26; Reese

MON CORPS TREMBLE, alors que Callie finit de tout me raconter. Cette-dernière fait les cent pas dans ma chambre, tandis que je suis assis sur son lit, mon visage enfoncé au creux de mes mains. Son frère nous a laissé seul, ne voulant probablement pas embarquer dans une conversation qui ne regardait que Callie et moi. Il a dû voir l'énorme drame qui allait s'en venir. Je n'arrive pas à regarder mon ex-petite amie droit dans les yeux. Je ne lui en veux pas de m'avoir dit la vérité, après tout c'est bien ce que je n'avais cessé de lui demander. J'ai simplement de la difficulté à assimiler la nouvelle. Je n'arrive pas à rencontrer le visage de Calliope parce que j'ai horriblement honte. Elle n'a rien fait, mais moi si. J'ai tué mon père, bon sang ! Certes, je me suis toujours douté que la vérité n'allait pas être facile à entendre, mais je n'aurais jamais cru à un homicide. Il y avait des signes pourtant ! Tout semblait être lié à l'étrange mort de mes parents, assassinés dans le manoir familial avant même le début de l'incendie. Maintenant que je sais tout, je me sens différent. Oh, et je regrette ! Si seulement j'avais su... Callie m'avait déjà prévenu pourtant. En bon imbécile que je suis, je ne l'ai pas écouté et je me suis retrouvée dans cette situation périlleuse. Si elle me cachait la vérité depuis le début, c'était uniquement pour mon propre bien. Callie a fait face à un énorme dilemme en me voyant poser autant de questions. Je me sens tellement idiot maintenant que je sais tout. Au moins, maintenant je comprends ce qui nous lie. Ce n'est pas uniquement de l'amour, mais bien un crime, un crime qui nous pèse sur les épaules.

Alors que Callie me racontait tout, des souvenirs m'ont traversé l'esprit. J'ai vu cette fameuse nuit où il y a eu l'incendie, je me suis vu assassiné mon père sans aucune pitié, j'ai vu Callie pleurer contre moi, je l'ai vu me faire promettre de ne jamais remettre les pieds à Green Lake et puis, je me suis vu lui promettre du contraire avant de disparaître dans une minuscule forêt de rosiers. J'ai également ou des souvenirs banals reflétant ma vie d'avant. Après cela, tout me semble affreusement floue. Je me revois simplement poussé les branches des rosiers, me préoccupant peu de la douleur que leurs épines m'infligeaient en effleurant ma peau de tout son long. Cette résistance à la douleur est probablement dû à une énorme dose d'adrénaline. C'est seulement après que j'ai dû me rendre compte de la douleur. Puis, après les rosiers je me souviens d'avoir traverser une énorme route et d'avoir couru en direction de la forêt. Le reste est flou, un peu comme si ma mémoire avait commencé à dérailler à partir de ce moment là.

Une chose est certaine, cependant. Je n'étais pas supposée remettre les pieds à Green Lake. Callie m'avait fait promettre de ne plus jamais y remettre les pieds. Pas étonnant qu'elle ait été autant surprise de me voir au beau milieu de la route comme un chien errant, ce jour là.

Je pousse un énorme soupir et retire mes mains de l'avant de mon visage. Callie me fixe de ses grands yeux noisettes, l'air anxieuse.

« Et qu'en est-il du bébé ? » je demande.

Je semble la prendre au dépourvu puisqu'elle se met subitement à froncer les sourcils, ne s'attendant probablement pas à cette question pour débuter cette conversation post-vérité. Je dois avouer que ce n'est pas la première chose à laquelle on pense, surtout lorsqu'on vient d'être accusé du meurtre de son père. Il y a certainement des dizaines de questions plus pertinentes que celle-ci, mais je tiens à savoir.

Il faut croire qu'il n'y a pas de juste milieu : soit je sais tout, soit je ne sais rien.

« - C'était une fausse alerte, m'avoue-t-elle.

- Tu n'as jamais eu l'occasion de me le dire, pas vrai ? »

Elle reste silencieuse, osant tout juste me regarde. Pour simple réponse, elle secoue la tête. C'est bizarre de regarder Calliope maintenant. Je veux dire, cela fait un moment que j'ai deviné qu'elle était impliquée dans cette histoire, mais je n'aurais jamais cru que nous aurions vécu autant de choses ensemble. Quel gars peut dire que sa copine l'a aidé à camoufler un meurtre ? Je doute qu'il y en ait énormément. Oui, je regarde Callie différemment maintenant que je sais ce qu'elle a fait pour moi. Ce n'est pas du dégoût, mais de l'admiration. Calliope Rose Miller a tout sacrifié pour que je m'en sorte, et voilà que je sabote tout comme un parfait imbécile. Callie est plus forte que ce qu'elle paraît, ça c'est certain. Elle a enduré tellement de choses ces dernières semaines, allant même jusqu'à porter le poids de cet horrible crime sur ses épaules. Elle n'y est pour rien, tout est de ma faute. À cette simple pensée, la culpabilité m'envahit.

« - Est-ce que tu m'en veux, Callie ? je demande.

- Quoi ? Bien sûr que non !

- Mais... J'ai tué mon père. Je l'ai frappé sans aucune pitié, sans même penser aux conséquences de mes actes. À cause de moi, nos vies entières sont fichus.

- Ne dis pas une chose pareille, je t'en supplie. La seule personne a qui je peux en vouloir en ce moment c'est à ton père. C'est lui qui est la cause de tout ce mal. Il te battait, tout comme il faisait subir un calvaire à ta mère et à ta soeur.

- Tu ne méritais pas d'être impliquée là-dedans pour autant, je rétorque.

- Reese... »

Le regard de Callie se fait distant, comme si la nostalgie prenait le dessus à ce moment là. Lorsque mes souvenirs sont revenus par dizaine, alors que mon ex-petit amie m'expliquait en détails nos mésaventures, je nous ai vu tous les deux. Nous avions l'air tellement heureux ensemble que j'en suis venu à regretter le passé. C'est la nuit de l'incendie qui a complètement bouleversée nos vies, chamboulant ainsi notre amour quasi-parfait. Je ne crois pas que les choses peuvent redevenir comme avant, mais je peux toujours espérer qu'elles s'en rapprochent.

« On ne peut pas changer le cours des choses. Ce qui est arrivé est arrivé, point final. Il n'y a rien que l'on puisse faire pour changer cela. »

Je ne dis rien, ne voyant rien à répondre à cela. Je ne mérite pas la gentillesse de Calliope. Elle a beau me répéter que je n'y suis pour rien et qu'on ne peut rien changer à ce qui s'est passé, je ne peux m'empêcher de me sentir mal. Bien entendu, il est impossible de changer le cours de l'histoire, mais... Mais j'ai cette impression que certaines choses auraient pu être évitées. J'aurais dû penser avant d'agir, cela aurait bien évité un certain mal. J'aurais dû appeler la police, j'aurais dû tenir Callie à l'écart de toute cette merde, j'aurais dû... J'aurais dû faire tant de choses.

Callie vient s'assoir près de moi sur le lit. Elle ramène ses genoux contre sa poitrine, tout en glissant sa main dans la mienne. Le contact me réchauffe le coeur immédiatement. Je lève les yeux dans sa direction. Un drôle d'air flotte sur son visage.

« - Ça va ? je lui demande.

- Ouais, je... Écoute, Reese, je ne devrais probablement pas dire ça, mais... Je suis soulagée de ne plus être la seule à vivre avec ça sur les épaules. Tu trouves que c'est étrange ? m'avoue Calliope.

- Non, loin de là. »

Nous restons silencieux un moment. Callie est de plus en plus près de moi, faisant battre mon coeur rapidement. Je ne peux pas en vouloir à mon ex-petit amie pour être soulagée de partager le poids de ce crime avec quelqu'un d'autre. Certes, Callie est forte, mais elle n'est pas invincible. Selon moi, elle n'aurait jamais dû porter, seule, le poids de ce crime. Elle fait simplement partie de ce type de personnes qui se retrouvent au mauvais moment, au mauvais endroit. Calliope n'aurait vraiment pas dû se retrouver impliquée dans cette histoire. Oui, je regrette de savoir ce que je sais maintenant, mais au moins je ne regrette pas de voir Callie aussi soulagée.

Je plonge mon regard dans le sien, inquiet.

« - Qu'est-ce que tu comptes faire maintenant ?

- Maintenant ? »

Callie semble se raidir soudainement.

« - Oui, maintenant que tu connais la vérité. Est-ce que... Est-ce que tu comptes aller voir la police ?

- Aller voir la police ? Non, bien sûr que non. Si j'étais le seul impliqué, j'irais peut-être. Sauf que là, tu y es également impliquée. Et je ne veux pas que tu payes pour mes erreurs. Ça serait totalement injuste !

- La vie est injuste.

- Tu es une vraie pessimiste, Calliope.

- C'est ce qui fait mon charme ! » plaisante-t-elle.

Un léger sourire flotte sur ses lèvres au moment où je décide de me pencher pour l'embrasser. Ça me vient sur un coup de tête et mon impulsivité fait en sorte que je me jette sur ses lèvres sans trop réfléchir. Au départ, elle hésite à répondre à mon baiser et j'en viens à me séparer d'elle, mais elle me rattrape par le collet et me plonge dans un nouveau baiser. Tous mes sens semblent s'éveiller à ce moment là. Lorsque nous mettons fin au baiser, nous sommes tous les deux à bout de souffle. Je n'ai pas les idées très clairs et j'en viens à penser que je n'aurais probablement pas dû poser ce geste. Nous nous dévisageons un long moment, puis je me décide finalement à prendre la parole :

« - Tu devrais t'éloigner de moi, Callie.

- Reese...

- C'est à cause de moi que tout ça est en train d'arriver. J'ai foutu ta vie en l'air. À cause de moi, tu te retrouves dans cette situation.

- Nous sommes deux là-dedans ! Cesse de penser que tout est de ta faute, d'accord ?

- Je n'aurais jamais dû remettre les pieds à Green Lake, Callie. Mon retour dans cette ville n'a fait qu'aggraver les choses, je m'exclame.

- Crois-moi, les choses étaient déjà bien graves avant que tu te pointes, rétorque mon ex-petite amie. Mais tu as raison, tu n'aurais certainement pas dû revenir ici. Tu avais promis que tu ne reviendrais pas, mais l'amnésie à tout sabotée. Parfois... »

Elle s'interrompt et me fixe de ses beaux grands yeux noisettes. Ceux-ci brillent comme si elle s'apprêtait à pleurer. J'ai l'impression que nous vivons tous les deux une montagne russe d'émotions. Une fois, nous nous embrassons, nous plaisantons un peu et puis l'autre fois, nous pleurons. Je me souviens d'avoir vu ce même regard alors qu'elle me racontait à détail comment elle était entrée dans le salon et qu'elle m'avait découvert en train de battre mon père avec une violence qu'elle ne m'avait jamais reconnue. J'ai bien vu qu'elle évitait mon regard, cherchant à éviter le moindre contact physique avec moi alors qu'elle racontait cette scène. La simple idée de l'avoir peut-être effrayée ce jour-là me rend malade.

Callie se racle la gorge, encore un peu submergée par l'émotion.

« Parfois, je me dis que le destin en a vraiment après nous. Je veux dire, qu'avons-nous fait pour mériter cela ? »

Je ne réponds pas, mais Callie n'a pas réellement besoin d'une réponse. Elle sait qu'il n'y en a pas, mis à part que la vie est injuste et qu'on n'y peut rien. Avant mon amnésie, j'avais l'air d'un garçon plutôt optimiste. Maintenant, ce n'est plus tout à fait le cas. Certes, il est certain que je suis loin d'être aussi pessimiste que Calliope, mais je suis d'accord avec elle à propos du destin. La vie n'épargne personne, mais pourquoi s'est-elle acharnée sur nous ?

Je passe une main dans mes cheveux et me lève.

« Moira m'a dit quelque chose à propos de mon père. »

La tension se lit aussitôt dans le visage de mon ex-petite copine. Il ne faut pas être un génie pour savoir qu'elle déteste Moira McDonough. En fait, ces deux-là doivent s'entendre comme chien et chat. Mieux vaut ne pas les enfermer dans la même pièce, sinon il risque d'y avoir des blessés. Non pas que j'apprécie davantage Moira. D'ailleurs c'est tout juste si j'arrive à lui faire confiance. Mais depuis qu'elle m'a révélé ces précieuse informations au sujet de mon père biologique, je ne peux m'empêcher d'avoir un peu de respect pour elle. Elle aurait quand même pu se taire et ne rien me dévoiler à ce sujet, mais non, elle a choisi de m'en faire part. Il serait idiot de ne pas faire de même avec Calliope, la personne en qui j'ai le plus confiance dans cette ville de malheur.

« Elle m'a dit... Elle m'a dit qu'Alexander McDonough n'était pas mon vrai père. Mon père biologique se trouve à être un certain Mikkel Eriksen. »

Callie ne semble pas très surprise parce que je lui dis. Elle me regarde simplement, les mains tremblantes et le visage perdant de ses couleurs.

« - Tu le savais, n'est-ce-pas ? je lui demande.

- J'avais des doutes, à vrai dire. Avant l'incendie, je me disais bien que quelque chose clochait avec ton père - je veux dire, Alexander McDonough. Il ressentait une telle haine à ton égard et puis vous étiez tellement différents tous les deux que j'en suis venue à remettre en question votre lien de parenté.

- Pourquoi n'as-tu pas cherché à en savoir plus ?

- Eh bien, c'est compliqué. Lorsque je t'ai vu... frapper ton père, j'ai cru que... J'ai cru que...

- Tu as cru que je lui ressemblais, je devine.

- Oui. » avoue-t-elle.

Elle n'ose plus me regarder à cet instant, ses yeux rivés sur le plancher. Malgré la distance qui nous sépare, j'arrive à apercevoir quelques larmes couler le long de ses joues. Un sentiment de culpabilité m'envahit aussitôt. J'ai honte de mon comportement, même si cela remonte à plusieurs mois.

Je m'approche tranquillement de Calliope de peur de la brusquer. Elle lève les yeux dans ma direction au moment où je m'agenouille face à elle.

« - Est-ce tu as peur de moi ?

- Non, Reese. Je sais que tu n'es pas comme Alexander McDonough. Seulement, même les meilleures personnes peuvent commettre d'horribles choses. Dois-je te rappeler qu'il a tué ta mère et ta soeur sans pitié ? Dois-je te rappeler qu'il te battait depuis ton plus jeune âge ? Dois-je te montrer les cicatrices qu'il a laissé sur ton corps ? »

Elle éclate en sanglots à ce moment-là et je ne peux m'empêcher de la serrer dans mes bras. À mon plus grand soulagement, Callie ne me repousse pas. Au contraire, elle me serre davantage contre elle comme s'il s'agissait d'un besoin fondamental. Elle pleure contre mon chandail, répandant probablement un peu de morve sur celui-ci, mais ça m'est égal. J'ai plein d'autres tee-shirts, mais je n'ai qu'une seule Calliope.

D'accord, d'accord ! J'arrête avec mes phrases de grand romantique.

La porte s'ouvre doucement. Callie lève un peu la tête, mais elle ne rompt pas l'étreinte pour autant. Quant à moi, je reste dans la même position que je suis. Inutile de s'affoler, il doit s'agir du frère de mon ex-petite amie, Riley Miller. Il se racle la gorge brusquement, comme s'il s'agissait d'une manière subtile pour me faire comprendre que je devrais m'écarter de sa soeur. Cependant, en bel imbécile que je suis, je n'en fais rien.

« - Reese, je crois qu'il est temps que tu partes. Mon père et ma soeur risque de revenir sous peu. Je n'ai pas envie que... Enfin, tu comprends.

- C'est d'accord, je réponds.

- Maintenant, insiste Riley.

- Oh, oui ! Bien sûr, je comprends. »

Je suis obligé de rompre mon étreinte avec Callie. Je m'écarte et celle-ci s'empresse de sécher ses larmes. Son frère me regarde durement, mes ses yeux sont soulignés par de nombreux cernes et je vois bien qu'il a pleuré récemment. Impossible de le trouver intimidant. En tout cas, il a plus l'air misérable qu'intimidant en ce moment. Néanmoins, ça ne l'empêche pas de s'approcher de moi et de me murmurer à l'oreille :

« Tu devrais t'éloigner de Callie, Reese. Écoute, je t'ai toujours apprécié, mais là... C'est trop, tu comprends ? Laisse ma soeur en dehors de ça, d'accord ? Elle en a déjà assez bavé. »

J'hoche la tête, mais je ne suis pas certain que je pourrais tenir cette promesse bien longtemps. Callie et moi sommes liés, qu'il le veuille ou non. Oui, je n'ai pas envie d'embarquer de nouveau Callie dans mes problèmes, mais je crois bien qu'il est déjà trop tard. Nous sommes tous les deux déjà beaucoup trop impliqués.

En guise d'au revoir, je me retourne vers Callie et m'agenouille de nouveau face à elle. Sans la prévenir, je pose un bref baiser sur ses lèvres. Elle lève alors ses beaux yeux noisettes dans ma direction et me fixe avec ce qui semble être de l'amour. Oui, c'est bien de l'amour.

« - Tu continues de croire que je suis une bonne personne ? je lui demande.

- Je n'ai jamais arrêté.

- Est-ce que c'est une technique de drague, Miller ? »

Elle ne répond pas, mais son sourire m'est bien suffisant.

✖️

Salut ! :)
Je suis supposée étudier pour mon examen d'histoire de demain, mais... Vous voyez ce que ça donne eheh. Oui, oui, je suis très productive.

J'espère que ce chapitre vous a plu et j'en profite pour vous annoncer qu'il ne reste que deux ou trois chapitres (incluant l'épilogue) avant la fin.

Prenez soin de vous !

marianne.

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