Prologue

— Votre... euh... Majesté ?

Le ton que le Sorcier venait d'employer pour s'adresser à l'homme qui lui tournait le dos était hésitant. Mais pas seulement. Si on écoutait bien, on pouvait aussi y distinguer une pointe d'amertume. Même si c'était surtout la peur qui faisait trembler sa voix.

L'homme ne fit même pas mine de se retourner. Il se tenait bien droit, les mains croisées derrière le dos. Ses longs cheveux noirs comme la nuit, nattés de façon savante, se distinguaient à peine sur l'habit de la même couleur qu'il portait. Il fixait l'horizon à travers l'une des nombreuses baies vitrées qui entouraient la salle du trône.

Dehors, les éléments étaient en train de se déchaîner. Le vent hurlait, la foudre frappait de façon quasi discontinue, des trombes d'eau s'écoulaient de nuages aussi noirs que ses cheveux et la mer était si agitée, que de gigantesques vagues venaient lécher le haut de la falaise sur laquelle le château était construit.

— Votre Majesté ? répéta le Sorcier en tentant de mettre un peu plus d'assurance dans son ton.

Cette fois-ci, l'homme en noir daigna lui montrer qu'il l'avait entendu et qu'il l'écoutait. Il tourna légèrement la tête pour jeter un coup d'œil par-dessus son épaule, puis il reprit sa contemplation du déluge qui s'abattait dehors.

— Votre Majesté, reprit le Sorcier, pourriez-vous, s'il vous plaît, demander à Adam d'arrêter ? Cela fait plusieurs jours d'affilée et certains de nos concitoyens commencent à se plaindre de nombreux dégâts matériels sur leurs propriétés et...

— Adam a besoin de s'entraîner à maîtriser ses pouvoirs, le coupa l'homme en noir d'une voix froide. Il y va de la survie de notre monde, ne l'oubliez pas.

— Certes, mais... insista le Sorcier, Adam y met tant de zèle ! Pourriez-vous au moins lui demander d'espacer un peu ses entraînements ? Sinon, Evarna n'y résistera pas et...

Le Sorcier se figea quand il vit l'homme se retourner et fixer ses prunelles noires et sans âge sur lui. Il déglutit péniblement, mais peu à peu, il constata que les éléments qui se déchaînaient dehors étaient en train de se calmer. Aussi rapidement que cela avait commencé, le déluge s'arrêta et le soleil inonda la salle du trône.

Le Sorcier poussa un discret soupir de soulagement, puis il sursauta quand la porte de l'une des baies vitrées claqua. Il se rembrunit aussitôt quand il reconnut le jeune homme qui venait de faire son entrée et qui semblait contrarié. Si tant est que l'on puisse lire la contrariété sur son visage aux traits parfaits, mais figé sur une seule expression. Voire deux si on y regardait de plus près. La haine et la colère.

— Pourquoi m'as-tu demandé d'arrêter ? s'enquit immédiatement le jeune homme d'une voix froide et sèche.

Il s'adressait à l'homme en noir comme si ce dernier n'était pas capable de le tuer d'un claquement de doigts.

Ses cheveux châtains aux reflets dorés semblaient plus sombres trempés par la pluie et son teint, d'ordinaire doré lui aussi, était livide. Sans doute le jeune homme était-il épuisé après avoir utilisé autant de magie ? Mais il n'en laissait rien paraître et il fixait l'homme en noir avec son arrogance coutumière.

— Parce qu'il fallait que je te parle, rétorqua le roi d'Evarna de la même voix froide. J'ai également fait mander ton frère et ta sœur. Caleb et Sibel ne devraient plus tarder.

Alors qu'il terminait sa phrase, des pas résonnèrent soudain dans le couloir qui menait à la salle du trône et deux jeunes gens firent leur apparition. Le garçon et la fille avaient tous deux de longs cheveux bruns, la peau blanche comme de la porcelaine et d'extraordinaires yeux ambrés. L'expression qu'ils affichaient était hautaine, mais contrairement à leur frère, ils ne semblaient pas constamment en colère.

— Tu peux nous laisser maintenant.

Le Sorcier sembla comprendre que l'homme en noir s'adressait à lui quand il croisa ses prunelles sombres comme la nuit.

— J'ai besoin de parler aux triplés en privé.

Il ne se fit pas prier. Il s'inclina respectueusement et fila sans demander son reste.

— Qu'y avait-il de si important à nous dire, qui ne puisse attendre la fin de mon entraînement ? demanda le jeune homme qui s'appelait Adam, quand il fut certain que le Sorcier n'était plus dans les parages.

— C'est vrai ça, renchérit l'autre jeune homme. Nous aurons dix-huit ans dans neuf mois et Adam n'a pas une minute à perdre. Il doit apprendre à maîtriser convenablement tous ses pouvoirs.

— Caleb et moi étions en train de terminer la sélection de nos potentiels futurs liés quand tu nous as interrompus, ajouta à son tour la jeune fille. Il faut que cela soit fait dans les temps si nous voulons tous les trois être assez puissants pour libérer...

— J'ai reçu des nouvelles de la première importance concernant vos homologues de l'île d'Hériale, la coupa l'homme en noir sur un ton où l'on distinguait une légère pointe d'agacement.

Les triplés qui se tenaient face à lui se figèrent.

— Et ? questionna Caleb avec appréhension.

— Et il semblerait que nos voisins Hérialiens possèdent une fratrie de triplés en tous points similaires à la vôtre...

— C'est-à-dire... commença Adam en levant vivement le visage vers l'homme en noir.

— C'est-à-dire que l'une d'entre eux est exactement comme toi Adam. Oui.

Face à lui, le jeune homme écarquilla les yeux de surprise et pendant une fraction de seconde, le voile sombre qui recouvrait ses iris disparut, révélant des prunelles d'une captivante couleur améthyste.

Puis son regard s'assombrit à nouveau et un rictus de joie mauvaise étira les coins de sa bouche.

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