17 - Évasion

Martin : Et oui, finalement, me voici. En prison.

L'insurrection n'a pas eu lieu. Pas de violence. Le commissaire s'est pointé chez moi, poli, calme. Assez compréhensif.

J'étais un peu sur les nerfs. Joelle et les autres, elles voulaient pas qu'on s'écharpe, mais je recevais une cascade de sms sur mon téléphone. Mes gars voulaient lancer l'assaut.

Le commissaire a eu les bons mots, mais je n'étais pas convaincu. Et puis j'ai regardé l'autre flic qui était dans l'entrée. C'était Alexis, le fils du docteur syrien. Il me regardait dans les yeux, en hochant de la tête.

Et j'ai réalisé un truc. Ils allaient me mettre en prison. Et vous savez quoi ? Dans toutes les prisons du coin, tous les matons étaient des employés de Miracle Interim. Je connaissais tous les flics, et même deux ou trois juges. Il devait y avoir 50 prisonniers dans la région que j'avais placé dans divers emplois, en mentant sur leur origine.

Le commissaire allait me placer dans une forteresse où je serais le maître. Alors je me suis rendu.

Il m'a demandé de le suivre. Ils m'ont menotté les mains. Le commissaire était venu à pied depuis leur blocus en dehors de la ville.

Des gars à moi sont arrivés de tous les côtés, en marchant, pour m'intercepter. Je leur ai dit de laisser faire, que tout irait bien. J'ai du insister. Alors ils nous ont laissé partir. Certains d'entre eux m'ont dit merci. D'autres m'ont dit qu'ils feraient tout pour me libérer. Le commissaire a commenté avec un peu d'ironie que j'avais de chouettes amis.

On m'a mis à l'arrière d'une voiture, direction la préfecture, il y avait deux flics armés de fusils avec moi. J'imagine que tous les autres étaient en train de fêter la grosse prise, ou de désarmer la ville.

La voiture s'est arrêtée sur le bas-coté de la route. On était au milieu des champs de colza, de nuit, avec pour seule lumière la lune et les lumières des éoliennes. J'ai recommencé à flipper.

Le conducteur s'est retourné. Il m'a dit : « Je ne crois pas que vous me remettiez. Il y a 5 ans, Foumi m'a donné de quoi venir ici. Vous m'avez trouvé un job de jardinier municipal, et une chose en entraînant une autre...»

L'autre flic, c'était sa femme. Il me dit qu'il peut m'emmener où je veux. On rigole tous ensemble dans la voiture. Il me parle de sa vie, de sa douche qui a provoqué un dégât des eaux, je lui de pas s'inquiéter, que je vais envoyer quelqu'un. Sa femme m'enlève les menottes. Il met la radio qui passe un vieux tube des années 70.

La vie me semblait belle, d'un coup.

Maintenant, je suis en prison. Pour faire court, j'ai tous les droits ici. À tel point que je peux vous le dire, et j'en ai rien à foutre.

Les affaires continuent à 200%, parce que j'ai tous les téléphones portables de la terre pour coordonner mes opérations, et beaucoup de temps libre. J'ai monté toutes ces affaires parce que je m'ennuyais à Ornain...alors imaginez ici le niveau de production.

Et mieux que ça : il y a pas mal de gens ici qui ont plein d'idées pour faire de l'argent. Tous ces gens qu'on met en prison...ils sont très malins. C'est un vrai gâchis.

Si je vais m'évader ? C'est l'idée. Bien sûr, je pourrais creuser un tunnel, ce serait romantique. Ou plus efficacement : je pourrais demander aux gardiens de regarder ailleurs et de laisser la porte ouverte. Mais j'ai une bien meilleure idée.

La prison est un concept totalement à chier. Qui a inventé ce truc ? En gros, on prend des gens spécialistes du crime, de la fraude, du délit, et on les met ensemble, dans un endroit super petit. On a rien à faire de la journée et on peut pas s'ignorer, alors, vous savez ce qu'on fait ? On parle, bordel ! On s'échange des trucs. On met au point des entreprises.

Les prisons, ce sont des incubateurs start up du crime. Je vais en profiter, bien sûr. J'ai plus d'opportunités ici que de temps pour les exploiter.

Mais je vais aussi détruire ce système débile.

Les élections, c'est cette année. Ornain va être à moi. Il sera temps de s'étendre aux autres villes. Je vais utiliser tout ce fric qui tombe encore pour les élections législatives. Je vais avoir mes députés, mes éditorialistes TV, mes agitateurs politiques, et mes lobbys. Et je vais faire passer une loi pour supprimer les prisons parce que c'est un truc INEFFICACE et DÉBILE.

Voilà comment je vais sortir d'ici ! En supprimant les prisons.

Et après, j'irai à Bali, enfin. Je le mérite après tout ce temps, non ?

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