8 - Cultures Bio
Commissaire : Lorsque Legrand a été écroué, les journaux ont énuméré, les nombreux chefs d'accusation le concernant. Dont le « trafic de drogue ». Et dire que Martin faisait du trafic de drogue c'est à la fois une vérité mais c'est surtout une minimisation ridicule de ses activités! Moi Je pourrais vous parler quantités et industries...mais je pense qu'un seul fait peut servir à vous éclairer sur l'activité de narcotrafiquant du bonhomme. Il avait mis au point un véritable laboratoire de recherche et de développement pour créer de nouvelles drogues. On aurait pu se croire dans cette serie là, avec le vieux prof trafiquant de meth, je sais pas si vous vous connaissez
Martin : La drogue ? Je trouve que ce mot est très négatif. Dans les armes, il y a le couteau à beurre et la bombe nucléaire. Dans les drogues, il y a l'héroïne, qui est un sale truc, et le cannabis, que tout le monde prend...vous même, pas vrai ? Quand on me boucle pour du cannabis, je trouve que c'est gonflé...
Le cannabis, c'est comme le mariage gay, c'est une progression nécessaire de la société. Je vais être jugé, quoi, dans 3 ans ? Dans 3 ans si ça se trouve ce sera 100% légal et tout le monde aura perdu son temps. Bref.
La drogue, ça ne m'intéresse pas à titre perso. Je suis tombé dessus comme on trébuche sur quelque chose.
Il faut que vous compreniez le contexte. La Meuse est le département avec le plus de drogues : proximité de la Belgique, du Luxembourg et d'Amsterdam, industries mourantes, chômage et dépression, pénitenciers...vous savez pour avoir le droit de porter un tazer, il faut avoir été tazé au moins une fois ? Je pense qu'un juge qui condamne un mec qui consomme de la drogue devrait passer juste un après midi en Meuse, et s'il ne ressort pas avec un seum planétaire, il aura droit de condamner ce pauvre gars.
J'étais dans la vallée de la Saulx, à l'époque. Je descendais la Saulx, une charmante petite rivière, qui au siècle dernier alimentait pas mal d'industries : fonderies, papeteries...des bâtiments art nouveaux fantastiques à l'abandon total, que je rachetais une bouchée de pain pour en faire des centre d'accueils de réfugiés top niveau, ambiance start up parisienne avec wifi et babyfoot, vous voyez le délire.
Donc je suis dans une papeterie avec Monique, qui gérait notre holding immobilière. En plus de la bâtisse super stylée, il y avait un pont d'époque très beau, c'était un vrai coup de cœur. Et là je vois un jeune gars avec une barbe de métalleux, qui avait une canne à pêche à la main. Il me dit « c'est une propriété privée msieur », alors on était au courant, vu qu'on avait pris les clefs à l'agence du village...puis il nous dit « vous devriez pas visiter, parce que tout va s'écrouler »
Et là je le regarde, genre, droit dans les yeux. Ça faisait plusieurs années que je traitais quotidiennement avec des gars qui fuyaient les bombes, donc je savais regarder les gens d'une certaine façon, celle qui perce le crâne...je demande à Monique (fermement, elle aime ça) de retourner à la voiture, et au pêcheur amateur de me faire visiter.
Stiven avec un i (et son pote Rayan avec un y) ne sont pas des pêcheurs. Une grande annexe de stockage avait un toit écroulé, et ils l'ont recouvert d'une bâche transparente, ce qui fait donc qu'ils ont une serre bricolée efficace. Et dessous, une centaine de plants de cannabis. Les deux cassos me regardent avec hébétude, ne sachant pas s'ils doivent me frapper, fuir, pleurer.
Avant de poursuivre, un petit flashback. Parmi les rares distractions qu'offre Ornain se trouve la fête de la courge, un festival opulent qui attire une trentaine de personnes et où l'on peut participer au concours de crachat de pépins de courge, au jeu de trouver la bonne espèce de courge, ou encore estimer le poids de la plus grosse courge de la saison. À cette occasion, j'avais rencontré Sylvie, une spécialiste des pommes, une babos totale qui semblait vivre dans les bois, toujours un briquet à la main, le regard dans le vide, mais que tous les cultivateurs du coin semblaient ériger en légende. La pommologue, comme une magicienne, arrivait à créer des races de pommes goûteuses et uniques, comme la Jolibois d'Ornain, qui était effectivement délicieuse.
Sa Jolibois était si bonne qu'avant de me lancer dans Miracle Interim, j'avais pensé à faire un label spécial avec toute une machine marketing pour vendre 5 € la pomme à des wanabe instagrammeuses parisiennes...à part que pour les bobos parisiens, le goût n'est pas si important, enfin moins que la photo. J'avais demandé à Sylvie si on pouvait avoir des pommes bien bien rouges (et aussi si ça lui disait de baiser) et elle m'a regardé de façon très méchante. Pour mon égo, je me suis dit que c'était surtout le coup des pommes rouges qui avait provoqué ce froid entre nous.
Donc, je suis devant les frères cassos dans leur plantation de beuh, et boum, dans ma tête je pense à Sylvie. Je me dis, et si on prenait la michel ange de la bouture pour créer une beuh de gourmet, un truc magique qui fait que tu viens pour la drogue, tu restes pour le goût ? Je ne parle pas de rentabilité, de production. Non, de qualité absolue. D'expérience. J'ai une vision d'un marché de la drogue pour esthètes. Tout d'un coup, je réalise que le marché de la drogue est un truc pourri où la qualité est sans cesse nivelée par le bas. Et si on faisait l'inverse ? Si on explorait ce territoire nouveau ? Si on faisait des drogues si bonnes qu'elles ne seraient plus des drogues ?
Je serre la main à hurlu et berlu, et je leur dis qu'on est en affaires.
Je me suis pointé chez Sylvie et pour commencer, on a baisé dans sa cabane de jardin. Ensuite je lui ai présenté les plantations des cassos. Elle était pas contente, bien sûr. De la qualité du truc. Après avoir poussé une gueulante, elle me dit qu'il y a moyen qu'on travaille ensemble.
L'histoire est un peu plus longue, mais en gros c'est comme ça que je me suis retrouvé dans la culture bio.
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