FLASHBACK 9 : ADIEUX
Le lendemain, après une nuit aussi courte que mauvaise, Bélial se leva. Il tenait absolument à se réveiller tôt pour ne pas croiser son père. Ce dernier l'aurait sûrement affubler de tâches diverses et variées le privant de temps libre durant la journée.
Or, Bélial voulait sortir. Il voulait aller passer la journée dehors, loin de cette maison où trop d'horreurs avaient déjà eu lieu. Mais surtout, il voulait aller loin de son père. Pour le reste de sa vie. Mais Bélial savait, tout au fond de lui, qu'il ne parviendrait pas à quitter cette maison. Celle dans laquelle il avait grandit. Certes, cela lui rappelait de mauvais souvenirs. Mais c'était chez lui.
Et il ne pouvait pas rester ici pour préparer sa vengeance. Il devait fuir. Loin des tâches ménagères et loin de l'école. Tout ça lui prendrait trop de temps.
La vengeance est un plat qui se mange froid. Déjà qu'il n'est pas chaud, autant qu'il soit savoureux.
Bélial prépara ses affaires. Le choix et les émotions l'ayant taraudé toute la nuit, il n'avait pas beaucoup dormi. Mais il était néanmoins parvenu à se décider sur le fait qu'il allait partir. Pour de bon. Et il savait déjà où il allait habiter.
Pas chez Lucifer. Le confort y aurait été parfait mais son père risquerait de le retrouver trop facilement.
Il connaissait un vieillard qui habitait à quelques minutes à pied de chez lui. C'était un armurier, forgeron et orfèvre très doué. Malheureusement, sa situation financière ne lui permettait pas d'avoir une boutique dans un quartier plus riche où le gain aurait été à la hauteur de ses compétences.
Il avait rencontré Bélial par hasard il y a quelques années de ça. Le garçon avait fugué par la fenêtre de sa chambre par une nuit d'orage après s'être fait violemment tabasser au fouet. Il s'était réfugié chez cet artisan pendant la nuit. Il y avait été nourri et soigné. Le lendemain, le vieil homme avait ramené chez lui Bélial, conscient du danger que courrait l'enfant à rester chez lui. Les parents remercièrent chaleureusement en lui offrant quelques bouteilles de bon alcool qui leur restait de leur ancienne vie.
Cependant, le vieil homme n'avait pas perdu contact avec Bélial. Ou du moins, le garçon continua de passer voir l'artisan après les cours et pendant les week-ends. Bélial voyait en ce vieillard un père aimant qu'il n'avait pas. Et ce sentiment d'affection était partagé.
Bélial était certain de trouver une épaule forte sur laquelle pleurer la mort de sa mère et un allié de force en la personne de cet artisan. Il n'avait jamais parlé de la relation qu'il avait construit avec le vieil homme à sa mère. Ni même à Lucifer. Mais il devait quand même la prévenir de son absence prolongée.
Comme il n'avait pas de téléphone chez lui, il alla la voir en personne. Ce fut une femme de chambre qui lui ouvrit. Comme elle le connaissait, elle le laissa entrer. Elle le guida jusqu'à la salle à manger où la petite famille l'accueillit chaleureusement, l'invitant à manger. Bélial ne se fit pas prier : il n'avait rien mangé depuis midi la veille.
- Alors, que nous vaut l'honneur de ta visite ? demanda Maximilien, le père de Lucifer et Claudia.
Bélial hésita un moment avant de répondre. Il devait choisir précautionneusement tout ses mots.
- Eh bien... Ma mère est morte, se décida-t-il enfin.
Le silence gagna la petite assemblée. Leurs yeux restaient ouverts de stupéfaction quelques longues secondes avant de se mouiller. Nora, la mère de famille dont ses filles avaient chacune prit la couleur des yeux ou la chevelure balbutia quelques condoléances avant de prendre congé.
- Comment c'est arrivé ? questionna Claudia.
Là encore, Bélial ne savait pas quoi répondre. Il hésitait entre dire la vérité et mentir. Il fit les deux :
- Bah, j'étais pas là quand ça s'est passé. Mon père m'a dit qu'elle était tombée dans les escaliers et qu'elle s'était ouvert le crâne, ce qui lui aurait été fatal. Mais moi, je pense plutôt que c'est lui qui l'a tuée.
Il était étrangement calme. Beaucoup trop calme. Il avait même énormément de peine à compatir avec toutes ces personnes autour de lui, se mouchant et chassant leurs larmes d'un revers assuré de la main comme si de rien n'était.
- Et ton père, demanda Maximilien. Il est au courant que tu es ici ?
- Non, répondit Bélial. Il n'est au courant de rien. Et je veux pas qu'il sache où je suis. Je... je vais fugué. J'ai pas l'intention de réapparaître avant longtemps.
- Et tu vas aller où ? l'interrogea Lucifer qui n'était pas encore intervenue.
- Je vais plus retourner à l'école, dit Bélial dans un tendre sourire non feint. Et je ne vais pas habiter ici. Mon père me retrouverait trop rapidement. Mais je continuerai de veiller sur toi, ne t'inquiète pas.
La petite rouquine se jeta dans les bras de Bélial, pleurant tout son soûl. Ce dernier lui caressait doucement les cheveux. Il n'éprouvait qu'un vague pincement au cœur alors qu'il aurait dut fondre en larmes lui aussi. Il se dégoûtait lui-même d'éprouver si peu d'émotions dans un moment pareil.
Une fois Lucifer calmée, Bélial salua tout le monde. Il prit Lucifer et Claudia dans ses bras, offrit une accolade amicale à Maximilien et chargea tout ce petit monde d'aller saluer Nora à sa place. Les adieux furent encore plus larmoyant que l'annonce de la mort de Rhéa. Même Bélial lâcha une petite larme en tournant le dos à la porte de la maison qui se refermait sur une famille dévastée par deux deuils.
Mais il avait fait son choix. Il était trop tard pour reculer. Il avait choisi le chemin sombre et tortueux de la vengeance. Il avait déjà quitté son humanité pour aborder les caractéristiques d'un tueur froid et sans cœur. Il n'en avait plus, de toute façon. Il avait enterré ses émotions avec le corps de sa mère.
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