Cauchemars (Partie 1)
Hi! Bienvenue dans ce nouvel OS. Juste. Petite précision. On a deux tentatives de suicide dans la deuxième partie. Donc s'il vous plaît, faites gaffe. Et je crois qu'il y a des pensées suicidaires dès la première...
Bonne lecture à ceux qui restent...
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Nathalie s'éveilla en sursaut, passa la main sur son front trempé de sueur.
Respire.
Son cœur battait terriblement fort dans sa poitrine, lui coupant la respiration, l'empêchant de se concentrer. De même son esprit battait, essayant de chasser les images de ruines imprimées sur sa rétine, les sons d'effondrement résonnant dans ses tympans, les frissons effrayées paralysant son corps.
Quatre mois.
Ça faisait quatre mois complets que Gabriel était mort. Quatre mois.
Et son esprit ne comprenait toujours pas. Dormir devenait de plus en plus complexe alors que chaque soir, les cauchemars se faisaient plus élaborés, plus terrifiants, plus rampants.
Cette nuit, la combinaison avait été cataclysmique. Littéralement. Adrien caché sous le masque de Chat Noir. Gabriel, fou comme Monarque avait pu l'être, le découvrant. Le monde se transformant en champ de ruines pour leurs affrontements et leurs rancunes. Ladybug et elle, blessées, terrifiées, essayant d'arrêter le débordement. La folie du Papillon, destructrice, folle, l'achevant d'un coup, lui coupant le souffle.
Quatre mois de cauchemars.
Quatre mois hantée par la folie et la puissance qui avaient disparu tout aussi soudainement qu'elles ne lui étaient apparues.
Quatre mois à essayer de se rassurer.
Quatre mois épuisés par les insomnies et le manque de sommeil, qui se logeaient en elle comme une habitude indestructible.
Nathalie se leva et alla vers la fenêtre, le cœur troublé. Elle était pourtant certaine d'avoir accepté la mort de son ami. Et cependant, son inconscient le ressuscitait sans cesse. Et la tuait au passage. Comme si la vie de Gabriel ne pouvait être payée que de sa propre mort.
Je voudrais le retrouver.
Une grimace lui échappa. Ce genre de pensées... c'était ce qui l'avait animé pendant deux ans, et ça l'avait assassiné. Il était absolument nécessaire de les chasser.
Mais...
Ce monde n'avait pas de sens sans lui.
L'aiguille qui s'enfonçait dans son cœur chaque jour perça un peu plus profondément.
Du bout de ses doigts tremblants, elle ouvrit la fenêtre, cherchant à respirer un brin d'air pur, à s'apaiser. Il fallait qu'elle ordonne ses pensées. Il fallait qu'elle retrouve son calme.
« Nathalie ? Est-ce que vous allez bien ? »
La brune sursauta et recula, dévisageant l'ombre qui avait jailli devant elle, semblant pendue par les pieds à une corniche inexistante au-dessus de l'ouverture.
« Félix ?? Que fais-tu ici ?? Et à quoi diable es-tu accroché ?
— Y a une toute petite corniche au-dessus de la fenêtre. Elle fait le tour du manoir, en fait. Ça m'a pris pas mal d'heures avant de réussir à m'y accrocher, mais j'aime bien les acrobaties. Et pour ce que je fais là...
» J'arrivais pas à dormir, répondit l'adolescent en faisant un saut périlleux lui permettant de se glisser dans la chambre, alors je suis allé me balader, et quand je suis revenu... Bon, ça n'avait pas l'air d'être la joie, alors je me suis dit que j'allais venir discuter avec vous un peu.
— Comment ça, ça n'avait pas l'air d'être la joie...?
— Détransformation. Vous avez déjà oublié la précision de Duusu, ou quoi ?
— Ça fait plus d'un an et demi que je ne le porte plus... Et j'avais bloqué, presque inconsciemment, une partie des émotions que je percevais.
— Adrien et Gabriel, pas vrai ?
— Exactement. Je n'ai pas bloqué Gabriel immédiatement mais... Oui. Qu'as-tu perçu ?
— Pourquoi est-ce que vous êtes si triste ?
— J'aimerais pouvoir le revoir. C'est tout.
— On ne peut rien faire...
— Je sais... Je croyais avoir accepté de l'avoir perdu, mais apparemment je suis encore juste là où il m'a laissée... Je n'arrive pas à me faire à son absence, et j'en fais des cauchemars. C'est insupportable.
— Courage. On est là pour vous aider, vous savez. Vous devriez en parler avec Mummy...
— C'est difficile de parler avec ta mère, tu sais... Elle est assez renfermée, et... Je ne sais pas... J'ai du mal.
— Ok. Faut que vous trouviez quelqu'un qui puisse vous aider à vous débarrasser de cette culpabilité, hein.
— Maitre Félix, peut-être que je pourrais... Peut-être que... si vous me rendiez à Dame Nathalie, je pourrais l'aider...
— Tu crois, Duusu, interrogea Félix doucement en se tournant vers son kwami.
— Oui, je pense. Pas vrai, Dame Nathalie, s'exclama la petite créature en faisant une pirouette vers son ancienne porteuse.
— J'adorerais. Mais je doute que Ladybug soit d'accord.
— Je vais lui demander, ça ira. Je vous le promets. Vous irez mieux.
— Merci, Félix... Et bonne nuit.
— Bonne nuit à vous aussi, répondit l'adolescent en retenant un rire devant la détermination dans les yeux de son interlocutrice.
— Ne retiens pas tes rires. C'est mieux pour toi. »
Le blond secoua la tête, un sourire flottant sur ses lèvres, puis il sortit de la chambre. Par la porte.
La brune resta un moment à fixer la ville, le cœur encore empli de questions, de doutes, mais saupoudrés d'une légère touche d'espoir.
Peut-être que oui.
Peut-être que tout allait bien se passer.
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Premier novembre.
Nathalie cligna des yeux, chassant des larmes affleurantes. Essayant d'oublier.
La matinée avait été atrocement éprouvante. Aller au cimetière, devant les tombes de ses amis, essayer de ne pas s'effondrer devant les enfants. Sentir la main d'Amélie, rassurante, posée sur son épaule, mais étouffer toujours dans la douleur. Puis essayer de trouver un instant de calme, rester enfermée seule dans la chambre, s'enfuir dans un livre, essayer de ne pas penser.
Elle ne savait pas combien de temps s'était écoulé ainsi, jusqu'à ce qu'Adrien vienne discuter avec elle, un sourire inquiet sur les lèvres, apaisant un peu la peine de solitude dans son cœur, lui parlant du lycée et de ses amis, de Marinette, de leurs sorties, des héros aussi. Les patrouilles et les rencontres étaient un sujet complexe pour elle, mais elle s'efforçait de s'y intéresser. Quand son protégé lui avait révélé son identité de héros, quelques jours auparavant, elle était restée en état de choc pendant plusieurs minutes, mais avait fini par accepter.
Pendant la discussion, elle avait remarqué une anxiété certaine chez l'adolescent, lui avait demandé ce qu'il se passait, et avait été seulement à demi surprise d'apprendre que Marinette avait des accès d'anxiété de manière régulière, et que son petit ami s'en inquiétait sans qu'elle accepte de dire quoi que ce soit. La brune avait grimacé, affirmant que la jeune fille avait besoin de parler, et qu'elle devait trouver une personne en qui elle aurait confiance, de préférence un adulte. Mais au fond d'elle, elle savait à quoi était dues ces crises, et elle savait qu'il n'y avait pas vraiment de solution. Pas tant que le Miraculous du Papillon n'était pas retrouvé.
Ce qui l'inquiétait le plus, cependant, c'était que ces crises semblaient renfermer la jeune fille sur elle-même, et l'éloigner d'Adrien. Or elle savait que son fils de cœur avait du mal avec la distance et restait très défensif, très angoissé à l'idée d'être éloigné de ceux auxquels il tenait...
« Nathalie ? Est-ce que je peux te parler ?
— Oui, Amélie, entre...
— Mer... Tu vas bien ???
— Erm, oui ? Est-ce que j'ai vraiment l'air d'aller mal ?
— Alors voyons voir. Je n'ai jamais vu autant de mascara coulé, tes yeux ont l'air enflammés, et tu t'es tellement mordu les lèvres que tu saignes. Aussi, le fait que tu ne t'en sois pas rendue compte est inquiétant.
— Tu vois souvent du mascara couler, dans ton monde ?
— Il était fou de surveillance... Il y avait des miroirs partout, dans mon monde.
— Am' ??
— Ce n'est pas moi le sujet. Pas aujourd'hui. Alors ?
— Je... Je crois que je n'ai toujours pas accepté qu'il soit... parti... Ça fait encore si mal...
— Nathalie... Est-ce que tu sais comment il est mort, au moins ?
— Je sais qu'elle ne ment pas quand elle dit qu'il est mort en héros. Peut-être que c'est pour ça... que je ne peux pas... j'essaie... mais... Pfff, non, laisse tomber, c'est n'importe quoi. Je dois juste essayer de... vivre, même si j'ai un trou à la place du cœur...
— Hey. Nathalie. Tu sais comme j'ai toujours été absurdement compliquée. Comme mes pensées font des labyrinthes. Comme mes émotions s'emmêlent en pelotes indétricotables. Je peux comprendre. Et puis je tiens à toi, profondément. Vraiment. Je voudrais t'aider.
— C'est compliqué... J'ai l'impression que tout l'avenir s'est transformé en cendres, parce que toute une partie de ma vie s'est terminée sans que j'ai l'impression de la vivre, je n'arrive pas à dire au revoir, je reste figée sur tout ce qui aurait pu être, et je ne sais pas... Je ne sais pas... je n'en dors pas, tout ce qui me manque, tout ce qu'il était, et tout ce que j'ai perdu... Je crois... Je crois que j'ai juste mal... Je... J'ai l'impression que le monde est à un doigt de s'écrouler en mille morceaux, et que je vais me faire couper par le moindre éclat...
— Nathalie, murmura la blonde en saisissant les mains de son amie dans un geste rassurant, je sais que tu ne me croiras pas, mais ça va aller. Je te le promets. Tu n'es pas seule.
— Merci, Am', répondit la brune avec distance, le regard dans le vide, merci... Je ne... Qu'est-ce que je devrais faire, d'après toi ?
— Trouver un psy ? Je sais que Duusu t'aide en régulation et analyse des émotions, mais il n'est pas... il n'a pas les solutions. Tu n'arrives pas à faire ton deuil, c'est extrêmement compréhensible, mais tu t'enfermes sur toi-même, tu oublies de vivre, et tu n'arrives pas à avancer. Je ne sais pas faire parce que je n'ai jamais eu à éprouver un tel deuil. Je voudrais t'aider, mais je ne peux pas m'approcher. Et quand quelque chose ne va pas, c'est à toi qu'on demande conseil...
— Il ne faut pas... Il ne faut jamais demander conseil à quelqu'un qui s'effondre...
— Sûrement. Et pourtant...
— Pourtant, on se tourne vers moi, pourtant je ne peux pas m'empêcher de donner des suggestions...
— Je sais... Nathalie, dis-moi, est-ce que je peux t'aider ? Vraiment.
— Tu ne peux rien faire, Am'. C'est à moi de... d'apprendre. Même si j'ai un vide ensorcelant à la place du cœur, une douleur persistante dans la tête, que je ne fais qu'inventer des scenarii catastrophes, et... »
La brune secoua la tête et arrêta de parler, se mordant les lèvres à nouveau pour endiguer le flot de ses mots. Amélie ne pourrait rien y changer. Ça ne servait à rien de l'embêter. Mais la blonde s'installa en tailleur sur le lit, le regard rivé sur son amie qui faisait les cent pas. Non, elle ne partirait pas. Pour une fois, elle avait trouvé une vraie détermination, une direction à prendre. Une chose à faire. Et elle n'abandonnerait pas.
« Parle, Nathalie, décréta la Londonienne avec une expression déterminée, tapotant l'espace à côté d'elle, parle-moi. Tu sais que je t'écoute. Tu n'es pas seule. Et je sais que c'est difficile. Je te vois. Je te vois galérer. Je sais que tu ne dors pas beaucoup. Tu peux me parler.
— Mph, soupira la Parisienne en se laissant tomber près de son amie, le problème c'est que... Je ne sais pas. Je ne peux pas dire. Je ne comprends pas. Duusu m'aide, entre deux réunions de héros, mais ça ne me suffit pas vraiment. Je sais juste que mon esprit est encore un champ de mines quand je pense à lui. Que... Je n'ai jamais réussi à accepter la manière dont il était devenu fou, son obsession de pouvoir et son oubli de la réalité... J'ai essayé, mais je ne m'y suis jamais habituée. Et en mourant, en acceptant de mourir pour retrouver Émilie... il a rebattu les cartes. Il est redevenu comme un héros. En plus je crois que... Je crois qu'il m'a sauvé la vie en le faisant... Parce que depuis, je ne suis plus malade... Il a échangé sa vie contre la mienne. Et je crois que c'est ça aussi qui m'empêche de... de continuer. Tout n'était que malentendus et impossibilités, mais je n'avais jamais senti un tel rayonnement, et je n'ai jamais, jamais eu une telle impression de vide, et il est la perte de ma vie, comme il en a été l'amour... Je suis désolée, Amélie, je ne peux pas... Je n'ai pas de mots. Et je ne peux pas continuer à vivre. J'imagine que je le comprends enfin. Ça me semblait si absurde de faire tout ça simplement parce qu'elle n'était plus là, au début. Puis j'ai commencé à voir que... Je mettrais le monde en feu pour lui, comme il le faisait pour elle. Et maintenant... Félix accepte de me laisser le Miraculous parce qu'il a confiance en moi et j'ai promis, mais chaque jour, c'est plus difficile... C'est plus difficile de ne pas le comprendre. Je ne sais pas ce qui me retient, peut-être l'idée de décevoir Anne-Lise, peut-être une conscience que je n'ai pas le droit de faire comme lui gravée encore plus profondément que ma douleur... Aussi, je crois qu'il ne voudrait pas... Et même si je n'hésite pas tant à lui désobéir, j'essaie d'imaginer son regard en train de me juger, et ça m'interdit totalement de redevenir Mayura. Je vais à l'observatoire, tu sais ? Souvent. J'imagine que c'est là que je le retrouve... Comme lui allait au sous-sol voir le cercueil d'Émilie...
— C'est normal de chercher à retrouver sa trace, je pense. Je... Je veux t'aider, Nath, vraiment, tu es mon amie...
— Sauf si tu as un moyen d'effacer mes émotions et mes souvenirs...
— Ok. On va pas y arriver de manière émotionnelle. Ton cœur est en chaos, mais tu as toujours plus écouté ton cerveau. Qu'est-ce qui se passe ?
— Je ne connais pas ces émotions-là. Et ça me panique. J'ai une plaie ouverte et aucune idée de comment la traiter. Parce que pour la première fois, mes émotions sont beaucoup plus fortes qu'aucun mot de raison. Même en devenant Mayura... J'étais sous le choc, bien sûr, et extrêmement inquiète, mais j'avais réfléchi toute la nuit à ce qui pourrait mal tourner, et j'avais décidé de le faire si c'était nécessaire, en étant en sécurité et au calme. Là... Là, la raison me dit que j'y étais préparée, que vu l'état mental qu'il avait atteint de toute façon, ça valait mieux, que même autrement, il n'aurait pas survécu longtemps au cataclysme, mais... Je n'y arrive pas. Il est toujours dans ma tête, et la nuit dans mes rêves... Dans mes cauchemars. Et je ne distingue presque plus la fiction de la réalité, je le vois soit devenir encore plus fou et dangereux qu'il n'était, je vois le monde s'effondrer, encore et encore, et j'ai l'impression qu'à la moindre erreur tout va... »
Une violente explosion l'interrompit au milieu de sa phrase, suivie d'un ricanement sinistre.
Amélie jeta un regard inquiet à Nathalie, qui répondit d'un sourire se voulant rassurant. Même si c'était une akumatisation, les enfants étaient en ronde. Ils en prendraient soin sans aucun souci.
Mais une exclamation inquiète vint semer le doute.
« Qu'est-ce que c'est que ce truc ???
— Aloooors... Euh... Je sais pas Vesperia, répondit la voix familière de Rena Rouge, on dirait un croisement entre Cœur de Pierre et et... l'Insaisissable...
— Oui bah crois-moi que cette fois, je vais pas oublier d'attraper l'akuma ! Minautorox, c'est pour toi !
— Tu me fais sérieusement combattre contre mon akumatisation ?
— Écoute. Tu es invulnérable avec ton pouvoir...
— Mm. Ok. Faites attention à vous.
— Bien sûr, répondit la voix fragile de Polymouse. »
Quelques chocs plus tard, Ladybug déclenchait la réparation de la ville, après avoir invoqué un Lucky Charm spécialement pour ça.
« Ladybug ?
— Oui, Chaton ?
— J'ai un mauvais pressentiment.
— Du genre, intervint Carapace.
— Du genre, c'est la première akumatisation depuis des mois, et le nouveau porteur imite le Papillon en nous envoyant quelqu'un avec un pouvoir et une apparence similaires à notre tout premier combat. Et... si c'est ça...
— Ce porteur a un message, souffla la Gardienne d'un air inquiet. »
Dans la chambre, les deux adultes se regardaient avec perplexité, essayant de déterminer l'attitude à avoir. Après une minute à écouter les débats des héros essayant de deviner ce qui allait se passer, elles se décidèrent à grimper sur le toit depuis l'observatoire, pour observer la scène.
Qui valait d'être vue.
Les dix-huit héros étaient réunis sur la place du Châtelet, discutant entre eux à mi-voix, les arbres et la verdure de la place semblant les isoler dans un oasis séparé du monde. Aucun passant n'était en vue, ce qui s'expliquait facilement par le combat récent. Dans la main de Tigresse Pourpre, la Fougue brillait d'un éclat rosé. Pourtant rien ne menaçait.
« Tigresse, souffla Pigella doucement, relâche.
— Non. Je sais rester transformée, je me suis entraînée. Et je n'aime pas la manière dont... Ça se passe. D'habitude... Enfin, on sait qu'il y a un message, et...
— Oh, oh, bonjour..., s'exclama soudain une voix jaillissant d'un léger masque d'akumas flottant dans le ciel.
» Désolée du délai, ça m'a pris un peu de temps de réussir à maîtriser assez de papillons d'un coup... Je ne suis pas assez riche pour en acheter, moi, et je n'ai pas vraiment eu le temps de les faire grandir... Puis je pouvais pas faire comme l'autre idiot de jouer sur l'inexpérience...
— Ne l'insulte pas, coupa Argos d'une voix tranchante, il vaut certainement mieux que toi. Déjà, il était inventif. Toi apparemment tu ne fais que reproduire les akumatisations précédentes...
— Oh, le petit paon défend son prédécesseur, comme c'est mignon, répondit la voix d'un ton faussement attendri, le masque se tournant vers le bas, tu es sûre que tu veux de ça dans ton équipe, Ladybug ? Il m'a l'air tout à fait capable de trahir... Et puis... Si je devais faire un pari, il a forcément à voir avec l'apparition de Monarque...
— Et c'est grâce à lui que j'ai pu le défaire et ne pas être complètement écrasée en juin dernier, rétorqua l'héroïne en s'avançant d'un pas.
» Il avait ses raisons, et son aide lui a accordé mon pardon. Je lui fais confiance.
— Mm... Intéressant, intéressant... Et toi, Chat Noir, qu'en penses-tu ?
— Tss. Il m'a prouvé sa fiabilité. Et je n'ai pas mon mot à dire. Que fais-tu ici ? Que veux-tu ? Nos Miraculous ? Tu ne les auras pas. Suivant.
— Oh, quelle innocence... Et quelle impulsivité. Adorable. Non, non, j'ai mieux. Vois-tu, petit chat, je connais l'identité de Monarque. Je sais exactement à quel point Ladybug ment. Je veux simplement jouer avec vous, jouer avec les Parisiens. À chaque akumatisation, je donnerai un indice... Et puis on verra bien... »
Ladybug fut visiblement secouée à la menace. Mais son équipe toute entière se rapprocha d'elle, formant un double cercle autour de leur cheffe. Ils ne l'abandonnaient pas.
Respire, Marinette, respire.
Un rire amusé s'échappa du masque.
Sur le toit, Nathalie tremblait. Fort.
Amélie lui serra la main, doucement, murmurant que, si elle avait trahi le secret, c'était dans un état d'inconscience et ne devait donc pas s'en vouloir. La brune hocha la tête tandis que Vipérion prenait la parole à son tour.
« Si elle nous l'a caché, il y a une bonne raison. Tu ne nous amènera pas à trahir Ladybug, pas alors qu'elle nous a protégés et sauvés pendant presque trois ans. Tu peux te présenter comme un danger, nous sommes une équipe. Tu ne nous sépareras pas.
— Oh mais noooon... ce n'est pas ça... je veux simplement regarder le chaos se déchaîner... Ce sera amusant, j'en suis sûre. Oh, au fait. Je m'appelle Farfalla. Bon courage, petits clowns, vous ne pouvez rien faire... »
Et sur ces mots, les papillons enchantés se dispersèrent, laissant un groupe d'adolescents perplexes sur la place, et deux adultes inquiètes sur un toit voisin.
Les prochains mois s'annonçaient tourmentés.
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Un mois et demi plus tard.
Nathalie s'éveilla en frissonnant. Depuis quelques jours, elle n'arrivait plus à dormir dans sa chambre, malgré tous ses efforts et la présence rassurante d'Amélie, qui avait insisté pour s'installer un lit de camp près de son amie. Tu ne dois pas être seule, avait-elle affirmé. Alors vers la mi-novembre, la blonde s'était aménagé un espace dans la pièce encombrée. Et si, au début, ça avait assez bien fonctionné, la brune continuait de perdre le sommeil et s'était installée dans l'observatoire, le seul endroit où elle avait l'impression de ne pas devenir folle.
Les indices de Farfalla restaient suffisamment vagues pour que personne n'ait encore découvert la vérité. Mais la tension grandissait. Félix se mordait les lèvres presque jusqu'au sang pour ne pas trahir le secret. Marinette venait régulièrement la voir, transformée ou non. Pour parler. Elle avait eu des crises de panique, deux ou trois fois, après des combats particulièrement difficiles. À croire que Farfalla avait pris en compte leur reproche de manque d'originalité lors de sa première attaque.
Leur adversaire créait un chaos monstrueux. Son premier discours tournait en boucle en ligne, notamment l'accusation de mensonge dirigée contre Ladybug. Et la pauvre adolescente essayait de l'ignorer le plus possible, mais elle voyait bien que la confiance des Parisiens s'effritait. Et le pire, c'était la manière dont ses relations civiles se trouvaient affectées. La paranoïa de Ladybug affectait la confiance de Marinette, sa sincérité, sa créativité. Et elle racontait tout ça à une Nathalie impuissante et désemparée, qui s'efforçait d'agir raisonnablement, de réconforter, de ne pas montrer ses tourments.
Et le mois de décembre pleuvait sur leurs angoisses.
Une explosion suivie du rire sarcastique caractéristique des attaques de Farfalla résonnèrent soudain. Le bruit était à la fois proche et distant, faisant courir un frisson le long de la colonne vertébrale de Nathalie, qui déclencha l'alerte akuma immédiatement, comme chaque Parisien avait appris à le faire dans les années précédentes, comme elle avait dû apprendre pendant le dernier mois. Il ne fallut pas longtemps avant de deviner l'activité dans la maison et voir deux ombres passer devant la fenêtre. Chat Noir et Argos, les enfants qui protégeaient du chaos qu'elle avait laissé échapper.
Elle entendait vaguement des bruits de combat, des chocs, et le rire, encore et toujours, comme si Farfalla surveillait les événements, et s'en amusait profondément. Le corps secoué de frissons, la brune ne put s'empêcher de sortir dans la nuit, grimpant sur le toit au milieu de la nuit pour voir. Simplement voir, savoir ce qui se passait.
En arrivant en haut, elle retint un cri de surprise. De tout, elle ne s'attendait pas à trouver quelqu'un sur le toit, et au violet de la longue veste en queue-de-pie, l'adulte devinait qu'elle se tenait probablement en présence de Farfalla.
« Tu es si jeune, souffla-t-elle bouche bée. »
La porteuse du Miraculous se retourna, laissant voir son visage à peine masqué derrière un loup de satin étirant des ombres délicates sur ses joues bronzées, le chemisier blanc aux manches et col bouffants qu'elle portait, le pantalon de velours reflétant la nuit. Sa coiffure à peine réfléchie et son manque visible d'assurance laissait deviner son manque d'expérience, elle ne pouvait pas avoir plus de vingt ans, et n'était probablement même pas adulte. Oui, Farfalla était jeune.
« Et ? La valeur n'attend point le nombre des années, m'a-t-on dit.
— Qu'est-ce qui peut blesser une personne si jeune suffisamment pour que tu fasses cela ?
— C'est à peine une blessure. J'aime le chaos. J'ai une revanche à prendre sur Ladybug, c'est tout.
— Tu ne réalises pas...
— Réaliser quoi ?
— La force des émotions. Tu ne sais pas à quoi tu t'attaques.
— Pff, j'en ai bien observé l'impact et les mécanismes, je sais suffisamment comment ça fonctionne. Et comment jouer avec.
— Tu ne peux pas utiliser ton Miraculous, Farfalla. Lors de ta première attaque, tu as dit avoir eu du mal à réunir les papillons. Ce n'est pas quelque chose qui existe. Les papillons obéissent au Miraculous. Et je veux bien qu'ils soient rares dans Paris mais son impact est plus grand. Tu n'es qu'une enfant.
— Qu'essayez-vous de faire ?
— Préserver le peu de famille qu'il me reste, peut-être. Tu ne veux pas révéler cela, Farfalla.
— Ah oui ? Regardez-moi faire !
— Tu as donné du tissu, une génération, un arrondissement, une couleur - tu as tort d'ailleurs, sa couleur c'est le gris, pas le blanc -, tu donnes et tu donnes des indices, tu as parlé de notre passé d'explorations, de ses hésitations, tu dis qu'il était créatif, grand, mais tu ne donnes pas de réel clé pour découvrir le secret. Pourquoi te soucies-tu d'Adrien ?
— Qu'en avez-vous à faire ?
— Tu agis comme une enfant. Tu fais un caprice. Tu ne comprends pas.
— Tss, vous ne voulez juste pas que votre cher petit protégé voit à quel point vous êtes mauvaise en réalité, hein ?
— Ce n'est pas pour moi. C'est pour lui.
— On verra. Vous savez, je suis sûre que je pourrais régler ça.
— Non.
— Oh et puis après tout. Vous ne voulez pas de mon aide, je ne vais pas m'imposer... Attendez une minute, serait-ce de l'intérêt que je lis ? Joli revirement... Vous savez, j'ai une dette envers vous. Alors je veux bien vous aider à garder la face, mais il va falloir que vous me fassiez encore une toute petite faveur... »
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Deux semaines plus tard, jeudi 21 décembre.
Adrien déposa un livre dans son casier, ferma la porte précautionneusement. À côté, Marinette lui adressa un sourire fragile. Ses yeux étaient encore injectés de sang, signe d'une crise de larmes récente, et elle tremblait. Le garçon avait l'impression de marcher sur du verre depuis le retour des attaques. Comme si l'univers entier allait s'effondrer à chaque instant.
« Mari, murmura-t-il, je t'en supplie, laisse-moi t'aider. Je sais que c'est dur, mais laisse-moi t'aider, je t'en prie. Je suis assez fort pour ça, j'ai appris ça ces dernières années.
— Je... Je suis désolée, je...
— Tu ne peux pas me dire ? Princesse... Je comprends que tu aies besoin de secrets... De ton espace. J'en ai besoin aussi. Mais au moins... Dis-moi comment je peux t'aider...
— En arrêtant Farfalla ? Je sais que c'est ridicule mais je m'inquiète beaucoup trop sur ce qu'elle fait, répondit la bleutée avec une tentative de sourire ironique, mais Chat Noir et Ladybug sont là...
— Oui, c'est sûr, répondit le blond en se mordant la lèvre, ils nous protègent ! Et ils vont l'arrêter, j'en suis certain ! Nan, de manière réaliste, je peux faire quelque chose pour toi ?
— Je ne sais pas... Je... Juste... Promets-moi que tu resteras toujours mon ami, quoiqu'il arrive. Même si le monde s'effondre.
— Ça, Marinette, ce n'est pas une promesse difficile. Mais si ça peut te rassurer que je le dise. Je te promets d'être toujours ton ami, de ne jamais t'effacer de ma vie, quoi qu'il arrive. Tu seras toujours mon amie. Même si nous n'arrivons plus à être amoureux, nous serons amis. »
Une étincelle de joie brilla dans les émeraudes anxieuses de l'adolescent. Bientôt ce serait les vacances, et il avait peur de rester au manoir toute la journée pendant deux semaines, surtout avec Farfalla, et l'anxiété généralisée, les regrets, et l'ombre dans la grande maison...
« Toi aussi tu as besoin d'aide, pas vrai ?
— C'est compliqué à la maison... J'ai tout le temps l'impression qu'on me cache quelque chose, et puis... Nathalie ne se remet vraiment pas de la mort de Papa. Vraiment. C'est très compliqué pour elle, ça se voit, mais... Elle s'empêche de l'exprimer, et elle s'épuise juste, elle s'énerve pour rien et après elle peut pleurer pendant des heures, c'est comme si elle avait perdu sa raison d'être stable. Et tu sais comme elle compte pour moi...
— Oui, je sais... Peut-être essaye de l'emmener se promener...
— Merci de l'idée...
» Dis, Mari, j'ai une question.
— Oui ?
— Est-ce que tu m'aimes ?
— Quoi ? Bien sûr que je t'aime, Adrien, je t'aime depuis toujours, tu es la personne à laquelle je tiens le plus, tu es mon univers entier !
— Est-ce que tu saurais me redire ça... en me regardant dans les yeux ?
— Tu sais comme je perds le fil dès que je te regarde, je suis éblouie par ta tête d'ange... Mais d'accord.
» Adrien, je t'aime, déclara-t-elle en le regardant droit dans les yeux, de tout mon cœur. Des tréfonds de mon âme. Tu es dans tout ce que je fais, et dans chaque pensée.
— Vraiment ?
— Adrien... Je suis toujours avec les héros. Mais pour toi, je deviendrais la méchante, si tu le demandais ou si tu en avais besoin. Je t'aime comme ça. Je laisserais le monde brûler si c'était pour te sauver. Je t'aime. Je t'aime suffisamment pour ne pas vouloir ruiner ta vie en partageant l'enfer de mes pensées et de mes peurs.
— Même si je veux être dans cet enfer avec toi ?
— Je...
— Chuut... Marinette ?
— Oui ?
— Est-ce qu'on peut survivre l'un sans l'autre ?
— Je... Je ne sais pas... Enfin... Tu peux. C'est certain. Tu es fort. Résilient. Déterminé. Moi je suis juste... une maladroite un peu casse-cou et complètement obsédée dès que quelque chose me plaît ou m'intéresse un peu... Mais ouais, toi tu survivras, c'est sûr...
— Marinette. Ne parle jamais de ta passion comme ça. Tu es une lumière, Princesse. Créative, intelligente, intéressée. Je ne veux entendre personne insulter la fille que j'aime, d'accord ? Pas même toi.
— Idiot...
— Merci.
— Tss. Oui, peut-être que je survivrai. On resterait amis, on a promis.
— Oui. Tu es mon amie. Notre Ladybug du quotidien, notre super déléguée qui a été injustement renvoyée, notre créatrice, tu es ma meilleure amie.
— Adrien... Comment on fait...?
— Je ne sais pas. Tu ne peux pas me parler de ce qui t'empêche de vivre, et je n'arrive pas à te faire suffisamment confiance... J'ai beau savoir... désolé, mon cerveau me file de la paranoïa absurde....
— Nan c'est ma faute aussi, je... je prends ton cousin pour un psy et je lui parle beaucoup alors que... Tu es là, et je repousse ton aide... Je crois que j'ai peur de te blesser si je te raconte le chaos dans ma tête, j'ai peur de t'inquiéter, et je ne veux pas... je ne veux pas te faire souffrir...
— Moi non plus, murmura l'adolescent en posant doucement sa main sur la joue de sa petite amie, moi non plus, je ne veux pas te faire souffrir, mais je ne sais pas... Je ne sais pas si on peut marcher comme ça...
— Adrien... Peut-être... Peut-être qu'on devrait arrêter, au moins un moment... le temps que j'aille mieux, que... je puisse ne plus te blesser par mes inquiétudes, ma paranoïa et mes silences... Je... Je suis désolée, je...
— On a eu l'idée en même temps, pas vrai ?
— Peut-être...
— Marinette... Promets-moi de prendre soin de toi, demanda le blond en retirant sa main par instinct, la laissant flotter à mi-chemin entre sa taille et le visage de son amour.
— Je te le promets.
— Est-ce que je peux t'embrasser...? Une dernière fois ?
— Avec un peu de chance, ce ne sera pas la dernière, répondit l'adolescente avec un sourire tremblant. »
Adrien baissa les yeux. Il avait peur, et n'avait pas vraiment ré-appris à croire en l'avenir. Alors maintenant que ce qu'ils avaient cru éternel se révélait temporaire...
Ne pleure pas, Adrien, pas maintenant.
Il se pencha sur sa petite amie, relevant son visage du bout des doigts comme il aimait le faire, croisant son regard attristé, et unit leurs lèvres avec douceur.
Ce baiser était amer et salé des larmes à venir, mais délicat, assuré.
Ce baiser était comme une chute dans la glace, et il ne savait pas s'il en ressortirait vivant, alors qu'elle répondait à sa pression, enroulant ses bras autour de son buste, le serrant contre elle.
Elle avait peur, elle aussi, et le baiser avait pour elle un goût de sang, comme une bataille perdue. Si longtemps elle avait rêvé du bonheur de leur relation, et soudain tout filait entre ses doigts comme du sable minuscule.
Aucun ne voulait y mettre fin, mais ils finirent par se séparer, à bout de souffle, leurs regards encore plongés l'un dans l'autre.
D'une seule voix, ils échangèrent une dernière phrase, avant de se retourner pour rentrer chez eux.
Je n'aimerai jamais que toi.
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