tout...

Nathalie secoua la tête, revenant immédiatement au moment présent et à la nausée qui l'avait jetée dans la salle de bain avant même son heure de réveil habituelle. La suite, elle n'avait pas besoin de la revoir, ce qui s'était passé avec Gabriel ce soir-là brûlait encore dans sa tête, en permanence, le bonheur, leur plaisir, la manière dont elle s'était réveillée en sursaut à l'aube, effarée des souvenirs de la nuit, comme elle s'était rhabillée et enfuie.

Ils n'en avaient pas parlé depuis. Elle voulait à tout prix éviter le sujet, alors, toute la semaine, elle avait travaillé depuis sa chambre, prétendant ne pas se sentir très bien. Apparemment, elle n'avait plus besoin de prétendre. Au fond d'elle, pourtant, la brune se demandait ce que le styliste pensait de cette nuit. S'il s'en rappelait, et à quel point, aussi, son niveau d'alcoolémie à ce moment-là ayant probablement affecté sa mémoire.

Mais maintenant, surtout, elle était presque sûre de l'origine de sa nausée présente et ça... De toute façon, il faudrait le dire à Gabriel. Elle ne pourrait pas lui cacher bien longtemps, et puis... Il devait le savoir. Mais le plus tard possible, et elle refusait de créer l'occasion, elle attendrait le « bon » moment.

Se redressant tant bien que mal, Nathalie retourna s'habiller. Aujourd'hui, elle travaillerait dans le bureau. Et le plus possible. En priant que Gabriel n'aborde pas le sujet.

Après un rapide petit déjeuner, elle remonta dans la salle de travail, et commença à travailler, traitant les mails qu'elle avait laissés de côté la veille au soir où qui étaient arrivés pendant la nuit -elle était toujours autant fascinée par les gens travaillant jusqu'à deux ou trois heures -, re-planifiant des réunions, relançant les partenaires qui ne répondaient pas aux propositions ou les clients qui commandaient des tenues spécifiques et disaient toujours qu'ils « feraient un virement plus tard ».

Elle ne sût pas combien de temps s'écoula ainsi avant que Gabriel n'arrive.

« Nathalie ? Vous allez mieux ?

— Oui. Je vais parfaitement bien, maintenant, répondît-elle d'un ton froid, le regard rivé au mur, sans même se retourner vers lui.

— C'est un mensonge, affirma-t-il en se plaçant devant elle.

— Vous le sentez avec vos pouvoirs, s'étrangla-t-elle, refusant de croiser ses yeux, de le regarder.

— Non. Ce n'est pas possible de détecter quelque chose d'aussi précis, surtout sans être transformé. C'est juste que vous évitez soigneusement mon regard, et vous êtes extrêmement pâle, encore plus que d'habitude. Vous n'allez pas si bien.

— Je ne vous dirais rien.

— Puis-je vous aider à aller un peu mieux ?

— Vous êtes Monarque. Vous ne pouvez rien faire pour moi.

— Je...

— Est-ce que ça avait un sens pour vous ? Non, ce n'est même pas ainsi que je dois formuler. Est-ce que ça aurait pu avoir le moindre impact sur vous ?

— Oui.

— Vous savez très bien ce que j'en ai pensé, n'est-ce pas ?

— Vous considérez que j'étais juste trop ivre pour savoir ce que je faisais. Et que je ne devais pas m'en souvenir, de toute façon. Que je n'aborderai pas le sujet parce que ça ne me faisait rien. Alors que vous êtes incapable d'arrêter d'y penser. De tenter de voir un espoir, pour moi et pour vous. Je ne sais pas. Je sais simplement que je ne peux pas m'en séparer non plus, que j'y pense tout autant que vous. Oui, ça a un impact sur moi, mais je n'arrive pas à comprendre lequel. Je suis désolé.

— Ce... Vous avez très bien deviné ce à quoi je m'attendais, soupira-t-elle en croisant finalement son regard d'acier, et... Je ne sais pas. Je ne sais pas si c'est pire ou mieux. Mais en tout cas, vous n'avez pas à vous excuser de cela. Prenez votre temps, et trouvez votre interprétation. Et s'il vous plaît, permettez-moi de garder la mienne secrète.

— Bien sûr. »

Ils sourirent. Cela faisait longtemps qu'ils n'avaient pas réussi à tenir une conversation calmement, sans finir en cris de rage ou en exclamations inquiètes ou désespérées. Pour une fois, ils finissaient avec un simple sourire, chacun sur ses retranchements, mais avec la possibilité de s'ouvrir et d'y croire.

************

Deux semaines plus tard, dans la cuisine.

Nathalie travaillait le plus qu'elle pouvait. Jamais un mot n'avait franchi ses lèvres à propos de son secret, de ce qu'elle avait compris. Elle tentait de retenir les nausées qui la secouaient, heureusement la plupart se déclenchaient tôt le matin. Dans la mesure du possible, elle évitait de manger avec Gabriel et Adrien, pour que son soudain appétit ne les étonne pas. Même si, au cours des deux semaines écoulées, elle avait dû partager plusieurs repas avec eux. Et, en reprenant un pancake, elle sentît le regard de son patron fixé sur elle, la poussant à se dérober, gardant les yeux rivés sur son assiette.

« Dites-moi, Nathalie, vous mangez comme quatre en ce moment. »

Un simple constat, sur le ton de la plaisanterie, mais qui lui fît comprendre qu'elle devait lui dire, elle ne pouvait plus dissimuler. Ce « bon » moment qu'elle avait attendu pour lâcher sa bombe, alors... elle corrigea, sur le même ton joueur et insouciant :

« Deux, plutôt. »

La brune entendît Adrien faire tomber sa fourchette, Gabriel déglutir et s'asseoir à côté d'elle. Elle sentait son effarement presque physiquement.

« Vraiment ?

— Oui.

— Je... Pardon, mais est-ce que j'ai bien compris, s'étrangla l'adolescent, qu'est-ce qui s'est passé ici ?!

— Respirez, Adrien, sourît Nathalie, et je crois que vous avez très bien compris.

— Que... Comment ?!?!

— Tu devrais vraiment respirer. Et oui.

— Je...

— Prenez votre temps pour digérer. Oui, c'est votre père. Non, la relation entre nous n'a pas évolué. Maintenant, vous devriez aller à l'école, vous allez être en retard.

— Vous... Comment c'est possible que vous restiez sur une relation professionnelle et pseudo-amicale tout en...

— On va appeler ça un accident, trancha Nathalie.

» Allez-y, maintenant. Et n'en parlez pas à vos amis.

— Je tiens trop à leur santé mentale pour leur infliger le casse-tête que vous êtes tous les deux. Déjà qu'ils ont à me gérer. Je... Je vais y aller. Père. Vous avez neuf mois pour vous assumer et comprendre. Neuf mois.

— Plutôt huit, souffla la brune, mais ce n'est pas grave. J'ai eu ma part de rêve, gardez la vôtre, Gabriel. Ne vous inquiétez pas pour nous, Adrien. Tout ira bien. »

L'adolescent laissa échapper une grimace qui exprimait clairement ses doutes quant à la capacité des adultes à gérer la situation. Mais il ne dit rien, et quitta finalement la pièce, appelant le Gorille pour qu'il le conduise au collège.

Dans la cuisine, Nathalie s'était tendue immédiatement. Même s'il n'avait pas fait de remarque, elle était sûre que Gabriel ne serait pas d'accord pour...

« Vous n'avez pas besoin d'avoir peur de moi. Vous faites ce que vous voulez. Et apparemment, vous comptez le garder. Je ne suis pas certain de pouvoir devenir un père décent en huit mois mais... Je vais essayer ?

— Ce sera déjà bien. Vous saviez être un bon père, quand Adrien était petit, et cela ressurgit encore parfois. Il faut simplement que vous appreniez à gérer votre obscurité, sourît-elle en lui prenant les mains doucement, si vous arrivez à la combattre vous serez bon.

— Vous savez qu'elle a moins d'emprise ces derniers temps ?

— Je... Je m'en doutais un peu, il y a eu moins d'akumatisations ces trois dernières semaines. Et même... Ça avait commencé avant, non ?

— À peine. Il s'était retiré en surface, mais il a commencé à diminuer en profondeur seulement à partir de là.

— Vous avez dit que cette nuit-là avait eu un impact sur vous, malgré tout. Est-ce de cela dont vous parliez ?

— Vous m'avez dit que vous en rêviez. Et, dans votre sommeil, vous étiez blottie contre moi. Vous aviez confiance dans ma présence au milieu de la nuit, et vous... Dans vos yeux, je suis appréciable, désirable. Malgré mes ténèbres. C'est assez pour les faire reculer un peu. Pour me laissez les voir. Cela fait trois semaines. Je vois que je ne suis que ténèbres, ou presque, mais vous voyez une lumière vive en moi. Vous restez là, toujours, dans l'espoir que je veuille dissiper l'ombre. Je n'arrive pas vraiment à m'y décider, mais je veux l'endiguer. Oui, cette nuit-là a eu un impact sur moi, violent, mais dont je n'arrive pas à déterminer l'étendue. J'ai besoin de temps...

— Autant que tu veux, murmura-t-elle à son oreille en se levant, je serai toujours là pour toi, si tu as besoin de quoi que ce soit. »

Puis elle quitta la pièce, tentant de remettre en ordre le mélange de perplexité, de soulagement, de joie, de peur et d'espoir qui battait furieusement en elle jusqu'à lui faire mal à la tête. Mais il était de retour, au moins un peu, et elle y trouvait de l'espoir. Il avait dit qu'il voulait endiguer ses ténèbres, alors peut-être que...

Peut-être que cette folie leur permettrait de résoudre la situation.

************

Trois semaines plus tard, repaire du Papillon.

Gabriel se détransforma, retenant à peine un soupir, retira une Alliance. Depuis l'annonce de Nathalie, chaque fois qu'il montait à l'observatoire, il se forçait à en retirer une. Il les gardait dans une boîte, rangée au pied du cercueil d'Émilie. Les kwamis auxquels il renonçait était libérés des prisons de verre, ils avaient le droit d'aller où ils voulaient, mais le styliste leur avait demandé de ne pas retourner de manière permanente chez Ladybug, leur présence lui rappelait les ténèbres de son esprit.

Il voulait être meilleur.

Il se forçait à ne pas céder, à ne pas akumatiser.

Parfois, comme aujourd'hui, l'obscurité était trop forte, et il se transformait, il sondait les émotions de la ville, mais sans aller au bout. Sur les quatorze kwamis volés, il venait de libérer le dixième, Mullo. Restaient Daizzi, Wayzz, Trixx et Kaalki, la ligne de bagues inférieure sur sa main droite. Il savait que, si sa détermination tenait, faisait face assez fortement à l'obsession qui le maintenait éveillé au milieu de la nuit, réclamant des efforts qu'il ne voulait plus céder, dans deux semaines, ce serait fini. Dans deux semaines, Ladybug serait libérée de la pression qu'il lui imposait.

« Nooroo ? Est-ce que tu crois que j'y arriverai ?

— Vous n'avez pas cédé une seule fois depuis que vous avez décidé de vous battre. Vous en êtes capable.

— Je ne suis pas assez fort pour renoncer entièrement à leur pouvoir. Je reste faible et dépendant de vos forces...

— Monsieur Agreste, ôter les bagues et toujours refuser de céder est déjà extrêmement fort, s'exclama Daizzi depuis sa prison, et cela prouve que vous y arriverez !

— Merci Daizzi... Mais je n'accepte même pas d'être moi. Je continue d'étouffer mes émotions, mes sentiments et mes désirs.

— Ce n'est pas pour autant que vous êtes faible, intervînt Trixx, vous vous êtes enfermé dans une illusion, et je sais à quel point il est difficile de se séparer d'une image créée par confort. Que vous vouliez vous en séparer est déjà un grand signe d'acceptation.

— Combien de siècles avez-vous passé enfermés pour vouloir à tout prix me rassurer, alors que je suis un monstre de ténèbres et que je vous ai torturés des mois durant ?

— Beaucoup, répondit Wayzz doucement, même si j'étais assez libre ce dernier siècle, grâce à Maître Fu. Les autres ont été enfermés dans la boîte-mère jusqu'à ce que vous le forciez à la léguer à Ladybug. Nous connaissons l'enfermement, et devoir obéir à des personnes que nous désapprouvons. Ce n'est pas grand-chose. Mais vous, vous êtes brisé dans ce combat, vous vous êtes anéanti pour une quête irraisonnée, et maintenant vous voulez y renoncer, alors que vous ne savez pas être. Nous sommes là aussi pour vous aider.

— Tu pardonnes bien vite, Wayzz, alors que Fu a dû tout oublier, et partir...

— Et maintenant il est heureux à Londres avec Marianne. Je ne peux pas dire que ça ne m'a pas fait mal, que je n'en ai pas voulu au Papillon. Mais tu dois apprendre à redescendre, Kaalki.

» Cet homme, déclara le kwami de la Tortue en pointant Gabriel, il se bat autant que nous contre le Papillon. Même plus. Plus que Ladybug. Parce que, quand il n'y a pas de combat, Ladybug ne peut pas se battre. Lui, il doit se battre pour empêcher les combats. Il ne veut plus de combat, il ne veut plus être le Papillon. Et si tu ne me crois pas, parce qu'après tout, je ne suis pas le kwami des vœux, demande à Daizzi. Kaalki, tu ne peux pas continuer de dédaigner tout ainsi. Nous le rassurons, après tout, parce que nous pensons que c'est ainsi que la bataille pourra se gagner. Pourquoi es-tu si rude ?

— Parce qu'on ne va nul part en étant sage et gentil. Et parce que je ne comprends pas pourquoi il faudrait être respectueuse envers des gens qui ne nous ont jamais respectés. Les humains ne nous voient pas comme des créatures sensibles et intelligentes, seulement comme des objets de pouvoir. Nous ne sommes pas libres, même s'ils peuvent parfois nous en donner l'impression. Alors non, je ne les respecte pas.

— C'était le cas, admît Gabriel, et même en vous laissant gambader autour du manoir, même alors que je vous libère, il me faut du temps pour vous voir autrement que comme du pouvoir incarné. Mais je sais que Ladybug ne vous considère pas ainsi, ni ses amis. Celui à qui elle t'avait confiée momentanément, Kaalki, ne te considérera sans doute jamais ainsi. Il reconnaît très facilement la capacité émotionnelle des autres êtres. Et je comprends que ma présence te soit odieuse, je suis quelqu'un d'affreux. Je vais te libérer. Tu peux rentrer. Mais je crois que le mieux pour toi serait que tu demandes à retrouver ton porteur.

» Kaalki, je te libère de toutes les contraintes que j'ai posées sur toi. Kaalki, je renonce à ton pouvoir. »

Le styliste retira l'Alliance et la tendît au kwami, libéré de sa prison de verre. Quelque part en lui, quelque chose d'autre s'était fissuré, le mépris de Kaalki et le soutien des autres l'avaient ébranlé, profondément, remettant en question une vision de lui-même, du monde, à laquelle il s'était accroché depuis l'âge adulte, l'idée qu'il avait le droit d'être en vie simplement parce qu'il était là, qu'il s'était battu pour survivre, pour obtenir ce qu'il possédait.

« Rien n'est acquis, souffla-t-il en s'asseyant sous la fenêtre, j'avais oublié cette sensation... Merci, Kaalki, merci Wayzz, Trixx, Daizzi. J'avais oublié que si je veux quelque chose, je ne peux pas prétendre y avoir droit simplement parce que je suis. Je ne peux pas demander du respect simplement en étant. Je dois le mériter. Je crois que j'ai gagné... Je crois que je n'ai plus peur de la lumière, maintenant... Wayzz, Trixx, Daizzi, je vous libère de toutes les contraintes que j'ai posées sur vous. Je renonce à votre pouvoir. »

Il ôta les Alliances, les leur tendît, leur donnant l'autorisation de rentrer chez Ladybug, définitivement, puis descendît dans son jardin souterrain, où tous les autres kwamis voletaient. Il récupéra les bagues dans la boîte où elles étaient dissimulées et les rendît à chaque kwami, leur murmurant qu'ils pouvaient rentrer chez leur Gardienne, lui révéler son identité, dire autant qu'ils le désiraient, il n'avait rien à exiger d'eux.

Et, alors que les petites créatures disparaissaient à travers le plafond, il murmura un constat soulagé.

« Nous sommes libres, Nooroo. J'ai encore du trajet, j'ai encore à apprendre qui je veux être et qui je suis, à reconnaître chaque émotion, mais... Je crois que je me suis approché grandement du but qu'Adrien m'a fixé, enfin. Merci...

— Je n'ai rien fait.

— Tu es resté, et tu as marqué chaque étape. Nooroo, je renonce à ton pouvoir.

— Je ne vous abandonnerai pas, Gabriel. Je suis votre ami. Et je suis heureux de vous voir libéré. »

Le styliste sourît.

Oui, il restait à faire. Mais soudain, ce défi d'être lui-même et d'être correct ne semblait plus aussi fou.

************

Deux semaines plus tard, chambre de Nathalie.

« Nathalie ? Comment allez-vous ?

— Ça va, Adrien. Tout va bien.

— Vraiment ?

— Physiquement, ça a déjà été plus brillant, mais ce n'est pas comme si je pouvais espérer être au sommet de la forme en étant malade et enceinte. Psychologiquement, tout va bien. Je vous le promets. J'ai trouvé une espèce d'équilibre, maintenant, je ne me déchires plus entre différentes envies. Je vais bien.

— Si vous le dites... Qu'est-ce qui s'est passé, en fait ?

— Il y a deux mois, les Bourgeois ont organisé une soirée, et quand Gabriel est rentré, il était ivre mort... J'espère qu'il ne s'est pas consciemment soûlé, il sait qu'il ne tient pas l'alcool... Mais Audrey veut toujours boire hors des limites, donc il est possible que Gabriel ait bu sous son impulsion... Enfin. Ce n'est pas le sujet. Quand il est rentré, j'ai dû quasiment le porter à sa chambre et... Il... Il ne voulait pas être seul, je... Il voulait que je reste avec lui. Je n'ai pas su dire non. Et puis après... Il m'a demandé de m'embrasser, puis nous en sommes devenus comme fou, ça a dégénéré... J'étais incapable de poser un frein. Je l'aime trop pour pouvoir refuser.

— Vous devriez le lui avouer. Ça pourrait le toucher assez pour qu'il ouvre les yeux.

— Adrien, c'est inutile. Je ne vais pas lui dire, je pense qu'il sait. Et... Il ne peut pas aimer, il ne peut plus. Son cœur a été bien trop brisé. Je n'ai pas été capable de dire non, aussi parce que je sais que... Je sais que je ne peux pas avoir son cœur, alors simplement avoir une trace de lui... Avoir ce souvenir, et cet enfant... C'est comme un morceau d'espoir que je peux arracher. Pas grand-chose mais assez pour me maintenir en vie.

— Ne perds pas espoir. On va y arriver.

— Pourquoi veux-tu tant y croire ?

— Merci de m'avoir rendu le tutoiement, sourît l'adolescent avant de répondre à la question, une étrange lueur s'allumant dans ses yeux.

» Il ne veut pas que je sois heureux avec Marinette, mais si j'arrive à faire en sorte que vous soyez heureux tous les deux, j'aurai une compensation. Il a besoin de toi aussi, et... Je suis sûr qu'il t'aime, même s'il ne veut pas l'admettre.

— Et qu'est-ce qui te fait croire ça ?

— Tu sais ce qu'on dit... In vino veritas. Il est venu à toi, il l'a demandé, parce qu'il ne pouvait plus s'en cacher je pense, il a dû renoncer à son masque. Et puis, à part ça, il laisse des indices quelques fois, la manière dont il te regarde, ses gestes vers toi, son inquiétude quand tu vas mal, si ce n'était que des petits morceaux de temps à autres, je douterais, mais c'est souvent. Et puis il y a sa réaction le jour où j'ai suggéré qu'il pourrait vous aimer. C'était complètement disproportionné. Il veut rester fidèle à Maman, mais... Je pense qu'il a du mal. C'est une rupture psychologique. Comme quand je refusais de voir l'amour de Mari pour moi parce que j'étais persuadé de la considérer juste comme une amie. Je suis certain qu'il t'aime mais ne l'accepte pas.

— Si c'est par rapport à Émilie que Gabriel ne cède pas, bon courage. Son fantôme est extrêmement présent.

— J'y arriverai. Mais tu devrais essayer de parler.

— Peut-être. »

Adrien sourît, serra les mains de Nathalie entre les siennes puis lui souhaita une bonne nuit et partît se coucher. Une part de lui aurait voulu en discuter avec Ladybug, sous le couvert des masques et de leur amitié, mais il ne se voyait pas aborder un sujet pareil, malgré la certitude qu'elle aurait des idées pour dénouer ce sac de nœuds.

Mais surtout, il fallait parler à Gabriel, l'adolescent ne pouvait vraiment pas laisser son père vivre dans le déni...

Allongé sur le lit, les yeux fixés au plafond, les idées défilaient comme des images devant ses yeux, jusqu'à ce que tout s'embrouille et qu'il tombe dans le sommeil.

************

Un mois plus tard, fin de soirée.

Assis sur son lit, Adrien réfléchissait. Depuis que Nathalie lui avait raconté comment ils étaient arrivés dans cette étrange situation, il s'était passé beaucoup de choses.

D'abord, Gabriel semblait être revenu sur terre. Pendant longtemps, il était apparu encore plus hautain et inaccessible, plus insupportable que jamais. Que ce soit la froideur qu'il affichait toujours, son opposition au bonheur de son fils, le mépris presque ouvert envers le monde entier. Et cette attitude qu'il avait attrapée à peu près au moment de la presque victoire de Monarque avait commencé à fondre durant ce mois.

L'adulte était redevenu chaleureux, tolérant, et presque ouvert à tout. L'adolescent se rappelait d'une fois où Marinette était venue travailler à un exposé au manoir et le styliste n'avait fait aucune remarque, l'avait même complimentée sur les croquis qu'il avait aperçus quand elle avait laissé tomber son carnet par maladresse. Les deux jeunes considéraient ce moment comme un espoir pour leur relation.

Il souriait beaucoup plus, aussi, comme si il avait été libéré d'un poids. Et, apparemment, il commençait à accepter d'avoir des sentiments autres qu'amicaux pour Nathalie. Il flirtait à demi avec elle, et leur relation avait pris un étrange tour. Les deux adultes se taquinaient, se complimentaient, flirtaient puis se retiraient, comme un jeu dont eux seuls connaissaient les règles, comme s'ils voulaient se séduire sans ouvertement parler de sentiments. Adrien ne pouvait s'empêcher de trouver cela un peu étrange, mais après tout, ça lui allait. Si Gabriel jouait à ce jeu, peut-être que lui faire reconnaître son amour serait plus facile.

Ensuite... Ladybug et lui se voyaient régulièrement, jouant à des jeux de société, se lançant des défis, explorant leurs pouvoirs, apprenant à se connaître, à rire. Ils se dévoilaient leurs vérités mais n'ôtaient jamais le masque. Et ils ne se battaient plus. Le Papillon semblait avoir disparu. Sa partenaire avait informé Chat Noir que, deux semaines avant l'explication de Nathalie, les kwamis volés par Félix étaient revenus, mais l'avaient avertis que, peut-être, d'autres attaques se produiraient car leur adversaire n'avait sans doute pas tout à fait renoncé, il se battait contre lui-même et son obscurité.

Enfin, la vie était devenue paisible. Et Adrien pouvait enfin vivre comme un adolescent normal, il sortait avec ses amis, taquinait son père, râlait contre les devoirs, riait et pleurait, retrouvait son amoureuse à moitié en secret. Et il découvrait qu'il aimait cette vie-là au point de vouloir la protéger absolument.

Mais il restait à faire. Il se leva, et se dirigea vers le bureau.

« Papa ? Je peux te parler s'il te plaît ?

— Oui, bien sûr, entre Adrien. Qu'y a-t-il ?

— Je... En fait, j'avoue que je suis complètement perdu... J'essaye peut-être trop de rationaliser, mais... Quelle est la relation entre Nathalie et toi ?

— Ça te perturbe à ce point ?

— C'est très perturbant ! Je veux dire, vous flirtez de manière très évidente mais en même temps vous vous repoussez, et vous maintenez tous les deux que vous n'êtes que des amis. Et aussi, quand elle se replie, quand elle ne joue plus... Ça te fait mal, n'est-ce pas ?

— Oui.

— Tu l'aimes.

— Je n'arrive pas à l'admettre. Quelque chose en moi rejette cela... Je ne sais pas si c'est mon obscurité qui n'a pas encore tout à fait disparu, si c'est la peur d'avoir mal, une espèce d'attachement encore à Émilie... Je ne sais pas. Je sais que c'est le cas, mais je ne peux pas le reconnaître. Prononcer ces mots... J'ai essayé de les dire à moi-même, je n'y arrive pas. Peut-être à cause de tout ce que je lui ai fait, de toutes les souffrances que je lui ai imposées... Elle est malade à cause de moi !

— Que voulez-vous dire...? »

Au fond de lui, Adrien connaissait déjà la réponse. Une fois, Ladybug lui avait montré la nouvelle forme des Miraculous, et il avait discuté avec les kwamis en tant que Chat Noir, ils avaient laissé échapper que le Papillon voulait devenir quelqu'un de correct par égard pour Mayura. Et les dates, la longue période sans akumatisation, les gestes de Gabriel vers son bras blessé... Trois semaines depuis qu'il avait vu les Alliances, c'était largement suffisant pour se faire à l'idée. Surtout en temps de paix.

Mais il ne pût empêcher son cœur de se décrocher quand il vit l'ombre dans les yeux de son père, sa moue désolée, quand il l'entendît murmurer d'un ton fatigué :

« Je suis le Papillon. Je m'y suis perdu, mais originellement... Je voulais ressusciter ta mère, qui est morte d'avoir utilisé un Miraculous brisé. Et, à cause de mes erreurs, Nathalie a pris le Miraculous du Paon, elle aussi. Et s'est condamnée. Alors que je refusais de penser à elle autrement que comme une simple alliée. Je ne peux pas me pardonner cette cruauté...

— Tu ne voulais pas. Quand elle a pris le Miraculous, tu as dit « Ne faites pas cela ». Tu étais paniqué. Et ensuite, tu ne comprenais pas, mais je ne crois pas qu'elle ait jamais espéré gagner ton cœur. Les sentiments ne se contrôlent pas, ni les circonstances. Tu ne le lui as pas demandé, et ton cœur souffrait encore trop pour pouvoir tomber devant ce sacrifice. Mais maintenant, tu l'aimes, et tu le sais. Papa, tu n'as pas besoin de te faire mal par peur des cicatrices que tu as laissées, je t'assure.

— Merci... Merci, Chat Noir. Tu es un véritable héros, et... Je suis fier de toi. Et de ta réaction, murmura l'adulte en serrant son fils dans ses bras, merci d'être là. Merci de me guider. Je l'aime. Je l'aime, je peux l'admettre. Et je sais que j'ai le droit de l'aimer, qu'Émilie serait heureuse... J'ai enfin accepté de continuer l'histoire sans elle, de tenir debout...

— C'est bien. Que vas-tu faire, maintenant ?

— Je ne peux pas.

— Mais pourquoi enfin ?! Pourquoi c'est si compliqué ?! Tu l'aimes, elle t'aime, vous vous tournez autour depuis des mois, si ce n'est des années...!

— Je suis mauvais pour elle. Je suis dangereux. Je l'ai blessée. Je l'ai condamnée à...

— J'ai déjà dit, elle a pris le Miraculous elle-même, tu ne voulais pas.

— Je l'ai manipulée.

— Elle est assez grande et assez intelligente pour s'en apercevoir, elle a consciemment fait le choix de t'aider.

— J'ai piétiné ses sentiments alors que je les devinais.

— C'était un mécanisme de défense, tu ne les acceptais pas. C'était inconscient.

— Adrien, j'ai passé deux ans et demi à détruire cette ville et terroriser ses habitants soit-disant pour ressusciter Émilie. Et Nathalie le sait. Lui dire que je l'aime, maintenant, ce serait comme me moquer d'elle et de son sacrifice.

— Je vais avoir besoin d'Alya, Marc et Nathaniel, là. Je suis à court d'idées. Elle ne veut pas te le dire parce qu'elle pense que tu ne l'aimes pas, que tu sais qu'elle t'aime - je ne sais pas si tu en as conscience d'ailleurs - et parce qu'elle ne veut pas entendre ton rejet. Tu ne veux pas lui dire parce que tu ne t'en sens pas digne et que tu aurais l'impression de la manipuler. Et vous n'accepterez pas de passer en relation sans prononcer ces satanés mots ! À croire que vous voulez souffrir !

— Adrien. Je suis Monarque. Est-ce que tu crois vraiment, en tant que héros, que je ne devrais pas souffrir ? Que je devrais être heureux juste comme ça ?

— Je considère que tu as bien assez souffert. Que la punition est passée, que l'horreur que tu as de tes actes est suffisante. Enfermer, persécuter le vilain ne sert à rien. Un jour il sera libre, et voudra se venger. Le héros doit être là pour réparer. Pour empêcher que la douleur ne se répande. Le héros est celui qui a été blessé et qui décide que personne d'autre ne doit être blessé. Tu as besoin d'être heureux, comme n'importe qui. Et, en étant heureux, tu n'auras aucune raison de rester un méchant. Alors oui, je vais me battre, pour toi, pour ton bonheur. Et puis, tu es mon père. Je tiens à toi, malgré tout.

— Sois libre, murmura Gabriel, ta noblesse te libère. »

À leur étonnement à tous les deux, un amok apparu et vînt se déposer dans le Miraculous d'Adrien. L'adolescent était bouche bée, comprenant lentement tout ce que ce phénomène impliquait, sur sa nature, sur la mort de sa mère... Quand Félix le lui avait dit à demi-mots, il n'avait pas voulu y croire, mais maintenant, il savait. L'adulte, lui, ne comprenait visiblement pas comment une telle chose avait pu arriver alors qu'il ne possédait plus le Miraculous du Paon. Peut-être Félix avait-il ajouté cette possibilité lors de son dernier passage à Paris...

Mais ils n'eurent pas le temps de réfléchir longuement à la question, Nathalie débarquant dans la salle avec un air paniqué. Quand elle aperçût l'adolescent, ses traits se détendirent visiblement, mais ses sourcils restèrent froncés.

« Adrien ? Tout va bien ?

— Oui. Enfin, si on exclut toutes les révélations que je viens de me prendre en l'espace d'une dizaine de minutes. Mais pour l'identité du Papillon, j'étais préparé, c'est déjà ça de pris. Je ne m'attendais juste pas à... L'amok. Je suis un Senti, alors ?

— Oui.

— Pourquoi ?

— Si nous devons vous expliquer toute l'histoire, ça va prendre des heures. Et même en faisant bref, il va falloir que vous vous asseyiez. Allons au salon.

» Bien, soupira la brune quand ils furent assis dans les fauteuils, ça va être compliqué. J'imagine qu'il faut commencer par les jumelles... Émilie et Amélie, comme deux faces d'une même pièce. Extrêmement différentes, toujours séparées, mais irrémédiablement liées. Amélie est une réaliste, l'a toujours été, mais si on lui offre une graine de rêve, elle fera tout pour croire à la magie. Et Émilie, qui vivait dans un rêve, dans son propre monde de couleurs et de rires. Elle tirait tout le monde à elle. Résister à son attraction était impossible, le monde entier se pliait en quatre. C'est peut-être pour ça que leur mère ne les laissait pas sortir, Amélie aurait été détestée et écrasée trop facilement, Émilie aurait fait du monde des cocottes en papier. Je les ai rencontrées quand nous avions neuf ans, c'étaient mes voisines mais leur mère les gardait enfermées. Puis j'ai réussi à ce qu'elles aillent au lycée, et après... Nous sommes montées à Paris. Ça a été une période étrange.

» Émilie a entendu parler des Miraculous pendant nos études. Et cette magie-là est devenue son obsession. Amélie a eu du mal à la croire, mais a fini par être entraînée, elle voulait rêver. Gabriel était un camarade d'université, et il les a immédiatement suivi... Même si tu ne savais pas rêver, n'est-ce pas ?

— J'étais déjà amoureux d'elle. Son énergie m'a capturé comme une toile d'araignée. Alors même sans y croire, j'aurais traversé l'univers pour entendre son rire et voir ses yeux briller d'excitation. Mais nous n'étions pas seuls à partir dans cette aventure. Les jumelles voulaient être actrices, et, de castings en recherches, elles ont rencontré André Bourgeois, et Audrey, et de là, Tomoe. Qui semblait posséder un savoir sans fin sur les Miraculous, qui nous a aiguillés, accompagnés de loin dans nos recherches. Notre fascination semblait l'amuser profondément, comme si tout était un jeu pour elle. Mais son aide avait deux conditions. D'abord, si nous trouvions un Miraculous, elle s'en servirait. Deuxièmement, nos utilisations devaient l'inclure, toujours. Nous avons donné notre accord sans vraiment réfléchir.

» Puis nous avons trouvé les Miraculous du Paon et du Papillon, et un grimoire. Nous sommes rentrés. Elle a remarqué que le Paon était brisé, mais elle l'a utilisé quand même. Elle voulait créer une personne parfaite, absolument, et elle ne faisait confiance à personne pour y arriver. Cependant, elle a eu la sagesse de ne pas toucher le Miraculous une fois Kagami créée. Le motif de Tomoe était la volonté de perfection.

— Je vois... C'est assez réussi. La seule éraflure est que Kagami n'a jamais appris à gérer ses émotions, à les comprendre. Et je ne sais pas écouter assez pour pouvoir l'aider. Mais Félix et moi ? Quelle est la raison ?

— Adrien, tu sais que les Senti sont créés à partir d'émotions, n'est-ce pas, reprît Nathalie calmement.

— Oui, bien sûr.

— Kagami c'était simple. C'était le désir du mieux, et ça se ressent en elle. Les jumelles... Elles ont découvert qu'elles ne pouvaient pas avoir d'enfants, et ça les a bouleversées, toutes les deux. Amélie était dans une position compliquée, notamment parce qu'elle savait que Raphaël voulait un enfant, parce qu'elle en rêvait aussi, parce qu'elle voulait ce destin, mais en même temps, prendre le Miraculous lui semblait une trahison profonde. Alors Raphaël s'en est chargé, avec sa peine, son espoir, sa crainte de blesser, ses doutes et ses certitudes. Il n'était pas sûr de lui, et cela se ressent chez Félix.

» Puis Émilie l'a fait. Avec son optimisme sans limite, sa volonté de sauver le monde, ses rires, son bonheur anticipé. Elle voulait un fils, un véritable enfant. Ta ressemblance avec Félix vient de ce qu'elle ne voulait pas de différence avec Amélie, et elle pensait que ça vous plairait. Elle t'a créé avec l'émotion la plus puissante qui existe : l'amour, sous toutes ses formes. Et ça se voit. Mais... Raphaël et elle n'ont pas été assez attentifs. Et la brisure du Miraculous s'est reformée dans leurs corps. Alors ils sont morts. La suite... Je crois que tu la connais... »

L'adolescent hocha la tête. Oui, il connaissait la suite de l'histoire, le désespoir de Gabriel, sa rencontre avec Kagami et toutes les fois où les adultes avaient semblé les pousser l'un vers l'autre, le sacrifice de Nathalie, l'échange avec Félix, la trahison de Flairmidable, Monarque...

Il connaissait la suite.

Et, enfin, les pièces de puzzle s'assemblaient, les preuves qu'il avait rejetées se réunissaient. Pour la première fois, Adrien voyait le tableau complet de l'histoire de sa vie, de sa famille.

Dans un murmure, il remercia les adultes et les serra dans ses bras, avant de leur souhaiter une bonne nuit et de partir essayer de dormir. Il savait que rien n'allait avancer entre ces deux-là tant qu'il ne pousserait pas, mais il était tard, et les révélations, les explications, avaient fini de drainer son énergie. Avant de sombrer dans le sommeil, il pensa comme un éclair qu'il faudrait peut-être en parler à Ladybug...

************

Un mois plus tard.

Adrien déposa son plateau sur une des tables de la cantine, tout en essayant de retenir un soupir. Il venait de recevoir un message de son père, préoccupé de l'état de fatigue où Nathalie se mettait, puisqu'elle refusait de se reposer.

« Hey mon pote, y a un problème ?

— Nathalie se surcharge encore plus que d'habitude alors qu'elle est encore malade, mon père s'inquiète, et comme ils ne sont pas fichus de communiquer à cause d'un nombre effarant de non-dits, je suis censé transmettre. Ces deux-là vont me rendre fou.

— Je suis sûr que t'exagères, s'exclama Nathaniel, ça peut pas être pire que toi et Marinette !

— Oh que si. C'est pire. J'ai pas le droit de dire à quel point, mais c'est infiniment pire. Enfin, remarquez, on a progressé depuis le mois dernier, mon père a enfin admis qu'il est amoureux d'elle. Bien entendu, il ne veut pas croire que c'est réciproque...

— Mais... Et pourquoi elle ne peut pas le dire, demanda Nino, ça réglerait le problème, non ?

— Si seulement...

— Alors, il peut y avoir plein de raisons, marmonna Marinette, mais... Généralement, c'est la peur du rejet qui est à la base... Si tu lui dis que...

— J'ai essayé, vraiment. Mais elle ne me croit pas. Ce qui se comprend. Papa a mis très longtemps avant d'accepter la mort de ma mère, et si il a eu autant de mal à admettre qu'il est amoureux de Nathalie, c'est partiellement parce que, quelque part, il a l'impression de faire une infidélité. Ce qui n'est pas le cas, puisqu'elle est morte. Enfin, il galère comme pas possible à tourner la page, et Nathalie le sait. Et quand je lui dis qu'il a enfin réussi à décider de continuer son histoire, elle refuse de me faire confiance. On est bloqués.

— Et leur relation est comment, techniquement, demanda Alya, ils sont amis ou même pas ?

— Je ne sais pas. Ils flirtent à moitié, mais en restant beaucoup sur leurs retranchements, et jamais de manière simultanée. Mettons que Papa fasse quelques remarques de drague le matin, Nathalie va les ignorer soigneusement, ou répondre très froidement. En général, il ré-essaie, mais elle reste toujours aussi en retrait. Je vous ai dit qu'elle ne veut pas y croire, donc... Elle ignore. Et puis, le lendemain, ou même le soir, elle va flirter à son tour, et... Soit il embraye un peu, ça dure généralement cinq minutes avant que l'un d'eux recule. Soit il se replie immédiatement et agit comme si elle n'avait rien dit. Ça va faire deux mois qu'ils agissent comme ça en permanence, et à côté, ils viennent me voir et me demander comment gérer leurs sentiments, si je les laissais faire ils enterreraient le sujet et n'y penseraient pas. Quand je vous dis qu'ils vont me rendre fou...

— Excusez-moi de la comparaison, soupira Marc, mais on dirait une intrigue secondaire d'une série où les scénaristes veulent se garder le plus de fils possibles en cas de panne d'inspi.

— J'aurais plus dit une fanfic Wattpad dont l'auteur ne dort pas assez, répondit Zoé, mais ta comparaison est valable aussi. En tout cas, ça veut dire qu'il faut qu'on trouve une idée. Et j'admets être en panne. André trouvait que c'était un problème, il a eu une idée il y a quelques mois, mais apparemment ça n'a pas marché...

— Oh ? Ah. Je vois. Disons que... Ça a à moitié fonctionné. Mais sûrement pas comme il pensait. Mais s'il y a eu du progrès, c'est grâce à ça, je pense.

— D'accoooord ? Bon bah c'est quelque chose, je suppose...

— Oui. Vous avez des idées...?

— On les enferme dans un ascenseur et on attend qu'ils l'avouent, proposa Alya, qui semblait en vouloir à ce scénario.

— Faudrait les faire sortir du manoir, souligna le blond avec un soupir, et c'est pas gagné...

— Je pirate les enceintes du manoir et je leur mets des musiques d'ambiance dans le bureau ?

— Tu as intérêt à courir très, très, très vite, Max si tu tiens à la vie. Je veux dire, ça pourrait marcher, mais ils risquent de t'en vouloir.

— On se pointe avec des pancartes et on leur dit de s'embrasser, suggéra Ju dans un marmonnement traduit par Rose.

— Mm, non. Enfin...

— Ça ne marcherait pas, je pense, répondit Marinette calmement.

— On leur fait faire des bouquets, ou des cartes, proposa Mylène.

— Les bouquets ça peut être une bonne idée, approuva Rose, on peut dire beaucoup de choses avec des fleurs !

— J'avoue avoir un peu peur de lancer mon père dans la confection de quoi que ce soit, mais... Ça m'a l'air d'une idée valable. Je suggèrerai ça...

— Bah voilà, sourît Nathaniel, on a une idée. Si besoin, Marc et moi allons réfléchir à des scénarios... Pas trop compliqués si possible.

— Merci les gars. Merci à tous, avec un peu de chance on va arriver quelque part...

— Mais oui, ça va le faire, s'exclama Zoé, ils s'aiment, réciproquement, ça peut pas être si impossible ! »

Adrien sourît, et continua son déjeuner avec ses amis tout en faisant défiler dans son esprit une liste de possibilités, de scénarios, d'idées, en discutant avec les autres, essayant d'épingler une version possible des futurs événements.

Mais, tout au fond, l'adolescent savait que tous ces efforts-là seraient vains. Ce qu'il fallait, c'était que Gabriel accepte pleinement ses sentiments, que Nathalie reconnaisse la réalité des siens, qu'ils en parlent vraiment, en arrêtant de simplement le laisser sous-entendre dans des phrases qui sonnaient comme des blagues. Il devait bien y avoir une solution...

Peut-être en persuadant le styliste de faire quelque chose... Il s'y refusait par conviction que rien ne suffirait, mais...

Absorbé dans ses réflexions, Adrien laissait le temps couler lentement autour de lui, sans s'en rendre compte, suivant ses camarades en classe par réflexe, répondant aux questions distraitement, la tête ailleurs.

Il devait bien y avoir une solution à ce casse-tête de folie...

************

Un mois plus tard.

Nathalie retînt une quinte de toux. Malgré sa grossesse et sa maladie encore présente, elle travaillait tous les jours au bureau, malgré les vertiges et les pertes d'équilibre qui s'ajoutaient aux habituels malaises, malgré ses sautes d'humeur complètement incontrôlables, que Gabriel gérait avec une patience exemplaire. Se rendant à son entêtement, le styliste avait accepté qu'elle continue de travailler avec lui, mais il avait installé une chaise confortable dans le bureau, où il lui ordonnait presque de s'assoir, mais elle l'ignorait soigneusement, prétendant qu'elle pouvait bien tenir debout.

Mais à présent, elle avait l'impression que son crâne allait exploser, le monde tournait étrangement autour d'elle, il faisait soudain extrêmement froid, elle se sentait trembler, secouée de frissons, elle se serait simplement écroulée par terre si...

Une coquille protectrice se referma autour d'elle, soudain elle se sentît extrêmement légère, son poids ne pesait plus sur ses jambes affaiblies, elle se blottît instinctivement dans la chaleur qu'elle sentait autour d'elle.

« Regarde-toi, murmura Gabriel tendrement, regarde dans quel état tu te mets... S'il te plaît, prends soin de toi, fais attention à toi. Tu es précieuse, tellement précieuse...

— Ne dites pas des choses pareilles, marmonna la brune d'une voix pâteuse, ne...

— Je sais. Tu as peur que je dise tout ça pour plaisanter, comme un jeu. Je te promets que non, affirma-t-il doucement en poussant la porte, je ne jouerais pas un jeu si cruel, pas avec toi, pas alors que je suis conscient de tout le mal que je t'ai fait, et d'à quel point tu es merveilleuse d'être toujours restée près de moi, avec moi, ta force et ta lumière sont les seules choses qui me permettent d'avancer.

» Je ne m'attends pas à ce que tu me croies, chuchota-t-il en la déposant dans son lit, je sais que tu m'as vu manipuler sans honte, retourner le monde et détruire tout pour Émilie, mais... J'ai retrouvé de la lumière, assez pour réaliser, pour voir mes horreurs et... vouloir t'offrir quelque chose de mieux. Je... Je t'aime, Nathalie, j'ai fini par m'en rendre compte, et je sais que je ne peux pas tenir sans toi, je sais que je te blesse en permanence, un mot de toi et je m'éloignerai, je veux juste que tu ailles bien, que tu sois en sécurité et heureuse... »

La brune répondit d'un simple gémissement, trop mal pour articuler quoi que ce soit, mais se blottissant contre lui, enserrant sa poitrine de ses bras, le retenant. Non, elle ne voulait pas qu'il parte, elle avait besoin de lui, de sa douceur et de ses épines protectrices, de la force sismique qui émanait toujours de lui, elle voulait le garder, elle était malade, la tête remplie de brouillard, les perceptions complètement déréglées, les émotions se bousculant dans tous les sens, mais, blottie contre son torse, elle se sentait au calme et c'était tout ce dont elle avait besoin, qu'il reste là des heures, qu'elle réussisse enfin à lui faire confiance, à ouvrir ses barrières.

Et Gabriel resta. De son gémissement, de son geste de l'agripper, il avait compris tout ce qu'elle n'avait pas pu dire, sa volonté qu'il reste, qu'il s'occupe d'elle. Alors il la veilla jusqu'à ce que les vertiges se dissipent, il la laissa se blottir dans ses bras quand une terreur froide arrivait en elle par moments.

Jusqu'à la fin de la journée, il resta près d'elle, ne disparaissant qu'un moment le soir pour aller chercher de quoi dîner, avant de revenir, de la nourrir, de l'aider. Jusqu'à voir l'épuisement dû à sa surcharge disparaître derrière une simple fatigue de l'heure avancée déjà. Et, alors qu'elle était à deux doigts de s'endormir profondément, elle marmonna simplement :

« Ne me laisse pas seule, je ne veux pas rester seule...

— D'accord mon amour, répondit Gabriel d'une voix à peine audible, d'accord je vais rester, je vais dormir avec toi. »

Blottis l'un contre l'autre, les yeux enfin clos de fatigue, leurs cœurs enfin en paix après leurs luttes, ils s'endormirent ensemble, leurs souffles se mêlant comme une pensée.

************

Le lendemain matin.

Gabriel s'éveilla en sursaut. Les images de la veille lui revinrent immédiatement à l'esprit, le bouleversant profondément, par réflexe il se redressa, s'éloigna de Nathalie, se releva...

« Reste. »

Il s'immobilisa, le cœur battant à toute allure. Le murmure de Nathalie, qui le tutoyait consciemment pour la première fois depuis des années, l'avait figé.

« Reste, s'il te plaît. Je sais que tu ne t'en sens pas capable, mais s'il te plaît... J'ai besoin de ta présence. Tu as peur de me blesser, de m'abîmer, tu considères que tu m'as rendue malade... Mais c'est faux. Je me suis blessée, seule, pour toi, je me suis exposée et je le ferai encore. Tu as dit que tu m'aimais, et que... Si tu devais t'éloigner pour me rendre heureuse, tu t'éloignerais. Mais... Je t'aime. Et puisqu'il faut que je le dise pour que tu l'acceptes, je le répéterai encore et encore : je t'aime. J'ai besoin de ta présence, j'ai besoin de toi. Et je sais que tu en es capable.

— Je suis dangereux, répondit Gabriel, et...

— Non, sourît Nathalie.

» Tu n'es pas dangereux. Tu l'as été, oui, mais, pour l'avenir, pour l'enfant que je porte, tu t'es obligé à renoncer, à détruire l'obscurité qui était en toi. Cela fait cinq mois que tu n'y as plus cédé. D'abord parce que tu étais troublé, ensuite parce que tu voulais devenir « décent ». Tu as plus que réussi. Tu es une personne extraordinaire, Gabriel, et tu sais combattre l'obscurité, les doutes. Même alors que tu refusais l'idée que je sois enceinte, tu prenais soin de moi en connaissance de cause, tu m'as emmenée faire les échographies, et à chaque rendez-vous médical pour vérifier que tout se passe bien. Tu as guéri de tes douleurs, tu as décidé de les laisser s'éteindre, tu as guéri tous les tourments, tu m'as apaisée. Tu m'as retenue, et, quand je n'arrivais plus à vouloir avancer, c'est toi qui m'as sauvée. Tu dis que tu es dangereux, tu crois que tu me détruis, mais c'est moi qui me met en danger, parce que tu as créé un sens dans ma vie. Je t'aime. Et tu me sauves simplement en étant présent.

— J'en suis heureux, affirma Gabriel avec un sourire, ses yeux brillants de soulagement, est-ce que... Est-ce que je peux t'embrasser ?

— Bien sûr. Je ne peux rien te refuser, tu sais... Et s'il faut être raisonnable, tu devras l'être pour deux...

— J'essaierai, promît-il en chassant une mèche de devant les yeux ciel de son amour, j'essaierai. »

Puis il se pencha sur elle, scellant leurs lèvres dans un baiser guérisseur, réparant leurs âmes dans une tendre chaleur, signant leurs paix.

Ce n'était pas leur premier baiser.

Mais c'était le premier qu'ils échangeaient en conscience, avec la volonté, c'était la première fois qu'ils se comprenaient dans ce geste, ôtant enfin leurs masques. Et si les premiers échanges avaient été un feu les dévorant et les empêchant de respirer, cette fois, c'était une eau rafraîchissante, régénératrice qu'ils s'offraient l'un à l'autre.

Enfin la folie qui les avait poussés l'un vers l'autre laissaient place à la paix de la réconciliation, de l'amour atteint, ils n'étaient plus perdus dans les nuages de fièvres qui les avaient agités. Le brasier de la folie était éteint, laissant place à un simple feu de camp qui les réchauffait et les rassurait au milieu de la nuit.

Ensemble.

************

Un mois et demi plus tard.

Nathalie laissa échapper un rire, déposant une tâche de peinture bleu foncé sur le nez de Gabriel, qui leva les yeux au ciel avec un sourire amusé, avant d'effleurer la joue de son amour de son pinceau couvert de violet.

Après s'être enfin déclaré leur amour réciproque, ils avaient flotté dans une phase de perplexité et de timidité pendant deux semaines, se rendant rapidement compte qu'ils n'arrivaient plus à dormir l'un sans l'autre, passant leurs nuits à se chercher. Alors Nathalie s'était installée dans la chambre de Gabriel, débarrassant son propre espace de toutes ses collections de livres, à présent rangés dans l'observatoire transformé en bibliothèque avec l'aide d'Adrien. La chambre elle-même devenait une chambre d'enfant, avec un espace de jeu, les murs repeints en couleurs, racontant dans un style doux l'histoire de Mayura et du Papillon, sans aller jusqu'aux moments de perte, montrant la réconciliation et le baiser qu'ils considéraient comme leur premier, sous la simple forme de tâches de couleurs se mêlant, se dégradant, se suggérant, sur la partie haute de deux des murs. Sur les deux autres et sur la porte, la même histoire se déroulait, mais du point de vue de Ladybug et Chat Noir, d'Adrien et Marinette, toujours sous la forme de couleurs esquissées.

Sans la clé de lecture, la salle était simplement une magnifique fresque multicolore. Avec, elle devenait un témoignage de la période sombre, un appel à l'espoir, à la vie et à l'amour, une supplication de ne jamais se perdre.

Cette œuvre que les adultes partageaient, qu'ils s'étaient amusés à créer, en impliquant les deux adolescents et leurs amis, c'était leur voie de vie. En s'y appliquant, en s'y entendant, ils avaient tous reconstruit leur monde. Sur ces murs, dans l'ameublement de cette chambre, ils avaient retrouvé des raisons de vivre.

Créer.

Inventer.

Concilier.

Communiquer.

Se racheter.

Se trouver.

S'accorder.

Se protéger.

Sans leurs masques de héros ou de vilains, sans batailles à mener, ils avaient tous, enfants comme parents, été déstabilisés, perdus devant le vide qui s'offraient à eux. En leur proposant de retracer tous ensemble leur histoire et leurs combats sur les murs, Gabriel avait permis à chacun de retrouver un sens, de se rappeler pourquoi ils se battaient au quotidien, ce qui faisait battre leurs cœurs.

Autour de cette création pour l'enfant à naître de la rédemption, le monde était rentré en ordre. Les masques s'étaient tous effacés, les doutes, les disputes souterraines avaient disparu.

« Papa, Mam's, arrêtez donc de gâcher la peinture, je vous rappelle que vous avez besoin de beaucoup de violet !

— Laisse-les s'amuser, Chaton, ils se sont empêchés de sourire beaucoup trop longtemps !

— Vrai. J'me demandais même comment c'est possible de rester dans de la déprime aussi longtemps sans jamais basculer dans la mort, j'ai jamais vu ça ! Et pourtant, dans l'Histoire, j'ai eu le temps de voir des gens déprimés !

— C'est parce que nous ne vivions pas tout à fait, nous survivions, sourît Nathalie, ce n'est pas tout à fait pareil.

— Alix, tu devrais arrêter de mettre des horloges partout, nota Max.

— Dixit le gars qui a fait au moins trois allusions à son Miraculous alors qu'il n'a pas peint beaucoup de surface !

— J'ai mis Markov aussi.

— Et AVA. Mais c'est normal, intervînt Luka doucement, on met tous ce qui a du sens pour nous. Et... Kaalki est très important, n'est-ce pas ?

— Importante. Oui. C'est toujours mieux quand elle est là.

— Zoé, je peux avoir la peinture jaune s'il te plaît ?

— C'est pour faire quoi ?

— On s'est mises d'accord qu'il fallait l'histoire en entier. Même les moments qu'on aime pas, mais qui ont eu de l'importance. Je dois faire Miracle Queen.

— Bon, d'accord...

— Eh, c'est pas en la dessinant que je vais redevenir comme ça ! Ladybug m'a bien remis les idées en place, je ne vais pas recommencer !

— Encore désolée si j'ai été un peu violente...

— T'inquiètes, Dupain-Cheng, j'en avais besoin, sérieusement, et si tu m'avais pas purement et simplement engueulée, je n'aurais pas bougé.

— Tant mieux... »

Marinette recula de quelques pas pour contempler l'état du mur. Connaissant ce que chacun symbolisait, elle reconnaissait facilement les évocations, les couleurs de chaque akumatisation marquante, de chaque combat entre le premier et l'attaque de Queen Banana. Il restait encore beaucoup à montrer, la plupart des interventions de ses amis, Félix, Flair-midable, et l'enfer de Monarque, mais elle savait qu'ils y arriveraient. Ils avaient un plan, ils savaient ce qu'ils voulaient mettre, et ils étaient ensemble, comme Gabriel et Nathalie qui décoraient l'autre côté de la chambre.

La jeune fille se rappelait du jour où Adrien leur avait annoncé que les adultes avaient enfin résolu leur casse-tête, que le problème était résolu de partout, où il leur avait expliqué tout ce qu'il s'était passé depuis cinq mois et demi, comment les choses allaient se dérouler, laissant tomber le masque de Chat Noir au passage, la réaction de tout le groupe aux péripéties, le soulagement de savoir que le Papillon ne reviendrait définitivement pas, les rires nerveux et les exclamations incrédules.

Tout avait évolué depuis.

Mais au fond, tout était pareil.

Il y avait eu des grains de sable en surnombre dans l'engrenage de leurs vies à tous, mais c'était comme si tout avait été fait pour arriver exactement à ce moment, où ils riaient tous ensemble avec leurs anciens ennemis, où ils se connaissaient réellement.

Undernier grain de sable, un instant de folie, et soudain, tout avait étédébloqué, pour le meilleur. Et le tableau était magnifique.

 ************

 9681 Mots + Note de début

 Ah bah je savais que ce serait long. C'est clairement dans le top 3, je vous dis demain (en comm) si c'est le deuxième ou troisième plus long j'ai plus toutes les longueurs en tête, mais tout est noté sur un papier... Que je n'ai pas sur moi.

 Et encore, au début, je voulais aller jusqu'au bout, donc faire neuf mois, je me suis arrêtée à six et demi parce que j'en ai marre. Ca fait clairement trois semaines que j'y suis. Je vais peut-être pouvoir respirer.

 Vous vous demandez sans doute d'où sort une idée pareille bon sang de bonsoir. Baah. Sans doute ma lecture de Les exilées de Troie de Pat Barker, entre le 6 mai et le 30 mai, parce que ré-écriture de l'Odyssée du point de vue de Briséis, avec un questionnement dingue sur comment sont traités les enfants des prisonnières de guerre. Oui, c'est aussi bête que ça. Et oui, ça date. L'idée s'est pointé aux alentours du 28 mai. J'ai fait la gueule. Et j'ai décidé qu'en tout cas je devais finir "Je vais vous sauver" d'abord. C'est dingue que l'inspi n'ai pas lâché.

 Je ne sais pas comment j'ai écrit la partie en italique. Je ne sais pas. Je... J'ai dû me souvenir de scènes que j'ai lues dans divers endroits... Parce que 2000% c'est pas du ressenti. Pas du rêvé. C'est clairement du "lu".

 Aussi, oui, y a une scène d'Adrien à la cantine qui sert à rien, à part dire que vraiment ces deux-là sont foireux, puisque, comme notre blondinet préféré le suggère, tout sera vain. Mais j'avais envie de cette scène. Le voir désépérer.

 Oh, et la scène finale, c'est vraiment un truc qui m'est venu tout à l'heure. J'ai pris l'écriture à 23h10 au milieu de la déclaration de Nathalie. J'étais en mode "bon, maintenant faut qu'ils dealent avec le kid. J'ai pas d'idée. Je veux créer. Mais pas sûre que la robe soit une idée, pour raison obvious. Je fais quoi ?". Et j'ai eu cette idée. Les faire jouer avec la peinture comme des gamins. J'ai adoré. Et ramener Chloé au passage, en précisant qu'un énorme savon de Ladybug et un peu de temps ont fait des miracles. A croire que je tiens quand même à elle. C'était bien ?

 Et sinon, ça vous a plu ? C'était bien ? Pas trop long ? Et la scène ?

 Dites-moi vos avis, vraiment,

 Bises,

 Jeanne

  (05/07/2023, 00h54)



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