22; Callie

NOËL APPROCHE à grand pas. Dans une semaine seulement, c'est le bal d'hiver. Tout le monde n'a que ça en tête. C'est le principal sujet de conversation de tout le monde. Quel robe vais-je porter ? Qui va m'accompagner ? Ce gars-là, peut-être ? Ah non, il est trop moche. Plus personne n'ose dire qu'il s'agit d'un bal en l'honneur de Reese McDonough, y compris le personnel enseignant. Tous semblent s'entendre pour dire qu'il ne s'agit que d'un bal d'hiver sans rien de particulier à célébrer, surtout après la bagarre auquel Reese a été fortement impliqué. Certaines personnes en parlent encore, surtout quand il voit mon ex-petit ami passé dans les corridors, la tête bien haute. Certains disent qu'il n'est plus le même, que ce qui s'est passé pendant son exil l'aurait changé à tout jamais. Quelques personnes s'imaginent qu'il est entré dans une secte pendant ces cinq longs mois de disparition, d'autres croient à un kidnapping où la torture mentale a été impliquée. Ces théories me semblent tous plus absurdes les unes que les autres. À vrai dire, moi aussi je me questionne là-dessus. Après tout, j'ignore également où il a erré ces cinq derniers mois. Ma plus grande théorie est qu'il ait vagabondé d'endroit en endroit. Je me souviens très bien de lui avoir dit de s'éloigner autant qu'il pouvait de Green Lake, juste au cas où. Il n'a pas dû écouter, parce que son parcours l'a ramené pile sur une route à quelques kilomètres seulement de cette ville de merde. Néanmoins, je ne suis pas du genre à sortir des théories là-dessus pour essayer de trouver une explication plausible à son « étrange » comportement, contrairement aux autres personnes de l'école. Ils ne comprennent tout simplement pas qu'il s'agit vraiment de Reese. Il n'a pas changé, il est juste en colère. Et au fond de moi, je sais bien que je ne dois pas aider à calmer sa colère, spécialement lorsque je fais de mon mieux pour éviter de lui parler de l'incendie et de sa disparition.

Autour de moi, tout le monde ne cesse de discuter du bal d'hiver. Nous sommes en cours d'anglais et le professeur nous laisse la période pour avancer sur notre travail de recherche. Seulement, personne ne semble occuper à réciter la grammaire ou à compléter son devoir. Bal d'hiver par-ci, bal d'hiver par là... Tout ça, ça me donne le tournis. Moi, j'ai bien d'autres préoccupations. Comme le fait que Reese semble m'éviter depuis la fois où il a dormi chez moi. Enfin, il ne m'évite pas vraiment. Disons juste qu'il se montre distant et qu'il ne cherche pas à obtenir des réponses de ma part. Peut-être qu'il prépare quelque chose, qui sait. Je connais bien Reese et je sais qu'il n'est pas du genre à laisser tomber aussi facilement, malheureusement. Il y a cette petite voix au fond de moi qui me dit que ce n'est qu'une question de temps, que je ne pourrai garder tout ça secret éternellement. Je me suis rendue à l'évidence, ces dernières semaines.

« Callie ? Allô, il y a quelqu'un ? »

Je cligne des yeux pour revenir brusquement à la réalité. Rhéa Javali est assise devant moi, l'air inquiète.

« - Est-ce que tout va bien ? Ne le prends pas mal, mais tu as l'air assez absente.

- Euh, ouais. Désolée, Rhéa, je suis un peu préoccupée ces temps-ci.

- Le bal d'hiver, hein ? » me demande-t-elle, un sourire sournois sur les lèvres.

Je fais de mon mieux pour cacher mon irritation, mais c'est bien difficile. Non pas que je n'aime pas Rhéa, seulement j'ai bien d'autres choses en tête que ce fichu bal d'hiver dont tout le monde ne cesse de me rabattre les oreilles avec.

Une silhouette attire mon attention par-dessus l'épaule de mon amie. Reese se tient aux côtés de Bethany, la seule personne qui a semblé d'accord pour se mettre en équipe avec lui. Les deux échangent des messes basses, tout en travaillant sur leur projet d'anglais. Je me demande bien de quoi ils parlent. Du fait que Charles n'est pas venu à l'école depuis une semaine et demi ? Ou bien, parlent-ils du « bon vieux temps », soit l'époque ou Reese était uniquement perçu comme le type bien de l'école ?

J'ai presque de la peine pour Reese. Depuis cette fichue bagarre, plus personne n'ose vraiment l'approcher. Lorsqu'il se promène dans l'école, tous les regards se posent sur lui et de nombreux murmures se font entendre. Tu savais que... J'ai entendu dire que... Figure-toi que l'ami du frère de l'amie de ma cousine a dit... C'est comme si tout le monde avait oublié quel « type super » Reese était. Même le petit intello de deux ans son cadet, Mark Collins, refuse de s'approcher de lui. C'est comme si Mark avait oublié tout ce que Reese avait fait pour lui. Je me souviens très bien que mon ex-petit ami était le seul qui voulait bien lui adresser la parole. Alors que Mark mangeait tout seul à la cafétéria parce qu'il avait de la difficulté à s'intégrer, Reese s'asseyait avec lui et se mettait à lui parler du quotidien comme s'ils étaient de bons amis depuis toujours. Il prenait toujours de ses nouvelles, s'intéressant à sa vie en général. Il était super avec Mark, je m'en souviens. Et maintenant, c'est Reese qui est rejeté et Mark ne semble pas y accorder d'importance. Il l'ignore comme si Reese n'avait jamais été dans sa vie.

Les beaux yeux bleus de Reese croisent brièvement les miens, mais le contact est rompu par Rhéa qui me ramène de nouveau vers la réalité.

« - Allô, Callie ? Je te demandais seulement si tu trouvais ma construction de phrase plutôt bien réussi ?

- Oh, euh... Peux-tu répéter, s'il-te-plait ? Je n'écoutais pas, désolée.

- Tu as vraiment la tête ailleurs, aujourd'hui, dit-elle. Alors, voilà : « La robe de celle-ci, un simple bout du tissu orné d'une dizaine de diamants, tombait lâchement sur son corps frêle. » Qu'en penses-tu ?

- C'est bien, je crois.

- Bien ? Tu veux dire extraordinaire, j'espère ? se moque Rhéa.

- C'est exact !

- D'ailleurs, parlant de robe. As-tu pensé à ce que tu allais porter pour le bal d'hiver ? »

Je jure qu'à cet instant, je suis prête à sauter par la fenêtre. Si c'est pour être comme ça toute la semaine, je compte bien tomber malade dans les prochains jours. Ce que les gens peuvent bien devenir fous à la simple mention d'un « bal ». C'est à cette simple pensée que je prends conscience de la tournure qu'a pris ma vie depuis la nuit de l'incendie. Si rien de tout ça n'était arrivé, je serais probablement en train de m'inquiéter pour des choses telles que le bal hivernal ou n'importe quels autres « problèmes » quotidiens auxquels font face les gens normaux. Je n'aurais pas à m'inquiéter des conséquences que cette nuit de cauchemar aura sur ma vie, toujours à me demander si c'est bien ma dernière journée de liberté, tout en repensant à la mince possibilité que quelqu'un soit au courant de tout et décide de nous dénoncer.

Bon sang, ce que ma vie est devenue un véritable cauchemar. J'aimerais bien mieux être cette fille là-bas, au fond de la classe, qui se demande si elle doit prendre le risque de mettre une robe blanche alors qu'elle sait pertinemment qu'elle aura ses menstruations ce jour-là. Ou bien, j'aimerais être Rhéa qui se cherche désespérément un cavalier, histoire de ne pas trop repenser à son ex qui lui avait promis de l'accompagner au bal bien avant leur séparation. J'aimerais bien être cette fille qui n'a aucunement commis de crime et qui ne s'endort pas et ne se réveille pas avec un profond sentiment de culpabilité. J'en ai presque oublié comment on vit. Je peine à me souvenir de comment c'est d'être une adolescente normale, de n'avoir rien sur la conscience.

Combien de minutes s'écoulent durant lesquelles Rhéa me parle de sa robe ? Cinq ? Dix? Quinze, peut-être ? Lorsque qu'elle finit de me décrire sont corsage, le cours tire à sa fin. Mon amie ne semble pas pour autant prête à changer de sujet.

« Alors, est-ce que Reese t'a demandé de l'accompagner ? »

Alors qu'elle pose la question, un frisson parcours mon échine. C'est moi ou elle semble inconsciente de la situation ? Voyant que je suis plutôt sceptique, elle reprend :

« - Ne fais pas semblant, Callie. Je vous ai vu vous embrasser à la soirée.

- Rhéa, ça ne voulait rien dire. Je... Lui et moi c'est bel et bien terminé, je rétorque.

- Bien sûr, je te crois. Tu sais que tu ne fais que mentir à toi-même présentement ?

- Laisse tomber, veux-tu ?

- J'aime bien Reese, mais depuis qu'il a disjoncté devant toute l'école... Bon, il ne faisait probablement qu'être loyal envers Charles, mais ce n'est pas une raison pour péter la gueule à ces deux idiots... Il était à deux doigts de tuer l'un d'entre eux ! Disons, qu'il ne semble plus être le même. C'est à se demander ce qui s'est vraiment passé ces cinq derniers mois. Tu sais, j'ai lu quelque part que...

- Excuse-moi, Rhéa, mais je dois... Euh, je dois parler à quelqu'un. On se voit demain, d'accord ?

- Oh, euh, d'accord. »

Je me lève brusquement de ma chaise au même moment où Reese quitte la salle de classe. Discrètement, je me dirige vers la table où est appuyée Bethany qui semble s'ennuyer, à gribouiller des trucs sur son cartable. Je dois admettre que je n'ai pas tant envie de lui parler en ce moment, quoi que la conversation qu'elle a eu avec Reese un peu plus tôt m'intrigue beaucoup, mais je n'ai vraiment pas envie d'entendre la prochaine théorie de Rhéa Javali sur la disparition du cadet McDonough. Je préfère discuter avec la jolie blonde aux airs épuisés qui peut m'apporter quelques renseignements au sujet de Reese. J'en suis rendu là : je m'inquiète pour Reese, mais c'est trop bizarre et trop compliqué entre nous pour que j'aille le confronter en personne. Parfois, je prends un pas de recul et je réalise à quel point tout ceci me semble être une bonne blague.

Nouvelle conclusion : ma vie entière est une bonne blague.

« Hé, Bethany ! » je dis, essayant - en vain - de paraître enjouée.

Elle lève les yeux vers moi et me dévisage aussitôt. Je dois dire que Bethany n'est probablement pas la personne a qui j'aurais dû m'adresser pour prendre des nouvelles. La personne idéale aurait été Charles, le meilleur ami de Reese, mais... Mais, il n'est pas venu en cours depuis au moins une semaine et demi. Et puis, Nathan... Je le connais à peine, disons. Il a toujours été plus discret, plus mystérieux. La blonde est donc ma seule chance d'avoir quelques réponses.

« - Salut, Callie, marmonne-t-elle.

- Comment vas-tu ? J'imagine que les dernières semaines n'ont pas été faciles avec tout cette histoire.

- Ne m'en parle pas. Mais, disons, que je ne suis pas bien placer pour me plaindre, surtout lorsqu'on sait ce que Charles vit présentement.

- D'ailleurs, comment va-t-il ?

- Eh bien, ses parents l'ont désinscrit de l'école. C'est à peine s'il le laisse voir ses amis... ou son amoureux. Ils songent sérieusement à l'envoyer dans un pensionnat en Angleterre, m'avoue Bethany.

- Quoi ?! Tout ça parce que leur fils est gay ? Mais, c'est totalement idiot ! je m'exclame, choquée.

- Je ne te le fais pas dire. Ses parents sont autant idiots que tous les gens de cette ville ! Au moins, ce n'est que passager. Les parents de Charles l'aiment trop pour le renier ou pour le faire complètement disparaître de leur vie. Dans quelques années, ils devraient s'y faire.

- Je suis désolée pour Charles. Et pour toi aussi. Je sais à quel point tu tiens à lui.

- Ouais, bon ça va. Peut importe qui il aime, ça restera mon ami. Ce n'est pas parce qu'il est gay que soudainement, ce n'est plus le même type super. »

J'hoche la tête, alors que le silence s'installe entre Bethany. Du coin de l'oeil, je jette un coup d'oeil à la porte du local qui mène directement au corridor. Reese n'est pas dans les parages. C'est peut-être le bon moment pour soutirer quelques informations à son sujet.

Je tire la chaise près de Bethany et m'y assois, tout en jetant un regard circulaire autour de moi. Ça serait le bordel si Reese arrivait à ce moment-là.

« Alors... Comment va Reese ? »

À la mention du nom de mon ex-petit ami, la jolie blonde m'adresse un petit sourire sournois qui me rappelle ceux qu'elle m'adressait quand je me tenais aux côtés de Reese, ma main dans la sienne. Malgré le fait que Bethany semble légèrement déprimée ces temps-ci, c'est toujours la même. Ce qui me rappelle que moi, je ne suis plus la même personne que j'étais il y a de cela cinq mois.

« - C'est difficile à dire. Il ne parle pas beaucoup ces temps-ci. On dirait qu'il est constamment triste ou en colère, m'avoue l'amie de Reese.

- Comment ça ?

- Quand il pense que personne ne le regarde, je vois bien que ses yeux s'humidifient et que sa mâchoire se contracte. J'ignore ce qui se passe, mais tout à l'heure, il a bredouillé quelques propos au sujet de Moira et de son père, je crois... M'enfin, il avait plutôt l'air de ruminer.

- Je...

- Écoute, Callie. Je t'apprécie bien, mais en ce qui concerne Reese... Si ça te tiens autant à coeur, tu devrais peut-être te renseigner auprès de Reese lui-même. »

Reese a parlé de son père ? Bon sang, j'espère qu'il n'a pas eu de souvenir à son propos... Ça serait le début d'un nouveau cauchemar. Mais qu'est-ce que Moira vient faire dans l'équation ? Elle ne peut pas être au courant, si ?

Je me retrouve incapable d'adresser de nouveau la parole à Bethany, mais je sais qu'elle a raison. Je m'inquiète pour Reese McDonough, mais c'est tellement bizarre entre nous depuis la fois où je lui ai demandé de quitter ma maison. J'ai tant partager de truc avec ce gars et maintenant... Tout est parti. Tout est parti sauf mes sentiments envers lui. Cinq mois n'ont pas suffit à me faire oublier ce que je ressens pour lui. Seulement, je ne peux pas avoir ce genre de sentiments maintenant, quand je sais tout les risques qu'il y a à prendre.

Je remercie Bethany d'une petite voix, avant de m'écarter. Puis je tourne les talons, trop absorbée par mes pensées.

Pourquoi tout se doit d'être aussi compliqué ?

• •

Dès que je pose le pied à l'intérieur de la maison, un sentiment de soulagement m'envahit. Parfois, il m'arrive de me réveiller le matin et de me demander si ça vaut vraiment la peine de se lever et d'aller à l'école. Ça me paraît stupide d'aller à l'école et de suivre mon cours d'anglais, puis de biologie, tout en sachant que mon temps de liberté est probablement compté. Un jour ou l'autre, les gens sauront ce qui s'est réellement passé le soir de l'incendie. Et quand ce jour arrivera, on m'arrêtera et on me placera derrière les barreaux. J'y serai peut-être toute ma vie, qui sait. C'est comme si ces dernières semaines, j'avais pris conscience du fait que rien ne reste secret éternellement. Reese avait raison sur ce point. Tout finit par se savoir, c'est certain. Rares sont les choses qui restent secrètes, surtout dans la petite ville de Green Lake. Alors, pourquoi est-ce que je continue des études qui ne me serviront à rien ? Pourquoi est-ce que je devrais me concentrer sur les fonctions et leurs paramètres, quand tout ça ne me servira à rien ! Quand je pense, qu'il y a de cela un an, j'avais un avenir. J'avais cette réalité très probable de finir mes études, d'aller à la fac, de me trouver un emploi et de faire ma vie. J'ai toujours pris pour acquis qu'il me suffisait d'avoir une bonne moyenne générale à l'école et paf! j'avais un avenir qui se tenait. Maintenant, le seul avenir que je peux envisager c'est la prison.

Comment, ai-je pu en arriver là ?

Tu le sais bien, Callie, chuchote mon subconscient. Tu as suivi Reese dans ses mésaventures.

Le soulagement me quitte très vite lorsque je tombe face à face avec mon frère, Riley. Il prend quelques pas de recule, habitude qu'il a pris avec moi depuis que je lui ai dit la vérité. Ce simple geste me rappelle la distance qui s'est installée entre mon frère et moi ces dernières semaines. Il s'agit de la personne auquel je tiens le plus dans ma famille, et voilà que nous sommes affreusement distants l'un de l'autre. Ça me tue de le voir agir ainsi.

Depuis que je lui ai confessé mon crime, il a tout fait pour éviter de se retrouver seul avec moi. Enfin, jusqu'à maintenant. Mon soulagement est vite remplacé par de l'angoisse. Mon père est au travail et ma soeur et chez une amie. Ni l'un ni l'autre ne sont sur le point de revenir. Ça me semble est le moment parfait pour la confrontation. Ni lui ni moi ne pourront nous retenir plus longtemps.

Je me racle la gorge, histoire de rompre le malaise qui s'installe dans la pièce. Riley tente de faire un contact visuel, mais je refuse de le regarder droit dans les yeux. Il se masse la nuque à l'aide de sa main, puis me lance quelque chose que j'attrape à la dernière seconde. Il me faut peu de temps pour comprendre de quoi il s'agit.

Un briquet. Un briquet !

« Cal, est-ce que tu es pyromane ? » me demande mon frère d'une toute petite voix.

Je le dévisage quelques secondes, alors que des larmes coulent sur ses joues. C'est moi qui est la cause de tout ce mal. C'est moi qui l'ai poussé à ce niveau. En ayant tout dit à mon frère, je lui ai fait du mal. En lui confessant mon crime, j'ai été égoïste. J'ai eu ce besoin de me soulager que ce ne soit que l'espace d'une seconde et en se faisant, je l'ai détruit. J'ai détruit mon propre frère par mes actes.

Je n'ose pas regarder le briquet de trop près. Il m'est impossible de réaliser que j'en tiens un présentement. Je m'étais jurer de ne plus jamais y toucher après... après l'incendie.

« - Quoi ?!

- Réponds-moi, Callie ! Réponds-moi, merde ! hurle maintenant mon frère.

- Je... Je... Non... Non, Riley, je ne suis pas pyromane. Je ne...

- Alors, pourquoi ? POURQUOI T'AS FAIT ÇA ? »

Dans un excès de colère, Riley fracasse un vase au sol. Ses yeux rencontrent alors les miens pour la première fois en deux semaines. Non, ce n'est pas de la colère qui se lit dans son visage. C'est de la tristesse. De la déception. De l'amour. Mon frère m'envoie un cri du coeur.

Je ne peux m'empêcher d'éclater en sanglots. Les larmes coulent en abondance, humidifiant mes joues. Je n'arrive pas à arrêter de pleurer, laissant libre cours aux larmes que j'ai retenues pendant des semaines. Les souvenirs de la nuit qui a changé ma vie me reviennent brusquement à l'esprit dans une sorte de kaléidoscope. Ma poigne se resserre alors sur le briquet jusqu'à m'en faire mal aux jointures.

« - Comment a-tu pu faire une chose pareil ? demande Riley, dont la voix s'adoucit légèrement.

- Je suis tellement désolée, tu n'as pas idée.

- Désolée de quoi ? De m'avoir embarqué dans toute cette histoire ? Bon sang, Callie, tu m'as rendu complice !

- Riley...

- JE SUIS COMPLICE DE MEURTRE !

- JE LE SAIS, MERDE ! TU CROIS QUE C'EST PLUS DIFFICILE POUR TOI, PEUT-ÊTRE ? BON SANG, J'ÉTAIS LÀ ! » j'hurle, perdant le contrôle sur tout.

Mon frère ne répond pas immédiatement. Il me regarde simplement, l'air d'analyser ma réponse. Soudainement, son regard s'assombrit comme s'il venait de réaliser quelque chose.

« - Tu as tuée des gens, Calliope, dit mon frère dont la voix est réduite au murmure. Tu as tuée des gens. Des êtres humains, bon sang !

- Si tu savais... Si tu savais à quel point je suis désolée... Si tu savais comme je m'en veux...

- Oh, merde. Merde, merde, merde.

- J'ai vu leurs cadavres, Riley ! J'ai vu mon petit ami les mains souillés par le sang... Le sang de son propre père. Si tu savais quel genre d'homme brutal il était! J'ai vu le désespoir dans les yeux de Reese ce soir-là, j'ai vu qu'il m'implorait de l'aider... La seule manière d'effacer les traces de ce crime, c'était de tout brûler.

- Je... Je... »

C'est au tour de mon frère d'être sans voix. Quant à moi, je tremble de partout comme une étoile qui vient de mourir et qui s'apprête à imploser. Ces derniers mois, je n'ai cessé d'accumuler, d'accumuler et d'accumuler. C'est aujourd'hui que j'éclate, c'est aujourd'hui que j'implose. J'ai tant souffert ces derniers mois. Toute cette merde est beaucoup trop difficile à supporter pour mes maigres épaules. Ça se doit d'arriver. Ce n'était qu'une question de temps, au final.

« - Chaque jour qui passe, je vis avec cette merde sur la conscience. Je m'endors et je me couche avec ça en tête. Il ne se passe pas une seule seconde sans que je ne revive ce qui s'est passé cette nuit-là. Lorsque Reese est réapparu, tu n'imagines pas comment je me suis sentie... C'est comme si l'univers s'effondrait, mais en même temps j'avais cette pensée égoïste que je n'étais peut-être plus la seule à avoir tout ça sur le coeur... Alors, tu n'imagines pas ce que ça m'a fait d'apprendre qu'il était amnésique, qu'il avait la chance d'avoir tout oublier... À chaque fois qu'il venait me voir pour me demander des réponses, j'étais partager entre l'envie égoïste de tout lui dire pour ne plus être la seule à porter le poids de ce crime, et de me taire et de le laisser me détester à jamais pour qu'il vive une existence heureuse, sans souvenir d'une nuit qui a forcément gâché nos vies.

- Callie...

- NON, RILEY ! Tu dois savoir, j'en ai marre de tout retenir à l'intérieur. Bon sang ! »

Il y a un moment de silence, durant lequel il n'y a que Riley et moi. Il me regarde et je le regarde, lui laissant le temps d'appréhender ce que j'ai à dire. C'est lorsqu'il prend de nouveau la parole, que j'éclate pour de bon.

« - Je... Cal, je...

- OUI, JE REGRETTE. OH, CE QUE JE REGRETTE D'AVOIR VU REESE MCDONOUGH BATTRE SON PÈRE JUSQU'À CE QU'IL RENDE L'ÂME. MERDE, TU N'IMAGINES PAS ! OUI, JE REGRETTE D'AVOIR PRIS REESE EN PITIÉ ET DE L'AVOIR AIDÉ À CAMOUFLER SON CRIME. OUI, JE REGRETTE D'AVOIR MIS LE FEU À CETTE PUTAIN DE BARAQUE ! OUI, JE SUIS COMPLICE. OUI, J'AI COMMIS UN CRIME. MAIS PAR DESSUS TOUT, OUI, J'AIME REESE. »

Lorsque je m'arrête enfin, le souffle coupé et le corps tremblant par tant d'émotions ressentis en même temps, je réalise que ce n'est plus moi que mon frère regarde. Son regard est posé sur quelque chose derrière moi. Quelqu'un, plutôt. Pendant quelques secondes qui me semblent durées une éternité, je n'ose ni bouger, ni parler. Mon coeur bats à une vitesse folle, tandis que ma tête menace d'exploser. C'est comme si j'ai tout mis sur pause, histoire d'appréhender ce qui s'apprête à se passer. Lorsque j'accumule enfin assez de courage pour me retourner, je m'exécute.

Reese se tient debout devant moi, immobile comme une statue. À l'expression qu'il affiche sur son visage, je devine qu'il a tout entendu.

Ce n'était qu'une question de temps, n'est-ce pas ?

✖️

Salut ! Eh oui, deux chapitres à une semaine d'écart. Je fais du progrès, ahah. Non en fait j'étais juste bien inspirée et je n'avais pas grand chose à faire cette semaine, donc j'ai eu un peu de temps pour écrire. Ça ne risque pas d'être comme ça tout le temps, hein.

Alors, oui. J'ai mis la manière bien clichée de comment découvrir la vérité " de la mort qui tue ", mais bon c'était ce qui était prévu. Si vous n'avez pas compris grand chose, c'est pas grave. Les deux prochains chapitres devraient être uniquement des flashbacks qui racontent en détails ce qui s'est réellement passé la nuit de l'incendie.

Pour l'instant, j'ai juste envie d'avoir votre opinion sur ce chapitre-ci :)

➰ Que pensez-vous de la situation de Charles ?
➰ Que pensez-vous du comportement de Riley (le frère de Callie) dans ce chapitre ? Exagéré ou pas ?
➰ Que pensez-vous des révélations ?
➰ Que pensez-vous du fait que Reese aurait probablement tué son père ?
➰ Votre opinion sur Reese ? Votre opinion sur Callie ?
➰ Votre opinion sur la fin du chapitre ?
➰ Selon vous, comment Reese réagira à tout ça ? Bien ou mal ?

Et là, j'ai une petite question hors-chapitre pour vous...

Selon vous, combien reste-il de chapitre (excluant l'épilogue) à l'histoire ?

Je ne m'attends pas au chiffre exact, je veux juste que vous essayez de deviner pour le fun. Je suis curieuse, c'est tout.... x)

Faut pas lâcher, dans moins d'un mois c'est Noël !

marianne.
xx

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top