Bloqués !

Nathalie entra dans l'ascenseur de l'hôtel Bourgeois, suivie par Gabriel. Elle était certes un peu anxieuse à l'idée de se retrouver bloquée, mais le soulagement de le voir reprendre une vie à peu près normale était plus fort que la crainte. Et puis, elle portait son chandail anti-crise de panique, celui dont elle avait découpé les manches pour pouvoir mieux respirer en cas d'enfermement.

« Je suis heureuse que vous ayez enfin décidé de sortir officiellement du manoir, Monsieur, déclara-t-elle, cela montre que vous avez enfin réussi à... Surmonter votre épreuve..

— Oui, répondît-il en lui souriant, je me suis rendu compte que vivre dans le passé et me battre ainsi ne servait à rien, que le présent a aussi son lot d'avantages.

» J'étais fatigué de perdre sans cesse, expliqua-t-il devant son regard interrogateur, alors j'ai remis en question mon combat, mon entêtement. Et j'ai vu que je n'y tenais plus tant que cela. »

Nathalie hocha la tête avec un sourire compréhensif. Elle était heureuse, soulagée, de voir que son patron pouvait être heureux, ou essayer de l'être, sans avoir à terroriser la ville entière. C'était un immense pas en avant dans la reconstruction, elle le savait. Il avait enfin décidé d'essayer de tourner la page de sa vie écrite avec Émilie.

Et elle serait là pour l'aider dans son entreprise, toujours et quoi qu'il arrive. Elle serait là pour lui. Tout au fond d'elle-même, elle sentait même l'espoir d'avoir à son tour droit au bonheur remuer tout bas, timidement.

Soudain, l'ascenseur stoppa brutalement, dans une secousse. Nathalie blêmît, ferma les yeux un instant, tentant de repousser les pensées paniquées qui arrivaient en torrents.

Elle était bloquée. Prisonnière de la cage suspendue, arrêtée entre deux étages. Elle était bloquée.

Elle sentît son souffle accélérer, son cœur s'affoler malgré ses tentatives pour garder son calme, tout s'écroulait. Elle avait l'impression d'étouffer.

« Nathalie ? Nathalie, que se passe-t-il ? »

Elle entendît à peine la voix de Gabriel par-dessus les battements de son cœur, mais elle trouva quand même la force de murmurer une réponse.

« Je... Je suis... légèrement... claustrophobe...

— Ça va aller, Nathalie. Tout va bien se passer. Ouvrez les yeux. Essayez de respirer calmement. Vous me faites confiance ?

— Oui, chuchota-t-elle en ouvrant les yeux.

— Bien. Je suis là. Avec vous. Il n'y a pas de raison d'avoir peur. Je suis là, tout va bien se passer. »

Gabriel fît bien attention à ne pas s'approcher trop de son amie. Il savait qu'elle avait besoin d'un maximum d'espace autour d'elle pour réussir à retrouver son calme, à maîtriser sa panique.

Il lui parlait doucement, l'encourageant calmement à respirer, à inspirer profondément et expirer longuement.

Alors qu'il cherchait des solutions pour apaiser sa partenaire, manifestement toujours aussi troublée et inquiétée par leur emprisonnement imprévu, il eût une idée qui lui parût à la fois complètement folle et pas si mauvaise que ça.

« Nathalie ? Peut-être pourriez-vous enlever votre veste, vous pourriez sans doute respirer plus facilement...

— Vous avez raison, répondît-elle dans un filet de voix, s'exécutant d'un mouvement. »

Gabriel écarquilla les yeux en la voyant. Elle avait découpé les manches de son chandail rouge, qui paraissait à présent une sorte de débardeur à col, qui soulignait la pâleur étrangement belle de sa peau.

En la contemplant, il sentît son cœur accélérer brutalement, ses joues devenir brûlantes comme si elles avaient pris feu. Il détourna le regard, inspira profondément en essayant de se calmer. Il savait très bien à quoi il devait cet émoi soudain, dont il acceptait l'idée presque comme une fatalité. Mais il ne voulait pas que sa chère Nathalie s'inquiète pour lui, il devait masquer son trouble à tout prix.

Mais, malgré sa propre inquiétude due à l'enfermement, inquiétude d'ailleurs largement calmée par les soins attentifs de Gabriel, elle remarqua sa gêne soudaine, et voulût l'en soulager.

« Monsieur ? Qu'y a-t-il ? Je peux...

— Ne vous inquiétez pas, c'est juste que... »

Il ne savait même pas comment achever sa phrase. C'était juste que quoi ? Il ne pouvait pas expliquer en quelques mots, en une simple phrase, tout ce qui se bousculait dans sa tête et son cœur. Il fixait obstinément le sol, refusant de regarder son interlocutrice.

Il la sentît approcher, poser une main douce sur son épaule. Il devinait la bienveillance de son regard sans avoir à la regarder. Il savait qu'elle ne jugeait jamais.

Elle est tellement magnifique... Son corps, son âme, tout en elle est splendide...

« Gabriel ? Que se passe-t-il ? Pourquoi ne voulez-vous plus croiser mon regard ? Voire pire... Vous refusez de me voir... Je sais que ce n'est pas très correct de déchirer des vêtements et que vous n'aimez pas qu'on le fasse mais... Est-ce si affreux ?

— Non, au contraire, s'exclama-t-il avec un mouvement de recul, c'est magnifique... Vous êtes magnifique...

— Alors, pourquoi ?

— Parce que je viens juste de réaliser... àquelpointjevousaime.

— Pardon ??

— Je vous aime, Nathalie. Je..., il se décida enfin à la regarder à nouveau, je vous aime mais je ne voulais pas me l'admettre, même si je le savais... En vous voyant ainsi, je me suis pris mes sentiments en pleine face, avec une force extraordinaire. Et ça fait mal...

» Aimer fait mal, mais vous aimer m'est mortel. Parce qu'il est impensable que vous puissiez m'aimer, pas monstrueux comme je le suis devant vous, pas alors que je vous ai fait risquer votre vie pour rien, que je vous ai fait tant de mal. Et si votre cœur pouvait un jour vous échapper, ce dont je doute souvent à vous voir, il ne viendrait certainement pas vers moi...

» Je saigne de cet amour maintenant, mais je n'ai pas la force de le combattre... »

Gabriel avait à nouveau détourné le regard, aussi il ne vît pas Nathalie approcher doucement et il sursauta quand il la sentît poser ses douces paumes dans les siennes. Il sentît son souffle contre son visage, faisant s'emballer son cœur.

Et il crût que sa poitrine allait exploser en entendant sa réponse.

« Gabriel... Je sais que je ne suis pas expressive, que je ne montre jamais mes sentiments... Mais vous ne pourriez pas avoir plus faux. D'abord, vous ne m'avez jamais volontairement et délibérément mise en danger, c'est moi qui ai consciemment choisi de prendre le Miraculous. Et je l'ai fait dans un seul but : pouvoir vous aider à retrouver le bonheur que vous désiriez alors. Parce que je vous aimais déjà alors. Je vous aime depuis longtemps déjà, mais sans y avoir jamais cru, sans avoir jamais espéré.

» Aujourd'hui, vous m'offrez le plus beau cadeau dont j'ai jamais pu rêver, en me disant que vous m'aimez. Je... »

Elle ne pût finir sa phrase. Débordé par le bonheur, le soulagement et l'amour qui battaient en lui, Gabriel s'était soudain retourné, avait croisé son regard pour y trouver l'approbation dont il avait besoin, l'avait serrée contre son cœur avec force et avait uni leurs lèvres sans hésitation, laissant parler un cœur trop longuement assourdi.

Nathalie approfondît d'instinct le baiser, laissant enfin s'exprimer tous les sentiments qui bouillonnaient en permanence en elle, faisant danser son cœur au rythme du contact.

Quand ils durent se séparer pour reprendre leur souffle, l'amour qui brillaient dans leurs yeux leur promettait déjà un avenir de bonheur.

Ils savaient que leurs vies n'avaient tenu à presque rien, une simple panne d'ascenseur, un vêtement déchiré pour être plus confortable, une révélation imprévue. Et ils se promettaient que leur hasard ne viendrait jamais abîmer leur bonheur, serrés l'un contre l'autre dans cette cage d'ascenseur qui redémarra soudain vers leur destin.

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1258 Mots.

Enfin terminé ! Cet OS m'occupe depuis la diffusion d'Optigami, il y a quasi deux semaines, même si je n'ai pas commencé à écrire avant la diffusion de Sentibulleur.

(Disons que la scène de l'ascenseur m'a énormément frustrée, donc j'ai eu l'idée d'en faire une Papyura, mais j'imaginais seulement le déroulement sans écrire...)

Bref... J'aime bien cet OS. Et vous ? Qu'en pensez-vous ?

Bises,

Jeanne.

(13/09/2021)

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