FLASHBACK 6 : DILEMME MALSAIN
« Merde, c'est quoi cette odeur ?! » s'interrogea Chronos, vers huit heures du matin.
La cloche de l'école primaire de la Capitale sonna alors. A huit heures du matin, les cours commençaient. Comme la sonnerie n'était pas désactivée les week-ends, l'école était l'heure de référence pour toute la Capitale. Pour peu que l'on connaisse les horaires des sonneries...
« Putain, merde ! C'est quoi cette odeur, à la fin ?! » s'emporta Chronos, cherchant partout autour de lui.
Soudain, il vit sa femme – ou du moins le cadavre de sa femme – étendue au sol.
« Rhéa ? » appela-t-il.
Pas de réponse.
« Rhéa! » fit-il, plus violent cette fois.
Toujours pas de réponse.
« Au nom de l'Apocalypse, Rhéa, réveille-toi ! » cria-t-il.
Il se leva du lit pour saisir sa femme, étendue dans la même position qu'il l'avait laissée la veille. Mais Chronos ne sembla pas le remarquer. Il la retourna.
« Putain, qu'est-ce qu'elle est lourde ! » clama le nouveau veuf.
En effet, Rhéa, du haut de ses cent-trente kilos semblaient aujourd'hui en peser le double. Après de gros efforts, Chronos parvint à retourner sa femme. Et là, il vit.
Les grands yeux noisette, piégés à jamais dans une expression unique de douleur et d'effroi le plus total, comme si la Mort elle-même s'était chargée de faire taire à jamais sa femme. Même une larme était restée coincée au bord de son œil gauche. Comme si, une fois que l'âme avait quitté le corps, tout en provenant n'était plus soumis à rien. Mais surtout, ses cheveux marrons, bouclés et épais, qui d'habitude étaient si bien coiffés, étaient aujourd'hui en bataille et arrachés par endroits, laissant apparaître le crâne ou le cuir chevelu. Ce qui frappa le plus Chronos fut la trace de l'impact qui coûta la vie à sa femme : un trou, d'environ deux centimètres de diamètre. Trou ensanglanté, ayant perdu sa peau et le bouclier osseux nommé « crâne », pour laisser apparaître l'organe suprême, le cerveau.
En cet orifice dans le crâne de ce qui fut sa dulcinée, Chronos ne pu s'empêcher de plonger son indexe dans la masse rougeâtre qui y dépassait. La sensation lui procura un certain plaisir. Il continua de triturer le cerveau, jouant à essayer de toucher les parois internes du crâne. Il en toucha une, contre le front. Il cogna une phalange contre l'os, pour tester le bruit que cela faisait. Et il fut bien déçu en constatant que cela ne faisait qu'un bruit faible et sourd. Il retira alors son doigt, totalement dépité. Comme un enfant pourri-gâté qui se rend compte que le jouet qu'il avait tant convoité n'était en fait qu'une merde parmi toutes les autres qu'il avait déjà reçues.
Chronos resta un moment assis, à triturer une mèche de cheveux qu'il avait scalpé avec violence à sa femme la veille. Il regardait le cadavre sans trop vraiment le faire. Puis il se leva, tenant toujours la mèche de cheveux dans ses longs doigts ensanglantés. Il donna un coup de pied dans le cadavre en pouffant un peu puis descendit pour prendre son petit déjeuner.
Quand il arriva dans la cuisine, il fut surpris d'y voir personne. Puis il regarda la mèche de cheveux qu'il tenait et se remémora qu'il n'y aurait plus jamais Rhéa pour lui faire son café du matin.
Par contre, il y avait Bélial.
La portion de chevelure à la main, Chronos monta les escaliers au premier étage, destination la chambre de son fils.
Il ne prit pas le temps de frapper. Il poussa la porte avec tant de force que les gonds manquèrent de partir avec. Cependant, cela ne réveilla pas Bélial qui avait un sommeil de plomb. Il se retourna, grogna, et laissa tomber une revue pornographique sur laquelle il s'était endormi.
Déjà de mauvaise humeur à cause du bruit sourd qu'avait fait le crâne de Rhéa quand il avait cogner dedans au lieu du bruit creux qu'il avait espéré, Chronos trouvait son fils entiché avec ses revues préférées (qu'il avait d'ailleurs perdues). C'est alors qu'un sourire dément illumina son visage : s'il tuait son idiot de fils en lui explosant le crâne comme il l'avait fait pour sa salope de mère, peut être aurait-il la chance d'entendre un bruit creux en jouant avec sa cervelle ? Mais il abandonna bien vite l'idée en se disant que son fils – bien qu'idiot et bon à rien comme sa mère – lui serait bien plus utile vivant que mort. Après tout, qui s'occupera de faire à manger, de faire le ménage, les courses et de lui apporter son alcool ? Mais dans ce cas, Bélial n'irait plus à l'école. Et si Bélial n'allait plus à l'école, ça voulait dire que Chronos n'aurait plus de moyen de se venger. Et comme son fils était déjà idiot, il deviendrait encore plus idiot. Alors il ne deviendrait jamais riche et influent comme le souhaitait Chronos. Il ne pourrait jamais rivaliser avec ses oncles lors des futurs procès pour récupérer ce qu'il avait perdu !
Chronos s'était mis dans une fâcheuse position. Maintenant qu'il avait tué Rhéa (expérience qu'il ne trouva pas dérangeante), il n'y aurait plus personne pour s'occuper de la maison. Et prendre une femme de ménage reviendrait trop cher. Mais tout au fond de lui, une petite voix lui répétait sans cesse que sa vengeance n'aboutirait jamais, que de toute façon ses frères étaient bien trop puissants et que se confronter à eux étaient du suicide. Tout le monde dans la Capitale le savait.
Chronos s'extirpa alors de ses pensées. Il venait de prendre sa décision. Bélial n'irait plus à l'école. Il resterait ici pour les tâches ménagères. Et pour commencer, il allait faire un café à son père, lui sortir une bouteille de whisky et l'aider à enterrer sa mère dans le jardin.
Quoi ? « L'aider » ? Non, il allait enterrer sa mère dans le jardin. Seul.
Au moins, il se plaindra pas de pas avoir assister aux funérailles, pensa Chronos en riant.
Puis il réveilla Bélial.
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