Chapitre 4 Coden
Lorsque nous arrivons, mes hommes de mains et moi, à la capitale de Niloria, dans le territoire de Yohen, le soleil est à son zénith et il fait une chaleur suffocante. Je suis tellement habitué à l'air frigorifiant d'Holonga que mon corps en entier perle de sueur. C'est tellement écrasant et humide que j'ai l'impression qu'à tout moment, je vais m'évanouir. Je m'essuie le visage avec la manche de ma tunique blanche brodée de dentelle rouge tout en gardant une main sur les rênes de ma monture.
Quelques jours plus tôt, j'ai expédié une missive à la capitale de Niloria pour aviser qu'un envoyé allait venir dans leur royaume pour parlementer un accord de paix. Bien entendu, je n'ai pas précisé que cette personne, se sera moi, le roi de Dystio.
Nous guidons nos chevaux jusqu'au rempart entourant le palais de bois construit dans différente hauteur, tel un puzzle complexe. Deux hommes-félins sont de garde devant la grande arche menant au pont-levis qui est déjà abaissé. Ils nous arrêtent un instant en nous observant de la tête aux pieds.
– Vous êtes l'envoyé spécial du roi de Dystio, me questionne l'un d'eux avec un ton à la fois méfiant et curieux.
– Si, dis-je en sortant le médaillons possédant l'emblème royal qui était accroché à ma large ceinture noire, avant de le leur montrer.
Il échange un regard, puis nous laisse passé. Je fais galoper mon étalon tout en observant l'architecture de bois qui me semble presque fragile comparer aux forteresses de pierre de Dystio.
Nous faisons avancer nos chevaux jusque devant un large escalier où plusieurs gardes sont en service.
– Vous devez descendre et continuer à pied, nous dit l'un des quatre chevaliers prostrés devant les nombreuses marches.
– Vous plaisantez, me suis-je exclamé, scandaliser, en regardant les planches qui doivent être au-dessus de deux-cents.
L'homme-félin fait un geste pour m'indiquer quatre calèches royales qui sont à quelques mètres de nous.
– C'est pareil pour toutes les familles royales de Niloria... et puis, ce ne sont pas quelques marches qui vous tueront. À moins que les humains soient aussi faibles et fragiles que ce que les rumeurs disent.
Je pousse un grognement de mécontentement, ce qui leur tire un sourire subtilement fier, puis descend de ma monture avec agacement. Je retire ma cape de fourrure qui m'étouffe depuis que j'ai mis les pieds sur ces terres et la lance sur mon étalon. Je remonte les manches de ma tunique et suis presque soulager en sentant une légère brise me caresser la peau.
Pour ces êtres mi-animal, monter autant est un jeu d'enfant et sans aucun doute une routine quotidienne, mais pour des humains, c'est une vraie torture... encore plus avec cette chaleur.
J'eu un sourire forcé et commence mon ascension, essayant de garder un bon rythme et une démarche digne, mes laquais m'imitant comme ils peuvent. Lorsque nous arrivons enfin tout en haut, mes six hommes de main et moi, nous sommes à bout de souffle et baignés de sueur. Je m'essuie de nouveau le visage alors que j'ai les jambes tremblantes. J'ai un peu la nausée et ma gorge me brule tant l'effort m'a donné soif.
– Bon dieu, ai-je marmonné en me passant une main dans mes cheveux blonds qui ondulent plus que d'habitude à cause de l'humidité. J'espère que nous n'avons pas à marcher jusqu'à une aile éloigner...
– Vous êtes l'envoyé du roi de Dystio?
Je lève les yeux pour voir une jeune fille sortir des larges portes de bois, un peu plus loin, en face de moi. Ses cheveux roux, tirant sur la couleur de l'aube, descende jusqu'au bas de son dos. Ses iris vert, presque jaune, m'observe sans une once d'émotion, comme si elle portait un masque. Mais ce n'est ni sa beauté troublante ni son attitude effacer qui attise mon intérêt. Au contraire de tous les hommes-félins de Niloria, celle-ci possède une apparence complètement humaine.
Serait-elle l'un d'eux?
– Vous êtes, lui ai-je demandé en me rapprochant d'elle dans une démarche que j'espère être gracieuse tout en lui envoyant un large sourire charmeur.
– Tirila, dit-elle en gardant une expression de marbre. L'unique princesse de Yohen.
Alors c'est elle qui a fait des ravages dans nos troupes et qui a la réputation d'être plus monstrueuse que les mi-félins? Elle ressemble pourtant à une déesse.
Mon sourire s'efface lorsque je remarque qu'elle ne porte qu'une robe légère typique des habits de Niloria.
Ils ne portent vraiment pas de chausse! Ni même le moindre bijou!
– Mon père et les autres rois vous attendent dans le grand hall.
Elle fait un geste de la main vers les portes où elle venait de sortir.
– Je vois, dis-je en lui souriant de nouveau.
J'attends que la princesse me guide jusqu'à l'intérieur, mais elle ne bouge pas, se contentant de me fixer froidement.
– Vous... voulez me demander quelque chose, l'ai-je questionné en levant un sourcil.
Elle penche la tête sur le côté et plonge ses iris hypnotisant dans les miens.
– Le roi de Dystio veut-il vraiment la paix, me demande la princesse tigre en plissant les yeux comme si elle cherchait à me décrypter. Ou cela n'est qu'une diversion pour un projet de plus grande envergure?
Je reste un moment silencieux, me demandant ce que je peux me permettre de lui dire. Je fais un pas pour réduire l'espace entre nous, un sourire mielleux aux lèvres.
– En réalité, il cherche à avoir un bon mariage et vous êtes l'une des candidates, ai-je susurré à son oreille.
À dire vrai, je viens juste de le décider.
Lorsque je recule, je remarque une lueur espiègle dans son regard et un subtil sourire flotter sur ses lèvres.
– Faites attention à vos paroles, surtout lorsque vous serez devant eux, me conseille la princesse d'une voix basse et envoutante. Roi Coden.
Elle me laisse surpris avant de s'éloigner vers les grandes portes dans une démarche typiquement féline.
– Les meilleurs mariages peuvent s'avérer être les pires, ajoute-t-elle en me jetant un regard par-dessus son épaule. À vous de juger dans quelle catégorie je pourrais me situer.
Elle entre à l'intérieur, me laissant de plus en plus déconcerter.
Les femmes de ce royaume sont vraiment différentes de celles de Dystio.
Un sourire étire mes lèvres et j'entre à sa suite avec mes valets.
Le grand hall possède de hautes poutres de bois sombre et une toiture voutée. Le trône, sur lequel est installé le roi et la reine de Yohen, ressemble plus à une banquette à haut dossier finement travaillé qu'à un siège royal. Je lève un sourcil en voyant le couple. J'avais pourtant entendu dire que Niloria était très stricte envers les femmes... je ne m'attendais pas à ce que le roi partage sa place avec sa reine.
Du côté gauche, je remarque le jeune empereur de Vender, le souverain et la souveraine âgés de Bauley, le roi de Lashang et, plus près du trône, le monarque de Sajarez avec sa femme et sa fille. Je constate tout de suite que la jeune demoiselle est, elle aussi, complètement humaine. J'en déduis qu'elle fait partie des cinq guerriers légendaires.
Mon regard se porte vers la droite et croise un instant les yeux verts de la princesse tigre. Elle est assise près d'une jeune dame mi-tigre. Le reste des mi-félins sont des hommes, à l'exception de deux femmes félines qui doivent être les épouses de leurs compagnons. Le prince Kayël est installé, seul, près de son frère ainé, le roi de Yohen.
Je jette de nouveau un regard vers la princesse Tirila avant de m'avancer jusqu'au souverain Ralius.
– Je suis... Ozar d'Holonga, bras droit et porte-parole de sa majesté le roi Coden, dis-je en m'inclinant, suivit par mes laquais. Je suis ici pour discuter avec vous du traité de paix.
– Quels sont vos termes, me demande le roi Ralius en me fixant de ses iris bleus et glacials.
– Comme notre roi est en âge de se marier, je lui ai proposé que la paix se fasse par mariage, ce qu'il trouvait être une bonne chose. Bien entendu, ce n'est pas la seule condition.
Je me tais un instant pour les laisser réfléchir à cette demande. À l'exception des deux princesses ici, il n'y a aucune autre femme royale pouvant recevoir le titre de concubine dans le royaume de Dystio. Cela les forces à jouer avec des tisons ardent... et je suis presque sûr, à en croire l'expression du roi et de la reine de Sajarez, qu'ils ne laisseront pas leur fille unique devenir la femme de leur ennemi de toujours... ce qui ne reste plus que la princesse Tirila.
Je souris largement, fier de moi-même pour avoir trouvé une proposition si pertinente. La princesse tigre est une beauté que je ne peux absolument pas laisser filer entre mes doigts. La princesse de Sajarez est mignonne, mais elle semble trop renfermer et timide.
– Continuez, ordonne l'empereur de Yohen avec un geste de sa main griffue.
– Notre roi a entendu parler de vos cinq guerriers spéciaux. Ils ont fait des ravages sur les champs de batail. Notre souverain aimerait donc échanger ses cinq félins contre les grands généraux de Dystio. Je lui ai dit que le mariage ne serait sans doute pas assez pour créer un sentiment de sécurité dans les deux royaumes. Offrir les meilleurs combattants en échange serait plus juste. Bien entendu, sans l'accord de chaque roi, aucun d'eux ne seront permis de communiquer avec leur royaume respectif, au cas où ils seraient utilisés comme espion. Tant que les messages ne révèlent rien de compromettant, ils pourront communiquer avec leur famille.
– Je vois, marmonne Ralius en caressant sa barbe noire, peu enclin à la conversation.
– Notre empereur aimerait aussi recevoir de la nourriture et des vêtements. Dystio est un royaume très froid. Il est difficile d'y faire de bonne culture.
– Et... que pouvez-vous nous apporter en échange?
– Nous savons que vous n'êtes pas intéresser par les pierres et les bijoux et que vous n'avez pas besoin de nos fourrure, mais nous pouvons vous offrir autant d'eau que vous le souhaitez. Nous savons qu'avec les lourdes chaleurs de Niloria, vous en manquez parfois.
Ralius fronce les sourcils et échange un regard avec les autres rois.
– Vous ne pouvez pas faire de culture alors que vous possédez énormément d'eau, dit l'empereur de Yohen, légèrement septique.
– Nos sols sont trop froids et il neige pendant de très longue période.
– Vous avez dit de la neige, commence l'un des hommes qui doit être le plus vieux fils du roi Ralius, ses yeux reflétant sa curiosité. Qu'est-ce que c'est?
Je souris en le regardant, me souvenant qu'il ne neige jamais à Niloria.
– Il s'agit d'une sorte d'eau.
– Une sorte d'eau, me questionne Ralius en accentuant son froncement de sourcils.
– C'est une eau qui est plus froide que celle que vous connaissez et qui tombe des nuages comme la pluie. Ah et il nous arrive d'avoir de la glace aussi, que nous appelons de la grêle. Cela peut parfois s'avérer dangereux. Il s'agit aussi d'eau, mais sous forme dure.
– De l'eau dure, s'exclame le vieux souverain de Bauley en écartant les yeux de surprise. Je me souviens que mon grand-père m'en avait touché un mot, dans mon jeune temps.
Il se penche en avant et me regarde à la dérober, ses yeux félins me fixant intensément.
– En possédez-vous beaucoup?
Mon sourire s'élargie devant son intérêt.
– Cela dépend des jours, mais je peux vous confirmer que le roi Coden en possède une tonne. Une quantité que vous n'arriverez même pas à imaginer.
C'est un peu extrême, mais ils l'ignorent.
Nous pouvons certes avoir beaucoup d'eau grâce à la neige, mais la glace est plus rare, puisqu'il faut la maintenir à une très basse température, ce qui veut dire que nous les gardons dans l'une des plus hautes tours du palais. L'air y est plus glaciale qu'au sol. Avindil est la contrée de Dystio où il est plus courant d'en trouver à perpétuité. Il y a de la neige toute l'année, au contraire des autres contrées. À Holonga, nous pouvons avoir tout un mois dans une année sans qu'il neige, parfois un peu moins.
– Nous vous laisserons un mois pour y réfléchir. Nous attendrons de recevoir de vos nouvelles avant de faire les préparatifs. Nous souhaitons vraiment pouvoir avoir une bonne entente et arrêter cette guerre centenaire.
Je m'incline avant de partir avec mes valets, jetant un dernier coup d'œil vers la princesse Tirila qui me fixe de ses yeux fauves.
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