15; Callie
JE ME REDRESSE sur mon lit, le corps tout en sueur. J'ai fait un cauchemar, encore une fois. C'est le même que j'ai depuis le retour de Reese. Il me suffit de m'assoupir un instant pour que je me retrouve près de la demeure des McDonough, les flammes dansant tout près de moi et la fumée s'infiltrant dans mes poumons. Et puis, le visage de Reese m'apparait et il semble tout aussi effrayé que moi, aussi vulnérable qu'un lapin au beau milieu de l'autoroute. Nous sommes tous les deux en état de choc, peinant à réaliser ce qui se passe. Puis, mon petit ami éclate en sanglots et je le prends dans mes bras, le corps tremblant et les vêtements empestant l'essence. Je me vois lui hurler de fuir, le désespoir et la terreur se lisant dans mon visage. C'est toujours à ce moment que je me réveille en sursaut, l'espoir de me retrouver dans un monde bien loin de ce foutu cauchemar qui hante mes nuits. Cependant, la réalité me rattrape toujours au bout d'une fraction de seconde. Mon cauchemar n'est pas bien différent de ce qui s'est vraiment passé.
Je me frotte les yeux, sachant qu'il est inutile de me rendormir aussi vite. De toute manière, je ne suis pas pressée de revivre ce maudit cauchemar. Je quitte donc le lit vêtue d'un simple tee-shirt et je me dirige vers mon armoire. En jetant vite fait un coup d'oeil au cadrant posé sur ma table de chevet, je remarque qu'il est déjà quatre heures du matin et que dans une heure, les plus matinales se réveilleront. J'enfile des sous-vêtements propres ainsi qu'un jean qui m'a l'air confortable. Toujours submergée par l'émotion, je sens mon corps trembler comme si je me trouvais bel et bien sur la propriété privée des McDonough, le coeur menaçant d'exploser face à la situation irréaliste qui se produit devant mes yeux. Néanmoins, je parviens à descendre les escaliers sans faire de bruit, malgré les nombreuses marches vieilles de quelques décennies. Je quitte la maison dans la même ambiance, non sans me vêtir d'un manteau qui saura me protéger du froid de l'hiver imminent. Je traverse la rue et me dirige en direction du cimetière, près du centre-ville de Green Lake. Je connais le chemin par coeur, puisque je m'y rends au moins trois fois par semaine. N'étant pas idiote, je m'y rends seulement la nuit pour ne pas susciter l'intérêt des habitants de la ville un peu trop curieux à mon goût. Si j'y allais en plein jour et qu'on me surprenait à pleurer sur la tombe des McDonough, je crains que les rumeurs ne se propage comme une trainée de poudre. Et puis, les habitants de Green Lake font preuve de créativité lorsqu'il s'agit des ragots, je dois l'admettre.
Je passe devant l'église qui domine la petite ville par sa hauteur et son allure austère. Je déteste ce bâtiment et ça, depuis que je suis arrivée dans la région. À Newcastle, les églises étaient peu fréquentées. Certaines personnes du troisième âge et quelques familles très conservatrices s'y rendaient, mais elles servaient davantage aux touristes étrangers qui adoraient visiter ces monuments religieux, parfois fascinés par l'architecture ou bien par l'histoire des guerres de religion entre protestants et catholiques. Personnellement, je n'en avais rien à foutre, mais les églises de Newcastle ne m'effrayaient pas autant que celle de Green Lake.
Je baisse les yeux sur mon téléphone et l'allume. Mon écran affiche neuf nouveaux messages. Sept sont de Reese et ont été envoyés hier soir. Le huitième a été envoyé par Rhéa Javali. Piquée par la curiosité, j'ouvre celui de mon amie en premier.
Rhéa ; 22h43
Salut, Callie ! Je viens de rompre avec mon copain et j'ai grandement besoin de me remonter le moral. Je crois que toi aussi. Alors, si ça te dis, on pourrait sortir un peu toutes les deux. Appelle-moi ! xx
Je lui réponds aussitôt que ça me plairait bien et je clique sur envoyer. Puis, je décide d'ouvrir les sept messages que m'a envoyé Reese. Je dois dire que ça me stresse légèrement, puisque la dernière fois que je l'ai vu, je l'embrassais à l'arrière de la maison de Charles comme s'il n'avait pas disparu pendant cinq mois. Quelques jours se sont écoulés depuis, mais je n'en crois toujours pas mes yeux. Je me sens un peu bête et idiote d'avoir répondu à son baiser. Et si je lui donnais de faux-espoirs ? Et si je me donnais de faux-espoirs ? Ce n'est plus le même Reese McDonough. Enfin, plus tout à fait.
Reese ; 11h34
Je n'aurais pas dû t'embrasser, Calliope. Je suis terriblement désolé. J'espère que tu me pardonneras.
Reese ; 13h20
Je suis désolé.
Reese ; 13h46
Pardonne-moi, je t'en prie. Tu es la seule personne sensée dans cette ville de dingues. Ça me semblait être tout naturel de t'embrasser... Et puis, merde je n'ai pas à me justifier : j'ai été con, voilà tout.
Reese ; 16h06
Réponds-moi, s'il-te-plait.
Reese ; 16h08
Je crois qu'on doit parler, Calliope.
Reese ; 23h57
Il s'est passé quelque chose l'autre soir à la fête, après que tu sois partie.
J'arrête de marcher aussitôt. Je suis arrivée au cimetière. D'où je suis, j'aperçois déjà l'énorme pierre tombale de la famille McDonough qui se trouve à être le monument le plus gros du cimetière, faisant valoir la fortune de cette famille. Il me reste un message à lire de la part de Reese et le dernier que j'ai lu ne fait qu'attiser ma curiosité. Je traverse le cimetière malgré la neige qui bloque les allées, et je me retrouve bien assez vite face à la pierre tombale où il est gravé « MCDONOUGH » en gros caractère. Je m'agenouille dans la neige et fixe la pierre tombale quelques instants avant d'ouvrir le dernier message envoyé par mon ex-petit ami.
Reese ; 03h19
J'ai... J'ai eu un souvenir. J'ai encore de la difficulté à y croire, je dois t'avouer. Malheureusement, je ne peux pas te raconter le contenu de ce souvenir, puisqu'il concerne Charles et ce-dernier m'a fait promettre de ne rien dire à ce sujet. Cependant, je crois que je suis sur la bonne voix ! Tu imagines ? Peut-être que dans quelques semaines je me souviendrais des beaux moments que nous avons passés ensemble (non, je t'assure, il n'y a aucun sous-entendus) et je n'aurai peut-être plus l'air d'un affreux (ex) petit ami amnésique.
Je lis et relis son dernier message, les mots se bousculant dans mon esprit. Non, non et non ! Comment cela peut-il nous arriver ? Bien sûr, j'ai toujours été consciente qu'il y avait des personnes amnésiques qui, au bout d'un moment, retrouvait la mémoire, soit par simple hasard ou parce qu'un évènement était similaire à leur passé. Cependant, j'avais espéré que Reese ne serait pas ce genre d'amnésique et qu'il ne retrouverait jamais la mémoire. Malchanceuse comme je suis, évidement ce n'est pas le cas. Je risque gros si ses souvenirs remontent tous à la surface. Nous risquons gros. Et s'il commençait à se souvenir de la nuit de l'incendie ? Bon sang, il n'a pas à revivre ça. Il n'a pas non plus à être au courant. Si je refuse de lui parler de sa disparition c'est uniquement pour son propre bien.
Je relis une dernière fois le message de Reese, les mains tremblantes. Puis, je ferme mon téléphone et le range dans les poches de mon manteau. Je fixe l'imposante pierre tombale de la famille de Reese sans dire un mot. Avant le retour de mon ex-petit copain, je n'osais même pas aller au cimetière dans la crainte de voir l'endroit où était enterré les parents et la soeur de Reese. Mais, depuis que ce-dernier est de retour à Green Lake, j'ai cette énorme culpabilité qui me ronge le coeur et qui me pousse à m'agenouiller au pied de cette pierre tombale au moins trois fois par semaine. Ce sentiment ne me quittera jamais. Comment pourrais-je vivre ma vie sans penser aux actes terribles auxquels j'ai été témoin ? Ça me semble impossible. Jamais je ne retrouverai ce qu'on appelle une vie normale. Je serai toujours coupable de quelque chose et ma vie sera remplie de regrets. Est-ce que je regrette d'être sortie avec Reese McDonough ? Un peu, oui. S'il ne m'avait jamais remarqué, s'il n'avait jamais flirté avec moi, peut-être n'aurai-je pas vécue une telle chose. Peut-être qu'une autre fille aurait eu à vivre cela. C'est égoïste, j'en suis consciente, mais à quel prix suis-je prête à m'épargner de telles souffrances ?
Ça ne sert à rien de penser comme ça. On ne peut pas retourner dans le passé pour y changer le cours des choses. Nous ne sommes pas dans un film, mais bien dans la réalité. La réalité veut que je sois malheureuse jusqu'à la fin de mes jours. Génial, non ?
La Callie que j'étais autrefois n'existe plus.
« Je vous demande pardon... » je murmure en fixant la pierre tombale.
• •
A U P A R A V A N T
Quelques semaines se sont écoulés depuis le bal d'automne et je passe quasiment tout mon temps avec Reese. Malgré ce que les rumeurs laissent croire, il ne s'est rien passé de sérieux entre Reese et moi. Nous ne faisons que discuter et passer du bon temps tous les deux. Certes, Reese ne se gêne pas pour me dire que je lui plais, mais à chaque fois qu'il s'apprête à m'embrasser, il s'arrête et s'excuse, prétextant que ce n'est pas le bon moment. J'ignore s'il compte vraiment m'embrasser au « bon moment » ou s'il me sort seulement cette excuse parce qu'il n'a pas envie de m'embrasser.
Malgré tout, le cadet McDonough peut s'avérer un très bon ami. Voilà pourquoi je l'ai invité à venir chez moi en ce bel après-midi du mois d'octobre. Nous sommes tous les deux assis dans mon jardin sur un tapis de feuilles mortes. Je m'occupe à déchirer les feuilles d'érables en petit morceau, alors que Reese m'observe. C'est l'un des rares moments où il est silencieux.
« C'est quoi un "bon moment" pour toi, Reese ? » je demande finalement.
Reese m'adresse un petit sourire malicieux, ce qui lui donne l'air d'être un enfant. Ses cheveux bruns foncés sont en bataille et ses yeux bleus pétillent comme s'il venait d'avoir une forte dose d'adrénaline.
« - Que veux-tu dire par là, Calliope ?
- Eh bien, tu attends ce fameux bon moment pour m'embrasser. J'aimerais savoir quand il s'agira d'un bon moment pour toi. Comme ça, je n'aurai pas de surprise. »
Le cadet McDonough semble remarquer mon expression, puisqu'il écarquille les yeux. Surpris, il me demande :
« Attends ! Callie, tu crois vraiment que je me sers de cela comme d'une excuse ? »
Je baisse les yeux au sol. Reese n'est pas débile, si bien qu'il comprend aussitôt.
« - Bon sang, Callie tu me plais. À chaque fois que je te regarde, j'ai envie de t'embrasser. Mais, j'essaie d'avoir l'air romantique.
- C'est-à-dire ? je demande, sceptique.
- Le bon moment pour s'embrasser pourrait se produire après un dîner dans un restaurant cinq étoiles, ou bien après une promenade sous le clair de lune.
- Ou encore après une de tes parties de rugby, je plaisante.
- Ah non, ça j'éviterais. Je dois sentir la charogne après le rugby. »
J'éclate de rire, tandis que Reese me sourit. Doucement, je pose ma tête sur son épaule. Reese a une forte odeur de menthe, si bien que je m'y plais bien, là où je suis.
« - Tu es un vrai ringard, McDonough, je me moque.
- Était-ce une technique de drague, Miller ? Parce qu'elle était nulle à chier celle-là !
- Oh, la ferme ! » dis-je en éclatant de rire à nouveau.
Nous restons un moment silencieux, le vent d'automne nous caressant les cheveux. J'aimerais rester toute la journée près de lui, ma tête sur ses épaules et mon coeur battant à mille à l'heure. Je me sens bien avec Reese. Il dégage quelque chose de rassurant que j'aime bien chez lui. Il est la seule personne qui me permet de me rattacher à Green Lake. Et puis, Reese n'en a rien foutre du fait que je vienne de Newcastle et non de ce trou perdu. Il n'a jamais demandé à savoir si je pourrais un jour l'amener visiter Londres ou une autre fameuse ville d'Angleterre. Il se fiche de savoir tout ça, parce que c'est quelqu'un de bien.
Je relève la tête et approche mon visage du sien, de manière à n'être qu'à quelques millimètres de son visgae.
« - Reese, j'en ai rien foutre pour ce qui est de trouver le moment romantique. Tu veux savoir quel est selon moi le "bon moment" ?
- Je t'écoute, affirme-t-il, un lueur de malice dans le regard.
- Le bon moment pour moi ça se résume à être dans mon jardin encombré de mauvaises herbes, des feuilles mortes dans les cheveux avec un garçon prénommé Reese McDonough. Tu crois que c'est possible ?
- Je crois que ça peut s'arranger, en effet. »
Sur ce, il pose sa main sur ma joue et m'attire vers lui. Nos lèvres se rencontrent, au moment où mon coeur s'apprête à bondir hors de ma poitrine. Reese m'embrasse et je réponds immédiatement à son baiser. Je passe mes doigts dans ses cheveux bruns foncés, profitant de chaque instant. Nous sommes restés comme ça pendant quelques secondes, avant que je ne m'écarte délicatement. Pour un premier baiser, c'est plutôt pas mal.
Nous nous fixons pendant quelques secondes, puis Reese décide qu'il est temps de briser le silence :
« - Calliope Rose Miller, me feriez vous l'honneur d'être ma petite copine ? me demande-t-il en faisant une légère révérence.
- Avec plaisir, Reese Alexander McDonough, je plaisante à mon tour.
- Tant mieux, parce que lorsque je serai un vieux crouton nostalgique qui repensera à sa jeunesse, je n'ai pas envie de regretter de ne pas être sorti avec la fille la plus mignonne de la terre, alors que j'en avais l'occasion.
- Tu y vas fort avec les techniques de drague, McDonough. Mais, ce n'est pas nécessaire puisque je suis maintenant ta copine.
- Ah, mais ça ne m'empêchera pas de flirter avec toi, tu sais. Il n'y a jamais de mauvais moments pour conquérir le coeur de sa petite amie, m'avoue-t-il, une lueur d'amusement dans le regard.
- J'espère que tu as conscience que ce que tu viens de dire est absurde.
- Bien sûr. »
Sans prévenir, il m'embrasse à nouveau. Je réponds à son baiser sans tarder. J'ai de la chance d'être tombé sur un garçon comme Reese. Non, tout compte fait j'ai de la chance d'être tombée sur Reese McDonough.
• •
Je cligne des yeux de nombreuses fois, prenant conscience que j'ai quitté la réalité depuis un bon moment déjà. D'un oeil méfiant, je jette un coup d'oeil à la pierre tombale. Au loin, j'aperçois les ruines de l'ancienne demeure des McDonough. Il ne s'agit plus que d'un tas de cendres maintenant.
Je me fais la promesse de ne jamais amener Reese sur le site de l'incendie, avant de me lever et de rebrousser chemin.
Ce lieu est hanté par notre culpabilité.
✖️
Salut à tous !
Je pourrais commencer par un long discours émouvant pour vous dire à quel point c'est terrible ce qui s'est passé à Nice. Cependant, je préfère faire court et vous dire à quel point je trouve terrible ce qui vient de se passer là-bas. Mes pensées vont aux proches des victimes et aux victimes eux-mêmes. Ils vont également aux personnes en Syrie et ailleurs dans le monde, qui subissent également de nombreux attentats. Ils vont au monde entier.
J'espère sincèrement que c'était le dernier. Et j'espère de tout mon cœur que vous vous portez tous bien. <3
➰ Qu'avez-vous pensé du flashback ?
➰ Que pensez-vous du couple Reese/Callie (d'ailleurs faut qu'on trouve un nom de ship !)
➰ Vos prédictions ?
Sur ce, je vous remercie pour votre présence et votre fidélité. Sans vous, Origines n'aurait pas atteint 9k de vues. Sans vous, je n'approcherais pas des mille abonnés (PLUS 4 OMG!).
Bref, merci.
MARIANNE
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