9 - Cultures Bio 2

Commissaire : En général dans les affaires de trafic de drogue, ce qui intéresse les autorités, ce sont les fournisseurs. Les gros poissons en quelque sorte. Dans cette grande enquête, les petits dealers, les petits fournisseurs sont essentiels pour remonter au gros poisson, faire des saisies, et paralyser le marché pendant quelques temps au moins. Quand Martin s'est tourné vers le commerce de stupéfiant, de façon étonnante, tous les petits dealers ont disparu. C'est comme si plus personne n'achetait de drogue en Meuse, pourtant le département le plus sinistré. La guerre venait de changer de visage, de stratégie. Il a fallu tout reprendre à 0.


Martin : Dans notre projet de beuh miracle, on avait un problème majeur : la culture de la drogue est hélas interdite en France.

Paradoxalement il y a beaucoup de cultures sauvages de cannabis. Au début, pour blanchir de l'argent, j'achetais des bois inconstructibles ou des champs, ça coûte rien du tout et l'idée c'était de les rentabiliser avec des éoliennes. Mais là où c'était une prise de tête c'est que si tu vas pas tous les 4 matins sur ton champ, tu as un cassos à la Stive et Rayan qui a planté du cannabis en douce.

Heureusement que la pratique est « courante », car la 1ere fois que la police a toqué à mon appart j'étais livide. J'ouvre la porte, dans la pièce à côté, Joelle est en train de faire une fausse carte d'identité pour un sans papier. Je me dis ca y est, c'est la fin, ils viennent me chercher, et bien pas du tout, c'est juste que leurs hélicos avaient repéré des plants de cannabis dans un de mes champs.

C'était un rappel à l'ordre un peu sévère mais sans plus : ils se disaient qu'un type de la ville comme moi allait pas patauger au fin fond de la Meuse pour planter du cannabis...du coup j'ai du employer à plein temps un de mes gars pour faire le garde champêtre.

On a commencé un jeu de cache cache avec la police. C'était vraiment de la guérilla, car je ne pouvais même pas faire des tests sur mes propriétés. Donc on faisait comme les cassos : on trouvait une bâtisse abandonnée, on installait une serre...on attendait. Et à chaque fois, on se faisait baiser, dès que les plants étaient mûrs, ils nous tombaient dessus.

J'ai renvoyée Sylvie à ses pommiers, et Stive et Rayan au diable. Mais je n'aime pas rester sur un échec.

Comme je payais un mec à plein temps pour pas que j'aie du cannabis dans mes propriétés, je me suis rapproché de la police. À ce moment là, la police était plutôt mon amie, parce qu'il y a pas mal de chasseurs et que j'étais pas le dernier à payer des tournées aux rallyes de la chasse. Je leur ai dit « les gars j'en peux plus de ces plantations sauvages, c'est quoi votre truc pour les trouver » et un mec des stups m'a invité dans leur labo perso. C'était très technologique : un avion prenait des photos tous les mois, et après ils donnaient ça à une intelligence artificielle qui avec la disposition des plantations et leur température te disaient, là il y a une plantation.

Une intelligence artificielle, comment lutter contre ça ? Je retourne voir ma Michel Ange de la bouture, Sylvie et je lui dis « est-ce qu'on peut changer la température des plants de beuh » ? Je la vois réfléchir comme si elle avait des petits engrenages au dessus de sa tête et elle me dit « On peut faire mieux que ça mon pote ».

C'est là que Sylvie m'a initié à la synergie des plantations. En gros, si vous plantez un champ de haricots, vous allez avoir des haricots. Mais si vous vous faites chier à planter un haricot, et puis à côté une fraise, et puis à côté un poireau, vous allez avoir parfois des fruits et légumes de qualité supérieure. En micro-diversifiant les espèces, on avait une santé et un goût du légume inégalable. Le rapport avec la température ? Ben si vous plantez du cannabis sous un mirabellier, et dieu sait qu'en Meuse on a des milliards de foutus mirabelliers, l'avion, il va pas voir le cannabis sous la frondaison du mirabellier. Mais le cannabis va aussi manquer de lumière. Sauf si on plante l'un et l'autre au bon moment.

Nous avions trouvé l'astuce.

Michel Ange n'avait plus qu'à peindre notre chapelle sixtine de ganja.

On a commencé à faire des tas d'expériences de synergie de cannabis. Et quitte à rentabiliser, les arbres de diversification étaient aussi de top qualité, parce que le jour où un mec viendra t'acheter ta drogue, on pourrait aussi lui refiler un kilo de pommes bio à bon prix, pas vrai ?

J'ai fini par louer tout l'immeuble où était mon appart, et transformer celui en dessous du mien en laboratoire biologique pour que Sylvie, assistée de Rayan et Stive, développe la beuh du 22e siècle.

Et pour la commercialisation, on a trouvé un truc marrant. C'est la grande mode du bio, et ici, ils sont bio hardcore. Ils fonctionnent en villages : en gros dans un village tu as un apiculteur, un brasseur et un éleveur, ils vont livrer tous leurs produits au bar du coin et les gens se fournissent là. Donc on a commencé à livrer nos produits bios : pommes, haricots, groseilles, fenouil...c'était pas simplement des produits bios, c'étaient des produits issus de la synergie avec le cannabis, ils étaient à tomber. Et bien sûr, on vendait ce qu'on appelait « le fuseau lorrain végétal », qu'un policier aurait pris pour un saucisson pour végétariens, et qui était ni plus ni moins qu'un gros rouleau de beuh. Et les vendeurs, babos hardcore, étaient nos premiers clients.

Les consommateurs de drogue ont besoin de manger comme nous tous et donc ils tombent tôt ou tard sur notre fuseau entre deux barquettes de groseilles, et une fois que vous avez goûté la bonne ganja maison d'Ornain, c'est impossible de revenir aux trucs coupés vendus au coin de rue. Surtout que comme on se faisait de la maille sur les fruits et légumes, on pouvait casser les prix.

Hors du réseau bio que nous avions monté, le cannabis ne se vendait plus. Les dealers sont partis ailleurs. Notre cannabis si délicieux rendait l'usage de drogues plus dures, comme l'heroine, moins accessible par la pénurie de revendeurs et moins intéressantes. J'irais pas jusqu'à dire que j'ai éradiqué le trafic de drogue en Meuse, parce que, et bien, j'en vends moi même des tonnes, mais c'est devenu quelque chose de plus sain. Quelque chose qui rendra la légalisation inévitable, naturelle.

Et ces plants de synergie, voyez vous, ils sont aussi une magnifique métaphore de l'importance de la diversité. Ce que nous avions fait avec les plantes, c'est ce que miracle interim avait fait en injectant des gens de pays lointains dans le tissu économique de la région. Ces plantations à perte de vue, micro diversifiées, porteuses de produits excellents, étaient un immense drapeau étalé sur le sol, que l'on pouvait voir du ciel, qui criait à tous que la région renaissait.

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