27; Callie
MA SOEUR EST accompagnée d'un garçon beaucoup trop vieille pour elle. J'ignore où elle l'a dégoté, mais on dirait un mannequin sorti tout droit d'un défilé pour Calvin Klein. Si je me souviens bien, il fait parti de ma classe d'anglais. C'est le genre de gars qui doit couler toutes les matières parce qu'il ne se donne jamais la peine, et qui se retrouve à fumer à l'arrière de l'école pour décompresser un peu. Franchement, je ne croyais pas Jordan capable de s'abaisser à ce niveau, mais il faut croire qu'elle ne va pas cesser de me surprendre.
Nous attendons en file devant l'entrée du gymnase. Une fois arrivée à l'entrée, un préposé nous demandera nos tickets et nous rappèlera que l'alcool n'est pas admise au sein de l'école. Qui oserait en apporter de toute manière ? À la limite, nous subissons une fouille à nue à l'entrée. Je me souviens bien du bal d'hiver de l'année dernière, où Charles avait fait passé de l'alcool en douce. Il avait fait son sourire le plus charmeur au professeur qui guettait l'entrée et celui-ci était tombé dans le panneau. En plus, personne ne pouvait douter de son honnêteté puisqu'il était accompagné du parfait petit Reese McDonough. Bien sûr, Reese n'était pas au courant de ce que son meilleur pote avait en tête, mais il l'a aidé inconsciemment à passer les « douanes ». Personne ne les aurait jamais soupçonné d'enfreindre les règles, ça c'est certain. Le cadet McDonough est beaucoup trop parfait pour faire une chose pareille. Et puis, il a une bien trop bonne influence sur ses copains.
Reese. Mais où est-il ?
« - Ne t'inquiètes pas, ton prince charmant risque d'arriver bientôt, se moque Jordan.
- Ce n'est pas mon prince charmant.
- Ton Clyde, si tu préfères.
- Mon... Attends, quoi ? je demande, interloquée.
- Clyde, comme dans Bonnie and Clyde, répond-elle. Vous me faites beaucoup penser à ces deux-là.
- Ils meurent tous les deux à la fin. N'est-ce pas un peu tragique ?
- Les fins tragiques, ça vous connaît. »
Sur ces paroles, ma soeur me lance un clin d'oeil. Je fronce les sourcils, suspicieuse. Se peut-il que les soeurs aient un sixième sens dont j'ignore l'existence ? Savent-elles lire dans les pensées ? La peur me gagne aussitôt. Jordan n'est pas au courant, si ? Elle ne sait rien de ce qui s'est passé. Je ne lui ai jamais confié quoi que ce soit à ce sujet, alors pourquoi a-t-elle l'air d'en savoir plus que moi ? On dirait qu'elle sait tout, absolument tout. Je doute fortement que Riley lui ait mentionné quoi que ce soit, mais... Il avait l'air si chamboulé lorsque je lui ai raconté l'assassinat de la famille de Reese. Il n'aurait pas parlé de ça à Jordan ? Non, ce n'est pas son genre. Et pourtant...
Soudain, je l'aperçois. Reese McDonough fait son apparition dans l'entrée du gymnase, vêtu d'un costume qu'Annie a dû lui acheter de dernière minute. En le voyant, mon coeur semble s'arrêter, tandis que des papillons menacent de quitter mon ventre. C'est le moment précis où ma soeur décide de se pencher pour me murmurer à l'oreille :
« Ah, le voilà ! Il est drôlement sexy. Si j'étais toi, je lui sauterais dessus. »
Je jette un drôle de regard à ma soeur. Celle-ci s'empresse de rouler des yeux en secouant la tête. Son cavalier nous regarde bizarrement. Il fait semblant de parler avec l'un de ses amis, mais je vois bien qu'il écoute notre conversation d'une oreille. S'il croit pouvoir me faire gober n'importe quoi, il se trompe.
« - Tu devrais aller le voir, me suggère Jordan.
- À quoi bon ? Ce n'est pas comme si lui et moi on se parlait encore.
- Ne fais pas semblant, Callie. Tu ne m'auras pas sur ce coup. À l'école vous gardez vos distances, mais c'est évident qu'il y a une tension...
- Ne finis pas ta phrase, je t'en prie ! je proteste.
- Tension sexuelle ! C'est évident qu'il y a de la tension sexuelle dans l'air ! Voilà, c'est dit.
- Tu es un cas désespéré, Jordan.
- Non, ta vie amoureuse est un cas désespéré. »
Je roule des yeux, peu surprise par les remarques mesquines de ma soeur. Au lieu de lui répondre, je me tourne pour observer Reese de nouveau. Je ne l'aperçois qu'à moitié, mais le simple fait de le savoir présent, me rassure un peu. Certes, il est vrai que nous ne nous sommes pas beaucoup parlés depuis la fois où je lui ai tout révélé au sujet de l'incendie, ce qui remonte à maintenant une semaine. Il m'a abordé quelques fois à l'école et nous avons échangé quelques textos, mais nous n'avons pas vraiment reparlé de l'incendie. Et je doute qu'il m'ait évité de son plein gré. Selon moi, mon frère y est pour quelque chose. Avant la disparition de Reese, lui et mon frère s'attendaient à merveille. On aurait pu croire qu'ils étaient les meilleurs amis du monde. Seulement, Riley sait tout maintenant. Il ne voit plus Reese McDonough de la même manière. Sa perception de lui a changé. Il a probablement dit à Reese de s'éloigner de moi, comme je le connais. Comme si m'éloigner de lui allait effacer nos erreurs communes. Riley doit penser que c'est le mieux pour moi, maintenant qu'il sait tout. Mais personne ne sait ce qui est le mieux pour moi, mis à part moi-même.
J'arrive enfin à l'entrée du gymnase où un petit commis d'un an mon cadet me demande mon billet. Je lui tends, puis je suis ma soeur et son cavalier à l'intérieur du gymnase. Je suis légèrement étonnée d'être encore en compagnie de ma soeur. Normalement, elle se serait très vite écartée de moi pour aller rejoindre son immense groupe d'amis, mais là, elle est encore là. N'est-elle pas supposée avoir honte de moi ? Une certaine fierté s'empare aussitôt de moi. Jordan Miller ose se tenir en public avec sa soeur affreusement dépressive ? En voilà une première ! Malheureusement, le sentiment n'est qu'éphémère. Bientôt, ma soeur me quitte en compagnie de son cavalier pour aller danser sur la piste de danse. Je reste donc plantée là, comme une parfaite abrutie. Je m'appuie contre le mur du gymnase et observe les gens danser et s'amuser entre amis sous l'éclairage multicolore de la pièce. Ils ont tous l'air très heureux, comme si le monde entier leur souriait. Je vois un groupe de filles éclaté de rire, toutes vêtues de leur plus belle robes. Certains garçons se donnent quelques tapes amicales dans le dos, tandis que d'autres se voient obligés d'accompagner leur copine sur la piste de danse. Certains ont plus d'entrain que d'autres. Un léger sourire flotte sur mes lèvres, alors que j'en vois un renversé le contenu de son punch dans le décolleté d'une fille. C'est bien typique de cet idiot maladroit. La jolie blonde qui lui sert de cavalière s'empresse alors de le traiter de tous les noms, lui rappelant au deux secondes qu'il a ruiné sa magnifique robe.
« Ça te dit de danser ? » fait une voix près de moi.
Mes yeux quittent le couple qui se dispute pour se retrouver sur un garçon de mon âge, aux cheveux bruns et aux yeux gris d'une certaine intensité. C'est Carter McLeod, un garçon qui suit le même cours de biologie que moi. Si je me souviens bien, il est sorti avec Rhéa Javali pendant trois mois, avant qu'ils ne prennent des chemins différents. Habituellement toujours vêtu d'un jeans et d'un polo, je remarque qu'il s'est mis sur son trente-et-un pour cette soirée. Il porte une chemise et une cravate qui lui vont à ravir. Pourquoi m'invite-t-il à danser ? Il y a des dizaines d'autres célibataires dans la pièce, pourquoi me choisirait-il parmi tant d'autres ?
Je me redresse légèrement pour essayer de reprendre une posture plus appropriée et adresse un sourire en direction de Carter.
« - Désolée, je... Je n'ai pas envie de danser, je mens.
- Ah, c'est dommage. Je ne croyais pas que tu étais accompagnée.
- Je ne le suis pas ! je m'exclame avec un peu trop d'enthousiasme. Je ne suis pas accompagnée, ne t'inquiète pas. Le truc, c'est que je suis une piètre danseuse.
- Alors toi et Reese McDonough... »
Je fronce les sourcils, tandis que Carter prend un air gêné.
« - Crache le morceau, Carter ! j'insiste.
- Eh bien, mes potes et moi on croyait que vous étiez toujours ensemble. Est-ce que c'est le cas ? Parce qu'à vous voir, c'est très difficile à dire.
- Nous ne sommes pas ensemble. Enfin, je ne pense pas. »
Son sourire se fait plus grand à ce moment là. Depuis quand est-ce que je fais cet effet aux garçons ? Je n'en ai pas la moindre idée. Après tout, je ne suis que Callie Miller, la fille anti-sociale qui a eu bien de la difficulté à s'intégrer dans sa nouvelle école. Mis à part Reese, personne ne m'a jamais invité à danser. Plusieurs mois après sa disparition, quelques garçons m'ont parlé, mais aucun d'entre eux n'a osé m'inviter à danser ou à sortir. C'est comme si puisque tout le monde respecte Reese, ça serait très mal vu de s'intéresser à son ex-petite amie. J'aime Reese, mais je ne suis certainement pas sa propriété. Je suis certaine qu'il ne me voit pas comme ça lui non plus, mais le reste de cette ville semble me percevoir de cette manière. Être l'ex de quelqu'un, ça commence à vous coller à la peau un jour ou l'autre.
« Alors, je vais te reposer ma question. Est-ce que ça te dit de danser avec moi ? »
En me voyant hésiter, Carter s'avance et me tend la main.
« Ce n'est qu'une danse, Callie. Entre amis, c'est promis. »
Je finis par céder et attrape la main qu'il me tend. Il m'adresse l'un de ses plus beaux sourires, puis nous entraîne sur la piste de danse. Ma soeur danse avec quelques-unes de ses copines et lorsqu'elle m'aperçoit avec Carte McLeod, elle m'adresse un petit clin d'oeil. Parfois, j'en viens à penser que ma soeur et moi sommes beaucoup trop différentes pour avoir quelconque lien de parenté. Ma soeur est extravertie, alors que je suis introvertie. Jordan sourit, alors que je me morfonds. Ma soeur n'a pas commis de crime qui incite la prison à perpétuité, alors que moi, si.
Au départ, Carter et moi n'avons pas beaucoup de difficultés à agir comme « des amis ». La musique est entraînante et tout le monde danse avec tout le monde. J'en viens même jusqu'à m'amuser. Seulement, la chanson qui suit change complètement l'ambiance. La chanson se trouve à être un slow et je me retrouve alors obligée de danser avec Carter de manière un peu trop romantique à mon goût. Celui-ci pose une main sur ma hanche et voyant mon inconfort, il s'écarte immédiatement.
« - Euh... Peut-être qu'on peut s'arrêter là ?
- Ouais, euh, je vais aller me rafraîchir un peu. C'es fou comme il fait chaud dans ce gymnase ! je mens, tout en m'éloignant peu à peu de lui.
- Oui, il fait affreusement chaud. Euh...
- Merci pour cette danse. Je me suis vraiment amusée.
- Oh, il n'y a pas de quoi. » marmonne Carter.
Il continue de me sourire comme un idiot, mais je suis déjà bien loin de lui. Bien assez vite, je me retrouve hors de l'énorme masse de gens qui dansent. Mais qu'est-ce qui m'a pris de danser avec Carter McLeod ? J'aurais dû m'attendre à ce que tout ne reste pas seulement « entre amis », Bien entendu, il y aurait eu un slow pour venir tout gâcher. Il y en a toujours au moins deux ou trois par soirée, juste pour inciter de nouveau couple à se former.
Je n'ai rien contre me faire de nouveaux amis, mais me faire un nouveau petit ami, ça c'est tout autre chose. Je ne suis pas prête, voilà. Oui, même après six mois de rupture. Oui, même après cette histoire d'amnésie. Oui, même si j'ai vu mon copain tué son propre père. Que je le veuille ou non, Reese et moi sommes liés. Il est mon premier amour et c'est une chose qui ne s'oublie pas facilement. Comment pourrais-je tourner la page après cet amour atypique que nous avons connu, après toutes les choses que nous avons vécu ensemble ?
Tout d'un coup, mon cellulaire se met à vibrer. Je le prends et puis, j'ouvre l'écran d'accueil. Mon téléphone portable affiche que j'ai deux nouveaux messages de la part de Rhéa Javali.
Rhéa; 18h47
Je dois ta parler, c'est urgent.
Rhéa; 18h48
Viens me retrouver dans la salle de bain, près des vestiaires.
Je fronce les sourcils, sceptique. Certes, Rhéa est mon amie, mais je n'aurais jamais pensé au fait qu'elle était le genre de fille à me texter au beau milieu du bal d'hiver pour « discuter ». Si ça se trouve, elle va me parler de son énième rupture amoureuse, de son choix de vernis à ongle ou de sa robe. J'apprécie cette fille, mais parfois elle incarne la superficialité.
À moins que... Oh, bon sang ! Peut-être qu'elle m'a vu danser avec son ex-petit ami et que ça l'a contrarié. Ce n'était pas mon intention, loin de là. Et puis, Rhéa collectionne tellement les garçons que j'en viens à penser que le gars avec qui elle a eu une relation platonique de trois mois l'importe peu. Mais quelle idiote suis-je ! Rhéa est probablement ce genre de fille possessive, même après la fin d'une relation sans grande importance.
Effrayée, je m'avance en direction de la salle de bain près des vestiaires. Rhéa est ma seule amie dans ce trou perdu. Si je la perds, je dois admettre que ça me fera un léger pincement au coeur. Même si cette fille est spéciale dans son genre, c'est quelqu'un qui a un grand coeur et qu'on n'a pas envie de perdre. Je m'en voudrais d'avoir ruiné notre amitié.
Ce n'est pas la première chose que je ruinerais et ça ne serait certainement pas la dernière chose.
« Où est-ce que tu vas, Callie ? »
Je m'arrête brusquement. Lentement je me retourne dans la direction de Moira McDonough. Je croise les bras de manière à me donner une certaine confiance face à elle. Elle est vêtue d'une jolie robe rose pastel qui la met étrangement en valeur.
« - Ça ne te regarde pas, je rétorque.
- En effet. Je suis juste curieuse.
- Tu es trop curieuse, Moira. »
Un silence s'en suit. Je sais que Moira McDonough est au courant de tout, ça se voit dans la manière dont elle me regarde, dont elle regarde Reese... Il y a quelque chose chez elle qui me fait facilement comprendre qu'elle sait ce qui s'est vraiment passé le soir de l'incendie. J'ignore comment elle a su, mais ça m'est égale. Je doute qu'elle nous dénonce. Certes, Moira me déteste, mais elle ne déteste pas Reese. Je crois que son affection pour lui est profondément sincère et qu'elle ne veut que son bien. Enfin, c'est ce que je suppose.
Comme si elle lisait dans mes pensées, elle ouvre la bouche pour se justifier :
« - Tu peux me faire confiance, Callie. Je ne dirai rien, m'assure-t-elle.
- La confiance est quelque chose qui se mérite. Crois-moi, je doute que ce soit ton cas.
- Oh, ça va ! Je ne veux que le bien de Reese. Et même si ça implique qu'il ait tué son père - ce qui est un acte horrible et dénué de bon sens - je n'ai pas envie de le voir en prison jusqu'à la fin de sa vie. S'il n'y avait que toi dans cette histoire, crois-moi, cela ferait un moment que tu serais derrière les barreaux.
- Alors, je te remercie. Pour Reese.
- Pour Reese. » répète-t-elle.
Nous échangeons un bref coup d'oeil, puis je m'excuse et tourne à l'angle du corridor. Je n'ai pas envie de poursuivre la conversation avec Moira McDonough, la fille que je déteste depuis mon arrivée à Green Lake. Même si nous avons un terrain d'entente parce que nous tenons toutes les deux à Reese, il est évident qu'elle et moi sommes beaucoup trop différentes l'une de l'autre. Elle et moi avons des manières de penser complètement différentes. Il m'est impossible de devenir amie avec cette fille.
Je m'avance jusqu'aux toilettes, quelques mèches rebelles me tombant devant les yeux. En prenant une profonde inspiration, je pousse la porte qui mène à la salle de bain. Je m'attends au pire venant de Rhéa Javali. Si ça se trouve, elle va m'engueuler pendant deux bonnes heures parce que j'ai dansé quelques minutes avec Carter McLeod, son ex-petit ami.
Seulement, au lieu de quoi, je tombe sur une fille qui peine à se tenir debout, des sanglots incessants s'échappant de ses lèvres. Je fronce les sourcils et m'avance tranquillement, de peur de la brusquer. Lorsque je m'agenouille face à elle et que je pose une main sur son épaule, elle me rejette immédiatement, complètement terrorisée.
« - Ne me touche pas ! se défend-elle.
- Mais... Mais... Rhéa, c'est moi. Je... Qu'y-a-t-il ?
- Callie, je te faisais confiance et tu...
- Et j'ai quoi ? » je demande, soudainement très soucieuse.
Pour simple réponse, Rhéa me tend un dessin. Je l'attrape, tout en gardant une distance raisonnable avec elle. C'est quelque chose que j'ai dessiné, il y a de cela un moment déjà. C'est un manoir englouti par des flammes plus grosses que nature. Je l'ai dessiné dans un moment de faiblesse, alors que les pires souvenirs me revenaient en tête. Le dessin est tout chiffonné et abimé, si bien que Rhéa a dû creuser fort pour le trouver. Je croyais l'avoir jeté, mais semble-t-il que j'ai été bien stupide de penser que ça pourrait l'effacer complètement de ma vie.
Je titube et manque de trébucher sur les buvettes. Mes mains tremblent, alors que je laisse tomber le dessin au sol. Comment a-t-elle su ?
« Rhéa, tu dois m'écouter. » je déclare, essayant de paraître sûre de moi.
Celle-ci sèche ses larmes, et me regarde, ses yeux tous bouffis. Ses lèvres tremblent, et j'en viens à me demander si c'est parce qu'elle est en colère. Certes, pas besoin d'être un génie pour savoir que la situation ne lui plaît pas. En fait, je suis pratiquement convaincue qu'en ce moment, elle me déteste.
« - Je croyais que je pouvais te faire confiance, Callie. Mais il semble que non.
- Tu peux me faire confiance, Rhéa ! Ne sois pas stupide ! je m'indigne.
- Stupide ? Stupide ? Je suis stupide de ne pas faire confiance à une meurtrière pyromane et manipulatrice ? Je suis si stupide de ne plus te faire confiance, Callie ?
- Je... Comment est-ce que tu as su ?
- Ton frère, Callie. Ton frère. »
Mon coeur semble se briser à cet instant. Mon frère est ma personne préférée dans ce vaste monde, c'est la personne en qui j'ai le plus confiance, en qui j'ai le plus foi. Et voilà que j'apprends qu'il m'a dénoncé. Le temps semble s'arrêter à cet instant, alors que je comprends bien assez vite que mon frère a agit contre moi et que de ce fait, il m'a trahi. Mon visage perd de ses couleurs et mon pouls accélère. Mon frère n'est pas celui que je croyais être. C'est quelqu'un d'autre, quelqu'un que je pensais connaître, mais qui se trouve à être un parfait inconnu à mes yeux. Je me suis trompée à son sujet.
Des larmes s'écrasent le long de mes joues et mon coeur s'effondre en mille morceaux au même moment. Comment a-t-il pu me faire une chose pareille ?
« - C'est impossible.
- Ah oui ? rétorque Rhéa. Pourtant, il est bel et bien venu me voir l'autre soir, complètement déboussolé et chamboulé. Il venait d'apprendre la mauvaise nouvelle et cherchait une épaule sur qui pleurer. Je me suis retrouvée à être cette personne et il ne lui a pas fallu longtemps pour se confier à moi. Il m'a tout raconté, absolument tout. Quand je pense que Reese McDonough a tué son père...
- Mais tu n'es qu'une sale hypocrite, Rhéa ! Tout ce temps, tu savais ça et tu n'en as rien fait. Tu as continué de jouer la fille adorable qui est pote avec tout le monde, tout en connaissant la vérité. Tu m'as souri comme si de rien n'était ! Pourquoi n'as-tu rien fait ? Qu'est-ce que tu attendais pour venir me confronter ?
- JE PENSAIS QUE TU ALLAIS TE DÉNONCER ! » hurle maintenant Rhéa.
Le silence plane maintenant dans la salle de bain. Je n'ai qu'à espérer que personne ne soit aux alentours et entende cette conversation. Seulement, au point où j'en suis... Disons que je doute que les choses aillent encore plus mal qu'elles ne le sont déjà.
Prenant un peu d'assurance, je fais quelques pas en direction de celle que je pensais être mon amie. Celle-ci recule maladroitement, comme si... Elle a peur de moi, bon sang ! Quand je pense que j'ai passé ces six derniers mois à cacher un secret qui finit par éclater de la pire manière qui soit. Un traite de frère et une fausse amie. La parfaite combinaison, quoi ! Maintenant que Rhéa sait tout, ce que je craignais est enfin arrivé. Les gens ont peur de moi et me craignent, comme si soudainement la personne que j'étais avant n'existais plus. Si ça se trouve, lorsque je serai en prison, les gens ne me verront que par le crime que j'ai commis. Je ne serais plus Calliope Rose Miller, mais bien « la fille qui a aidé son petit ami à s'échapper d'un crime et qui a provoqué l'incendie du manoir familial ». Bref, je ne deviendrais qu'un autre cas parmi tant d'autres.
« - Qu'est-ce que tu as dit ? je demande.
- Le juge est plus clément lorsqu'on dénonce par nous-même notre crime. En te dénonçant, c'est comme si tu admettais que ce que tu as fait est mal et que tu le sais. Si tu étais aller voir les policiers...
- Pour faire quoi ? Pour alléger ma peine de vingt-cinq ans à quinze ans ? C'est ça ton plan, Rhéa ?
- C'EST CE QUE VOUS MÉRITEZ ! C'EST CE QUE VOUS MÉRITEZ TOUS LES DEUX ! hurle la brunette.
- MAIS CE N'EST PAS EN TOI D'EN DÉCIDER !
- J'étais prête à te laisser jusqu'à ce soir, Callie. Je te laissais une chance de te dénoncer par toi-même, mais tu n'en as rien fait. Maintenant, je ne vois qu'une seule possibilité.
- Rhéa, ne fais pas ça ! je la supplie. Il y a d'autres solutions, il y en a toujours plein d'autres. Tu ne peux pas me faire ça. Je pensais que tu étais mon amie, bon sang ! Ne fais pas ça, je t'en supplie.
- Je suis désolée, Callie, mais il n'y a pas d'autres choix. Tu dois assumer les conséquences de tes actes. Ce que tu as fait ce soir-là, c'est tout simplement horrible. Reese et toi devez être punis pour ce que vous avez fait.
- Ce n'est pas à toi d'en décider, bon sang ! je m'exclame, choquée par ses propos.
- À la première heure, demain matin, je me rendrai au commissariat de police.
- Rhéa, je t'en supplie.
- Et je leur dirai tout. »
Je suis incapable de rester calme et mon impulsivité fait en sorte que mon poing s'écrase brutalement sur le joli petit minois de celle que je croyais être mon amie. Cette-dernière titube jusqu'à tomber sur le carrelage des toilettes. Je suis bien trop sur l'adrénaline pour penser à m'excuser ou à faire quoi que ce soit. Au lieu de cela, je fonce immédiatement hors de la salle des bains des filles et tentent de me faufiler hors de l'école. Le temps presse. Rhéa ne plaisante pas quand elle dit qu'elle nous dénoncera à la première heure demain matin. Je dois quitter cette ville, je dois m'enfuir. Il m'est impossible de rester. Je dois rassembler des vêtements, de l'argent, de la nourriture...
Reese.
Oh, bon sang ! Je dois absolument trouver Reese. Il n'est pas question que je le laisse aller en prison et qu'il y passe le reste de sa vie. Lorsque les gens sauront ce qu'il a fait, leur perception de lui changera. Il ne sera plus question d'un garçon aimable et serviable, mais bien d'un meurtrier. Il n'y aura que moi qui comprendra que, malgré l'horrible acte qu'il a commis, c'est toujours Reese McDonough et qu'il est toujours quelqu'un de bien. Je préfère savoir Reese loin de cette ville lorsque ce moment arrivera.
Sans penser à ce que je fais, je me faufile à l'intérieur du gymnase à la recherche de Reese. Il est difficile de distinguer qui que ce soit tant l'éclairage est différent de ce dont j'ai l'habitude. Néanmoins, je finis par le trouver au bout d'une dizaine de minutes. Il est appuyé contre un mur, sirotant un peu de punch. Il est évident qu'il s'est placé là, dans un coin replié de la piste de danse, à l'abri des regards les plus indiscrets, pour éviter de faire face au jugement répétitif de nos camarades d'école.
Je me glisse près de lui et l'attrape par le bras. Il sursaute, puis en me reconnaissant, il se radoucit. Il doit deviner que quelque chose ne va pas, parce que soudainement son expression s'assombrit.
« - Que se passe-t-il ?
- Nous devons partir, Reese. Nous devons partir immédiatement, je dis.
- Pourquoi ? Callie, dis-moi ce qui se passe.
- Quelqu'un sait. Et cette personne va nous dénoncer demain, à la première heure.
- Quoi ? Mais comment c'est possible ? Qui est-ce ? m'interroge Reese, inquiet.
- Je te raconterai tout ça en chemin. Pour le moment, nous devons quitter cette ville. Le temps presse ! Nous devons être le plus loin possible de cette ville d'ici l'aube. »
Je ne donne pas à Reese le droit de répondre, puisque je lui prends la main et je l'entraine hors de la salle. Étant tous les deux pleinement conscient du danger qui cours, nous courons le plus vite que nous pouvons, le coeur battant à mille à l'heure. Heureusement, ma voiture n'est pas stationnée bien loin. Nous nous retrouvons bien assez vite à l'intérieur, le moteur en marche, prêts à faire un arrêt rapide chez moi pour aller chercher ce dont nous avons besoin.
Reese remarque que mes mains sont tremblantes parce qu'il pose les siennes sur les miennes. Je lève les yeux tranquillement dans sa direction.
« Tout va bien aller, Calliope. » murmure-t-il.
Je ne réponds pas, cette phrase me rappelant trop bien une nuit qui a mal débuté et qui a très mal fini. Au lieu de quoi, j'enfonce la pédale d'accélération et quitte le stationnement de l'école. Le trajet se déroule rapidement, alors que je m'acharne à expliquer à Reese les détails de cette soirée.
« - C'est dingue, tout de même ! s'exclame Reese. Je n'aurais jamais cru cette fille capable de faire une chose pareille.
- Rhéa pense que ce qu'elle fait est bien. C'est pour ça qu'elle agit ainsi, mais je dois t'avouer que moi aussi je suis assez sceptique.
- Il faut croire qu'on est tous un peu hypocrites dans cette histoire.
- Il semblerait bien que oui. »
Une fois l'automobile garée devant ma maison, Reese et moi nous glissons à l'intérieur de cette-dernière. Il y a un certain avantage à avoir un père dont les patrons le forcent à travailler jusqu'à tard le soir : il ne risque pas d'être là dans un moment pareil.
Il nous suffit d'une dizaine de minutes seulement pour rassembler les affaires dont nous avons besoin dans un énorme sac. Cependant, mes pieds semblent fixés dans le plancher. Je reste plantée au milieu de l'entrée, Reese à mes côtés avec notre sac de provisions, comme si j'avais complètement oublié que le temps nous était compté.
« - Est-ce que ta famille va te manquer ?
- Oui. Oui, bien sûr qu'elle va me manquer. Mais je doute qu'en apprenant que je t'ai aidé à échapper à un meurtre, j'aurai toujours une place au sein de celle-ci, j'admets.
- Je suis désolé, Callie.
- Moi aussi. »
Reese se penche alors pour déposer un baiser sur ma tempe.
« Je vais t'attendre dans la voiture. Prends tout ton temps. »
J'hoche la tête, tandis qu'il quitte tranquillement la maison. Je laisse libre-cours à mes larmes, une fois que je suis certaine que Reese n'est plus là pour le voir. Il comprend que je suis triste de dire adieu à ma famille, mais il ne doit pas me voir pleurer. S'il me voit réagir aussi fortement à cela, il essayera de trouver d'autres solutions, des solutions où je ne risque pas de pleurer. Optimiste comme il est, il pourrait probablement passer des heures à chercher de nouvelles solutions. Seulement, il n'y a pas d'autres solutions et nous n'avons pas tout ce temps.
Je dois rester forte. Cette phrase semble maintenant représenter la routine, chaque jour qui passe me semble s'approprié correctement à celle-ci. Je ne peux pas me montrer faible, en aucun cas. Je dois rester forte.
Je sèche mes larmes, puis quitte la maison. Reese m'attend dans la voiture comme promis. Il n'est plus question de faire marche arrière cette fois. Non, je ne remettrai jamais les pieds à Green Lake. Je n'irai pas en prison. Je ne reverrai plus jamais ma famille. Je ne serai qu'une fugitive, passant ses jours à se cacher, de peur d'être démasquée.
Tout ces sacrifices, c'est pour Reese.
Tout ça, c'est pour lui.
Il y a bien des choses que je serais prête à faire par amour.
✖️
Salut ! Ça va bien en cette veille de Noël ?
Alors, c'était le dernier chapitre du point de vue de Callie. Oui, nous y sommes déjà !
Le prochain chapitre est un court flashback du point de vue de Reese. Je vais le publier immédiatement après.
Si tout se passe bien, je devrais poster l'épilogue dans quelques temps. Oui, déjà. Je n'en reviens toujours pas !
En fait, mon véritable objectif était de finir cette histoire aujourd'hui, le 24 décembre. Et je suis pas mal fière de l'avoir presque atteint (plus que l'épilogue !).
Merci à tous d'être présent. Merci pour vos commentaires, pour vos encouragements. Sans vous, je ne serai probablement pas rendue là en ce moment.
Merci, sincèrement.
marianne.
passez un très bon temps des fêtes et j'en profite pour vous souhaitez un joyeux noël et une bonne année !
xx
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