Chapitre 11 Tirila

Je suis couchée dans l'herbe, sous l'ombre d'un arbre, lorsqu'on vient me secouer brusquement. Je papillonne des yeux en grognant alors que le visage de Chaylor est à quelques centimètres du mien.

– Il y a des serviteurs qui sont venus te chercher... enfin, nous chercher, m'apprend-elle alors que je la repousse pour me redresser.

Je fronce les sourcils en voyant deux humains masqués qui se tiennent en retrait. Il n'y a pas la moindre partie de leur corps qui révèle une part de leur peau. Leur masque de faucon semble même cacher leurs yeux, me faisant me demander comment ils arrivent à voir.

Je me lève, puis marche vers eux, Chaylor à ma suite alors que Ren, Daysie et Synter nous rejoignent d'un pas lent.

– Notre maitre vous attend, dit une voix féminine, étouffée par ce qui lui cache le visage.

– Il vous a préparé des tenues pour la cérémonie, ajoute l'autre en nous faisant signe de le suivre.

– Quelle cérémonie, l'ai-je questionné en marchant à sa hauteur alors que nous traversons la forêt jusqu'à l'entrée de la serre. Holonga n'est-il pas connu pour être continuellement en fête? Quel est la différence aujourd'hui?

– Vous verrez en temps et lieu, répond vaguement la femme en replaçant sa longue cape noire et la capuche qui lui cache les cheveux.

Nous traversons une partie de l'aile ouest jusqu'à nous arrêter en face de la chambre du roi.

– Sa majesté vous attend, princesse Tirila, me dit l'homme en faisant un geste vers les deux larges portes.

– Pour les autres, vous devez me suivre, dit la femme en les entrainant vers les pièces plus loin.

Je leur jette un dernier regard avant d'ouvrir les portes et d'entrer dans la pièce. Coden est installé sur un long canapé capitonné, une coupe de vin en main. Il est vêtu d'habit rouge, noir et blanc, agrémenté par-ci par-là de perle et de rubis. Sa chevelure blond vénitien ondule gracieusement contre son cou alors qu'il porte sa couronne. Lorsqu'il me voit arrivé devant lui, il me fait son grand sourire de nigaud.

– C'est quoi cette tenue tape à l'œil, dis-je en plissant les yeux, faisant un geste de la main pour englober son accoutrement.

– Les vêtements d'un homme sur le point de se marier, répond-il en me faisant un clin d'œil.

– Que, ai-je fait alors qu'il pose sa coupe sur la table basse avant de se lever pour me pousser derrière un paravent où trois servantes m'attendent.

Elles m'aident à me changer, puis dépose sur ma tête un long tissu blanc légèrement transparent.

– Est-ce que le rouge est votre couleur favorite, ai-je demandé au roi en sortant, soulevant les longs jupons froufroutés qui ont les mêmes couleurs que ses habits. Chaque fois que je vous vois, vous en portez... avec du noir ou du blanc.

– À Dystio, le blanc représente le vide et la mort, le noir, le plein et la vie, le rouge, l'amour et le sang. Ce sont des couleurs symboliques pour le mariage. À la vie à la mort, mon amour pour toi circule partout dans mon sang.

Je fronce les sourcils alors que cela lui tire un sourire amusé.

– Je sais que pour les mi-félins de Niloria, se sont des habits rappelant le ciel et la terre, mais comme vous vous mariez ici, vous devez suivre nos règles et nos coutumes. Que cela vous plait ou non.

– C'est complètement ridicule, dis-je en me rapprochant de lui avec un air menaçant. Comment pouvez-vous, vous, humain, promettre quelque chose d'aussi important à plusieurs conquêtes à la fois. Dire cela n'est que mensonge et barbarie.

– Alors, si je comprends bien, vous êtes possessive et voulez que je ne prononce ces mots qu'à vous seule, susurre Coden à mon oreille avec un sourire espiègle.

Je tente de le repousser, mais contre lui, je ne suis qu'une faible femme. Il empoigne l'une de mes mains et m'entraine à travers les couloirs jusqu'à l'entrée imposante du palais de pierre. Lorsque nous sortons, je constate que Ren, Daysie, Cahylor et Synter, ainsi que la princesse Rika et les domestiques qui les accompagnent, sont habillés tout en rouge. À côté d'eux, il y a une énorme boite décorée qui possède quelques marches qui montent jusqu'au sommet. Je remarque qu'elle a des roues et qu'il y a des chevaux rattachés à celle-ci comme s'il s'agissait d'un énorme carrosse. Des tissus et des fourrures rouges, noirs et blancs sont éparpillés au sommet, entourant une large banquette noire finement travaillé possédant une panoplie de coussins.

– C'est pour quoi, cela, ai-je demandé au roi en pointant l'étrange calèche qui semble être fait pour des géants.

Les chevaux arrivent presque au quart du bloc, en hauteur. Synter, à côté de cela, parait minuscule.

– C'est notre présentoir, me répond Coden avec un sourire ridiculement fier en m'entrainant dans la décente de la dizaine de marches, me faisant de nouveau froncer les sourcils.

– Que voulez-vous dire?

– Je veux dire ce que cela veut dire, ma chère. Nous allons nous asseoir tout en haut et déambuler dans la capitale.

– Vous plaisantez, me suis-je exclamée avec agacement en tentant de m'arrêter, en vain. Je n'ai jamais entendu dire que parader était une coutume! Je pense plutôt que vous vouliez un mariage extravagant!

– Ce n'est certes pas d'usage à Dystio, mais cela l'est dans tout Holonga, j'en ai personnellement décidé, même si mon oncle voyait toute cette joie comme quelque chose d'excessif. C'est pourtant quelque chose qu'il faut fêter en grand.

– Je suis bien d'accord avec lui, ai-je marmonné alors que Coden me force à monter dans la géante calèche.

– Bien entendu, reprend Coden qui fait semblant de ne pas m'avoir entendu. Ce n'est pas aussi exceptionnel que le nôtre.

Lorsque nous fûmes assis, la princesse Rika monte et s'assoit au milieu des marches alors qu'elle fait signe à Ren de se mettre sur les premières. Daysie, Chaylor et Synter embarquent sur des chevaux alors que les domestiques guident les bêtes jusqu'au pond de roche entouré de hautes tours et d'une large muraille de pierre. Une couche de neige parcourt le sol comme un géant tapis blanc. Je regarde les bottes à mes pieds en me disant que je ne m'habituerai jamais à leur sensation lourde et chaude.

– Puis-je vous posez une question, ai-je demandé à l'empereur de Dystio en reportant mon attention sur lui alors que nous sortons des remparts du palais, pour entrer dans la ville déjà bien énergique.

– Allez-y. Je vous répondrai honnêtement si je le peux.

Je fronce les sourcils alors que Coden me fait un sourire énigmatique.

– Pourquoi avez-vous fait pendre votre oncle? N'étiez-vous pas proche l'un de l'autre?

Pendant une fraction de seconde, je crus voir une mine dur et sérieuse se peindre sur son visage et dans ses yeux sombres. Mon ventre se noue devant son expression si inhabituel. Que va-t-il me révéler?

– Est-ce que le fait qu'il a assassiné mes parents est une réponse qui vous satisfait?

Il secoue la tête avec un sourire froid en observant la ville et les gens qui déambulent autour de nous. Je pince les lèvres et baisse les yeux, comprenant enfin un peu mieux son attitude.

– Si je m'étais comporté d'une manière un peu trop compétente, il m'aurait tué, ne serait-ce que parce qu'il m'aurait vu comme une menace. Une barrière entre lui et le pouvoir. Ça l'aurait été pareil avec Rika. Chez nous, peu importe le sexe, c'est l'ainé qui monte sur le trône. Dès que le roi et la reine meurt, ce sont leurs descendants, s'ils en ont, qui prennent leur place... Sinon, ce sont les membres les plus proches de ceux-ci.

Nous passons à côté de famille dont les jeunes enfants, ébahies, nous pointent du doigt.

– Puisqu'on en parle, reprend Coden en reportant son attention sur moi. J'ai été surpris de voir que le roi de Yohen, je veux dire votre... euh... père, partage son... trône avec sa reine.

– Ah, ça, dis-je avec désinvolture en haussant les épaules. À Niloria, dès qu'une femme se marie, elle doit obéissance à son époux, ce qui veut dire qu'elle doit être en tout temps près de lui, à moins qu'il la congédie ou lui donne une tâche à faire. Mon plus vieux frère, qui sera potentiellement le prochain roi de Yohen, souhaite abolir cette règle qu'il trouve absurde. Je crois que c'est déjà le cas pour Vender, mais pour les autres, c'est quelque chose d'inimaginable. Il faut dire que nous vivons ainsi depuis des siècles.

Le souverain me regarde, choqué, comme s'il n'arrivait pas le moins du monde à trouver cela normal. C'est exactement la réaction que j'ai enfouie en regardant tous les visages heureux et serein d'Holonga. Les humains sont des créatures plus cruels que nous, même envers les leurs et pourtant, ils peuvent se montrer mille fois plus tendre et mielleux.

– Les humains sont si contradictoires, ai-je marmonné alors que nous arrivons sur la grande place.

Je me fige alors que mon regard observe le moindre recoin. Vivement, les sens en alerte, je fais tomber Coden en bas de la banquette une seconde avant qu'une flèche s'incruste dans le coussin du dossier.

– C'était moins une, ai-je grommelé alors qu'il est étalé, les yeux grands comme des soucoupes, comme s'il ne se doutait pas le moins du monde qu'il aurait pu être assassiner le jour de son mariage.

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