7 - Business, business, business
Commissaire : La brigade financière avait de quoi se régaler avec l'affaire Ornain : des espèces par palettes, des fausses sociétés, des comptes offshores, de l'évasion fiscale à gogo...mais c'est rapidement devenu très compliqué. Je me souviens qu'un jour Arthur, de la brigade, m'a dit « je ne sais pas si le mec est très con ou si c'est un génie. » Il s'est avéré que Martin avait, à l'insu de tous, créé une banque d'investissement locale, totalement illégale. Le mec n'était pas con du tout. Il était très dangereux.
Martin : Les affaires tournaient bien. Quand une population active arrive dans un endroit, les besoins se font sentir : d'un coup il faut des lavomatics, des plombiers, des garderies, des librairies, des dépanneurs informatiques...pour maximiser les profits, j'ai commencé à anticiper les besoins.
J'ai monté ma boite de plomberie, d'immobilier, mon cash converter. Je négociais pour avoir une licence McDonalds. À terme, je voulais arrêter de louer ou d'acheter des appartements pour les gars que je faisais venir mais les faire construire, avec des sociétés qui m'appartiendraient. Grâce à mes contrats, je les forçais à travailler les uns pour les autres, à s'aider les uns les autres. Oui, c'est dégueulasse pour la concurrence, et oui c'est une privation de liberté. J'ai envie de dire : who cares, ça marche.
Vous me parlez de sociétés offshore, la belle affaire. Je me souviens très bien quand j'ai monté ma première société offshore. C'était un mardi soir de Juin, ça faisait deux ans et demi que j'étais à Ornain. J'étais avec un père et son fils, Akram et...je ne me souviens plus. Le fils était ingénieur et je les avais pris pour monter une petite boite d'électricité et de maintenance d'électroménager. Ils avaient déjà des demandes mais pas de SIRET pour monter des factures. Habituellement j'aurais dit en s'en fout, mettez en un faux, mais les petits villages d'à-coté les sollicitaient.
Comme on est le soir, impossible de créer une boite. Vous avez déjà créé une boite en France ? Vous devez remplir un formulaire auprès de la Chambre de Commerce de votre région. Ça s'appelle chambre de commerce pour faire style c'est gouvernemental, mais en vrai c'est une SA comme les autres. Une SA d'enfoirés, qui fait son biz en revendant vos données aux sites internet qui peuvent ensuite arnaquer d'autres personnes. Une SA d'enfoirés qui traite tes formulaires en UN MOIS. Mais qui peut le faire en une semaine si tu payes un supplément. C'est ça, l'entreprise, en France.
J'étais en train de m'énerver tout seul et je tape « créer une société » sur google. Le premier lien est pour créer une société offshore. Un pack à 50 € tout compris, livré dans les 10 minutes, avec compte bancaire associé, et même des cartes de visite. Je pouvais choisir Dubai, Singapour, Hong Kong. C'était simple. Comme un jeu. C'était drôle. La première boite a donc été la société hongkongaise « Le Dragon Électrique ». Oui, parce que c'est encore moins cher quand tu prends des noms déjà tout faits et c'était souvent des trucs qui ressemblaient à des noms de restaus. Le temps d'aller chercher une pakkizza, ils pouvaient aller bosser. J'ai ensuite créé « Le Trésor de la Rivière », une société qui serait dédiée à créer d'autres sociétés. Et puis j'en ai créé plein, je sais pas, peut-être 500 ou 1000. Elles étaient fililales, sociétés sœurs ou mères au hasard, je crois même qu'elles étaient filiales en boucle, c'était marrant. L'idée c'était pas de faire de l'évasion fiscale, de toute façon tout était en liquide, on déclarait ce qu'on voulait. L'idée c'était d'avoir des sociétés rapidement, simplement, sans passer par un stagiaire de merde et un formulaire M2 avec 10 000 cases.
Cela dit, avec toutes ces sociétés, je suis rapidement tombé à court de cash. J'avais beaucoup de circulant mais je manquais de tréso pour développer mes affaires. J'avais peur que des concurrents s'installent...déjà parce que j'étais bien content avec mon monopole, et d'autre part parce que s'il était coriace, il aurait creusé sur nos pratiques et aurait appelé les flics.
La seule banque du coin c'était le Crédit Agricole de la rue principale. Le patron s'appelait Kevin et c'était un sale con. Ils disait non à tout. Un prêt ? Un investissement ? Un crédit ? Un compte pro ? J'avais pas de business stable pour lui. Je tenais toute la ville par les couilles, mais non, j'avais pas de business stable selon Kevin, 25 ans, roi des cons. À 25 ans, tu dis non à tout, alors à 50 ans il va devenir quoi ? Un nazi ? Bref.
La situation s'est résolue bizarrement. Avant notre petite réunion bière de 18h avec Joelle et Claude, je faisais une vingtaine de kilomètres à vélo le long des canaux de Meuse. Je commence à croiser une grosse femme sur un vélo électrique, tous les jours. Je me dis que c'était pas avec un vélo électrique sur du plat qu'elle allait perdre du poids, et j'ai un petit sourire, vous imaginez. Elle interprète mal mon sourire et puis on se met à papoter...elle s'appelle Monique...bref, de fil en aiguille, je la baisais tous les jeudis dans les bois, juste pour le délire velo, rivière et sexe dans la nature.
J'ai un proverbe...quand quelqu'un est un super coup, il y a souvent une histoire intéressante derrière et en l'occurrence, Monique me suçait comme si ma queue donnait la vie éternelle. Avant d'être grosse sur son vélo dans le coin le plus perdu du monde, Monique était mince et jeune, et une secrétaire salope au Luxembourg pour un gros magnat du meuble en kit scandinave. Elle était bien entendu sa maîtresse, et a utilisé tous les moyens pour extorquer une tonne d'argent à son amant, chantage, sextapes...on parle en centaines de millions. Et comme elle était d'ici, elle s'est acheté un manoir luxueux, s'est mise a manger des steacks de bûcheron et a placé le reste chez cet enfoiré de Kevin. C'est pour ça qu'il en a rien à battre de l'investissement d'entreprise : avec juste Monique, la banque prospérait.
Monique aimait bien nos retrouvailles, et je lui ai fait le coup de la secrétaire salope. Je lui ai dit que j'allais l'utiliser elle et son fric pour parvenir à mes fins, et ça a déclenché un truc en elle, ça a exorcisé son passé de maîtresse perfide, elle s'est mise à m'obéir aveuglément. Plus j'étais froid et manipulateur, plus je marchandais durement nos entrevues, plus je lui disais qu'elle devrait m'obéir, plus son cerveau grillait. À chacun son kink, pas vrai ? J'aurais pu lui demander un gros chèque, mais je suis du genre à apprendre à pêcher plutôt qu'à recevoir du poisson. Et surtout, c'était une erreur : le jour où je recevrais son chèque, notre relation de domination s'inverserait, et ça casserait le pouvoir que j'avais sur elle.
Donc on a fait un entretien, elle, Kevin et moi. Elle a dit à Kevin : « tu prêtes de l'argent à Martin ou je retire mes comptes. ». Kevin s'est mis à chialer devant nous, un torrent de larmes. On savait pas comment réagir. On était même triste pour lui. Entre deux sanglots, Kevin nous dit que sa direction a dit « Aucun investissement sur la Meuse, pas d'exception. ». Kevin n'était donc pas un sale con. C'étaient ses patrons les sales cons.
Monique a quand même retiré son fric. Kevin a été viré pour faute lourde. On a ouvert un magasin de prêteurs sur gages, géré par le pauvre Kevin. C'était un « faux » magasin. Si vous aviez besoin de 10 000 €, par exemple, vous veniez avec un objet débile, disons, une lampe torche, et on vous prêtait 10 000 € contre cet objet. Et vous remboursiez 12 000 € l'année qui suit. Le cash était apporté par Monique, qui avait sa part. Et la garantie de remboursement...et bien on s'arrangeait. J'avais leurs papiers d'identité, après tout. Ils pouvaient pas me filouter. Les affaires ont repris, fort.
Vous voyez, je ne suis pas du genre à accepter le poisson. Ou même à apprendre à pêcher. Mon truc, c'était de monter des élevages.
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