EMILIE !!!

 « Emilie, je t'en prie, ne pars pas !

— Je n'ai pas le choix, Nathalie. Je connaissais les risques et je l'ai fait quand même. C'est l'ordre des choses, je dois mourir.

— Tu ne devrais pas te laisser faire ! Tu devrais lutter pour rester avec nous !

— Et toi, tu devrais avoir confiance en toi. Tu as peur de ne pas réussir à faire ce que je t'ai demandé. Mais, moi, je sais que tu peux le faire. Alors n'ai pas peur.

— Emilie, comment pourrais-je ? Envoyer ton fils à l'école, ça ne devrait pas être trop dur...Mais le reste...

— Tu as parfaitement les capacités nécessaires, je t'assure !

— Chut, ne crie pas, tu vas t'épuiser. Comment pourrais-je empêcher ton mari de devenir fou de douleur ? Il t'aime trop, et moi je n'ai pas la force mentale nécessaire.

— Le premier point est peut-être vrai, mais pas le second, murmura Emilie.

— S'il te plaît, reste...chuchota Nathalie.

— Je ne peux plus. Veille sur toi, veille sur lui, et que le manoir vive sans moi. Au revoir.

— EMILIE !! »

************

« EMILIE !! »

Nathalie s'éveilla en sursaut. Cette fois-ci, les larmes coulaient à flots sur ses joues. Elle n'en pouvait plus.

Les derniers instants de son amie avaient été les pires de sa vie. Et depuis une semaine, elle les revivait continuellement en rêve. C'était extrêmement éprouvant pour ses nerfs, mais pas plus que la culpabilité qui la tourmentait le jour.

Nathalie secoua la tête. Il fallait qu'elle fasse quelque chose pour arrêter ça. Arrêter la catastrophe avant que ça aille trop loin.

Et elle ne voyait qu'une seule solution : partir. Elle s'en voudrait ensuite, elle le savait. Mais cette petite faute envers elle-même ne vaudrait pas par rapport aux cauchemars récurrents et à la culpabilité de n'être arrivée à rien.

« Oh, Émilie...J'ai fait tellement pire que ne pas tenir mes promesses. Tu ne peux même pas imaginer à quel point je t'ai trahie...Non seulement je n'ai pas empêché ton mari de devenir fou, mais je l'ai suivi dans sa folie.

» Et j'ai commis la pire des trahisons vis-à-vis d'une amie. Si seulement tu pouvais voir ce que j'ai fait...Si tu avais pu prévoir, tu serais encore là. Oh, Émilie, pardonne-moi... »

La voix de Nathalie se brisa dans les sanglots. Elle s'était assise sur son lit, et réfléchissait à comment elle pourrait présenter sa démission.

Elle voulait le faire directement, en face. Expliquer à son patron ce qui la tracassait, ce qu'elle devait faire.

Mais elle n'était pas sûre de trouver la force pour résister s'il lui demandait de rester.

Elle soupira, jeta un œil au réveil qui trônait sur sa table de nuit. Trois heures du matin. Mais elle sentait qu'elle ne se rendormirait pas.

Nathalie se leva, et commença à mettre sa tenue de travail. Puisqu'elle ne dormirait plus, autant utiliser ses dernières heures au manoir le mieux possible.

Mais, à peine prête, elle se mit à hésiter. Elle voulait encore réfléchir à ses décisions. Elle voulait du temps.

************

Dans le bureau, Gabriel attendait. Il avait entendu Nathalie hurler le prénom de sa femme, et ça l'avait réveillé.

Elle ne lui avait jamais raconté les dernières minutes. Et il n'avait jamais cherché à savoir. Sa douleur était bien trop forte jusqu'à présent.

Mais ce soir, les choses avaient changé, il le sentait. Ce soir, laisser Nathalie dans le silence ne l'aiderait pas.

Et il voulait tout faire pour soutenir celle qui était sa seule amie. Parce qu'il sentait confusément qu'apporter ce soutien à Nathalie lui permettrait d'échapper à ses propres tourments.

Le styliste s'approcha du tableau de sa femme, et la regarda avec résignation et tristesse.

« Émilie, mon amour...Qu'est-ce que tu dirais ? Qu'est-ce que je dois faire ? Je sais que les derniers jours tu t'inquiétais pour moi...Mais tu ne voulais pas que je te voie.

» Je venais te voir, le plus souvent. Mais c'était comme si notre relation était rompue. Tu me refusais. Oh, Emilie, si tu pouvais m'expliquer. J'aimerais te comprendre, mais je sais que je n'ai pas le droit de mener mon projet à terme.

» Est-ce que c'est de t'avoir revue ces derniers jours, dans mes rêves ? Est-ce que tu m'envoies des signes ? Émilie...Me pardonnerais-tu d'avoir fait ce que j'ai fait ?

— Je crois qu'elle vous pardonnerait. Elle craignait que ça n'arrive. Ce ne serait pas vous qui recevriez les reproches, je pense.

— Nathalie ? Que voulez-vous dire ?

— Peut-être que j'aurais dû vous dire ça il y a longtemps. Mais je me contraignais au silence, parce que je pensais qu'Émilie n'aurait pas voulu que j'utilise cet argument. Mais ça fait un moment que j'ai dépassé le point de non-retour, alors...

» Avant de mourir, elle m'a demandé plusieurs choses. J'ai parfois l'impression d'avoir échoué sur toute la ligne, mais ce n'est pas exact. Elle avait demandé à ce qu'Adrien aille au collège.

— Là, vous avez réussi à me convaincre. Et vos échecs ?

— Elle m'avait demandé...elle voulait que je vous empêche de devenir fou, lâcha-t-elle, la voix brisée et des larmes dans les yeux, détournant le regard.

— Est-ce que c'est pour ça qu'il y avait toujours une atmosphère ombrageuse quand j'entrais dans la chambre ?

— Ça y contribuait sans doute beaucoup. Je ne m'estimais pas capable de le faire. Je n'en ai pas été capable. Émilie voulait que je veille sur vous.

» Je crois que je n'ai jamais échoué à ce point dans une tâche.Au lieu de vous sortir de cette situation, j'ai plongé avec vous.

» Et j'ai trahi ma meilleure amie en profondeur ensuite. Totalement. J'ai fait quelque chose qui ne mérite aucun pardon. Et ça ne s'améliore pas. »

La voix de Nathalie la trahît sur la dernière phrase, qui termina dans une sorte de gémissement. Les larmes revenaient en masse, la douleur et la culpabilité l'assaillaient comme si elles cherchaient à la détruire. Elle n'était plus capable de penser, elle gardait juste à l'esprit les six mots qui la rendaient ignobles à ses propres yeux.

J'ai trahi ma meilleure amie.

Une phrase assassine, qui se répercutait en boucle dans sa tête.

J'ai trahi ma meilleure amie.

Un sentiment affreux de s'être trahie elle-même.

J'ai trahi ma meilleure amie.

Une condamnation à l'abomination.

J'ai trahi ma meilleure amie.

Six mots, une phrase, une réalité venimeuse.

Qui dispersaient une douleur tellement forte que Nathalie tomba dans l'apathie.

Chaque seconde lui semblait éternité, chaque instant lui paraissait infinité.

Gabriel, lui, pressentit que sa partenaire craquait, qu'une digue était rompue.

Pendant que sa propre sentence transformait Nathalie en insensible, il s'approcha d'elle.

Et son premier geste d'apaisement aurait pu paraître étrange à quelqu'un d'extérieur.

Il remonta les lunettes de Nathalie sur son front.

« Il vaut mieux les retirer, pour que votre aveuglement ne soit que passager.
J'ai fait le test, les larmes accrochent beaucoup sur le verre des lunettes. »

Elle sourît à peine, mais elle avait l'impression qu'une issue était apparue. Elle apercevait la lumière du soutien. Elle pressentait que, peut-être, il y avait un moyen pour limiter la condamnation.

Mais il était si près...à travers le nuage de ses larmes, elle le voyait, penché sur elle.

Et quand il lui demanda pourquoi elle prononçait un jugement si dur envers elle-même, elle n'hésita plus à répondre que c'était tout simplement la vérité.

Que, cette trahison, elle n'était pas volontaire.

Il essuya les larmes qui lui brouillaient la vue, et lui murmura avec douceur :

« Mais alors, pourquoi vous en voulez-vous tellement ?

— Parce que c'est le type de trahison involontaire que l'on peut détruire si elles n'ont pas trop d'importance. Mais je l'ai laissée grandir...

— Est-ce vraiment une trahison, demanda-t-il avec un demi-sourire, si elle n'est pas accomplie ?

— La volonté y est...et ça suffit. Vous avez compris de quoi je parle ?

— Ne soyez pas surprise. Je suis peut-être asocial, mais je suis observateur. J'aimerais que vous me le disiez cependant...

— Si vous voulez. Mais ce sont des mots durs à prononcer.

— La première fois seulement. Je vous le promets.

— Vraiment ? Je ne risque rien de toutes façons, n'est-ce pas ?

— Non.

— Alors...

— Regardez-moi.

— Vous êtes d'une exigence ! Mais je plie. Je plie à tout, de toutes façons.

» Je vous aime. »

Gabriel lui sourît doucement, et se pencha vers elle.

Ses doutes de tout à l'heure étaient dissipés. Ses sentiments battaient maintenant puissamment dans son cœur.

Il avait demandé un signe, il en avait eu un.

Alors il embrassa Nathalie, délicatement.

Son cœur battait, et il avait peur. Peur de la réaction qu'elle pourrait avoir, peur qu'elle retombe dans une crise de larmes, peur de se tromper. Peur de mal faire, et de la briser.

Alors, le baiser ne dura qu'un millième de seconde. Même pas un instant, mais un geste qui voulait tout dire.

« Je suis là. Je vous aime aussi. »

Les larmes revinrent dans les yeux de Nathalie, mais cette fois, ce n'était pas des larmes de panique. C'était des larmes de bonheur.

Et Gabriel, lui aussi, se laissa submerger par l'émotion, en la serrant dans ses bras.

La nuit veillait sur eux, et ne les trahirait pas.

Leur amour était scellé.

************

1562 Mots.

 Cet OS m'a pris deux jours à taper...Et une semaine ou deux à imaginer. 

 J'avais plein de fins possibles en tête, mais j'ai gardé celle-ci pour éviter la pluie de révélations.

 Je sais, faire un OS Papyura qui s'intitule "Emilie", c'est un peu tordu. Mais en fait, c'est suite aux deux précédents, je me suis dit que j'allais faire un OS avec pour titre chaque personnage important au manoir. 

 (Je n'ai toujours pas écrit l'OS "Adrien", parce que ça sous-entend de l'Adrinette et c'est le couple avec lequel j'ai le plus de mal...)

 Vous pensez quoi de mon texte ?

 Bises,

   Jeanne.

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