Gimme Shelter

Je n'ai jamais comprit l'existence même de l'homophobie, le racisme, les jugements en général. Quand on était gamins, on trouvait ça dégueulasse d'embrasser une fille, même la toucher pour certains. On restait entre garçons, jouait entre nous sans réfléchir. A quel moment, l'homme se dit-il que son semblable est dégoûtant? Je ne sais pas, je ne suis jamais passé par ce stade. J'ai suivi un autre chemin bien plus sombre. Petit, je me demandais pourquoi seule les femmes avaient des enfants. Pourquoi deux hommes ne pouvaient-ils pas vivre le même bonheur? Je trouvai ça injuste, les autres appelaient ça une abomination. Ils voyaient le différent, tout ce qu'ils ne connaissaient pas, et moi, je voyais le miracle, un cadeau. J'avais tord.

Toutes ces questions que je me posais étant petit, j'en ai maintenant les réponses. Moi, l'erreur de la nature. L'homme, capable de porter un enfant. Et je n'y vois aucun miracle, aucun cadeau. Je n'y vois que désillusion. Ma mère m'a jeté dehors, mon petit-ami m'a largué après m'avoir humilié devant tout les élèves de notre lycée. Je suis seul. Seul avec un fardeau que je ne peux ignorer. Un fardeau que j'ai détesté avant de l'aimer comme un fou. Je suis seul, avec mon enfant. Mon enfant encore à l'abri du monde, et qui en reçoit déjà tout son méprit, toute sa haine.

-Monsieur? Vous devez partir. On va fermer.

Las, mon regard se pose sur la vitre du bar où j'ai passé la journée à l'abri de l'averse qui s'abat toujours sur la ville. Et sans protester, je me lève, rabats ma capuche avant de prendre le chemin de la sortie. Le patron me suit de près, m'adresse un fin sourire que je lui rends quand il ferme le bar.

-Passez une bonne soirée.

-Vous aussi.

Il s'en va, ouvre son parapluie avant de courir vers sa voiture. Avant de courir vers son foyer qui l'attend avec impatience. Et moi, je reste sous le porche des commerces. Sans attendre, je me laisse glisser contre le mur et pose mon sac à dos par terre avant d'y déposer ma tête. J'attends le sommeil qui ne vient pas malgré ma fatigue. Mais je meurs de froid, de faim, et ce depuis des jours. C'est difficile de s'endormir dans ces moments là.

Mais j'attends, des heures durant. Je pleure, me reprends. Je me maudis et pris en silence qu'on vienne m'aider. Mais à quoi bon? Personne n'entend jamais les prières.

__________

Je ne crois pas aux miracles, je n'y crois plus. Pourtant, en ouvrant les yeux ce matin, ce n'est pas la rue ou le ciel nuageux que je vois, mais un ange. Un ange aux cheveux blonds et bouclés, aux yeux aussi bleus et clairs que l'écume des mers. Je suis mort?

-Hey toi..Tu te réveilles..

Sa voix douce me parvient comme une mélodie, et sa main fraîche sur mon front, m'arrache un soupir de complaisance.

-Comment tu te sens?

-Je vais bien.. Mentis-je.

-T'en as pas l'air. Souffle-t-elle. Mais t'es déjà mieux ici que dans la rue.

Gêné, je baisse les yeux, et malgré moi, quelques larmes m'échappent. La rue..Qui sait quand je vais devoir y retourner..Je n'en ai pas envie. Je ne veux pas retourner dans la rue.

-Je suis désolé. Ne pleure pas s'il te plaît. S'empresse la jeune fille face à moi, mais je n'y peux rien, et pleure de plus belle.

-Je ne veux pas y retourner. Dis-je dans un soupir étouffé, et elle, me tire dans ses bras.

-Ça n'arrivera pas. Si mon père t'a ramené cette nuit, c'pas pour te renvoyer ce soir.

Ses paroles me déchirent autant qu'elles me réchauffent le cœur. Et docile, je me laisse faire lorsqu'elle me repousse, me fait face et essuie mes larmes, un fin sourire aux lèvres.

-Je m'appelle Alana.

-Ashton.

-Et bien, Ashton. Commence-t-elle, insiste sur mon prénom, m'arrachant un fin sourire. Ça te dirait de manger un morceau? J'ai pas encore pris mon petit déjeuner.

Elle conclut ses paroles d'un léger rire, cristallin. Sans hésiter, j'acquiesce avant de me lever. Mais à peine suis-je debout qu'un vertige me prend au corps. Aussitôt, je me rattrape au mur, et les bras d'Alana enlacent ma taille.

-Hé ça va? S'enquit-elle, et au mieux, j'acquiesce.

-Ouai.. Je suis juste..Pas en forme.

-Vient, la cuisine est pas loin.

Sans rechigner, je la suis, et elle, ne me lâche pas. De la chambre, on sort sur un long couloir aux murs recouverts de diverses photos sur lesquelles je ne m'attarde pas.

-Daddy! Cri Alana avant qu'on ne passe une porte.

Et comme je m'y attendais, derrière cette porte se trouve la cuisine, et un homme, de peut-être tout juste quarante ans. Il est entrain de nourrir un bébé, le sien sûrement lorsque l'on rentre, et aussitôt, son attention se détourne, pour virer vers moi.

-Tu es réveillé. S'exclame-t-il, visiblement soulagé avant de se lever. Et pendant qu'il tire une chaise, Alana m'y pousse pour m'y asseoir avant de prendre place à mes côtés. Tu dois avoir faim.. Souffle-t-il par la suite, et sans me laisser dire un mot, reprend: Je vais faire le petit-déjeuné.

Alana à mes côtés échappe un léger rire avant de virer son regard vers moi, un fin sourire aux lèvres.

-Comment tu t'appelles? Lance alors l'homme, tourné vers les plaques électriques, et raclant en premier lieu ma gorge, je lui réponds.

-Ashton.

-Harry. Réplique-t-il, se tournant tout juste pour m'adresser un sourire que je lui rends.

Ils me posent quelques questions anodines, auxquelles je réponds sans réfléchir. Mon âge, là d'où je viens. Ce genre de choses. Mais jamais ils n'abordent la raison de ma présence dans la rue, et tant mieux. Qu'est ce que je pourrai leur dire? Je ne veux pas les dégoûter. Ils ont l'air si gentil, si généreux, je ne veux pas savoir ce qui se cache en dessous.

-Et voilà. S'exclame Harry en déposant un plat de crêpes sur la table.

L'odeur de fleur d'oranger qu'elles dégagent me met déjà l'eau à la bouche, me tord douloureusement l'estomac.

-Je vais changer Dana. On ira au dispensaire après. Lance Harry tout en sortant sa fille de sa chaise haute avant de virer son regard vers moi. Tu es plutôt pâle.

Gêné, je détourne le regard et acquiesce simplement. Lui, quitte la pièce, et ne reste plus qu'Alana entrain de sortir assiettes et couverts, et moi.

-Ton père a l'air gentil. Lançai-je pour briser le silence.

-Il l'est. Réplique-t-elle, souriante en revenant s'asseoir à mes côtés.

Et sans un mot de plus, elle sert mon assiette puis la sienne avant de virer son regard vers moi. Un regard confiant, amical..Ça faisait bien longtemps que personne ne m'avait regardé ainsi.

-Tu vas voir, tu seras bien ici.

Je l'espère.

__________

Après avoir mangé, et pris une douche plutôt relaxante, je suis maintenant plus tendu que jamais. J'attends, assis sur une chaise en plastique du couloir avec Alana pendant que son père remplit mon formulaire. Ils vont savoir c'est sûr..Je veux dire..C'est pas quelque chose qui passe inaperçu dans un examen médical. Si?

Plus vite que je l'aurai souhaité, Harry revient, vient se poser face à nous.

-C'est bon. Nena tu l'accompagnes à la salle 3, je dois aller voir quelqu'un.

-D'accord.

Il s'en va, elle se lève, et moi je n'ose pas bouger.

-Ashton, tu viens?

Je dégluti, et avec mal, les jambes en compotes, je me lève et suis Alana le long des couloirs sans fin du dispensaire, avant de m'arrêter quand elle s'arrête, devant la salle 3. Sans prendre la peine de toquer, elle ouvre la porte qui dévoile un cabinet banal, et un homme, assit derrière son bureau. Aussitôt, il lève ses yeux qui s'écarquillent quand il voit Alana dans son bureau.

-Nena, qu'est ce que tu fais là? S'exclame-t-il, et l'idée qu'ils se connaissent me traverse alors l'esprit.

-Relax, je vais bien. Relance-t-elle en riant légèrement, laissant l'homme soupirer, visiblement soulagé.

-Qu'est ce que tu fais là du coup?

Sans lui répondre, elle se retourne vers moi, m'intime en silence d'avancer. Gêné, je le fais, ignore le regard de l'homme face à moi qui me toise. Je n'aime pas ça.

-Daddy l'a trouvé hier soir dans la rue. Souffle-t-elle, répondant aux questions muettes qui flottaient dans l'air. Et tu connais Daddy. Reprend-t-elle, arrachant un fin sourire à son vis-à-vis.

-Je suis sûr que tu n'as pas beaucoup protesté. Réplique-t-il en se levant avant de me faire face, plus serein. Comment tu t'appelles?

-Ashton. Répondis-je, pour la troisième fois aujourd'hui.

-D'accord Ashton. Alors tu passes à côtés, tu enlèves ton pantalon, ta chemise et tes chaussures, et tu passes un blouse. S'exclame-t-il.

Et n'y trouvant rien à redire, j'acquiesce, avant de passer dans la pièce qu'il me pointe. C'est une salle de bain. Une salle de bain où une blouse pendue à son cintre m'attend. Las, j'échappe un soupir avant de me déshabiller, mais me fige avant d'enfiler la blouse, en croisant mon reflet dans le miroir qui me fait face.

Je fais peur à voir. Dire que je suis pâle est un euphémisme. Je vois les veines de mon cou et au bas de mon visage. J'ai des cernes si sombres qu'on dirait du maquillage. Je ne suis plus mince, je suis maigre, et je déteste ça. La seule chose qui fasse tâche est mon ventre enflé comme si j'avais trop mangé. Ce n'est pourtant pas le cas.

Ravalant mes larmes et mes angoisses, j'enfile la blouse et sors pour retrouver Alana en grande discussion avec le médecin. Quand il me remarque finalement, ce dernier m'adresse un fin sourire avant de me désigner la table d'auscultation, sur laquelle je vais à contre cœur prendre place.

Il observe mes yeux, ma gorge, mon souffle..La totale. Mais un froncement lui échappe lorsqu'il prend ma pression artérielle.

-Tu as une tension plutôt haute. Mais je suppose que vivre dans la rue doit être un minimum stressant.

-Un minimum. Accordai-je, tête basse, et lui, sourit légèrement.

-Je te fais une prise de sang et tu pourras aller t'habiller. Lance-t-il. Allonge-toi s'il te plaît.

Je m'allonge, détourne le regard tout du long, trop peureux. Je me crispe lorsque l'aiguille pince et perce ma peau. Je n'ose pas même respirer, jusqu'à ce qu'il me dise:

-C'est bon.

Un soupir soulagé m'échappe, et aussitôt, je me lève et retourne m'habiller, me débarrasser de cet accoutrement ridicule. Et quand je retourne dans la salle, je me retrouve seul avec Alana qui m'adresse un fin sourire.

-Il va revenir, le temps d'avoir tes résultats. Lance-t-elle, m'éclairant quant à l'absence du médecin.

J'acquiesce, vais m'asseoir à ses côtés sur une chaise face au bureau. Et en silence, j'implore qui le voudra que mon secret en reste un.

Le silence perdure, un silence angoissant qui me prend aux tripes, fait s'accélérer mon rythme cardiaque. Et le temps passe, il passe et j'angoisse au point de vouloir en pleurer. Au point de vouloir partir en courant avant d'être chassé. Mais je reste là, j'attends.

Je sursaute, au bord de l'arrêt cardiaque lorsque la porte s'ouvre et claque dans mon dos. Un bruit de pas, et le visage fermé, sérieux du médecin qui vient prendre place face à moi, un papier entre les mains.

-Alors? S'enquit Alana, mais il ne dit rien, me regarde juste.

-Alors. Souffle-t-il en posant ce que je devine être les résultats de ma prise de sang sur le bureau. Je crois qu'il faut que tu nous laisses seuls.

-Quoi?! Mais- Elle s'insurge, mais il la coupe.

-Il n'y a pas de mais Alana. Tu sors! S'emporte-t-il, et raccourcissant l'inévitable, je prends la parole.

-Ce n'est pas la peine.. Marmonnai-je. Je sais déjà ce que vous allez me dire..

Les larmes me montent aux yeux, personne ne dit rien. Et en silence, je tais ma honte, la honte de ma propre existence. Une pauvre créature de foire, exposée une fois encore.

-Tu sais..Commence le médecin hésitant.. Tu sais que tu es..Enceinte? Hésite-t-il, et lâche, j'acquiesce. Pourquoi tu ne l'as pas dit?

-Je..

Mais rien ne vient. Rien ne vient à part mes larmes amères, des sanglots que je contiens au mieux, incapable de prononcer un mot.

-Hé.. Pleure pas. Souffle Alana, et me prend dans ses bras. Tout va bien.

Perplexe, je me déloge de ses bras, la regarde elle, et son regard, à la pitié qu'elle à ma égard. Mais dans ses yeux, je ne vois pas ce que j'attendais, ce que je craignais.

-Tu n'es pas dégoûtée? Lui demandai-je, gêné, timide comme jamais, et elle, sourit juste avant d'effacer mes larmes.

-Je ne peux pas être dégoûtée. S'exclame-t-elle en riant doucement, suivit du médecin vers qui je me retourne, perplexe pour le découvrir, souriant.

-Je crois que tu as rencontrer mon compagnon plus tôt dans la journée. Lance-t-il à mon égard. Je suis Louis, le père d'Alana.

Je reste perplexe, choqué, même quand il me confirme que oui, Harry, l'homme qui m'a recueillit a porté ses enfants. Il est comme moi. Je suis intimidé, et pourtant, heureux. Heureux oui, d'enfin croiser quelqu'un qui puisse me comprendre. Quelqu'un qui puisse m'aider. Les prières marchent peut-être après tout.

__________

Après m'avoir rassurer, Louis a 'ordonné' à Alana de me conduire voir une certaine Danny. Et si je m'attendais à tout, bizarrement, je ne m'attendait pas à me retrouver devant le bureau d'une gynécologue. Comme avec le bureau de son père, elle ouvre sans gêne la porte, et semble aussi surprise que moi quand Harry se dévoile à nos regards.
 
-Daddy? Pitié dit moi que ce n'est pas ce que je crois. S'empresse-t-elle, et c'est en riant qu'il lui répond.
-Je ne suis pas là pour moi. Réplique-t-il, souriant, avant de virer son regard vers moi. Et l'évidence me frappe.
-Vous savez? Lui demandai-je. Et il acquiesce.
-J'ai une sorte de radar pour ce genre de chose. Peut-être que c'est parce que j'ai eut six enfants. S'exclame-t-il, m'arrachant un sourire que j'efface aussitôt quand il reprend en pointant mon ventre caché sous la chemise large qu'il m'a passé plus tôt dans la journée. Et j'ai de bons yeux aussi.
 
Par pur reflex, mes bras se croisent autour de mon corps, et c'est le moment que choisit une femme d'une soixantaine d'année pour entrer dans la pièce depuis une autre porte sur le côté. Aussitôt, souriante, elle s'en va enlacer Alana qui lui rend bien, avant de venir se tenir face à moi.
 
-Je suis Danny. Tu dois être Ashton? S'exclame-t-elle en me tendant une main que je serre brièvement tout en acquiesçant. Je suppose que tu n'as encore jamais fait d'échographie?
-Non. Répondis-je, honteux. Et avec un fin sourire, un regard complice, elle me chuchote:
-On va arranger ça.
 
Docile, je me laisse faire quand elle me pousse vers une nouvelle table d'auscultation sur laquelle je prends place. Alana et Harry suivent de près, s'installent à mes côtés, de part et d'autre de la table.
 
-Relève ta chemise s'il te plaît. Me demande le médecin et gêné, je le fais.
 
Je remonte la chemise et évite de croiser tout regards avant de croiser celui de la femme qui m'adresse un fin sourire que je lui rends par pure politesse. Et de nouveau, je détourne le regard, laisse la gêne déposer son voile sur mon visage lorsque ses mains se posent sur mon corps.
 
-Où en es-tu dans ta grossesse?
-Je suis pas sûr. Soufflai-je. Trois, ou quatre mois. J'en sais rien..
-Et bien, nous allons le découvrir.
 
Tout s'enchaîne. Elle attrape ne bouteille qui contient un gel glacé qu'elle va déposer sous mon nombril. Le temps d'une seconde, je retiens mon souffle, lui arrachant un léger rire.
 
-J'aurai dût te prévenir, c'est froid.
 
Je lui adresse un fin sourire, mais détourne bien vite mon attention quand elle étale le gel avec une sonde relié à l'échographe que je ne quitte pas du regard. Et sous mes yeux se dessinent bientôt des formes. Des formes que je distingue et découvre pour la première fois.
 
-Et bien Ashton. Commence le médecin. De ce que je vois, tu dois être au milieu de ton quatrième mois. S'exclame-t-elle, et cette fois ci, c'est de bon cœur que je lui souris. Et si tu veux, je peux même t'indiquer le sexe de ton bébé.
-Vraiment? M'exclamai-je, surpris, et surtout, enthousiaste. Et c'est avec un large sourire qu'elle acquiesce.
-C'est une fille.
 
A peine prononce-t-elle ces mots qu'un large sourire étire mes lèvres, que de nouveau, des larmes me montent aux yeux. Mes yeux qui ne quitte pas l'écran où se dessinent la silhouette, de ma fille.
 
-Une petite fille en pleine santé même. Reprend le médecin en bougeant légèrement la sonde. D'après ce que m'a dit Harry, tu étais dan la rue hier encore?
-Oui..Ça..Ça fait quelque chose comme trois mois que..
 
Je ne fini pas ma phrase, j'ai beau penser ces mots chaque jours, je n'arrive pas à admettre à voix haute que, oui, ma mère m'a abandonné, jeté à la porte comme un mal propre. Comme un monstre.
 
-Et bien. Souffle-t-elle, m'adressant un sourire compatissant. Trois mois.. Cette petite est un bébé miracle. Beaucoup de bébés ne passent pas le premier trimestre, surtout dans de telles circonstances.
 
Je n'y réponds rien, il n'y a rien à répondre. A part peut-être que j'ai de la chance..Enfin, façon de parler. Il faut croire que mon bébé tient à sa vie autant que j'y tiens.
 
Quand l'examen est fini, le médecin parle avec Harry des rendez-vous à prendre dans le futur.. Le futur.. Tout me laisse penser que je vais rester avec cette famille un moment. Cette famille si spéciale, hors du commun. La famille que j'imaginais étant gamin, elle existe finalement.

__________

Pendant le trajet retour, Harry m'explique les règles à suivre chez eux. Rien de bien différent des règles que j'avais à suivre chez moi. Quant aux horaires de sorties, je ne pense pas voir beaucoup de monde dans les temps qui vont suivre. Il m'apprend qu'en plus d'Alana, et la petite Dana que j'ai vu ce matin, la famille est aussi constituée de jumelles, Christy et Carter, d'une autre fille, Cameron, et d'un petit garçon de quatre ans, Ryan. Ça en fait du monde sous un seul toit.

Quand on arrive sur place, Harry s'éclipse à l'intérieur, et Alana elle, m'entraîne à l'arrière de la maison, dans un vallon au fond duquel coule une rivière alimentée par les pluies de saison incessantes. Et c'est bon de pouvoir s'asseoir à même la terre plutôt que le béton.

On y reste un moment, à parler de tout, de rien. A échanger nos avis littéraire, musicaux. J'apprends qu'Alana joue du violon depuis toute jeune, qu'une autre de ses sœurs maîtrise le piano et qu'Harry est professeur de musique au lycée. Enfin, disons que la musique semble être une affaire de famille chez eux. Pas comme chez moi où à peine commençais-je à m'entraîner à la batterie, je me faisais jeté par ma mère. Difficile de faire des progrès dans de telles conditions.

-Comment il l'a vécu.. Lançai-je pour briser cours au silence qui s'est installé. Comment ton père a vécu de le fait d'avoir des enfants..Par lui même? Demandai-je à Alana, gêné, et elle, sourit.

-Bien. Il était heureux à chaque fois qu'il était enceinte. Il était même rayonnant. M'avoue-t-elle, souriant toujours. Je crois surtout que dans ce genre de situation, il faut être bien entouré. Il a eut la chance de l'être.

-Pas moi. Soufflai-je, arrachant la joie à son sourire qui se fait plus fade.

-Tu veux m'en parler?

-Pas vraiment.. Soufflai-je en remontant mes genoux contre mon torse, le regard rivé vers les bois denses. Et Alana elle, vient se coller à moi, pose sa tête contre mon épaule.

-Ce qui compte, c'est que t'es plus tout seul maintenant.

En baissant le regard, je croise le sien, son sourire éternel. Et sans dire un mot de plus, on reste là, l'un contre l'autre. Et ses mots qui passent en boucle dans ma tête, je veux y voir une promesse derrière. Elle ne me laissera pas seul. J'ai cru voir un ange en ouvrant les yeux ce matin. Et maintenant, je sais qu'elle l'est. Alana est un ange.

__________

La nuit est presque tombée lorsqu'Alana et moi rejoignons la cuisine pour le dîner. Mais à peine ai-je passé la porte, que je me fige. La tablée de ce soir n'a rien à voir avec celle de ce matin. Il y a à la petite Dana dans sa chaise haute, entre Harry et un petit garçon qui est son portrait craché, de ses yeux verts à ses cheveux bouclés. Il y a aussi les fameuses jumelles entrain de discuter activement avec celle que je devine être la benjamine de la famille. Entre elle et Louis, à côté d'Harry, il y a deux places, une pour Alana, qui s'assoit à côté de son père, et une pour moi, où je vais prendre place, intimidé.

-Les filles. Lance Harry, attirant l'attention de la gente féminine autour de la table. Tout le monde l'écoute. Et lui, vire son regard vers moi. Je vous présente Ashton, il va rester avec nous un moment, alors habituez-vous à sa présence. Lance-t-il, et il n'en faut pas plus pour qu'un débat à mon sujet commence.

Est ce que je suis vraiment enceinte, d'où je viens, quel âge j'ai.. Je réponds au mieux à leurs questions, effrayé par trop d'attention. Heureusement pour moi, quelqu'un remarque mon malaise.

-Les filles arrêtez. S'exclame Louis, rétablissant le silence. Vous aurez tout le temps d'apprendre à le connaître.

-Désolé. Répond l'adolescente à mes côtés, Cameron je crois.

Et le repas reprend son cours, plus calmement. Harry et Louis posent des questions à leurs filles sur leur journée au lycée, Ryan fait des grimaces à Dana. C'est..Une vrai famille, unie. C'est tellement beau à voir, et pourtant, si difficile à vivre, quand on ne l'a jamais connu, autre qu'en rêve.  

__________

Un mois. Voilà un mois que j'ai fini chez les Tomlinson, et j'y suis toujours. Tout les jours, je trouve du réconfort dans les visages qui peu à peu, deviennent familiers. Malgré les tentatives d'Harry et Alana, je refuse toujours de sortir à part pour mes rendez-vous médicaux. Si je veux prendre l'air, il me suffit d'aller lire un bouquin dans le vallon, je fais ça souvent. Sauf quand, comme aujourd'hui, il pleut des cordes.
 
Dans ces moment là, je préfère rester dans la chambre qui est maintenant la mienne. Le mauvais temps me fatigue, et c'est sûrement pour ça que j'ai passé la journée à dormir, me réveiller, somnoler et me rendormir, me réveiller et ainsi de suite.. Par chance, je suis dans un moment de somnolence lorsque la porte s'ouvre et dévoile à mes yeux mi-clos, Cameron, un plateau en main. Elle m'arrache un sourire. Cameron contrairement à ce que je pensais, est très intelligente et mature pour quinze ans. J'aime bien discuter avec elle, même si ça fini souvent en débat houleux.
 
-Tu es réveillé?
-Ouai.
 
Las, je me redresse contre la tête de lit pendant qu'elle, me rejoint, et avec un fin sourire, dépose son plateau sur mes jambes. Mon regard en scanne rapidement le contenu avant de virer, légèrement amusé, vers l'adolescente.
 
-C'est toi ou ton père que je dois remercier? Lui demandai-je, lui arrachant un léger rire, un doux sourire.
-Je l'admets, je n'ai rien cuisiné. Mais c'est moi qui ait tout réchauffé et mit sur un plateau. Lance-t-elle, et c'est à mon tour de rire avant de passer un bras autour de son cou pour aller déposer un bref baiser sur sa joue.
-Merci alors.
-Je t'en pris. Et comment va le bébé?
 
A ces mots, un fin sourire se dépose sur mes lèvres, et inconsciemment, je vais caresser du bout des doigts mon ventre qui s'est toujours plus arrondi en un mois. Il faut dire que certains jours, j'ai l'impression d'être une oie à gaver dans cette maison.
 
-Bien, je pense. Répondis-je finalement, et elle, sourit, dévoile ses fossettes qu'elle tire de son père.
 
Et parlant de tout et de rien, elle reste avec moi pendant que je mange mon petit-déjeuner, à quatre heure de l'après-midi. J'ignore même comment les autres ont passé leur journée. On est Samedi, mais aucun bruit ne résonne dans la maison. Pas de rires, pas de cris ou de musique trop forte. C'est..Calme.
 
Mais ce calme que j'apprécie s'envole aussi vite que je l'ai remarqué. Dans un écho, j'entends la porte d'entrée claquer, des pas dans le couloir. Et quand je vire mon regard vers la porte close, tout comme Cameron, cette dernière s'ouvre sur Alana, trempée de la tête aux pieds.
 
-Génial t'es réveillé! S'exclame-t-elle, vraiment enthousiaste, et sans me laisser le temps de répondre, reprend: Je vais me changer et je reviens.
 
Elle s'en va, revient quelques minutes plus tard, habillée d'un jogging et d'un pull trop large parfait pour ce temps. Et m'adressant un beau sourire, elle grimpe sur le lit pour se poser à mes côtés. Me voilà bien entouré.
 
-J'ai quelque chose à te demander, et je veux que tu sois honnête. Lance-t-elle, sérieuse. Est ce que je dois avoir peur?
-Vas-y.
-Est ce que ça te dérange si j'organise une fête ce soir?
-Une fête? Répétai-je, perplexe.
-Oui. Les petits sont chez notre grand-mère et mes parents vont à un anniversaire. Comme je les connais, ils seront trop bourrés pour rentrer après. Du coup, j'en profite. M'explique-t-elle. Sauf si ça te dérange et t'inquiète que la maison soit remplit de gens bourrés. Reprend-elle, plus soucieuse.
 
Qu'est ce que je peux lui dire? C'est vrai que ça m'inquiète un peu. Si j'évite de sortir, c'est pas pour croiser tout le village en une soirée. Mais je m'impose déjà beaucoup trop je trouve, je ne veux pas en plus, lui imposer mes craintes.
 
-C'est bon. T'inquiète pas. Mentis-je au mieux, lui adressant un sourire, pourtant sincère.
 
Enfermé dans ma chambre, je ne craindrai rien. Du moins, je l'espère.

__________

Depuis deux heures déjà, la musique résonne et fait trembler les murs de la maison. Alana et certaines de ses sœurs sont passés à différents moment de la soirée, uniquement pour me demander encore et encore comment je vais. Je vais bien, si j'ignore une migraine monstre qui ne fait que prendre de l'ampleur, et mes nerfs à fleurs de peau, parce que je voudrai dormir, mais c'est impossible avec un tel vacarme.

Malgré tout, un fin sourire me monte aux lèvres lorsque je sens mon bébé bouger. La première fois, c'était il y a deux semaines. J'étais entrain de regarder un film avec Alana dans le salon quand j'ai senti cette sensation étrange, et pourtant agréable. Et contrairement à ce qu'on pourrait en penser, je n'étais pas le plus perturbé et..Hystérifié? par cette nouveauté.

-Tu ne peux pas dormir non plus.. Soufflai-je en caressant doucement mon ventre sous les couvertures.

Mais aussitôt, je déloge ma main lorsque ma porte s'ouvre sur Christy, une des jumelles. Elle, et un garçon qui doit avoir l'âge d'Alana. Qu'est ce qu'elle fait?

-Hey Ash'. Me lance-t-elle avec un large sourire. Sourire que je lui rends avec mal. Ça te dérange si on reste un peu avec toi?

-Non. Lui répondis-je, incertain. Pourquoi?

-Alana et Carter sont entrain d'entraîner tout le monde pour un méga strip-poker, et on a pas vraiment envie de se faire enrôler. M'explique-t-elle, riant sur la fin de sa phrase tout en virant un regard complice vers le garçon, toujours dans l'entrée.

-Et bien.. Soufflai-je. Entrez.

Elle rit légèrement avant de venir se blottir contre moi. Et un fin sourire amusé m'échappe en constatant qu'elle est plutôt bien bourrée. De près suit le garçon qui s'installe au pied du lit, m'adresse un fin sourire que je lui rends.

-Je suis Luke. Lance-t-il, me tendant une main que je serre brièvement, admiratif, il faut le dire.

Ça fait longtemps que je n'ai pas fréquenté un garçon, et, il est plutôt mon type, il faut le dire. Des cheveux blonds en batailles, de grands yeux bleus, et des traits, tout simplement..Parfaits. Je suis sûr que sous son tee-shirt à l'effigie des Pink Floyd, il cache un corps qui doit être tout aussi parfait.

-Ashton. Lançai-je, me présentant à mon tour avant de lâcher sa main pour reposer la mienne sur les couvertures qui me recouvrent, me cachent.

-Nouveau dans la famille? Me demande-t-il, un fin sourire en coin. Et gêné, je baisse le regard quelques instants, sans savoir quoi lui répondre.

-En quelque sorte.

-En tout cas, t'es bien tombé. S'exclame-t-il, virant son regard vers Christy qui rit légèrement.

-C'est vrai. Accordai-je.

Bien vite, une conversation s'installe. J'apprends que Luke connais les Tomlinson depuis quasiment toujours puisque sa mère est une collègue de Louis au dispensaire. Il m'arrache quelques rires en me racontant quelques vieilles anecdotes sur son enfance et celle d'Alana. Puis sur les jumelles, et Cameron, toute la famille y passe, y comprit Harry et Louis.

Mais alors que l'ambiance -ou moi du moins- est plus détendue, j'entends la voix criarde d'une Alana déchirée hurler après Christy qui se lève en riant légèrement.

-J'me demande si elle est déjà à poil.

Sa remarque m'arrache un rire léger qui s'évanouit dans l'air aussitôt que la porte se ferme derrière son passage. Et soudain, l'ambiance -ou moi-même- qui était jusqu'à lors détendu, se meurt. Gêné, je fais face à Luke, sans savoir quoi dire. Il faut dire que je n'ai pas vraiment tenu la conversation depuis tout à l'heure, j'ai plus écouté et savouré cette route des souvenirs à laquelle je n'ai pas participé.

-Alors Ashton. Lance finalement le jeune adulte face à moi, décrochant un fin sourire en coin. Et si tu me parlais un peu de toi?

Oh, il n'y a pas grand chose à dire au fond. Je ne suis jamais qu'un adolescent gay et enceinte qui a été mit à la rue, humilié, rejeté par sa famille est ses amis pour cause de différence. Je n'ai jamais passé que trois mois dans la rue à me nourrir dans les poubelles dès que la faim devenait atroce. J'ai dormi sous des ponts, sous des porches, même dans des bennes à ordures avant qu'Harry ne me trouve finalement et me recueille dans sa famille parfaite qui me rappelle tout les jours que ma vie est une vulgaire comédie miséricordieuse.

-Il n'y a pas grand chose à dire. Soufflai-je, haussant les épaules sans grandes convictions.

-Ok. Souffle-t-il à son tour, passe une main dans ses cheveux, l'air frustré. Tu sais. Reprend-il avec un léger rire, plus nerveux qu'autre chose selon moi. Je ne suis pas un très bon menteur. Le plan d'Alana et Christy, c'était qu'on puisse se parler. Seul à seul.

-Pourquoi? Demandai-je, poussé par la curiosité, et bizarrement, un brin d'excitation que je ne peux cacher dans mon ton.

De nouveau, un rire lui échappe, gêné cette fois. Il baisse le regard le temps d'une seconde avant de l'encrer au mien, et de m'adresser un fin sourire, timide. Et se mordant sa lèvre pulpeuse et percée, il me répond:

-Parce que je suis gay et célibataire. Et d'après elles, t'es dans le même cas. Avoue-t-il, me coupant littéralement l'herbe sous le pied.

Même si l'intention en paraît bonne, je ne peux pas contrôler la colère qui m'envahit à l'égard des deux sœurs qui ont organisé ça dans mon dos. Je refuse de sortir, elles me ramènent un gars. Mais c'est quoi ça? Comme si j'avais la tête à sortir avec quelqu'un. J'ai un paquet surprise qui me rappelle chaque jour que ce n'est pas une option envisageable. Et je préfère encore passer pour quelqu'un de distant et inabordable plutôt qu'un monstre.

-Désolé Luke. Marmonnai-je le regard bas. Mais je ne suis pas intéressé.

Et voilà. Un autre mensonge sur une nouvelle page de ma vie. Mais je préfère me souvenir de son regard pétillant, son sourire amical, plutôt que de découvrir le dégoût et la rancune déformer son beau visage.

Cette décision est sans aucun doute la meilleure à prendre. 

__________

-Aller Ash', parle moi s'il te plaît. Je suis désolé.
 
Comme à chaque fois depuis deux semaines, j'ignore la plaidoirie d'Alana qui s'excuse, encore et encore. Et dites de moi que je suis une tête de mule, mais je compte bien l'ignorer encore longtemps. Le temps que la pilule passe, et que le visage déconfit, dépité de Luke me sorte enfin de la tête.
 
-J'pensais pas que tu le prendrais aussi mal. J'veux dire, Luke est habitué avec mon père aux gars en cloque tu-
-Alana.
 
Surpris, je fronce les sourcils sans détourner le regard de l'écran quand la voix forte de Louis coupe court au discours de sa fille qui soupire, et sans un mot de plus, s'en va.
 
Mais aussitôt sa place se libère-t-elle que Louis s'y assoie, éteint la télévision dans un soupir. C'est l'heure d'une longue conversation.
 
-Ashton. Lance-t-il pour attirer mon attention vers lui. Et gêné, un peu effrayé aussi, je vire mon regard vers lui. Et lui de nouveau, soupire. Tu ne penses pas qu'il est temps de leur pardonner?
 
Le simple mot 'non', est difficile à sortir devant le père de famille. Alors je secoue juste la tête, comme un enfant. Et la contrariété me fait déjà monter les larmes aux yeux.
 
-Pourquoi? Me demande-t-il, et ravalant mes larmes, j'échappe un soupir tremblant.
-Parce que.. Je..Je ne veux pas d'une relation, surtout pas maintenant. Expliquai-je avec mal, la gorge toujours plus serrée, compressée par les sanglots qui veulent passer outre mes lèvres.
-Je comprends ça. Et les filles aussi l'ont comprit. S'exclame-t-il, mais le problème n'est pas là.
-Il..Je l'aimais bien.. Avouai-je, échappant une unique larme que je ramasse aussitôt d'un revers de main.
 
Louis m'offre un sourire, fade, triste. Et je ne lui rends pas, je n'en ai pas envie.
 
-Tu sais, je connais Luke depuis sa naissance, c'est pas un mauvais bougre. C'est un bon garçon.
-J'en doute pas. Mais il veut un garçon. Pas un garçon enceinte. Personne veut de ça. Marmonnai-je, remontant mes genoux aussi haut que me le permet mon ventre arrondi, et Louis, soupire.
-Vraiment?
 
Son ton amusé me laisse perplexe, et curieux je relève le regard vers lui pour découvrir un fin sourire amusé orner ses lèvres rosées. Et gêné, je rougis légèrement quand je réalise ce qu'il veut e faire comprendre, d'un simple regard. Harry et lui ont eut six enfants, ensemble. Même si j'ai encore parfois du mal à m'y faire, Harry est comme moi. Ou je suis comme lui, qu'importe.
 
-Si quelqu'un t'aime vraiment un jour. Reprend-t-il, dépose sa main à plat sur mon corps sans me lâcher du regard. Il aimera aussi cette partie de toi.

__________

-Les filles! Arrêtez de manger de la pâte à tarte crue, vous allez être malade!
 
Un sourire amusé m'échappe en entendant Harry hurler une nouvelle fois après ses trois filles aînées que je vois bien vite venir au salon, riant comme des gamines. Et quand elles me voient, elles sourient, et je leur rends, de bon cœur.
 
-Salut toi. J'ai cru que t'allais dormir toute l'après-midi. S'exclame Alana en se forçant une place sur le sofa sur lequel je me suis échoué quelques heures plus tôt pour une sieste à rallonge.
-Quand bébé se réveille, c'est dur de dormir. Lui répondis-je en relevant les jambes qu'elle pose en suite sur les siennes.
-J'ai hâte de pouvoir la sentir la petite canaille. S'exclame-t-elle et tapote mon ventre par dessus les couvertures, m'arrachant un léger rire.
 
J'ai passé le cap des six mois il y a tout juste deux jours, mais malheureusement, -enfin, si on veut- mon bébé refuse de donner des coups au grand drame d'Alana qui n'attend que ça. Je m'en langui aussi, mais sûrement moins qu'elle.
 
-Au fait! S'exclame Christy, collée à Carter dans le fauteuil qui me fait face. Tu t'habilles ce soir où tu te traînes encore dans ton vieux jogging?
 
Ce soir, on fête l'anniversaire de Nate. Autrement dit, il va y avoir foule dans la maison, et ça serait pire qu'impolie de ma part de rester dans ma chambre pour l'anniversaire du fils de l'homme qui m'a recueillit.
 
-Qu'est ce que tu as contre mon jogging?
-Il est moche. Répond simplement Carter, arrachant un rire sincère à Alana entrain de tapoter sur mes jambes en rythme.
-Peut-être, mais je suis à l'aise au moins.
-Oui mais on dirait que t'es en pyjama. Reprend Christy, et amusé, je souris.
-De toute façon, on a encore du temps pour y penser. S'exclame Alana, contenant son léger rire.
 
Sur ces mots, la porte d'entrée s'ouvre, l'écho d'une voix féminine emplit la maison.
 
-C'est nous!
-Peut-être pas autant de temps que tu ne le pensais. S'exclame Carter.
 
Curieux, je me redresse et me retourne. Mais je me fige. Dès que mon regard tombe sur son visage, je me fige, me glace.
 
-Cassie, Luke! Vous êtes en avance! S'exclame Harry, qui sort finalement de sa cuisine pour aller enlacer ses invités.
-Je me suis dit que t'aurais peut-être besoin d'un coup de main. S'exclame Cassie, en souriant.
 
Et moi, au mieux, discrètement, je me relève et signale à Alana que je vais lire un livre et sans attendre sa réponse je pars au plus vite du salon. Une fois dans ma chambre, j'enfile mes baskets et une écharpe avant d'ouvrir la fenêtre d'un coup sec. C'est vrai que je pourrai aller au vallon en passant par la cuisine. Que c'est stupide d'agir comme un enfant, mais au moins je serai tranquille et personne ne viendra me voir. Il ne viendra pas me voir.
 
Difficilement, je grimpe sur le rebord de la fenêtre, mais l'angoisse m'empêche de sauter. Alors comme un gamin, ou une gamine, j'attrape la gouttière et tend ma jambe, mon pied, jusqu'à ce que le bout de ma chaussure touche enfin le sol. Et doucement, je descends.
 
Je descends, trébuche et manque tomber. Des bras me rattrapent, et échappant un cri de surprise, je m'en déloge, pour faire face à Luke qui me regarde, clairement amusé. Merde, mais qu'est ce qu'il fou là?
 
-Il y a des portes tu sais. S'exclame-t-il.
 
Et frustré, un peu vexé aussi, je lui passe devant sans lui adresser la parole ou un regard. Il a réussit à m'énerver en à peine quelques secondes, c'est rare. Avec précaution, je descends la pente jusqu'au vallon avant de me laisser tomber sur la surface plane et terreuse.
 
Un air frais ma balaye et me contourne pendant que j'écoute, captif, le bruit du ruisseau qui s'écoule à mes pieds. Mais l'écho de ses pas résonne, tout comme le bruissement des feuilles qu'il écrase, toujours plus proche.
 
-On dit jamais deux sans trois. S'exclame-t-il en se laissant tomber à mes côtés. Je ne le regarde pas. Tu vas encore me jeter? Parce qu'honnêtement, je préférerai zapper cette étape pour passer directement au moment où on discute simplement.
-Je t'ai dit que j'étais pas intéressé. Soufflai-je.
-Ouai. Et j'ai ma petite idée du pourquoi.
 
Perplexe, je relève un regard froncé vers Luke qui sourit faiblement et baisse les yeux le temps d'une seconde sur ce qui est plus qu'évident. Ce ventre, difforme, énorme, que je ne peux même plus caché sous un large sweater. J'en viens à détester mon corps parfois, comme maintenant.
 
- Je connais Harry depuis ma naissance tu sais. Je ne suis pas mal à l'aise avec ça. Tente-t-il de me rassurer, mais..
-Moi, si.

-Tu devrais pas. T'imagine pas le nombre de personnes qui rêvent d'être à place, à celle d'Harry. S'exclame-t-il, me surprenant du tout au tout, et attentif, je l'écoute. Des milliers de couples tueraient pour pouvoir avoir un enfant qui soit le leur. Tu as cette chance.
-Je le pensais aussi avant. Soufflai-je, baissant le regard. Mais on tombe pas tous sur un Louis Tomlinson.
-Ton petit-ami était un connard s'il t'a plaqué pour ça. Lance-t-il, comprenant mon sous-entendu.
 
J'aurai aimé qu'il ne le relève pas. Et pourtant, ça ne m'empêche pas d'enchaîner, de m'enfoncer toujours plus dans les souvenirs.
 
-Et ma mère? Murmurai-je, lui, fronce les sourcils. Ça fait quoi d'elle? Relançai-je, et il comprend, soupire.
-Et bien.. Souffle-t-il en passant une main dans ses cheveux blonds. Je pense que tu me mettrais ton poing dans la gueule si je te disais ce que je pense de ta mère. S'exclame-t-il, riant doucement.
 
Et je ris aussi. Légèrement, avant d'éclater en sanglots. Sans que je ne lui demande quoi que ce soit, Luke se rapproche et m'enlace de ses bras. Je ne le repousse pas. Au mieux, je me calme, le visage caché dans son torse. J'ignore même pourquoi je pleure, pourquoi je craque. Cette grossesse va finir par me faire perdre la tête.
 
Après quelques minutes, je me déloge de ses bras. Mais je n'ai pas l'occasion de reculer que ses mains viennent piéger mon visage, me couper le souffle au contact de sa peau fraîche et douce. Délicatement, ses pouces caressent mes joues humides, et mon regard, ne quitte pas le sien, si profond, sérieux, soucieux.
 
-C'est un blasphème de faire pleurer un ange comme toi. Murmure-t-il.
 
Mon rythme cardiaque s'accélère, et je baisse la tête en sentant la gêne déposer son voile sur mon visage au teint désormais rosé.
 
-Arrête.. Lui demandai-je, d'une voix tout juste audible. Mais il n'en fait rien.
 
Il me force à relever la tête, à le regarder. Une de ses mains passe dans ma nuque, la caresse doucement. Je vois son regard qui bascule de mes yeux à mes lèvres, encore et encore. Je sais ce qui se prépare, et je ne fais rien, j'attends. J'attends quand il soupire, quand son visage se rapproche, encore et encore. J'attends quand ses lèvres frôlent les miennes, que son souffle se mêle au mien et m'électrise, me fige.
 
-Ne me repousse pas.. Murmure-t-il.
 
Et ses lèvres, pressées contre les miennes, me coupent le souffle, me coupent les sens. A cœur perdu, je lui rends son baiser, y échappe quelques larmes qui vont couler le long de ses doigts. A cœur perdu, je m'abandonne.

__________

-Tu es très bien Ashton.
-J'ai l'air obèse.
 
Dépité, j'enfile un pull à capuche par dessus le tee-shirt qu'Alana m'a forcé à passer pour ce soir. Oui, ce soir, j'ai finalement accepté un rencard avec Luke après..Multiples tentatives de sa part. Le terme acharné est un euphémisme dans son cas. Mais quoi qu'il en soit, qui dit rencard, dit aussi se promener dehors hors que pour aller au dispensaire. Se promener devant tout le monde, à la merci des regards assassins et jugeurs. Et j'angoisse.
 
-Ash', crois moi. J'te mets à côté de mon père quand il était enceinte de sept mois de Dana, et j'te jure que t'auras l'air d'être un mannequin taille fine. S'exclame Carter, affalée sur mon lit avec ses sœurs. Sa remarque m'arrache un rire.
-Ouai, sauf que je vais être à côté de Luke. Qui lui, pourrait être un mannequin taille-fine. Soufflai-je en me laissant tomber avec précaution sur le lit qui s'affaisse sous mon poids.
-Arrête de râler. S'exclame Alana en venant m'enlacer, poser sa tête sur mon épaule. Je suis sûre que tu vas passer une soirée de rêve.
 
Et j'espère qu'elle a raison.

__________

-Ashton! Luke est là!
 
Nerveux, angoissé comme jamais, je jette un dernier regard à mon reflet, immonde à mes yeux. Que ça soit mon teint pâle, mes yeux vitreux, mes cheveux en pagaille ou même ce surpoids que je me trimballe en permanence. Je suis tout simplement, laid. Sans espoir de pouvoir changer quelque chose à mon image, je quitte finalement ma chambre, avance dans le couloir. Vers Luke, qui me regarde, un fin sourire aux lèvres depuis l'entrée. Quand je suis face à lui, je lui rends son sourire. Et après avoir reçu les vœux de bonne soirée de la famille Tomlinson, il m'entraîne dehors. M'entraîne jusqu'à sa voiture et attend que je sois installé avant de fermer ma portière et d'aller prendre place derrière le volant.
 
-Alors, où tu m'emmènes?
-C'est une surprise. Me répond-il, un rictus au coin des lèvres.
 
Le trajet se fait sans un mot de plus, sans pour autant que l'ambiance soit tendu. Il conduit, et moi, je regarde défiler le paysage tout en tapotant mes genoux au rythme de la musique qui passe à la radio.
 
Curieux, j'observe le décor qui nous entoure lorsqu'il stoppe la voiture. Un parc, on s'est arrêté devant un parc. Mon doute se confirme quand il sort de la voiture et vient m'ouvrir la portière avant même de m'en laisser le temps. Souriant, il me tend une main que j'accepte en lui rendant son sourire. Il m'aide à sortir de la voiture, et encore une fois, avant même que je puisse prendre la parole, il me fait signe de me taire. Et sans rien dire, s'en va vers son coffre qu'il ouvre pour en sortir une couverture et un panier de pique-nique.
 
Un rictus que je ne peux contrôler me monte aux lèvres, et sans mal, j'accepte à nouveau sa main quand il me la tend pour me traîner au travers du parc désert que je découvre pour la première fois. C'est un bel endroit. Comme quoi, je devrai sortir plus souvent.
 
-Un pique-nique hein? Lui demandai-je, quand, au bord du lac, il dépose la couverture.
-Je me suis dit que la foule n'était probablement pas ton truc en se moment. Me répond-il, la malice au fond du regard.
-Bonne déduction.
 
Il rit légèrement, et encore une fois, sans que je ne lui demande, serviable comme il me semble l'être, m'aide à m'asseoir sur la couverture avant de s'y laisser tomber à son tour.
 
-J'espère que tu as faim. Commence-t-il en attrapant son panier. J'ai passé la journée dans la cuisine, ma mère a pété un câble.
 
Il rit, et je le suis de bon cœur.
 
-Je suis un ado de dix-sept ans, enceinte de sept mois. J'ai toujours faim. M'exclamai-je.
-Ça aussi je m'en doutais. Relance-t-il. C'est pourquoi j'ai demandé à Alana ce que tu préfères.
 
Je reste sans voix, parce que c'est..Adorable. Il a fait des efforts, beaucoup d'efforts. Plus qu'aucun garçon n'en ait jamais fait pour moi.
 
-2/2 pour l'instant Monsieur Hemmings.
-Et tu n'as encore rien vu.
 

__________

Après son pique-nique, on a fait le tour du lac qui se trouve au centre du parc. Ma main est restée coincée dans la sienne tout du long. On a parlé, de tout et de rien. Du bébé entre autre. C'est bizarre pour moi d'en parler avec quelqu'un d'autre que les Tomlinson ou le médecin. Pourtant avec lui, c'est naturel. Et après cette petite promenade, qui il faut le dire, m'a laissé les pieds en compote, on est retourné à la voiture. Pendant tout le trajet, j'ai cherché un moyen de rallonger la soirée, parce qu'honnêtement, elle est parfaite. Tout a été parfait, et je n'ai pas envie que ça s'arrête. Là qu'on est sous le porche de la maison, sur le point de se séparer, je ne veux pas que ça s'arrête.
 
-Alors, j'ai relevé le défi? S'exclame-t-il doucement, m'arrachant un léger rire.
-Tu t'en es pas mal sorti.
 
Un large sourire étire ses lèvres avant qu'il n'avance d'un pas, colle son corps au mien, passe une main dans la cambrure de mon dos. Sans rechigner, je passe mes bras autour de son cou lorsque ses lèvres se posent sur les miennes. Parce que j'en ai envie, j'accentue le baiser qui me prend toujours plus au corps avant de tout cesser, à bout de souffle.
 
-Tu..Commençai-je, gêné. Tu veux bien rentrer? Juste un moment.. Lui demandai-je, et sans dire un mot, il redispose, un baiser chaste sur mes lèvres.
-Avec plaisir.
 
La soirée ne touche peut-être pas à sa fin finalement.

__________

-Alors, voyons comment se porte ce bébé. Plutôt active d'après ce que je vois non?
 
Un léger rire m'échappe avant que je n'acquiesce, un large sourire aux lèvres que Danny, la vieille femme qui me sert de gynécologue obstétricienne me rend de bon cœur. Elle continu, d'appuyer, presser mon bas ventre que je suis maintenant dans l'incapacité totale d'apercevoir à part au travers d'un miroir. Mais ces derniers ne sont plus tellement mes amis depuis quelques temps.
 
Une plainte inaudible m'échappe lorsqu'un coup heurte mes côtes, et délicatement, je vais masser quelques instant le haut de mon flan.
 
Je viens d'entamer mon huitième mois de grossesse. Et même si je suis heureux, parce que ça veut dire que bientôt, je tiendrai ma petite fille dans mes bras, j'ai peur aussi. Et si elle naissait prématurée? Et si quelque chose tournait mal? Ces perspectives m'angoissent toujours plus. Je ne me sens plus en sécurité nul part, pas même dans mon lit duquel je me suis déjà imaginé tomber sans douceur. Les pires scénarios me viennent en tête, jours après jours.
 
Après l'échographie, je ne lui demande rien, qu'Harry essuie le gel poisseux qui recouvre mon ventre gonflé avec un mouchoir, et m'aide à me redresser, me lever, un fin sourire aux lèvres. Je lui rends avant de, non pas marcher, mais plutôt me dandiner jusqu'au bureau, où -laborieusement-, je prends place sur une chaise. A peine mes fesses y sont-elles posées que la vieille femme prend la parole à mon égard.
 
-Bon Ashton, tout ce passe bien. Tu as une tension assez haute, ce qui n'est pas rare arrivé à ton stade. Donc, du repos, pas d'efforts inutiles et surtout, évite le stress. Lance-t-elle, et attentif, j'écoute, hoche la tête dès qu'elle relève le regard vers moi, lui rends chacun des sourires qu'elle m'offre. Trop de stress pourrait causer une naissance prématurée, et on ne veut pas ça.
-Non. Confirmai-je, lui arrachant un doux sourire.
-Bien. On se voit le mois prochain alors.

__________

Un soupir de soulagement m'échappe quand Harry se gare finalement dans son allée, et à la hâte, aussi rapidement que je le peux, je me relève, accroché à la carrosserie. Interpellé, je tourne la tête vers Harry lorsqu'un léger rire échappe d'entre ses lèvres.
 
-C'est mal de se moquer.
-Oh, j'en ai pris pour mon grade aussi, crois moi! S'exclame-t-il, et cette fois ci, c'est moi qui rit.
 
Et sans attendre plus longtemps, je vais passer la porte d'entrée qui dévoile un salon désert. Je ne m'y attarde pas, bien trop pressé de virer mes baskets et mon pull. Un pull au mois de juin, c'est un calvaire. Au plus vite, je vais vers ma chambre et manque un arrêt cardiaque quand la porte que je m'apprêtais à ouvrir, s'ouvre, sans douceur et dévoila Alana.
 
-Déjà rentré? S'exclame-t-elle avant qu'un sourire ne se dessine sur ses lèvres charnues. Timing parfait.
-De quoi tu parles? Lui demandai-je, perplexe.
 
Et elle, ne dit rien, me fait un simple clin d'œil avant de retourner dans la chambre où curieux, je la suis. Je la suis, mais me fige aussitôt.
 
-Surprise.
 
Il y a un berceau, une table à langée et un vieux rocking-chair dans un coin de la pièce. Il y a des peluches et des robes minuscules en vrac sur mon lit où sont assises les jumelles.
 
-C'est..C'est quoi tout ça? Demandai-je incrédule, idiot. Et Alana, elle, rit légèrement à mes côtés.
-Un cadeau. Elle va pas dormir par terre et se promener toute nue cette petite, non? S'exclame-t-elle en tapotant doucement mon ventre.
-C'est pas grand chose tu sais. Réplique aussitôt Christy. On a ressorti des vieux cartons du garage.
-C'est..C'est beaucoup, au contraire. Dis-je la voix coincée par ma trachée serrée.
-Hé, pleure pas, tu dois être heureux. S'exclame Alana en me bousculant légèrement.
-J'y peux rien.
 
Un fin sourire orne mes lèvres malgré les larmes qui dévalent mon visage. Et derrière le voile qui recouvre mon regard, j'aperçois sur le lit, une peluche en particulier. Comme hypnotisé, je vais m'asseoir et la prendre en main. Je regarde ce simple lapin blanc, caresse son pelage doux, me meurs face aux souvenirs.
 
-J'en avais un comme ça. Je le trimballais partout jusqu'à mes sept ans. Soufflai-je.
 
Et j'observe, les deux billes bleus qui me renvoient mon reflet, il a changé avec le temps. Mais mes espoirs eux, malgré tout ce que je pensais, sont encore là. Ils m'entourent. Depuis bientôt quatre mois, je vis dans ce monde imaginaire que j'ai délaissé en grandissant. Ce monde parfait sans préjugés, où même quelqu'un comme moi, peut avoir un foyer. Où même quelqu'un comme moi, peut-être aimé.

__________

-Alana, tu peux m'aider s'il te plait? Je vois pas où je mets les pieds.
-Tu veux te baigner?
 
Frustré, pressé j'acquiesce et elle, sort de l'eau pour m'aider à descendre les marches plus que glissantes puisqu'elles sont immergées.
 
-Il va neiger. Souffle-t-elle.
 
Et d'un simple regard, elle comprend qu'il ne vaut mieux pas qu'elle continu sur cette voie. Je ne me baigne jamais en temps normal, mais la pression sur mon corps est trop présente aujourd'hui, sans tenir compte des crampes qui va et viennent depuis ce matin. Autrement dit, je suis de mauvaise humeur.
 
Par chance, comme je l'espérai, l'eau qui m'englobe enlève de la pression, et au mieux, je tente de me détendre, assis sur une des marches. Mais je n'y reste pas longtemps, quand Luke, qui est venu passer la journée avec sa mère, nage jusqu'à moi et m'attrape pour me tirer plus loin.  

-Qu'est ce que tu fou?!

-Détend-toi. S'exclame-t-il en riant. T'es une boule de nerfs.

Plutôt que de lui hurler de me lâcher, j'inspire, expire, jusqu'à être un minimum plus calme. Tout ce passe bien pour l'instant entre nous, s'il y a vraiment un nous, et je ne veux pas gâcher ça à cause d'un mauvais jour.

-Désolé. Soufflai-je. Je suis pas en forme aujourd'hui.

Sur ces mots, une crampe me prend au corps, me laisse me crisper et retenir mon souffle quelques secondes sous le regard de Luke qui se fait tout de suite plus soucieux.

-Ça va? S'enquit-il, et incertain, j'acquiesce.

-Ça va. C'est juste..Des crampes. J'en ai depuis ce matin.

-Ash', t'es sûr que c'est des crampes?

A peine prononce-t-il ces mots qu'un éclair suivit de son tonnerre déchire le ciel J'oublie sa question, focalisé sur le ciel entrain de s'assombrir.

-On devrait rentrer.

Il n'y répond rien, nage jusqu'aux marches, un bras autour de mon torse et m'aide à sortir. Tout juste sommes-nous tous à l'intérieur que la pluie s'abat avec violence.

-Quel temps de merde. S'exclame Alana.

Et sans même lui accorder un regard, j'acquiesce avant de faire mon chemin jusqu'à ma chambre pour me débarrasser de mon short et tee-shirt trop large qui me colle maintenant au corps. Je me change, mais me tord de douleur, tombe à genoux la seconde qui suit. Un cri muet passe outre mes lèvres et la peur s'empare de moi. La douleur vive se n'estompe pas, me brûle, me tord les entrailles si bien que j'en pleure.

-Alana.. ALANA!

J'ai les sens coupés. C'est tout juste si j'entends la porte qui s'ouvre à la volée, les pas précipités qui accourt vers moi. C'est tout juste si je la vois sous le rideau de larmes qui voile mon regard.

-Ash', qu'est ce qu'il t'arrive?

Je sens ses mains fraîches sur mon front où commence à perler la sueur. J'entends la panique dans sa voix, mais la douleur me coupe la voix, et rien ne passe outre mes lèvres à part des plaintes minimes.

-Bon sang.. PAPA!

Un éclair déchire le ciel, ma vue, le tonnerre cache et efface les paroles dites que je ne perçois pas. Il dissimule le cri qui déchire ma gorge et mes poumons lorsque la douceur s'accentue toujours plus.

-Luke aide moi à l'allonger sur le lit. Alana va chercher Cassie.

Des bras passent sous les miens, me relèvent, et bien vite, je quitte le sol pour me retrouver sur le matelas. En ouvrant les yeux que j'avais fermé, je découvre le visage de Luke, soucieux, concerné. Je sens sa main, ses doigts dans mes cheveux, et j'essaie de me concentrer là dessus plutôt que sur le tiraillement que je ressens dans mon bas ventre.

-Qu'est ce qu'il se passe?

La voix d'Harry m'interpelle, et plus vite que de raison, je vire mon regard vers lui.

-Le bébé arrive je crois. Répond Louis.

Et même si je m'en doutais, le fait de l'entendre, c'est pire que tout.

-Elle ne doit pas naître avant deux semaines! M'exclamai-je finalement, à bout de souffle.

-On doit aller à l'hôpital. Réplique aussitôt Harry, et j'acquiesce vivement, mais Louis lui, déni.

-Avec ce temps c'est du suicide. Et honnêtement, je ne pense pas qu'on ait le temps.

-Qu'est ce que tu suggères?

Il va pour répondre, mais est interrompu lorsqu'un cri que je saurai retenir passe outre mes lèvres, et tordu de douleur, je me recroqueville.

-Il me faut des serviettes humides, et tes anciens anesthésiants. Je vais le faire.

 
___________

-Je ne veux pas accoucher ici!

-On a pas le choix mon grand. Je suis vraiment désolé. Mais tu dois te détendre. Me répond d'une voix douce Harry.

Un fin sourire aux lèvres, il éponge mon front avec une serviette. Un drap recouvre déjà mes jambes dénudées, et je meurs de peur. Je ne suis pas prêt.

-Je sais que tu as peur. Reprend-il, comme s'il lisait dans mes pensées. Mais crois moi, quand tu tiendras ta fille dans tes bras, tu comprendras que tout ça en valait la peine. Je le sais, je l'ai vécu pour Alana, et pour chacun de mes enfants. J'étais autant effrayé que toi, à chaque fois. Tente-t-il de me rassurer, mais..

-Vous n'étiez pas tout seul.

-Oh Chaton. Souffle-t-il, un fin sourire aux lèvres. Tu ne l'es pas non plus.

Je n'ai pas le temps de réfléchir que la porte s'ouvre sur Louis et Cassie, plus sérieux que jamais. Cette dernière approche, s'assoie au bout du lit avant d'attraper le bout du drap qui me recouvre, le regard encré au mien.

-Je peux?

Est ce que j'ai le choix? Sans dire un mot, gêné, je remonte les genoux et écarte les jambes alors qu'elle relève le drap pour observer ce qui se trouve en dessous. Rongé par la honte, je ferme les yeux et préfère me concentrer sur la douleur qui me tord les tripes plutôt que sur sa main gantée en contact avec mes 'parties intimes'.

-Je pense qu'on y est Louis.

-D'accord. Souffle ce dernier en allant prendre sa place. Va chercher une bassine, des ciseaux et..Tout ce qu'il faut. Tu connais ton travail.

-Comme le fond de ma poche.

Elle s'en va, et Louis lui, balance son regard vers moi, m'adresse un sourire compatissant.

-Tu es prêt?

Non.

-Oui.

Harry prend ma main dans la sienne, et sous les ordres de Louis, je commence à pousser. La douleur me déchire, me tiraille et il me semble sentir les doigts d'Harry craquer sous la pression des miens. Pendant ce qui me semble être une éternité, le manège dure, mes cris font écho à l'orage qui ne cesse.

-Tu t'en sors bien, elle est presque là.

Quand il me le cri, je pousse, serre de ma main valide le drap, à bout de souffle, de force. Puis, plus rien. Je ne vois, ne ressens plus rien. La seule chose qui arrive jusqu'à moi sont ces cris aiguë, perçant. Les premiers cris de ma fille.

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 C'est irréel. Elle est irréelle. Et pourtant, elle est bien là, endormie à mes côtés. Ce sont ses cheveux, sa peau d'une douceur irréelle que je caresse. C'est mon plus bel espoir.

-Toc toc..On peut entrer?

Un fin sourire me monte aux lèvres en voyant Christy passer la tête par l'entrebâillement de la porte. Vivement, j'acquiesce, et après elle, suit le reste de la famille, Luke et sa mère.

-Bon sang Ashton, elle est magnifique. S'exclame Alana, en suspend au dessus de ma fille.

-Elle est toute petite. Réplique Christy.

Les commentaires fusent, mais je n'y prête plus attention quand une plainte passe les lèvres de mon bébé entrain de se réveiller. Et avec douceur, je la prends dans mes bras, comme le bien le plus précieux, le plus fragile.

Ses yeux pour l'instant sans couleur semble s'encrer aux miens, à mon regard qui s'embue toujours plus de larmes à la vue de tant de beauté, tant d'innocence.

-Et comment elle s'appelle? Me demande Luke, m'arrachant un doux sourire.

-Hope. Elle s'appelle Hope.

Elle est tout ce que j'espérais.

 
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 A ma petite fille,
 
J'ignore quel âge tu as maintenant que tu lis ça. J'ignore encore ce qu'est, ce que sera ta vie. Ce que je sais pour l'instant, c'est que je suis heureux. Je suis heureux de te porter, de te sentir vivre en moi. Et je n'ai qu'une hâte, te prendre dans mes bras. Te protéger du monde parfois trop dur, et t'en montrer ses meilleurs côtés. Je ne peux pas te promettre le bonheur, mais ce que je te promets, c'est que tu seras toujours aimé, tu auras toujours un foyer, des personnes pour prendre soin de toi. J'y consacrerai ma vie. Je ne peux pas t'offrir le monde, mais je peux t'offrir mon monde. Un monde sans préjugés où tu pourras être toi même, sans peur, sans crainte. Je te promets que tu ne grandiras pas comme moi, à la merci des regards assassins. Je te promets que je te protégerai, comme je le fais depuis déjà neuf mois. Et n'oublies jamais, que jamais personne, ne t'aimera plus que moi.
 
Voilà, j'ai hâte de te rencontrer, mon bébé miracle. Mon plus bel espoir.

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@SevreenM est l'auteure de cet OS

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