4 - Pakizzeria
Commissaire : Immédiatement après l'intégration du Dr Dupont, ça a été l'escalade...l'industrialisation du faux papier. Très tôt dans cette affaire, les services de police ont été sollicités, car les habitants voyaient que leur ville changeait. On a mis en place des barrages, des contrôles...mais la situation empirait. Parce qu'on ne regardait pas au bon endroit.
Martin : Je n'ai jamais voulu aller plus loin que l'affaire du docteur Dupont. Disons, ce n'était pas dans mes plans. Ce qui a réenclenché la machine...c'était tout bête. Une histoire de pizzas.
J'étais un soir chez moi avec Joelle, elle venait de livrer des ordonnances. On baisait parfois un peu, juste comme ça...c'était notre façon de nous serrer la main, vous voyez ? Et je me dis, wow, j'aimerais manger une bonne pizza. Une vraie pizza qui sort du four, vous voyez ? Avec la pâte bien fine, le fromage bien cuit au dessus, super chaude, qui sent ultra bon à travers la boite...et bien à Ornain, y avait plus de pizzeria. Rien qu'en y pensant, j'avais un seum galactique. C'était débile d'ailleurs, une pizzeria c'est super rentable ! Le dernier proprio était parti à la retraite. On s'est regardés avec Joelle, et on s'est dit qu'on allait refaire le coup du docteur. Pour les pizzas.
Retour à Porte de la Chapelle. On trouve deux frères pakistanais, des cuisiniers. Avec le temps j'ai appris que c'était un couple homo, mais bon, on s'en fout. Je reprends le bail de la pizzeria, on fait les faux papiers et aussi des cartes de visite, une carte, j'ouvre la société, j'engage les pakis via l'interim dans ma boite. Plus oui, la sous location. Et les pizzas gratuites, bien sûr ! Ouverture de la désormais mythique Pakizzeria d'Ornain. Toute la région en parle. Si vous ne connaissez pas, faites moi plaisir, allez les voir en sortant d'ici. Dites que vous venez de ma part.
Bref. C'était simple comme tout. J'ai commencé à comprendre le business de l'interim. C'était comme vendre des bitcoins, mais à la place on vendait des humains. J'ai renommé ma boite Miracle Interim. Vous cherchiez quelqu'un, on l'avait. Parce que j'avais un vivier de types ultra compétents, désespérés, au nord de Paris. Un vrai miracle.
On m'appelait et on me disait « je cherche une auxiliaire de vie » et je répondais « j'ai deux profils sensass, mais je préfère être réglo et tout vous dire...il y en a un qui vient de sortir de prison, et l'autre, c'est un arabe. » En général, ils prenaient l'arabe, et on allait le chercher à Porte de la Chapelle. J'avais acheté un mini van et le temps de l'aller retour, Joelle avait pondu ses papiers, et Catherine, la femme du Dr Dupont et qui avant s'appelait Shadia, s'occupait de leur trouver un appart.
J'avais aussi un permanent à Porte de la Chapelle, que je payais au black. Foumilayo. Foumi était un type incroyable,un béninois qui parlait dix langues, qui acceptait de dormir dans les tentes puantes juste pour aider les autres. Personne ne mérite ce type.
Bon, sinon, quand je disais « l'arabe ou le prisonnier, vous prenez quoi ? », et ben parfois les clients prenaient le prisonnier. C'est dire s'ils sont racistes. Tant pis pour eux, ils découvraient que c'était finalement un prisonnier arabe ! Mais le racisme s'arrêtait au moment où ils se mettaient au boulot. Car quand vous tirez un mec de Porte de la Chapelle et que vous lui donnez un bel appart, la sécurité et un taf, le mec pourra donner sa vie pour son travail. Un vrai miracle que je vous dis.
Mais les racistes du coin ont commencé à s'agiter. « Il y a beaucoup d'arabes dans les rues ! » criaient-ils aux meetings du rassemblement national. C'était drôle parce qu'aucun de mes gars étaient arabes. Mais bon. Ils ont fait des contrôles dans les gares. Si vous alliez à Ornain par la gare, vous avez deux militaires armés à la porte, un agent du parquet, et un chien sniffeur de drogue. Dans une ville de retraités, avec des geraniums aux fenêtres. Les gens sont fous.
Il fallait leur donner du biscuit, à ces policiers, parce que s'ils n'arrêtaient personne, ils remonteraient jusqu'à moi. Donc j'ai commencé à donner du budget à Foumi. Je lui ai demandé de faire circuler la rumeur qu'il y avait une ville qui s'appelait Ornain, et là bas, t'étais nourri logé blanchi. Et quand quelqu'un était intéressé, il lui donnait de quoi s'acheter un repas et billet...à mes frais bien sûr. Le mec prenait le train, et se faisait serrer par les flics, qui se trouvaient super utiles.
Comme je suis un enfoiré, quand je revenais de Porte de la Chapelle avec mon van rempli d'une petite famille du Mali ou d'Irak, je stoppais devant la gare. J'allais serrer la main des flics qui étaient aussi dans le comité de chasse et au RN, les deux assoces où je mettais mes billes. On était très potes. Le train arrivait, et je leur souhaitais bonne chasse. Il fallait bien coincer ces salauds d'étrangers qui venaient piquer nos jobs, pas vrai ?
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