13 - Cultes
Commissaire : Martin vous dira « la population me soutient ». C'est vrai, mais il y a un contexte. Le chef de clan est rapidement devenu un gourou au pouvoir absolu, obsédé par les grandes religions monothéistes et le paranormal, et dirigeant ce qu'on peut appeler une secte sexuelle dont les membres avaient le cerveau lavé. Il disposait de n'importe quelle femme à n'importe quel moment et les jeunes enfants s'appelaient tous Martin. C'était très inquiétant.
Martin : Une secte ? Mais non. Les affaires marchaient à plein, et j'avais nommé comme lieutenants Joelle, Monique et Sylvie, qui s'occupaient respectivement des ressources humaines, des finances et de nos cultures bio. L'activité était si intense qu'elles avaient chacune une pièce de mon appartement, et bon, oui, j'avais des relations sexuelles de temps en temps, faut bien faire des pauses ! Et oui, c'était mal vu par les voisins. Et bon, les petits Martin qui sont nés, j'ai pas choisi, je dirais que c'étaient des familles reconnaissantes.
Mais c'est marrant que vous parliez de religion. Ça a été un gros problème. J'avais de plus en plus de musulmans, et toujours 0 mosquée à l'horizon. La réserve de la pakkizeria ne suffisait plus du tout, donc j'ai racheté une vieille ferme dans un patelin a coté, mais c'était loin, c'était clandestin, ça excitait les tensions....c'était une bombe à retardement.
Le nœud du problème, c'était qu'une Mosquée, ça coûte cher à construire et ça rapporte rien du tout. Sinon la France serait le pays des Mosquées, Ornain la capitale et moi le pape des Imams.
J'ai commencé à écrire de nombreuses lettres au Roi Salmane ben Adelaziz Al Saoud d'Arabie Saoudite, pour savoir s'il aurait pas un budget à nous donner pour construire une mosquée. Dans ces lettres, il y a avait « la communauté musulmane d'Ornain » et une honnête agence de BTP qui je possédais, le Dragon de Briques.
Il y a eu pleins de détails techniques que je vous passerais, notamment le fait que l'Islam se divise en plusieurs courants religieux et il fallait pas se tromper de courant, sinon le Roi ne voudrait plus discuter avec nous.
Le problème, bien entendu, était politique. On ne pouvait construire une Mosquée - et moi je visais un truc bien maousse - que si on avait le terrain et que la mairie était d'accord, car le Roi voulait avoir l'aval du maire, donc je me retrouvais une fois encore devant le sinistre Léon Cochard. Cochard me mangeait dans la main depuis quelques années maintenant, et sans rancune j'avais bien lubrifié nos relations en finançant des crèches opulentes et en allant à la messe chaque dimanche et Dieu sait que c'était ennuyeux. Mais tout homme a ses limites, et pour notre catho pur et dur, il y avait une impossibilité totale d'accepter l'idée d'une Mosquée sur ses terres, quand bien même Allah en personne se baladerait dans sa ville.
J'étais vraiment énervé à l'époque : toutes les religions sont là à prôner l'amour de la tolérance et de leur prochain, mais y a toujours des limites, pas vrai ?
Du coup, j'ai commencé à mener une épuisante négociation à trois : le Roi, le maire, et moi. Constatant ma pugnacité a vouloir répandre le culte de l'Islam dans la région natale de Jeanne d'Arc, le Roi m'a pris en sympathie. C'est lui qui paye mes avocats, d'ailleurs, en ce moment. Le budget s'est fait plus ambitieux. Du coup j'ai pu faire des propositions plus ambitieuses.
J'ai commencé à ne plus parler de Mosquée. J'ai parlé d'église. J'ai proposé une rénovation, des lumières, une modernisation totale de la grande église d'Ornain. Mais Cochard m'a dit « et en échange vous construisez une Mosquée, c'est ça ? C'est non. » Le problème, c'est que Cochard avait aussi son clan de cathos bien installés au conseil municipal. Tous n'étaient pas contre l'idée d'une Mosquée, mais ils se soutenaient les uns les autres. Ils disaient en gros « ce n'est pas équitable, vous proposez une rénovation pour les cathos et une construction pour les musulmans ». L'esprit chrétien régnait en maître, comme vous pouvez voir.
Alors j'ai fait une grande présentation. Il y avait un visuel incroyable, on voyait la petite ville d'Ornain, et une magnifique église moderne, un truc de dictateur africain, tout en blanc et verre. Et énorme, l'église. Et en tout petit, à droite du visuel, presque sur le bord, une toute petite mosquée.
Et vous savez quoi ? Ça a plu à Léon. Déjà l'idée que le Roi d'une monarchie islamique paye une église. Et puis le symbole : une énorme église et une minuscule mosquée. Il était fier, vainqueur. Bordel ! Il a dit oui, mais oui à une condition : que le visuel soit contractuel, c'est à dire qu'au final, cela ressemble à cette présentation. Il me savait filou, et il ne voulait pas se faire avoir.
Ce qu'il ne savait pas, le pauvre, c'est que comme un magicien, je l'avais baisé à l'avance. L'église était immense et la Mosquée toute petite à cause de la PERSPECTIVE du visuel. Un peu comme si vous photographiez un pot de fleur hyper près, et qu'au loin en arrière plan, y a la tour eiffel. Vous vous dites, oua, la tour est toute petite, mais en vrai, elle est hyper grande.
Le Roi a dépensé sans compter et Ornain a eu une église somptueuse et moderne, qui malheureusement était souvent vide puisque des cathos, y en a pas de quoi remplir des stades.
Et Ornain, grâce aux travaux diligents de la société Dragon de Brique, a eu sa Mosquée. Bien entendu, l'histoire ne s'arrête pas là, et vous allez voir, la suite est savoureuse.
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