Chapitre 1 Tirila
– Ya, ai-je crié en faisant accélérer mon cheval blanc entre les arbres et les branches basses.
Je prends mon arc, saisis une flèche de mon carquois et vise la petite bête brune qui se faufile en vitesse à travers les broussailles. L'animal, bien que furtif, ne pourra pas se sauver vivant de la chasse. D'un geste rapide et précis, je lâche la corde tendue, envoyant le carreau transpercé le flan du lièvre. Il pousse un couinement et trébuche, roulant sur quelques centimètres de terre, laissant quelques goutes de sang ruisseler sur son passage.
– Et de dix, dit d'un ton lasse mon cousin Nester en arrivant près de moi avec Lyme, le fils du Duc Clark, Ren, le fils ainé du général Amman de Lashang ainsi que mon chevalier personnel, puis Daysie, ma servante.
– Ne crois-tu pas que tu en as assez attrapé, Tirila, répète Lyme pour la troisième fois en faisant un geste vers ceux que portent Daysie, accrocher à sa monture crème.
– C'est bon, j'ai compris, ai-je soupiré en descendant de mon pur-sang pour aller récupérer ma prise. Où sont mes frères?
Nous jetons tous un regard derrière nous pour les voir folâtrer entre les différents conifères. Mon plus vieux frère, Sven, sifflote en jouant avec l'une de ses flèches comme s'il s'agissait d'une flute. On ne croirait pas, à son attitude frivole, qu'il est dix ans mon ainé. Mon second frère, Ferdon, lève les yeux en le voyant faire, se demandant sans aucun doute comment celui peut être toujours aussi gamin même après vingt-six sans d'existance. Harkiz, qui a deux ans de plus que moi, vise Ferdon avec son lance-pierre personnellement concocter. Il a un sourire en coin, comme s'il avait vraiment l'intention de l'attaqué par surprise. Et comme il est plus imbécile que l'ainé de notre fratrie, il décoche, mais Ferdon évite la petite pierre comme s'il savais qu'Harkiz le visait depuis un moment. Bien que mon jeune frère et moi ressemblons physiquement un peu plus à notre mère, Ferdon et moi partageons une personnalité similaire, que nous retenons de notre père.
– Tu en as attrapé assez, tu penses, me questionne Ferdon alors que je monte sur mon destrier dans un geste assurer et habile, la petite bête brune en main.
– Nester et Lyme sont exaspérés alors c'est le dernier, lui ai-je répondu en retirant la flèche dans un bruit de succion, faisant égoutter du sang sur ma tunique.
– C'est normal, proteste Nester en faisant un geste de la main vers le ciel, Nous sommes ici depuis tôt ce matin et là, il est presque midi.
– Je n'ai forcé personne à me suivre, que je sache, ai-je rétorqué d'une voix sèche en dirigeant ma monture vers le chemin caillouteux menant au château de Yohen.
C'est toujours pareil avec eux.
À l'exception de mon frère Ferdon, aucun d'eux ne font les choses à fond, avec sérieux et perfection. Ils ne cherchent pas à optimiser les résultats. Ils abandonnent quand ils sont insatisfaits ou qu'ils jugent cela trop dur. C'est décevant. Père n'est pas assez strique envers eux... mais je sais que c'est parce que, malgré leur penchant pour les jeux, ils ont emmené de bon résultat sur les champs de bataille.
– À l'avenir, j'irai uniquement avec Ren et Daysie, ai-je ajouté avant de donner un coup à mon étalon pour le faire aller au galop jusqu'au palais qu'on entrevoit au loin, entre les branches, en dehors de la plus grande forêt de Yohen.
Nous entrons d'abord dans la ville alors que les gens du peuple échangent avec entrain leur fabrication, certains marchandant entre une tonne de tissu souple et coloré avec des tranches de différents types de viande, passant du flamant rose exotique au porc très commun. Faisant aller nos chevaux au trot, nous passons devant un petit groupe d'enfant tigre qui rient et se pourchasse sous les exclamations surpris du reste de la foule lorsqu'ils se faufilent entre eux. Lorsque nous passons devant la grande demeure du duc Clark, Lyme nous salue rapidement avant de mener sa monture vers les remparts de bois qui entoure la résidence.
Nous arrivons un peu plus tard devant le pont-levis sous le regard des gardes royaux qui arborent une tunique en cuir dans laquelle il est gravé une tête de tigre, représentation du peuple de Yohen. À leur taille, une large ceinture noire sert à maintenir un carquois, alors que, dans une de leurs mains griffues, ils ont un arc fait à partir d'un séquoia géant, arbre que l'on retrouve beaucoup dans l'écosystème environnant. Les soldats s'inclinent rapidement alors que nous traversons sur les longues planches. Nous dirigeons nos montures vers une partie de la cour pour nous rendre aux écuries. Nous laissons nos bêtes aux écuyers et aux palefreniers avant de monter les marches vers l'entrée du grand hall. Nous dépassons les deux grandes et hautes portes pour nous diriger vers l'aile est alors que Ren et Daysie partent vers l'aile ouest, emportant les lièvres vers les cuisines. Mon cousin, mes frères et moi passons dans plusieurs couloirs avant de rejoindre le reste des membres de notre famille dans le grand salon.
Père, Ralius de Yohen et mon oncle, le prince Kayël, discutent ensemble de stratégie militaire, tandis que, un peu plus loin, mère échange des commérages barbant avec ma cousine Lounia, Émalia, la femme de mon frère Sven, et Caprilie celle de mon frère Ferdon.
– Tirila, s'exclame mère en nous voyant approcher d'eux, surexcitée comme un écureuil ayant mangé trop de sucre. Il semblerait que ta chère cousine a eu un succès fou lors de son voyage à Vender avec ton oncle! Elle a dit que même le fils du duc Than à craquer pour elle!
Je pose les yeux sur Lounia en sachant pertinemment qu'elle amplifie la réalité, comme chaque fois qu'elle va en voyage avec mon oncle Kayël. Il a dû y en avoir deux ou trois, tout au plus... et je doute fort que Synter, le prétendu tombeur de Vender, ait craqué pour elle. Bien qu'elle possède une jolie apparence, elle n'est pas considérée comme une beauté. À mon avis, son unique atout est sa longue crinière noir et luisante, dont, à ma connaissance, elle passe près de deux heures pour que ses cheveux possèdent cet aspect lustrer.
– Vraiment, dis-je avec un rictus en fixant ma cousine qui baisse les yeux pour ne pas devoir me confronter. C'est bien dommage puisqu'on ne se lie qu'avec quelqu'un de la même espèce.
Mère eut un froncement de sourcil, comme si je venais de tout gâcher en disant cette simple vérité. Chaque habitant des différentes contrées de Niloria sait que nous ne pouvons pas nous mélanger... sans quoi des monstres naitraient des unions. Yohen regroupe tous ceux étant nés sous le dieu du tigre, alors que ceux de Vender regroupent les lions, que ceux de Bauley, constitué de deux iles, représentent les panthères, que ceux de Lashang, ce sont les lynx et tout au nord, à Sajarez, ce sont les pumas. Comme moi, Ren et Daysie ont été béni par la déesse féline.
J'ai entendu dire que Synter en faisait aussi partie, ainsi que la princesse de Sajarez, Chaylor. Je ne les ai jamais rencontrés, mais ils font beaucoup parler d'eux. Émalia et Caprilie se lèvent pour aller rejoindre leur mari respectif, alors que Nester rejoint son père, mon oncle, sans pour autant s'impliquer dans la conversation.
Ne voyant aucun intérêt à rester là, avec eux, dans le grand salon, je tourne les talons et traverse les longs couloirs jusqu'à ma chambre dans le bâtiment au sud-est. Dès que j'y entre, je me dirige vers ma penderie pour en sortir une toilette souple et vaporeuse possédant un bustier bien ajusté, de longues manches vertes bouffantes, légèrement brodé de fil d'or qui représente de la vigne et des animaux des champs, ainsi qu'un jupon léger.
Je passe ensuite derrière le large paravent où se trouve un bassin de bois roux, contrastant avec le bois sombre qui constitue le château. Je pose mon vêtement propre sur la petite commode, à côté de mes produits de bain, puis, du bout des doigts, je touche l'eau laiteuse pour constater qu'elle est encore chaude.
Comme toujours, Daysie est rapide et efficace.
Je me nettoie rapidement et lorsque je termine de m'habiller, Daysie et Ren entre dans ma chambre, la première avec un plateau de cube d'agneau rôtie avec une sauce au miel et à la cerise, mon plat préféré, le second avec une assiette de petit gâteau à la crème.
– Joyeux anniversaire, princesse, me souhaitent-ils avec un léger sourire, que je leur rends avec une douce joie.
– J'ai l'impression que vous êtes les seuls à vous en être rappelé, dis-je en me laissant tombé sur l'un des quatre petits tabourets qui entourent la table basse au centre de ma chambre.
Ils mettent les plats sur celle-ci et je les invite à s'asseoir d'un geste de la main.
– Ils auraient dû s'en rappeler, dit Ren en resserrant sa longue couette brune. Vous êtes quelqu'un d'important.
– Pas assez, on dirait, ai-je marmonné avec un haussement d'épaule. Je m'en doutais de toute manière. Je suis habituée. Ça ne changera rien pour ma seizième année.
Ren me fait un sourire compatissant.
Bien qu'il fût l'ainé de sa fratrie, il n'avait pas du tout une bonne relation avec son père. Il était devenu mon chevalier en partie pour cela. Le général Amman n'était aucunement contrarié du départ de son fils... il en avait un autre pour reprendre son poste.
Daysie, quant à elle, n'a pas vraiment connu ses parents. Ils sont morts quand elle était très jeune à cause de la guerre entre Niloria et Dystio. Je l'ai engagé à mon service par pur hasard.
Tout en mangeant, je me remémore la désastreuse bataille survenue un peu moins d'un an plus tôt.
À ce moment-là, père m'avait désigné pour être à la tête de nos troupes. C'était la toute première fois qu'il m'accordait un poste aussi important, car ici, à Niloria, la place des femmes est moindre, même pour une princesse. D'ordinaire, j'étais sous les ordres de mon frère Ferdon.
J'étais heureuse qu'il m'ait enfin donné une position essentielle... mais rien ne s'était passé comme je l'avais espéré. J'ai perdu cette bataille, qui a couté deux villes portuaires de Yohen. C'était la première et la dernière fois que je faillais à mon devoir.
Après cette lamentable défaite, mon père a longtemps hésité avant de me donner une nouvelle équipe à ma charge. J'ai rattrapé le coup avec les dernières victoires... mais la mort de tous ces innocents me pèse encore sur le cœur.
– Avez-vous quelque chose à faire cet après-midi, princesse, me demande Ren et je sais qu'il fait en réalité allusion aux devoirs donné par mon précepteur, hier.
– Je dois les avoir terminé pour demain, ai-je acquiescé en croquant dans la dernière pâtisserie. Je vais m'y attarder tout de suite.
Daysie se lève pour aller les chercher, puis elle les dépose près de moi avant de débarrasser la table alors que Ren va s'accoter contre le mur près des grandes fenêtres qui me font dos.
Je passe une bonne partie de mon après-midi à remplir les pages avec de l'encre et une plume de paon, oiseau exotique que l'on retrouve qu'à Bauley. Je termine mes lectures du soir vers vingt-deux heures alors que Daysie prépare mon lit et que Ren s'incline avant de partir pour aller à sa propre chambre, en face de la mienne, comme le veut les règles. Étant mon chevalier attitré, il doit pouvoir être près de moi en tout temps, comme Daysie, dont la petite chambre est juste à côté de la sienne.
– Votre plumard est prêt, princesse. Vous pouvez aller vous reposez.
Je la remercie avant qu'elle ne me laisse seule.
Je vais me glisser sous ma couette vert forêt et m'endors presque aussitôt que je ferme les yeux.
Les images de la bataille me reviennent, aussi net que si j'y étais encore. De la fumé et des braises m'entourent alors que je suis au centre d'un village portuaire de Yohen. Les cris résonnent de tous les côtés et mon regard cherche à distinguer les paysans à travers la chaleur et la poussière.
Je me mets à courir alors que la boucane monte, libérant un peu l'air. Je distingue des corps près de la berge où se trouve d'ordinaire les pêcheurs.
Un jeune garçon rampe vers moi, les jambes calcinées et le visage remplit de sang et de larme.
Au loin, je vois les navires ennemis s'éloigner en triomphe, leur drapeau arborant deux palas croisées, des petits sabres, surmonter d'une couronne avec une étoile au centre.
– Vite, ai-je hurlé en regardant par-dessus mon épaule les soldats sous ma charge qui me rejoignent en courant nerveusement. Allez tout de suite sauver les survivants!
Ils se dispersent rapidement alors que je m'empresse de rejoindre le garçon, mon armure cliquetant à chaque pas. Lorsque je m'accroupis à côté de lui, il est déjà trop tard.
Mon cœur se serre, mais je sais que je ne dois pas m'attarder pour le pleurer.
Je cherche parmi les corps des marins, mais aucun ne respire encore.
Mes mains trembles en voyant quelques jeunes enfants qui devaient aider leurs parents à la pêche. Je repère une petite fille qui ne doit pas avoir plus de cinq ans. Je ferme les yeux en contractant la mâchoire, déçu de moi-même de ne pas avoir prédit cet assaut d'avance.
Tant de gens sont morts à cause de Dystio et tout ça à pour une bêtise!
J'ouvre vivement les yeux, le souvenir des morts autour de moi flottant encore dans mon esprit.
Si... je dis bien si... si je tuais le roi et le reste de la famille royale de Dystio... est-ce que cette guerre cesserait enfin?
Je fixe le plafond en étant persuadé qu'il s'agit de la seule solution.
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