Prologue (1/2)
Île de Min'Kaness. Il y a très longtemps...
— Que se passe-t-il Evan ? Tu as l'air soucieux ?
Le jeune homme aux longs cheveux noirs comme la nuit sursauta.
— Bon sang, Eili ! Tu m'as foutu les jetons ! s'exclama-t-il en se tournant brusquement vers la jeune fille qui venait de s'adosser nonchalamment à la balustrade sur laquelle il était appuyé.
Eiliana MacEwen, fille du roi des Th'Eos, le fixa avec une expression malicieuse, les lèvres retroussées sur un petit sourire satisfait.
— C'était le but, O'Brien ! Tu as vu comme j'ai progressé en « tactique d'approche furtive » ? C'est bien ça le terme exact, non ?
Evan se redressa et croisa les bras sur son torse. Ses yeux bruns très sombres – presque noirs – pétillèrent légèrement quand il soutint le regard mauve qui le défiait.
— Ouais, bravo MacEwen, rétorqua-t-il narquois. Bravo d'avoir réussi à surprendre un type qui voulait tranquillement rester seul pour réfléchir. Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, la porte de ma chambre était fermée à clé. Oh ! Et il y avait aussi une croix noire accrochée dessus. Tu te souviens de ce que cela veut dire, j'imagine ?
Eiliana leva les yeux au ciel.
— Défense d'entrer car le grand Evan O'Brien est d'une humeur de chien – pour changer – et n'a pas envie de voir vos tronches. Je me trompe ?
— Pas du tout. Tu vois quand tu veux...
— Oui, mais dans ce cas, il fallait plutôt que tu utilises un sort de blocage de porte. Et surtout... il ne fallait pas que tu me donnes ta clé.
Un éclat particulier alluma le regard d'Evan.
— Quand vas-tu comprendre que créer un sort ne se fait pas en un claquement de doigts, Eili ? C'est une magie très complexe qui peut avoir des conséquences désastreuses !
Eiliana se rembrunit légèrement.
— Quant au fait de te donner ma clé... soupira-t-il. Ouais, j'avoue que je fais des choses de plus en plus stupides depuis que je suis... amoureux.
Face à lui, la jeune fille se redressa brusquement, les yeux écarquillés et la bouche bée.
— Depuis que... depuis que tu es... que... tu es... quoi ?! bafouilla-t-elle avant que sa voix ne monte dans les aigus.
Evan haussa ses sourcils avec un air railleur.
— A.MOU.REUX, rétorqua-t-il en détachant bien chaque syllabe. Ben alors quoi, MacEwen ? Tu régresses au niveau de la compréhension orale ? la taquina-t-il en affichant une attitude provocante.
Pendant plusieurs secondes, elle ne rétorqua rien, restant figée comme une statue. Puis elle s'approcha de lui et lui asséna un coup de poing dans l'épaule.
— Aïe ! s'offusqua-t-il.
— Bon sang, O'Brien ! Tu es sérieux ?!
— Quoi ? Elle ne te plaît pas ma déclaration ? s'amusa-t-il encore.
Cette fois-ci, les yeux améthyste d'Eiliana lancèrent des éclairs.
— Ta... déclaration ?! Tu viens de m'avouer que tu m'aimes, là ?
— Euh... ouais. Pourquoi ? Je n'ai pas été assez romantique à ton goût ? susurra-t-il en s'approchant d'elle d'une démarche de prédateur et en affichant un sourire carnassier.
Les joues de la jeune fille prirent immédiatement une jolie teinte rouge vif.
— Par les Quatre ! Evan, tu... tu...
Ses mots s'étranglèrent dans sa gorge quand le jeune homme l'emprisonna entre lui et la balustrade, agrippant le garde-corps des deux mains.
Eiliana leva la tête et déglutit en croisant son regard sombre.
— Tu... tu essaies de détourner la conversation, O'Brien. N'est-ce pas ?
— Peut-être. Ça fonctionne ?
Elle posa les mains à plat sur son torse. Mais elle ne le repoussa pas. À la place, elle prit une profonde inspiration.
— Non. Je veux savoir ce qui te tracasse depuis quelques jours et je ne renoncerai pas.
Evan renversa sa tête en arrière, ferma les yeux et soupira.
— Eili... geignit-il. Je...
— Je sais que tu n'aimes pas parler, mais pour t'aider à te détendre, moi aussi je vais te confier un secret.
Il replongea son regard dans le sien avec un petit sourire.
— Ah oui ? Lequel ?
— Je suis également amoureuse de toi.
Evan secoua la tête, amusé, puis posa son front contre le sien.
— J'ai eu une vision, déclara-t-il finalement.
Comme elle l'interrogeait de ses grands yeux mauves, il ajouta, résigné :
— Le monde d'Orcam à feu et à sang. La peur, la mort, la désolation...
Toute couleur déserta le visage de la princesse. Eiliana hoqueta et posa une main sur sa bouche.
— Mais il n'y a pas que ça Eili... continua Evan. J'ai... j'ai senti que cette destruction était nécessaire et... qu'elle portait ma marque. Et la tienne.
Son interlocutrice eut un léger mouvement de recul.
— Comment ça ? questionna-t-elle. Et que veux-tu dire par « la destruction de notre monde est nécessaire » ?
Le jeune homme soupira une nouvelle fois et secoua la tête.
— Je n'en sais rien. Mais ce dont je suis sûr, c'est qu'Orcam doit être détruit pour pouvoir renaître de ses cendres...
Pendant plusieurs minutes, Eiliana ne répondit rien, semblant réfléchir à ce qu'il venait de lui dire.
— Evan... ce que tu dis n'a aucun sens. Je... j'espère simplement que tu ne cherches pas une excuse pour justifier ton implication dans le référendum de l'an prochain.
Un éclair de colère traversa le regard sombre du jeune homme et il s'éloigna légèrement.
— Cette guerre est indispensable, Eili ! Tu le sais aussi bien que moi. Les Hérialiens et les Evarniens nous considèrent comme des monstres parce qu'ils sont envieux de nos pouvoirs. Ils refusent de commercer avec nous, alors qu'ils savent pertinemment que nous ne pouvons pas produire toutes les denrées nécessaires à la survie de notre Peuple sur Min'Kaness. Ils veulent nous affaiblir ! Dans quel but à ton avis ?
Face à lui, Eiliana soutint son regard pendant quelques instants. Ses yeux mauves reflétaient l'indécision et la lassitude.
— Je... je ne sais pas. C'est juste... Cette guerre me fait peur, Evan. J'ai comme un mauvais pressentiment. Et maintenant cette vision...
L'expression du jeune homme se radoucit.
— Écoute, Eili... Rien ne dit que ma vision découlera de cette guerre-là. Elle me montre peut-être un avenir très lointain, qui sait ?
— Mais, tu as dit qu'elle portait notre marque ! À tous les deux... Ça veut sûrement dire que c'est nous qui allons causer ce chaos, non ? Ou... nos descendants ?
Contre toute attente, un sourire malicieux éclaira les traits du jeune homme.
— Alors comme ça, tu envisages d'avoir des « descendants » avec moi ? la taquina-t-il pour alléger l'atmosphère. Tu veux qu'on s'y mette tout de suite ?
La princesse Th'Eos sursauta et le foudroya du regard.
— Evan ! s'exclama-t-elle, outrée.
— Quoi ?
— Tu ne peux pas être un peu sérieux ?
— Mais je le suis ! Écoute... je te promets que je trouverai une solution – un sort peut-être ? – pour que... tout se termine bien. Enfin... plus ou moins...
Eiliana secoua la tête, mais un coin de ses lèvres se retroussa.
— Une solution pour permettre qu'Orcam renaisse de ses cendres, hein ? C'est bien ce que tu as vu dans ta vision ?
— Exactement, répondit-il avec un grand sourire.
— Comment ?
— Euh... Je n'ai pas encore toutes les réponses, mais... je... il y avait une... entité ? Je ne sais pas trop comment l'appeler. Bref. Elle flottait au dessus des ruines et elle semblait... bonne ? Il suffit juste que je découvre qui elle – ou il – est exactement et que je trouve le moyen de faire en sorte qu'elle – ou il – existe réellement puisqu'a priori, nous sommes les responsables de sa création...
— Bonne ? l'interrogea-t-elle, sceptique. Que veux-tu dire par ?
— Pas vraiment méchante, quoi...
— D'accord. Et... À quoi ressemblait-elle, ton entité sauveuse de monde ? Puisque je suis autant responsable que toi d'après ta vision, je peux peut-être te donner un coup de mains pour la chercher ?
Evan haussa les épaules, l'air légèrement penaud.
— Eh bien... Je ne sais pas trop... je dirais... à une boule de lumière aux cheveux longs ? C'est la meilleure description que je puisse en faire pour le moment.
Face à lui, Eiliana écarquilla d'abord les yeux, puis elle éclata de rire.
— Une boule de lumière, hein ? fit-elle taquine. Oh, Evan... J'espère sincèrement que ce n'est pas à ça que vont ressembler nos descendants...
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