Le dernier Patronus
Percy Weasley avançait d'un pas empressé dans la rue sombre. Il déglutit péniblement en ajustant avec nervosité sa cravate étouffante. Ses cheveux roux flamboyants, son chic costume rayé et son allure officielle ne l'aidaient pas à passer inaperçu dans la sinistre Allée des Embrumes, et la sueur qui perlait sur son front ne venait pas seulement de la moiteur étouffante de l'atmosphère.
Sur ordre du ministre de la magie, Rufus Scrimgeour, Percy avait perquisitionné la maison d'un sorcier suspecté d'être entré en contact avec des Mangemorts. Les deux Aurors qui accompagnaient Percy ayant emmené l'accusé en garde à vue, le troisième fils des Weasley se trouvait donc seul dans ces rues mal-famées.
Bien sûr, il aurait pu rentrer directement à son petit appartement en transplanant, mais il ressentait un besoin viscéral de voir, même de loin, des membres de sa famille. La boutique de farces et attrapes de ses jeunes frères Fred et George se situait à quelques rues de là. Percy souhaitait seulement les apercevoir, s'assurer qu'ils s'en sortaient en ces temps troublés. Transplaner juste devant leur magasin attirerait inévitablement l'attention, or Percy ne souhaitait en aucun cas se donner en spectacle. Une dispute avec sa famille l'avait déjà fait déménager, inutile d'envenimer la situation.
Il gagna avec un soulagement mal dissimulé le Chemin de Traverse. La plupart des boutiques étaient vides. Les vitres brisées et l'intérieur sombre montraient clairement leur abandon, volontaire ou forcé. Le retour de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom, un an auparavant, s'annonçait définitivement catastrophique pour le ministère qui peinait à maintenir l'ordre chez les sorciers paniqués.
Percy fut tiré de ses pensées par une explosion de couleurs qui agressaient la rétine au premier coup d'œil. Il ne put réprimer un sifflement admiratif devant l'imposante boutique Weasley, Farces pour sorciers facétieux. Des objets de tout genre clignotaient, bondissaient, hurlaient, comme si leur but était d'aveugler quiconque aurait l'audace de s'aventurer trop près. Une foule de sorciers se pressaient à l'entrée du magasin bondé. Visiblement, les jumeaux n'avaient pas de mal à prospérer dans l'ambiance pesante qui régnait sur la population. Une immense affiche violette s'étalait sur la vitrine de droite, clamant en lettres jaunes étincelantes :
Vous avez peur de Vous-Savez-Qui ?
Craignez plutôt POUSSE-RIKIKI,
le conspirateur magique qui vous prend aux tripes !
Percy serra les poings lorsqu’une bouffée de colère l’électrisa. De quel droit Fred et George se moquaient-ils ainsi des mesures de protection appliquées par le ministère ? En effet, ce dernier avait distribué à tous les sorciers des brochures intitulées "Comment protéger votre maison et votre famille contre les forces du mal" qui abordaient exactement la même teinte violette foncée. Des affiches placardées un peu partout sur le Chemin de Traverse recommandait des mesures de précautions similaires, mais elles faisaient bien pâle figure à côté de celle de la boutique Weasley, Farces pour sorciers facétieux.
Un groupe de sorciers particulier sortant du magasin lui fit instantanément oublier sa colère envers ses frères jumeaux. Il se composait du prétendu Élu, le célèbre Harry Potter, la brillante étudiante Hermione Granger et le garde chasse de Poudlard, un demi-géant nommé Rubeus Hagrid. Le cœur de Percy se serra sous l’effet du remord à la vue de ses parents Molly et Arthur Weasley, de son petit frère Ron et enfin, de la benjamine, Ginny.
Percy avait toujours préféré Ginny au reste de la fratrie. Tous possédaient leur caractère bien différents les uns des autres, mais il trouvait Bill trop aventureux, Charlie trop téméraire, Fred et George trop irrespectueux et Ron, trop paresseux. Avec son caractère têtu mais adorablement sensible, Ginny donnait envie à son frère de la protéger, comme lorsque le basilic attaquait les élèves pendant de la cinquième année du cadet des Weasley. A présent, sa petite sœur allait également entamer sa cinquième année. Elle grandissait tellement vite… Percy aurait voulu la garder sous son aile plus longtemps.
Déjà, le groupe s’éloignait en direction du Chaudron Baveur. Percy poussa un léger soupir de soulagement. Il ne sentait pas le courage de faire face à sa famille après toutes les horreurs qu’il leur avait jeté à la figure avant de quitter la maison, un an auparavant. Que son père puisse croire que l’ancien ministère de la magie, Cornelius Fudge, l’avait engagé comme assistant personnel uniquement afin de surveiller les alliés de Dumbledore l’avait profondément blessé. Lorsqu’il avait accepté ce poste, Percy pensait seulement obtenir assez d’argent pour aider sa famille ! Bien sûr, l’ambition l’avait également poussé à se réjouir. Cependant, après la dispute marquant la rupture avec sa famille, Percy avait envisagé d'abandonner le poste et retourner chez lui pour présenter ses excuses. Mais sa fierté - et sa lâcheté - l’en avaient empêché. Alors, la mort dans l’âme, il travaillait avec acharnement pour se changer les idées.
- Percy ? l’appela une voix douloureusement familière.
- Qu’est-ce que tu fais là ? ajouta froidement une autre, indissociable à la première.
Percy s’arma de courage pour faire face à ses deux interlocuteurs.
- Bonjour, Fred, bonjour George.
Les trois frères restèrent plantés au milieu de la rue, à s’observer comme des chiens en faïence. Visiblement, aucun d’eux ne savait quoi dire.
- Vous… Les affaires ont l’air de bien marcher, articula finalement Percy d’une voix rauque.
- Tu veux nous acheter quelque chose, Perce ? fit Fred avec un enthousiasme forcé.
- Les boîtes à Flemme sont en promotion. Si tu en as marre du travail, cette merveille peut te permettre de trouver une excuse parfaite pour t’accorder un jour ou deux de congé !
Percy se raidit. Ses doigts se contractèrent sur la poignée de sa mallette frappé du sceau du ministère et il répondit d’un ton glacial :
- Non, merci.
Aussitôt, il se sentit stupide. Était-ce si compliqué de se montrer agréable avec sa famille, de s’excuser ? Fred et George semblaient prêts à lui pardonner, mais Percy peinait à exprimer ses sentiments, comme une vieille horloge grinçante dont les aiguilles passaient péniblement d’un chiffre à l’autre avec une régularité rassurante mais exaspérante.
- Besoin d’une plume vérificatrice d’orthographe ? poursuivit Fred.
- J’imagine que notre cher ministre ne doit pas être très heureux de voir des fautes d’orthographe dans ses rapports, renchérit George.
La mâchoire de Percy grinça lorsque ses dents s’entrochoquèrent sous le coup de l’énervement. Les jumeaux n’arrêteraient donc jamais leurs blagues parfois offensantes ?
- George, voyons, évidemment que Perce fait attention à rendre des rapports parfaits, sans une seule tâche d’encre !
- Au fait, enchaîna George sur le ton de la conversation, tu aimes nos affiches sur le Pousse-Rikiki ?
Mi-choqué mi-furieux, Percy ne sut quoi répondre. Fred donna un coup de coude à son jumeau.
- Bien sûr, il les adore !
Au même moment, une employée en robe magenta appela George qui prit congé de ses deux frères et partit au pas de course. Percy se sentit soudain ridiculement guindé dans sa tenue formelle, devant la boutique frivole.
- Bon… marmonna-t-il, je vais y aller…
- Ouais, j’imagine que tu as énormément de travail au ministère, surtout pour interroger des personnes innocentes… Dommage que t’en oublies les choses plus importantes.
Ce fut la pique de trop pour l’ambitieux jeune homme épris de son travail qui dominait Percy. Il sortit sa baguette magique et la brandit sur Fred en rugissant :
- Ne m’insultes pas !
A son tour, Fred dégaiga sa baguette.
- T’insulter ? Je dis seulement la vérité ! Tu as abandonné ta famille pour un fichu poste près du ministre !
Toute trace de malice avait quitté son visage habituellement farceur, remplacé par une expression haineuse.
- Maman a pleuré pendant des jours ! Papa a dû travailler d’arrache-pied !
Un attroupement se formait autour des deux frères qui n’y prêtèrent aucune attention, préférant se toiser avec rage pour l’un et dégoût pour l’autre. Sans réfléchir, Percy cria :
- Vous n’êtes plus ma famille !
Quelques passants reculèrent, effrayés, tandis que d’autres s’éclipsaient précipitamment, de peur de faire les frais d’un éventuel duel.
- Ah oui ? Et bien tant mieux ! hurla Fred, le visage déformé par un trop-plein d’émotions contradictoires.
Percy regrettait déjà profondément ses paroles, mais comme d’habitude lorsqu’il s'agissait d’exprimer ses remords, il ne trouva rien de mieux à faire que d'envenimer la situation.
- Je me bats tous les jours contre votre réputation lamentable au ministère ! Mais ça, vous ne savez pas ce que c’est ! À part moi, personne n’a jamais eu aucune ambition dans cette famille !
- Tu me dégoûtes, lança Fred avec répulsion. Je suis content de ne pas avoir un crétin pareil comme frère. Même Ginny te déteste !
Percy se figea. Fred avait réussi à toucher une corde sensible, très sensible. Ginny…. Sa petite Ginny le détestait… Impossible… En rogne, il s’écria :
- Flipendo !
Fred voltigea dans les airs avant de s’écraser contre la vitrine de droite, sonné. La vitre explosa en milliers de morceaux qui se répandirent partout dans la rue. Percy sentit à peine les éclats de verre s’enfoncer dans sa peau lorsqu’il courut au chevet de son frère, catastrophé par son geste exagéré. Avant qu’il ne puisse s’assurer que Fred allait bien, une baguette s’enfonça dans son torse. Levant les yeux, il vit George qui le tenait en joue. Une fureur terrifiante animait le visage du jeune homme d'ordinaire gai et farceur.
- Dégage, ou je te jette un sort dont tu ne te remettras pas.
Déchiré entre la peine et le désespoir, Percy jeta un coup d'œil à Fred. Celui-ci se redressait péniblement. Des éclats de verre dépassaient de sa chair entaillée, ce qui ne l’empêcha pas de se joindre à son jumeau.
- Tu as entendu ? siffla George, plus menaçant que jamais. Dégage !
Alors, Percy tenta de leur transmettre toutes ses émotions à travers un dernier regard, puis il transplana au milieu des sorciers stupéfaits.
Il atterrit devant un recoin sombre d'une rue. Il s’empressa de s'engouffrer dans l’immeuble où il logeait et gravit quatre à quatre les escaliers mal éclairés avant de déverrouiller fébrilement la porte de son petit appartement bardée de sortilèges. Il entra en trombe et, sans prendre le temps de s’essuyer les chaussures ni d’enlever sa veste, se laissa glisser le long du mur. Pour une des rares fois de sa vie, Percy éclata en sanglots. Des larmes brûlantes et salées dévalèrent ses joues bouillantes, telles un torrent furieux renversant les plus solides barrages.
Chaque mot prononcé par Fred lui transperçait le cœur comme des milliers de poignards acérés. Les phrases tourbillonnaient dans son esprit : “dégoûte”, “content de ne pas avoir un crétin pareil comme frère”, “Ginny te déteste”.
Percy gémit lamentablement. Il avait honte, terriblement honte… Il se sentait tellement misérable… Il était un fils ingrat, un frère indigne et une horrible personne.
La culpabilité le dévorait tout entier, lui déchirait les entrailles. Il fut pris d’une nausée si violente qu’il se demanda s’il n’allait pas vomir là, sur le carrelage immaculé de l’entrée.
Suffoquant, il ôta sa veste, dénoua sa cravate et saisit sa mallette puis les jeta au loin comme il aurait volontiers jeté la peine qui le rongeait comme une maladie incurable.
Percy ouvrit la bouche et poussa un hurlement rauque, mélange de frustration et de colère - dirigée contre lui-même plus que sa famille.
Pour une énième fois depuis qu’il avait quitté le domicile familial, il remit sérieusement en question la décision du Choixpeau magique. Pourquoi avait-il tenu à l’envoyer à Gryffondor ? Le courage ? Percy n'en possédait pas le centième de celui des autres Weasley. La détermination ? Percy n’arrivait même pas à se décider entre sa famille et sa carrière. La bravoure ?
Percy arrêta de se voiler la face. Lâche et faible, voilà ce qu’il pensait de lui. Un lâche qui abandonnait ses proches au bord d'une période sombre. Un lâche qui se réfugiait auprès du ministère pendant que ses proches luttaient pour la juste cause.
Ces constats le frappèrent de plein fouet, mais cette gifle lui fit du bien. Le temps d'honorer sa maison et sa famille était venu. Une expression de farouche détermination remplaça l’air malheureux au possible qui déformait son visage sévère.
Percy se releva péniblement. Il tituba en direction de la cuisine où il essuya rageusement ses joues trempées de larmes. Il saisit le cadre de bois verni qui trônait sur la table en marbre. La photographie animée de couleur vive représentait la famille Weasley devant une pyramide égyptienne.
Son pouce humide effleura la surface, balayant la fine couche de poussière qui recouvrait le verre. Les fins grains grisâtres votligèrent sous la lumière du soleil, tels des milliers de minuscules lucioles. Derrière cette brume dorée, les membres de la famille Weasley faisaient des grands signes de la main.
Cette image datait de la septième année de Percy, celle où il avait été nommé préfet-en-chef. D’ailleurs, il se tenait à droite du cliché, bombant fièrement le torse, son insigne de préfet-en-chef et ses lunettes à la monture d'écaille étincelant sous le soleil d’Egypte. Visiblement, l’ambition et la fierté le dominaient déjà. Ses cheveux roux soigneusement coiffés renforçaient son sérieux. Malgré ça, un grand sourire éclairait son visage, démontrant son bonheur de partager ce moment en famille. Molly tenait le bras d’Arthur, radieuse. Bill tapait dans le dos de Charlie en s’esclaffant. Fred et George encadraient la famille, leur éternel air farceur collé au visage. Ron enlaçait Ginny tandis que Percy gardait une main posée sur l’épaule de sa petite sœur.
Percy serra la cadre à tel point que les jointures de ses mains blanchirent. Peu importe le prix à payer, sa décision était prise.
***
Percy courait à perte d’haleine dans le tunnel sombre, focalisé sur une seule pensée : sa famille. Une pierre sur le sol inégal le fit trébucher, mais il se rétablit et reprit sa course, plus déterminé que jamais. Au ministère, les choses avaient dégénéré. Des combattants envoyés par Pius Thicknesse, le nouveau ministre de la magie, se regroupaient en ce moment même à Pré-au-Lard pour investir le château de Poudlard. Percy avait profité d’un moment d’inattention pour s'éclipser et trouver refuge chez le patron du bar "la Tête de Sanglier", lequel s’était révélé un précieux allié de l’Ordre du Phénix. A présent, Percy cavalait dans un tunnel en terre battue censé le mener dans une salle secrète de Poudlard.
Il gravit quatre à quatre une volée de marches. Son pied buta contre la dernière et il s’étala de tout son long sur un parquet de bois verni. Il se releva sans prendre la peine de réajuster ses lunettes sur son nez et se laissa tomber sur une chaise. Un rapide coup d'œil à la salle lui permit de comprendre que plusieurs personnes vivaient ici, probablement des élèves de Poudlard. Des tapisseries à l'effigie des maisons Gryffondor, Serdaigle, et Poufsouffle ornaient les murs, éclairant la pièce de leurs couleurs chaleureuses. Une trentaine de hamacs pendaient de partout, des livres trainaient hors des bibliothèques désorganisées, des balais prennaient appui contre les murs et une grande radio en bois crachotait des informations dans un coin. L’endroit avait l’air d’une cabane soigneusement aménagée avant de se transformer au fil des jours sous le présence de ses habitants.
- J’arrive trop tard ? balbutia Percy. C’est déjà commencé ? Je suis venu aussi vite que j’ai pu, et je… je…
Le silence s'abattit sur la salle lorsqu’il remarqua qu’outre un ancien professeur de défense contre les forces du mal nommé Remus Lupin et le célèbre Harry Potter, sa famille presque au complet se tenait face à lui. Ses parents, Molly et Arthur, le dévisageaient avec un mélange d’espoir et de chagrin. Ginny paraissait ahurie. Fleur Delacour, visiblement mal à l’aise, engagea la conversation avec Lupin et Harry tandis que Bill, son mari, fronçait les sourcils. Fred et George abordaient un air glacial presque hostile.
Aucun des membres de la famille Weasley ne bougeait. On aurait pu les confondre avec des statues tant leur immobilité était saisissante. Le silence pesait plus lourd que du plomb tant l’atmosphère était glacée.
Percy avait tellement de choses à dire : des excuses, des informations, des excuses, des recommandations, des excuses, des supplications, et encore des excuses… Ces deux dernières années, il avait passé son temps à récolter le maximum d’informations possible pour les consigner. Les confier aux alliés de Dumbledore exigeait que Percy perde sa couverture au ministère ; or, à chaque fois qu’une occasion se présentait, Percy se défilait en se persuadant qu’il pouvait encore obtenir des informations importantes. A présent, il était trop tard. L’heure des combats avait sonné.
Le silence glacial devint insupportable. Percy rugit :
- J’ai été un imbécile ! Je me suis conduit comme un idiot, comme une andouille prétentieuse, j’ai été un… un…
Il s’interrompit pour chercher les mots justes qui dénonceraient ses actes indignes. Fred l’aida à achever sa phrase.
- Un crétin adorateur du ministère, assoiffé de pouvoir et déloyal envers sa famille.
Percy déglutit. Admettre son comportement et s’en excuser était une chose, se prendre ces paroles venant de son frère en pleine figure en était une autre. Néanmoins, se réconcilier avec sa famille lui tenait à cœur plus que tout.
- Oui, voilà ce que j’ai été !
- Tu ne saurais mieux dire, répliqua Fred en lui tenant la main, son air froid fondant comme neige au soleil.
Percy la serra avec précaution tandis que George lui adressait un discret clin d'œil. Mille et une émotions se bousculaient à l’intérieur de son crâne. Il savait que sa famille comptait parmi les plus généreuses personnes qu’il n'ait jamais connu, mais de là à ce que Fred puisse lui pardonner après seulement quelques excuses ? Percy ne le méritait pas.
Sa mère fondit en larmes et se jeta sur Percy pour le serrer si fort dans ses bras qu’elle faillit l’étouffer. Il plongea le visage dans son cou pour humer son odeur réconfortante de terre, de laine et de pomme, submergé par l’émotion. Il recula ensuite la tête, décidé à affronter le regard de son père.
- Je suis désolé, Papa, murmura-t-il.
Arthur battit frénétiquement des paupières et se joignit à l'étreinte.
Dans les bras de ses parents, Percy avait l’impression de redevenir un enfant, quand ses seuls soucis constituaient à savoir où était passé son livre préféré et le menu du jour. George l’arracha de cette bulle.
- Qu’est-ce qui t’as rendu la raison, Perce ?
Après quelques explications, une blague de George et un rapide salut à Fleur, Molly et Arthur décidèrent que Ginny resterait dans la salle pendant les combats. Percy approuvait cette décision. S’il avait pu, il aurait même enfermé tous les membres de sa famille dans cette salle, en sécurité. Au lieu de ça, il hocha la tête avec détermination et partit vers le parc en compagnie de Fred, George et Bill.
Une brume glaciale les fit ralentir dès qu’ils sortirent à l’air libre. Une centaine de Détraqueurs se pressaient dans le parc, avides d’aspirer ces âmes pleines de sentiments afin de semer le désespoir derrière eux.
Percy sentit son corps s’engourdir. L’atmosphère s’était figée, plus immobile que le roc. Il tenta d’inspirer, mais l’air sembla se solidifier autour de lui. Les grandes silhouettes encapuchonnées s’avancèrent par vagues en ondulant dangereusement. Les râles de leur respiration semblaient être la seule source de bruit dans le parc déserté par l’humanité.
Percy savait ce qu’il devait faire, mais il en était incapable. Le sortilège du Patronus réclamait une puissance magique et des souvenirs assez heureux pour contrer la détresse infligée par les Détraqueurs, ce qu’il ne possédait pas.
Un sourd désespoir s'insinua à travers les pores de sa peau et envahit lentement son esprit comme un poison mortel. A quoi bon se battre ? Ils n’avaient aucune chance contre les Mangemorts. Au loin, quelqu’un cria son nom. Plus l’espace entre les Détraqueurs et leur victime se réduisait, plus l’espoir qu’avait ressentie Percy quelques minutes auparavant s'amenuisait.
- Spe.. Spero Patronum… marmonna-t-il, incapable de penser à quelque chose d’heureux.
Un Détraqueur s’arrêta devant Percy, flottant au-dessus du sol comme un rapace prêt à fondre sur sa proie, projetant son ombre mortelle sur sa prise piégée. Les pires souvenirs de Percy se bousculèrent dans sa tête. Il revit Pénélope Deauclaire, son ancienne petite-amie, fixer le vide sur son lit d’infirmerie, réduite à l’état de statue par le Basilic. Percy tomba à genoux. Il revit les professeurs lui annoncer, l’air grave, que l’héritier de Serpentard avait capturé Ginny et comptait la tuer. Le Détraqueur releva lentement son capuchon de ses mains immondes recouvertes de croûtes. Percy revit Lucius Malfoy plaisanter sur l’hospitalisation d’Arthur à Sainte Mangouste. Le Détraqueur se pencha lentement vers Percy. Il se revit cracher des insultes à sa famille avant de partir en claquant la porte, laissant derrière lui son père choqué, sa mère en larmes, ses frères furieux et sa petite sœur hargneuse. Le Détraqueur approcha le trou béant qui lui servait de bouche du visage de Percy, soufflant son haleine putride. Percy revit Fred s’écraser contre la vitre, les morceaux de verre brisé voler dans tous les sens, les jumeaux se liguer devant lui, le frère indigne de la famille. Le Détraqueur posa sa bouche sur le visage de Percy. Incapable de résister, il se laissa faire, comme le pantin dépourvu de volonté qu’il était, et l'enveloppe corporelle dépourvu d’âme qu’il serait bientôt.
- SPERO PATRONUM !
Une pie argentée surgit et obligea le Détraqueur à battre en retrait à coup de bec furieux. Elle voleta autour de Percy, réchauffant l’air comme s’il était dans un cocon de chaleur douillette. Il reprit lentement sa respiration, à genoux sur le sol en terre. Il ne s’était même pas aperçu qu’il était tombé. Au fur et à mesure que la pie le survolait, les couleurs lui apparurent plus vives. Il entendait de nouveau son cœur battre avec force sous sa poitrine pleine de vie. L’odeur de terre et de vent frais lui emplit délicieusement les narines. Le contact du sol se rappela à lui par un sentiment de sûreté, de solidité. C’était comme si ses sens renaissaient après avoir été réduits en cendres, tels des phénix.
- Hé, Perce ! lança une voix joyeuse. Tu viens ?
Percy réalisa que Fred lui tendait la main pour l’aider à se relever. La pie argentée vint se poser silencieusement aux pieds du plus jeune frère et se mit à sautiller autour des deux rouquins d’air moqueur.
- Fred… Tu m’as sauvé la vie.
Percy lui-même n’aurait su dire s’il s’agissait d’une question ou d’une affirmation, mais Fred hocha la tête, un large sourire sur la figure. Percy prit la main de son frère et se remit sur pied. Encore chancelant, il se jeta sur Fred pour le serrer avec force dans ses bras.
- Fred… Je suis vraiment désolé, pour tout… J’ai perdu mon sang-froid, je sais que je n’aurais jamais dû, je m’en voudrait pendant chaque jour de ma vie et…
Fred le fit taire en lui rendant son étreinte, le gratifiant au passage d'une tape affectueuse dans le dos.
- T’en fais pas pour ça, Perce. Je n’aurais jamais cru possible que tu puisses t’excuser à ce point-là, ça me suffit. Et puis, tu sais... Avec George, on a rien dit sur ta petite visite au magasin a Papa et Maman pour éviter qu'ils soient encore plus en colère contre toi.
La gorge de Percy se noua. Il était extrêmement touché par ce geste.
- Il n’existe pas de termes pour décrire à quel point j’ai été horrible… murmura-t-il d’une voix enrouée.
- Perce… Tu vas finir par me briser les côtes à force de me serrer trop fort.
Percy se détacha aussitôt, prêt à s'excuser, mais une étincelle de malice brillait dans les yeux bruns de son frère.
- Bon, il faut aller retrouver les autres ! George et Bill sont là-bas, l’informa Fred en désignant deux silhouettes aux cheveux roux qui leur adressaient de grands signes de la main. Je ne pense pas que mon Patronus va réussir à repousser tous les Détraqueurs qui veulent notre peau, alors je vais avoir besoin d’un coup de main.
Percy se figea. Il avait oublié qu’une centaine de Détraqueurs les entouraient, attendant la moindre faiblesse de la pie argentée pour semer de nouveau le désespoir dans l’esprit de leurs victimes.
- Allez, Perce, fais nous un beau Patronus !
- Je… J’ai déjà essayé, je te jure, balbutia-t-il. Je me suis entraîné des centaines de fois ! Tout ce que j’arrive à produire, c’est un truc argenté qui se dissipe aussitôt…
- Essaye encore !
Percy déglutit en raffermissant sa prise sur sa baguette. Il choisit de penser au moment où il avait reçu sa lettre de Poudlard lui annonçant qu’il avait décroché le poste de Préfet-en-Chef.
- Spero Patronum !
Un mince filament grisâtre sortit de sa baguette avant de s’estomper dans l’air.
- Pense à un souvenir heureux, conseilla Fred. Par exemple, quand tu as su que George et moi allions ouvrir une boutique de farces et attrapes !
Percy sourit faiblement et décida de se concentrer sur les instants volés dans le château qu’il avait partagés avec son ancienne petite amie, Pénélope.
- Spero Patronum !
Cette fois-ci, la brume était plus épaisse et resta quelques instants en suspension dans l’air avant de s’évaporer.
- C’est mieux ! l’encouragea Fred. Tu progresses, mais je crois qu’un souvenir plus puissant sera quand même nécessaire.
Percy hocha la tête avec détermination et fouilla avec résolution dans sa mémoire à la recherche du précieux souvenir qui l’aiderait à former son Patronus.
Sa famille. Il devait chercher un souvenir heureux avec sa famille, des gens assez sincères et généreux pour créer le plus puissant des Patronus.
Après ce qui lui semblait une éternité, il se décida. Lorsque sa petite sœur Ginny avait été sauvée de la Chambre des Secrets, les neufs membres de la famille Weasley avaient fêté ça par un beau repas ponctué de rires et de bonne humeur. Le tableau de sa famille réunie, mangeant dans un joyeux bazar, pourrait permettre à Percy de décrocher la lune pour ceux qui lui étaient chers. Il s’agissait d’une scène simple et éphémère, mais c’est ce qui en faisait sa pureté et sa puissance.
- SPERO PATRONUM !
Une moufette argentée jaillit de l’extrémité de sa baguette et se mit à sautiller joyeusement autour des deux frères avant de se volatiliser. Percy était partagé entre l’euphorie d’avoir réussi et le découragement suite à la brève durée du sortilège.
- Génial, Perce ! s’exclama Fred. Vas-y, recommence !
Percy répéta l’opération, et cette fois-ci, la moufette se campa à ses côtés comme un fidèle garde du corps.
Escortés par leurs Patronus insolites, les deux frères s’empressèrent de rejoindre Bill et George sans plus se préoccuper des Détraqueurs.
***
Tout était fini. Ils avaient gagné. Pourtant, Percy avait l'impression d'avoir perdu. Une des lumières de sa vie s'était éteinte, creusant un trou béant dans son cœur fraîchement réparé.
Il avait été le premier de la famille à pardonner Percy… Percy avait même réussi à créer son premier, mais aussi son dernier Patronus grâce à lui… Quelques heures auparavant, il blaguait joyeusement avec Percy… Il avait arrêté le combat pour sourire à Percy… Mais il avait disparu sous l'explosion, laissant Percy avec son chagrin… Et à présent, il était étendu sur ce sol froid, dépourvu de vie…
Fred Weasley était mort.
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NDA
Nombre de mots : 4504
Cet OS est pour le concours de lectrice-de-poudlard, sur le thème de la dispute et la réconciliation.
J'ai pris énormément de plaisir à l'écrire (et aussi beaucoup de galère), donc j'espère qu'il vous plaira !
J'aurais dû le préciser au début, mais n'insultez pas trop Percy dans les commentaires, par pitié. Le but de cet OS est de redorer l'image de Percy sans l'idéaliser : il est humain, il fait des erreurs et a des sentiments. Désolé pour ceux que j'ai bouleversés en rappelant la mort de Fred, mais j'étais obligé de mettre un mort...
Le titre "Le dernier Patronus" fait aussi bien référence au dernier Patronus qu'à réalisé Fred avant de mourir que celui de Percy, qui n'arrivera peut-être plus jamais à lancer ce sort...
D'ailleurs, le Patronus de Percy, une mouffette, n'est pas pris au hasard. Les significations de la mouffette que j'ai choisi ici sont : la suffisance, la solitude, la tranquillité, la stabilité, l'attitude pompeuse. Si on la provoque, il faut se préparer à l'affronter. Enfin, une phrase que j'ai lue lors de mes recherches m'a vraiment attirée : "Quand votre cœur sera heureux, vous serez capable de faire des changements dans votre vie et vous serez donc prêt à affronter le monde." Pour moi, elle définit assez bien le Percy de cet OS.
Pour toutes ces raisons, je trouve que cet animal correspond plutôt bien à Percy. Peut-être qu'après la mort de Fred, son Patronus changera ? Ou alors il ne sera plus capable d'effectuer ce sortilège.
Merci beaucoup à l'organisatrice de ce concours de l'avoir organisé, c'est l'occasion pour moi d'écrire un peu plus sérieusement et d'en faire profiter les autres !
Sur ce, prenez soin de vous, et bon courage pour la rentrée !
Valnora
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