Confiance (OS le royaume des chats)

Haru poussa un soupir. La journée se faisait vraiment longue, l'école l'avait épuisée. Cela faisait des jours et des jours qu'elle n'avait plus un instant de temps libre, elle avait l'impression que les professeurs s'acharnaient contre elle. Heureusement, elle arrivait à présent à l'heure. Baron lui avait appris, comme il lui apprenait tant de choses.

Deux semaines qu'elle n'avait pu le voir, elle enrageait. Haru avait l'habitude de venir lui rendre visite au ministère dès que possible, appréciant plus que tout de passer du temps avec lui. Ce qui ne manquait pas d'attiser la curiosité d'Hiromi, qui se voyait abandonnée à la fin des cours sans aucune explication.

Le professeur la rappela à l'ordre, lui faisant remarquer que cela faisait plusieurs minutes qu'elle n'écoutait plus la leçon. Haru baissa les yeux et s'excusa, au milieu des rires de ses camarades, les ignorant tant bien que mal.

Quand, une demi-heure plus tard, la sonnerie retentît enfin, la jeune fille boucla son cartable à la vitesse de l'éclair, sortît de la classe en courant et se précipita hors du lycée. Au bout de la rue, elle aperçut Muta qui l'attendait comme d'habitude et s'élança vers lui. Il lui jeta de se calmer, ce n'était pas la peine de se presser autant.

Haru s'excusa, répondît qu'elle était surexcitée de pouvoir enfin revoir Baron, ayant enfin moins de devoirs et un peu de temps libre.

Le chat hocha la tête, lui marmonnant de prévenir sa mère si elle ne voulait pas être embêtée plus tard dans la soirée, ce qu'elle fît en laissant un message sur la boîte vocale de la maison.

Puis elle emboîta le pas à son ami, vérifiant d'un regard qu'ils n'étaient pas suivis. Il l'entraîna dans les ruelles, puis sur les passerelles et les toits, les escaliers de secours de la ville qui conduisaient vers le Ministère secret.

Quand ils furent dans des passages suffisamment discrets, Muta s'arrêta.

« Muta ? Que se passe-t-il ?

— Je voulais te prévenir d'une chose.

» Baron est... Différent, ces derniers temps.

— Comment ça, différent ? Depuis longtemps ?

— Comment, c'est compliqué à exprimer. Mais c'est comme s'il n'était plus vraiment un chat, enfin de moins en moins... C'est bizarre. Déjà qu'il n'était pas normal avant, là ça atteint des sommets.

— Mais s'il n'est plus un chat... Il est quoi ?

— Un humain.

— PARDON ?!?!

— Tu vas voir... »

Muta répartît. Le ministère n'était plus très loin de toute façon, Haru allait bien voir. Et puis il ne comprenait pas pourquoi elle était si étonnée. Elle avait bien passé une journée dans la peau d'un chat, elle. Alors un chat déjà humanoïde qui se transforme en humain...

Au bout de cinq longues minutes de silence, ils atterrirent enfin sur la place devant le Ministère.

Baron sortît en les voyant et Haru ne pût retenir un cri de surprise. Muta n'avait pas menti, son ami avait à présent forme humaine. Mais le plus surprenant, c'était qu'il faisait la même taille que la jeune fille, il avait grandi quand il était sorti, elle l'avait bien vu.

« Bonjour, Haru. Comment vas-tu ?

— B...B...Bien, merci. Et toi, Baron ? Tout va bien ?

— Oui, merci. »

Il y eût un silence pendant lequel elle le dévisagea. Cette nouvelle situation était tellement déstabilisante, tellement inattendue.

Il restait le même, elle le reconnaissait, elle retrouvait son visage, ce à quoi il ressemblait avant, mais il était tellement différent, en même temps.

Et puis il la regardait en face, et ça, c'était extrêmement nouveau aussi. Depuis deux ans, elle se baissait pour lui parler, le prenait dans ses mains, le posait sur son épaule... Et là, il était comme elle. A son niveau exact, ses yeux verts posés sur son visage avec douceur.

« C'est trop bizarre, murmura-t-elle, je suis désolée, c'est trop bizarre.

— Ne t'inquiètes pas, Haru, je comprends, répondît-il de sa voix de velours.

» Mais tu sais je suis toujours moi. Je suis le même, tu n'as pas à avoir peur.

— Le même, reste à voir, cracha Muta, même si y a pas de déviance de comportement pour l'instant.

— Muta, tu sais bien que notre ami n'a pas changé, lança Toto dans un claquement de bec.

— Oui, bon, hein...

— Ne vous disputez pas tous les deux, supplia Haru, s'il vous plaît.

» Baron, qu'est-ce qui s'est passé pour que tu deviennes...

— Ce n'est qu'une métamorphose de surface, tu le sais, Haru. Je n'étais déjà un chat que par l'apparence. Je comprends que cela puisse te faire bizarre, mais tu vas t'y habituer j'en suis sûr.

» Et pour ta question... Je ne sais pas vraiment pourquoi je me suis transformé. Je ne comprends pas non plus comment cela a pu arriver.

— Bon sang mais c'est pas vrai ! Il faut qu'on te réapprenne à compter, aussi, ou ça ira ??

— Calme-toi Muta, les conclusions sont bien plus faciles à tirer pour quelqu'un d'extérieur à la situation. Laisse un peu de temps à notre ami. Il est assez intelligent pour comprendre de lui-même. »

Le silence se réinstalla, moins gênant que les fois précédentes. Cette fois, Haru s'était habituée à la nouvelle apparence de son ami et n'avait plus besoin de le dévisager. Elle le regardait simplement, admirant le tracé parfait de ses traits, l'ovale délicat de son visage, les jolies amandes de ses yeux verts. Elle sentît son cœur accélérer, comme il le faisait parfois pour lui et ses sourires si particuliers, comme il n'avait jamais cessé de battre pour lui depuis leur aventure.

Le Baron regardait Haru, lui aussi. Il connaissait son visage par cœur déjà, après tout le temps qu'ils avaient pu passer ensemble, mais la voir en face était différent. Cela lui permettait tellement mieux de lire son regard, les émotions qui y passaient. Cela lui permettait de mieux l'admirer.

En voyant une sorte de tristesse passer dans les yeux bruns de la jeune fille, il s'approcha simplement d'elle et lui prît simplement les mains, dans un geste rassurant.

« Haru ? Tout va bien ?

— Oui... Mais je me disais que... J'ai peur que notre relation soit différente, et de perdre ce qu'on a construit...

— Il ne faut pas avoir peur du changement. Nous n'allons pas perdre notre amitié parce que j'ai changé d'apparence, Haru. Viens, entre. »

Baron se retourna vers le ministère, se baissa vers la porte, et l'entrouvrît. Son amie retînt un cri de surprise. A l'instant où il avait touché la poignée, il avait retrouvé sa taille habituelle.

Elle se baissa, prête à ses contorsions habituelles pour pénétrer dans la minuscule demeure. Mais, à son étonnement, elle n'en eût pas besoin. À peine avait-elle effleuré le mur qu'elle avait rétréci pour s'adapter à la taille du bâtiment.

Elle passa la porte, émerveillée par ce nouveau tour de magie. En entrant dans la salle centrale du Ministère, elle se sentît encore plus chez elle que d'habitude, ayant un sentiment de confort inédit.

« Je suis content que ça ait marché, lança Baron, occupé à préparer le thé.

» Le Ministère me reconnaît d'instinct comme son maître et me laisse donc entrer. Mais je n'étais pas sûr que le sort puisse t'englober aussi.

— C'est fantastique, Baron. Comment as-tu fait ça ?

— Ça s'est fait tout seul, au même moment que ma métamorphose...

» Muta, tu sais ce qui l'a provoquée ? Tu semblais être assez sûr de toi tout à l'heure.

— J'ai une hypothèse, et elle est suffisamment probable pour que Toto soit du même avis.

» Et tu es amplement capable de deviner, pour peu que tu jettes un coup d'œil dans ton cœur.

— Je suis d'accord, croassa Toto, entré par la fenêtre, si tu réfléchis tu trouveras toi-même ta réponse. »

Baron laissa le silence s'installer, préférant manifestement ignorer la discussion, ou réfléchissant à ce que disaient ses vieux amis. Il se concentra sur son thé, tendît une tasse à Haru tout en évitant soigneusement son regard. Il sortît des petits gâteaux d'un placards, les disposa sur un plateau avec attention, les tendît à Muta qui se servît généreusement et les dégusta rapidement.

Puis il tendît le plateau à Haru, toujours sans croiser son regard. La jeune fille fronça les sourcils. Son ami s'était refermé d'un coup, comme si la brève discussion avec Toto et Muta l'avait blessé. Comme s'ils avaient appuyé sur un point sensible qu'il aurait préféré oublier...

« Baron ? Qu'y a-t-il ?

— Ce n'est rien, Haru...

— Baron... S'il te plaît. Je ne sais pas ce qu'ils ont dit pour te refermer ainsi, mais je ne suis pas aveugle. Depuis tout à l'heure tu évites mon regard, et tu ne parles plus.

» Tu sais que tu peux me faire confiance, n'est-ce pas ? Tu n'as pas besoin de mentir en disant que tout va bien. Je ne te jugerai jamais, quoi qu'il arrive... Je t'aime, tu te rappelle ? »

Haru sourît en voyant passer un éclair de bonheur et de soulagement dans les yeux de Baron, qu'il avait enfin accepté de tourner vers elle.

Avec cet éclair, Haru venait de comprendre l'hypothèse de Muta et Toto. Mais, contrairement à eux, elle la jugeait fortement improbable. À ses yeux, il était presque impossible qu'elle, la petite Haru maladroite, décalée, tête en l'air, puisse obtenir le cœur de quelqu'un d'aussi fantastique que Baron.

Mais il y avait cet éclair de bonheur dans ses yeux quand elle lui avait affirmé qu'elle était toujours amoureuse de lui. Cet éclair qui semblait indiquer qu'elle se trompait peut-être, appuyé par l'affirmation de Toto et Muta, qui connaissaient Baron depuis tellement longtemps.

« Baron ? Dis-moi la vérité s'il te plaît...

— C'est vrai ? Que tu m'aimes encore ?

— Oui, répondît-elle à mi-voix en sentant son cœur accélérer.

» C'est totalement vrai, je t'assure, reprît-elle d'un ton plus assuré, l'invitant d'un geste à la rejoindre sur le canapé.

— Merci Haru... »

Il y eût un instant de silence, d'hésitation. Ils entendirent Toto et Muta sortir d'un commun accord.

Laissés seuls, Haru regarda son interlocuteur avec curiosité, un peu d'impatience qu'elle tentait de dissimuler, et surtout manifestant dans son regard qu'elle l'écoutait, le soutenait, qu'il pouvait lui faire confiance et n'avait pas à avoir peur.

Baron croisa le regard confiant de la jeune fille et se sentît soudain plus confiant. Il lui adressa un sourire lumineux, s'assît à son côté sur le divan, et lui prît les mains avec tendresse.

« J'en suis heureux. Car vois-tu, je suis tombé amoureux de toi à mon tour, au fil du temps. Je t'aime, Haru, mais je doutais, tu vois ? Ce sont des choses compliquées à admettre parfois...

— Je comprends, Baron, sourît Haru, mais tu n'as pas à douter. Je t'aime. »

Et elle le serra contre elle, dans une étreinte tendre et assurée, transmettant son amour et son bonheur de trouver enfin réponse.

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1789 Mots.

Yes ! Enfin terminé ! Ca fait depuis le 30 juillet que je suis dessus, et même si j'ai écrit un tas d'autres choses entre temps, j'essayais d'avancer sur celui-ci et ça m'énervait parce que j'arrivais pas à trouver une fin.

Je l'ai fini ce midi dans les transports en rentrant de l'université, j'étais soulagée d'avoir fini, j'ai cru plus d'une fois que j'y arriverai jamais !

Mais le résultat me plaît énormément, donc ça valait le coup. En plus, je voulais absolument écrire sur "Le royaume des chats", qui doit être un des premiers films que j'ai vus, que j'aime vraiment beaucoup, que je connais très bien (pas encore par coeur, malheureusement, mais très bien). Du coup, le ship qui va avec fait partie des premiers couples que j'ai shippés...

Et vous, qu'en pensez-vous ? Vous avez aimé ? N'hésitez pas à me laisser vos impressions !

Bises,

Jeanne.

(24/09/2021)

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