Chapitre 8 Coden
Je marche dans les couloirs en direction de l'aile sud, Nark et Azura derrière moi.
– Vous avez bien dit que Rika s'y trouve déjà, ai-je demandé à mes deux généraux de l'ombre en passant devant quelques portes vitrées menant à nos cultures intérieures.
– Exactement, sir, me répond Nark, sa voix grave légèrement étouffée par son masque de faucon.
– Je lui ai pourtant dit de m'attendre, ai-je marmonné en arrivant devant les deux larges portes de verre.
Je fais signe à mes deux généraux d'ouvrir la serre et ils s'exécutent en silence. Nous traversons rapidement les broussailles avant d'entrer dans la dense forêt qui prend une bonne partie du sud-est (au nord-ouest de ma position).
Il ne nous faut pas longtemps avant d'arriver dans la petite clairière qui se trouve dans le centre.
Lorsque j'arrive, Rika me fait dos, mais je peux voir qu'elle soumet le chevalier Ren. Tirila et les autres félins l'observe se tordre de douleur sans comprendre ce qui se passe.
– Ren, s'exclame la princesse tigre en touchant le dos de celui-ci alors qu'il se cambre. Qu'est-ce que tu as!
Les sursauts de son corps s'intensifient alors que ses membres se tordent pour changer de forme. Je le regarde avec une certaine fascination. Ses bras et ses jambes craquent et grossi. Ses doigts se courbent en même temps que son dos. Son visage s'allonge et se déforme. Ses oreilles montent et du poil parcours la moindre partie de son corps.
– Ce n'est pas normal, marmonne Tirila en fronçant les sourcils d'inquiétude, son regard jaune-vert observant tour à tour ma sœur, puis le chevalier. Ce n'est jamais aussi long et douloureux.
– Il est transformé contre son gré, ai-je déclaré en arrivant à côté de Rika alors que le chevalier est maintenant étalé à ses pieds.
– Quoi, grogne Tirila en me regardant férocement. Qu'est-ce que vous insinuez?
Je porte mes doigts à mon cou pour le tapoter et un éclaire de rage traverse ses iris fauves lorsqu'elle comprend.
– Bête noire, hurle la princesse tigre en se levant vivement. Essayez-vous de nous forcer à demander l'aman!
– J'ai fait cela car j'ai besoin de vous, dis-je calmement en lui faisant un sourire séducteur, ce qui, au contraire de l'apaiser, renforci sa haine à mon égard. De votre pouvoir plutôt.
– Et vous croyez idiotement que nous sommes faibles d'esprit pour nous soumettre gentiment à vous!
– Vous n'avez pas vraiment le choix, dis-je en levant un sourcil, un sourire flottant toujours sur mes lèvres.
Je me rapproche d'elle alors qu'elle sert fermement les poings.
– Je vais vous révéler un autre petit secret, ai-je susurré à son oreille alors que la princesse tremble de rage. Je n'ai pas envoyé mes grands généraux, mais des criminels selon nos lois.
Son regard se fixe sur moi, aussi ardent que des braises. Je lui fais un sourire finaud en reculant de quelques pas, jouissant de la flamme qui brule en elle.
– Tant que vous portez ce collier, vous ne pourrez jamais aller à l'encontre de Rika ou moi.
Tirila envoie vivement son poing vers moi, mais son bras se ramolli avant même qu'elle ait pu atteindre mon visage.
– Que, grogne la princesse tigre en fronçant les sourcils, essayant, en vain, de soulever son membre lourd. Impossible!
– Tout ce que l'esprit est capable d'imaginer est possible. Mais tout ce qui est possible n'est pas toujours perceptible. Il en va de même pour les humains comme moi. Nous devons puiser notre force avec les choses que seul notre esprit peut percevoir. C'est le même cas avec la liaison que je possède avec ses colliers. Vous ne pouvez pas voir sa puissance car cela va au-delà de tout ce que vous pouvez imaginer.
– Ne parlez pas comme si vous étiez des êtres supérieurs à nous, peste Tirila en se tenant le bras. Ce que vous faites, c'est de la manipulation, pas de la force.
– Qui a décidé que la puissance était seulement physique? Qui dicte les règles de ce monde? Nous choisissons ce qui est bien et ce qui est mal de faire. Dans mon cas, il est bien de vous soumettre. Dans le vôtre, cela ressemble à de l'emprisonnement.
– La déesse féline vous a à l'œil, s'exclame la servante Daysie en touchant la tête du chevalier Ren alors qu'il est toujours étalé dans sa forme de lynx. Elle nous vengera!
Je lève un sourcil, amuser par ses mots.
– Vous croyez vraiment qu'une entité supérieure vous a offert la capacité d'être humain ou félin? Comprenez bien que, puisque vous êtes les deux, vous n'êtes aucun des deux. Ce n'est pas une bénédiction, mais une malédiction. Vous ne faites ni partie des humains ni des mi-félins. Vous ne pourrez vivre nulle part sans que l'on juge votre nature, la part de vous qui ne leur convient pas. Et c'est justement parce que vous êtes unique que vous êtes seuls.
– Ne soit pas si dur avec eux, mon cher frère, dit Rika avec un sourire en enlaçant mon bras avec les siens. Ils ne sont pas prêts à entendre la vérité.
– C'est vrai, ai-je consenti en lui effleurant la joue du bout des doigts. Mieux vaut qu'ils n'en sachent rien. Les ânes sont toujours plus dociles que des mustangs.
– Nous ne sommes pas des bêtes de foire, grogne la princesse tigre en me foudroyant des yeux alors que le chevalier Ren se redresse sur ses pattes tremblantes.
– Nous ignorons jusqu'où les caractéristiques humaines et les particularités animales ne font qu'un, proclame le jeune duc Synter en se levant, puis en mettant ses mains dans son dos. Pour certains, l'un ou l'autre est défunt. Dans mon cas, je l'ai facilement cerné. Je sais que ma voie est déjà tracée.
Lorsqu'il pose ses yeux dorés fixement sur moi, je comprends qu'il sait. Le jeune duc connait son origine. Il sait donc comment nous arrivons à les contrôler.
Tirila se tourne vers lui avec un froncement de sourcil alors que les deux autres jeunes femmes nous observent, RIka et moi, avec agacement.
– Moi qui avais cru rencontrer un gentilhomme, bougonne la princesse Chaylor avec déception. Tous mes fantasmes tombent à l'eau.
Je hausse un sourcil alors que la tigresse reporte son attention sur la jeune fille sans avoir changé d'expression. Rika tend la main pour caresser le pelage gris-brun du chevalier Ren sous le regard suspicieux de la servante Daysie. Il se braque, mais il ne bouge pas quand les doigts de ma sœur lui caressent la tête, puis son cou.
– C'est plus doux que nos fourrures, constates Rika avec une légère surprise.
– Évidement que ça l'est, peste Tirila en repoussant sa main pour l'éloigner de Ren. Nous sommes différents des animaux vivent sur ses terres. Nous savons mieux nous entretenir.
Son commentaire tire un sourire fourbe à ma sœur.
– Vraiment? Alors je suis curieuse de toucher votre pelage princesse Tirila.
Je secoue la tête alors que Rika m'interroge du regard.
– Tu peux prendre n'importe quel sauf elle. La tigresse m'appartient.
– Nous ne sommes pas des jouets, réplique agressivement la princesse de Yohen en me regardant avec haine.
– Certes, vous n'en êtes pas, dis-je avec une joie viscérale en lui souriant effrontément. Mais vous, vous pouvez l'être pour moi, ma très chère future femme.
Je lui fais un clin d'œil, ce qui l'enrage encore plus, avant de tourner les talons pour rejoindre Nark et Azura qui se tiennent un peu plus loin, en retrait.
– Rika, je te prierais de bien traité nos invités et de bien sélectionné ton futur animal de compagnie.
Je n'entends pas sa réponse, mais je sais qu'elle le fera.
– Blayz, Xizen et Lendal sont-ils revenus, ai-je demandé à mes deux larbins alors que nous sortons de la serre.
– Pas encore, maitre, me répond Azura, sa voix claire étouffée par le masque de faucon. Ils n'ont rien flairé qui puisse soutenir votre motif de visite à Dratan. Depuis que la princesse a tenté de l'assassiner, le duc Meos est plus prudent. Il ne laisse aucune information utile derrière lui.
– Je vois. Et qu'en est-il des pillards, des pirates et des contrebandiers de Friwilde? Les rois de Niloria ont accepté d'envoyer des marchandises en échange de notre eau. Il ne faudrait pas qu'ils viennent gâcher cette confiance.
- Pour l'instant, ils se tiennent tranquille, me répond Nark alors que nous marchons vers l'est, dépassant les serres royales. Mais ce n'est qu'une question de temps avant que la marquise Astrina leur permette de passer de nouveau à l'action.
Je hoche la tête, puis dis :
– Demandez qu'on envoie des invitations aux dirigeants des contrées. Je dois leur présenter ma nouvelle puissance.
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