OS6-Le rendez-vous de cent ans-3

TW : violence


Jérémie libéré

─ Humain Jérémie, nous te remettons la croix d'Aluna pour tes faits de bravoure.

L'extérieur bleu de la planète des limaces, des Aadans donne un paysage étrange auquel je suis habitué. Le vent est frais et les deux soleils rouges réchauffent mes paupières.

J'ai sauvé la capitale des Aadans en emmenant une bombe au large et en détruisant l'état-major des araignées. Le roi des singes a été abattu par une arme à longue portée de mon invention. Face à ces pertes majeures, les ennemis de toujours se sont réunis autour d'une table pour discuter et les armées vont être démobilisées.

Des soldats sont déjà manquants, Syyr n'était plus là un matin et mon inquiétude est grande sur la façon dont ils nous libèrent.

J'ai eu l'honneur de rester pour recevoir la médaille.

La capitaine Zeronleo m'a confirmé les rumeurs qui agitent nos rangs : ils n'ont plus besoin de nous. Elle m'a juré que tous les soldats ont été libérés et que ce serait bientôt mon tour.

La cérémonie terminée, je suis convoqué chez Grice, le savant qui m'a modifié à de nombreuses reprises, celui qui m'a accordé les taches de rousseur et arrangé. L'inquiétude me tenaille sur mon sort, des années se sont écoulés, cent sur Terre, sans que je change.

J'allais parler, mais il me devance.

─ Ote ses idées stupides de ta tête, tes compagnons ont tous été renvoyé sur leur planète.

Je souffle de soulagement, malgré moi.

─ Cher humain Jérémie, nous te proposons de te renvoyer sur Terre, certes cent années se sont écoulées mais tu retrouveras ton peuple. Nous ne pouvons pas effacer ta mémoire de ces années que tu as vécu.

─ Là comme ça, vous pouvez me renvoyer chez moi ?

Il hoche la tête, amusé.

Je ne vois pas pourquoi cela m'étonne, ils font tellement de choses étonnantes.

Retourner sur Terre, pourquoi pas. Cependant, cent ans sur ma planète c'est beaucoup. Je ne sais pas si j'ai envie de m'adapter à cela ou alors je reste ici, c'est Aluna chez moi désormais et depuis bien longtemps. L'administratif me rattrape, des réflexes que je croyais avoir oublié.

─ Et je vais faire comment sans papier, sans argent ? Sur une Terre où je n'ai plus ma place ?

─ Nous te fournirons de quoi fabriquer de l'argent et une identité, ce n'est rien du tout ! Sinon ...

Sinon nous pouvons aussi tenter quelque chose d'inédit sur lequel je travaille ?

Son ton hésitant me fait lever un sourcil.

─ Le voyage dans le temps, je voudrais tenter de te ramener pile au jour et à l'heure où nous t'avons prélevé.

Je n'aime pas quand il emploie ce mot. Il le lit dans mon esprit et m'adresse une mimique d'excuse.

Je n'avais jamais espéré pouvoir revenir sur Terre un jour. Que ce soit dans le futur ou le présent, le problème c'est moi, j'ai tellement changé.

Je prends ma médaille en ornarium dans ma paume. C'est ce que je suis désormais, un soldat mercenaire ! Comment pourrais-je à nouveau enseigner dans un collège avec des élèves indisciplinés ? Comment se fait-il même que je m'en rappelle encore ? Mes échecs amoureux, les trahisons de mes ex, mes problèmes de dos, ma myopie, tout cela est tellement lointain !

─ Face je reste, pile tu tentes ton expérience pour me ramener sur Terre dans le passé et ne triche pas ! Ne manipule pas la gravité.

─ C'est pile, admire Grice.

Il me congédie car il a des équations à terminer.

Syyr me manque, je suis leur dernier soldat extraterrestre et je découvre leur culture, leur capacité. J'essaye d'apprendre à communiquer mentalement, je n'ai pas le cerveau équipé pour.

Je lisais dans leur grande bibliothèque quand un message ailé m'est parvenu de Grice : il est temps !

Plus tard, allongé prêt à repartir. Je songe à mon chat pour lequel je me suis inquiété, à mon rendez-vous le seul truc que j'avais en tête à l'époque. Ils m'ont implanté des similis organes pour faire illusion et leur ont donné une obsolescence d'une centaine d'années. Ils ne me retirent aucune de mes capacités mais m'ont recommandé la prudence.

J'ai cligné des yeux et je me suis retrouvé à la station essence alors que l'essence déborde de la pompe.

Je retrouve difficilement mes sensations, la Terre est un endroit si étrange. C'est quoi cet air si riche en oxygène. La première chose qui m'assaille ce sont les odeurs de terre, d'essence et de béton.

Je me sens complétement étranger. J'ai du mal à comprendre le mécanisme pour arrêter l'essence. Tout est si manuel et archaïque, aucune commande mentale.

Une notification de ma banque m'informe que j'ai dix millions sur mon compte et que j'aurai du passer en client VIP depuis un moment, l'erreur vient d'être régularisé.

Parfait je ne serai pas obligé de retourner au collège Léon Blum de Draguignan.

Je reçois un autre message de Dreamshow :

Je suis en route et impatient de jouer avec toi.

C'est un peu inquiétant son message, ça m'évoque Syyr dans ses mauvais jours.

Le paysage est étonnant, si loin de ce que je suis habitué à voir et moche.

Machinalement, pour tester mes pouvoirs, je décide que les buissons morts épars sur le terrain vague doivent reverdir. En quelques instants, la station essence est entourée d'une véritable forêt vierge verdoyante et fleuri.

Il y en a qui vont avoir une surprise demain.

Je fais quoi pour Dreamshow ? J'ai la flemme et envie de rentrer chez moi revoir mon chat que je n'ai pas vu depuis cent ans.

J'allais annuler, quand j'ai un appel, je découvre surpris mon vieux portable sans connexion mentale. Nous sommes vraiment au moyen âge technologique !

─ Bonjour c'est l'inspecteur Lautier, je suis passé tout à l'heure pour discuter de votre rendez vous de ce soir. Je voulais savoir si vous y alliez ?

Qu'est ce que ça peut bien vous faire ?

Nous pensons que cet homme est dangereux. Nous vous avons prévenu.

Je repasse le film de l'après midi cent ans plus tot pour moi et pour eux il y a quelques heures ils ont mis un mouchard sur ma voiture. Je vais leur servir de mouton.

Je comprends soudain leurs allusions malsaines, comme quoi c'était dommage pour moi, que j'étais trop crédule.

Les salauds ils m'envoient au casse pipe.

Je lui envoie un message pour me désister retrouvant difficilement le mécanisme de saisir :

Désolé j'ai un coup de barre et je préfère annuler. Excuse-moi.

La réponse ne se fait pas attendre avec un second bip :

Tu n'as pas signé avec ton pseudo Bottomchou ? Je suis en route pour te voir et j'ai fait plus de 60 bornes, rapplique !

Je secoue la tête d'incrédulité, mais c'est quoi ce pseudo à la noix.

Ma carrosserie est enfoncée, un accident sur lequel je n'ai pas pu faire payer le responsable car il m'avait serré par le col et menacer de m'éclater si je mouftais. Je secoue la tête, ébahie par mon ancienne faiblesse et passe la main sur l'aile pour la redresser.

Je pensais rentrer mais je peux toujours aller le rencontrer et voir ce que cela donne avant de le ghoster. J'avais exigé un rendez-vous devant un parc d'attraction, un lieu public pour lutter contre les traquenards.

Mon choix n'est pas des plus judicieux, sur le parking il n'y a que quelques véhicules, dont sept vides, dans une camionnette à plateau je repère Dreamshow. Dans un fourgon trois hommes que je scanne rapidement, ils sont armés. Enfin dans une Saab déglingué je reconnais les deux flics qui sont passés cette après-midi. Ils m'ont suivi et viennent d'arriver. Ils ont des oreillettes, ils sont en filature.

Le mignon flic et son copain ont des flingues. Dans la camionnette de Dreamshow je scanne une batte de baseball ensanglantée et deux fusils. Dans la camionnette, il y a plusieurs couteaux et trois fusils, des tasers et un compteur Geiger.

─ Bon retour sur Terre, je marmonne agacé.

Je sors de mon véhicule en soufflant, déterminé à ignorer les deux flics qui m'ont envoyé au casse-pipe sans remord.

C'est un scénario de cauchemar, le soldat en moi renifle le problème, l'ancien Jérémie n'y aurait vu que du feu.

Dreamshow sort à son tour et me rejoint à grande enjambé.

─ Alors te voilà mon petit Bottomchou. Viens monte on va aller se faire du bien, loin de la foule.

Je hoche la tête et monte avec Dreamshow, mon ancien moi aurait déjà été déçu par cette étonnante rencontre, le nouveau remarque que deux véhicules nous suivent, la fourgonnette, puis les flics plus loin.

Dreamshow accélère sans que je ne dise rien et il sème nos poursuivants. Plus tard je retrouve la camionnette mais plus les flics. Les cons !

Ils s'arrêtent dans une clairière isolée, il y a deux sapins morts et malgré moi je leur redonne vie. La certitude qu'il s'agit d'un piège m'assaille.

Les extraterrestres m'ont sauvé la vie en m'enlevant. Il y avait une phrase de Grice que je n'avais pas compris sur un prélèvement sans conséquence. C'était pour ça, j'allais mourir ce soir-là !

Dreamshow est sorti et n'a pas remarqué les sapins qui frémissent de vie derrière lui. Les trois autres hommes sortent de la camionnette en ouvrant la porte latérale, pour sortir du matériel.

Il y en a un qui prend une masse qu'il soupèse satisfait, un autre sort une scie et le dernier une chaine. Ils ne me laisseront pas une chance.

Dreamshow est venu m'enlacer, c'est plus comme s'il me tenait qu'affectueux.

Dire que j'ai tellement critiqué toutes les espèces que j'ai côtoyé dans le passé, mais les plus monstrueux étaient sur ma planète d'origine.

Ma colère boue, ma force pulse et demande à sortir pour les pulvériser.

Dire que je ne suis de retour sur Terre que depuis une demi-heure.

─ Tu as compris qu'on casse du PD, ricane Dreamshow qui m'a tourné vers lui.

Je réalise que c'est son vrai profil sur le site, qu'est ce que font les policiers bordel, pourquoi ils ne l'ont pas stoppé avant ?

Je sens le grondement de l'eau lointain sous mes pieds, les roches qui ne demandent qu'a jaillir sur mon ordre. Les herbes poussent folles, ils sont tellement obnubilés par moi, plus vicieux que des Grizaz d'Aluna qu'ils n'ont rien remarqué.

─ Vous faites ça souvent ? La police ne vous stoppe pas ? Et pourquoi d'abord qu'est ce que ça peut vous faire que j'aime les bites ?

─ Tu n'as pas l'air d'avoir peur, tu n'as pas du bien comprendre encore, quand on en aura fini avec toi tu ne les aimeras plus.

─ Répondez au moins à une seule question, combien d'hommes sont tombés dans votre traquenard ?

─ On a butté au moins une cinquantaine de salope que personne ne cherche ! marmonne un gros barbu avec une tache de ketchup sur son tee-shirt.

─ Ou est-ce que vous les avez cachés ?

Si autant de crimes sont impunis, c'est que les corps n'ont pas été découverts.

─ Pourquoi on te le dirait ?

─ Il n'a pas peur ! s'impatiente un grand baraqué chauve, qui porte une veste de cuir et est couvert de tatouage.

─ Apres tout comme vous allez me tuer je vais emporter mon secret dans la tombe non ?

Ils ricanent

─ Tu vas pleurer pour y aller dans la tombe, je te jure que les mecs ils supplient qu'on les achève.

─ On est de plus en plus doué pour faire mal, fait celui qui manie une chaine qu'il commence à faire tourner autour de moi.

Tu vois la bas, il me montre une plaque d'égout qui sert à l'entretien de l'ancien barrage couvert de mousse. Il y a un puit d'au moins cinquante mètres. On y entrepose nos souvenirs, si tu vois ce que je veux dire.

─ Une fois on y a balancé un mec sans rien lui faire. Je me demande combien de temps il a tenu le coup, enchérit Dreamshow.

Ils ricanent, se font des checks, fiers de leur barbarie. Les hommes araignées d'Yrsolv sont moins cruels qu'eux.

─ Je vais appliquer la loi d'Aluna et être clément, avec moi ce sera rapide.

Celui qui a une masse s'approche pour me mettre un coup, j'arme mon poing et frappe de toute mes forces. Il s'écroule au sol et je sais bien qu'il ne se relèvera pas.

Les trois autres se regardent atterrés.

J'ai ramené mon arme de service, elle a déjà beaucoup servi. Je pointe le flingue sur le tatoué avec sa chaine.

─ Condamné à mort.

Je tire, le réduisant en cendre.

Dreamshow a tiré mais j'ai arrêté la balle dans les airs, puis je la lui renvoie dans la tempe.

Il reste celui qui avait une scie, je l'assomme et le dépose en le soulevant mentalement au pied du puit avec le corps de celui que j'ai tué d'un coup de poing.

Une sirène de police retentit au loin, ils sont sacrément en retard eux.

Je force le couvercle du puit que je fais voler dans les airs sur plusieurs centaines de mètres. Mes capacités sensorielles me confirment qu'il n'y a plus personne de vivant en bas.

─ Ne bougez plus !

Le flic mignon se précipite vers moi arme au poing.

Je décide de jouer la carte du pauvre type choqué.

─ Ils allaient me jeter là-dedans, mais ils se sont entretués, je n'ai rien compris. Ils ont dit qu'il y avait d'autres cadavres.

Il hausse les épaules, visiblement ne me croit pas.

Je ne dois pas m'énerver et au pire je peux toujours le balancer dedans, qu'il aille constater par lui-même.

Son collègue arrive essoufflé.

Ils se concertent un moment, je les écoute et c'est édifiant alors qu'ils essaient de regarder dans le puit.

─ Le petit minet aurait du y passer, en plus on l'a perdu comme des nazes, tu comprends quelque chose ?

─ Rien du tout, apparemment Hans Perton qui était toujours avec les deux autres a disparu, et Cameron Hang le taré rabatteur se serait suicidé. Appelle la scientifique on a des cadavres ici et pas mal de mystère à résoudre.

Je vais m'assoir plus loin, écoeuré par leur incapacité, satisfait qu'ils ne comprennent rien. Les lumières bleues sont devenues de plus en plus nombreuses. Ils ont enfin découvert le charnier.

J'ai été interrogé et je raconte mes mensonges, j'ai une version assez simple je prétends qu'ils allaient me jeter intact dans le puit et ils l'ont déjà fait. Dreamshow s'est suicidé car il ne supportait pas ma mort et celui qui a la scie a tué le tatoué.

Je suis bien conscient que le flic mignon ne me croit pas, je n'en ai rien à foutre. Je le regarde dans les yeux.

─ Je sais que tu caches des choses, tu vas tout avouer sous peu !

─ Bien sur et vous vous autorisez des meurtriers à commettre plus de cinquante meurtre sans rien faire, bravo votre efficacité, je suis sideré.

Il recule surpris par ma colère.

─ Je te ferai parler

─ Comme tu as arrêté ces mecs ? Bon courage !

Enfin le chef arrive, s'essuie le front, paniqué.

─ Vous voulez qu'on vous emmène à l'hôpital.

─ Non merci.

─ Vous savez l'histoire ne colle pas. Un petit prof d'histoire qui allait se faire massacrer et les gars se seraient entretués.

─ Les mystères de la loi de l'univers. En tout cas je ne vous félicite pas pour votre arrivée tardive. La cavalerie a été nase.

─ On se reverra, grogne le flic.

─ Je t'attends.

Je regarde celui qui avait la scie que j'ai endormi, il est emmené en voiture, perdu. Il prétend que c'est moi. Je le laisse monter dans une voiture de police et ordonne à un arbre de s'écraser sur eux et de percer les corps.

Il obéit à la seconde, parfait.

Voilà pour ses quatre là, les flics sont blèmes. Je vais vivre ma vie tranquille, je pourrai même changer d'identité à voir.

Fin provisoire

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top