Chapitre 8.5
(...)
Celle-ci disait que la jeune femme attendait – plongée dans une sorte de stase, préservée dans un cercueil de glace magique – que ses descendants viennent la libérer pour qu'elle puisse sauver son monde. Malheureusement, les livres d'histoires ne racontaient pas de quelle façon elle s'y prendrait.
Lihanna lui avait tout de même demandé si la légende précisait qui étaient ces descendants censés la libérer et comment devaient-ils s'y prendre pour le faire.
— Des triplés, lui avait-il répondu au bout d'un moment. Mais la légende n'en dit pas plus, apprentie MacCormac.
La jeune fille lui avait alors lancé un regard mi-excité, mi-suspicieux. Il n'avait pas bronché sous son examen.
Elle lui avait alors posé une autre question :
— Où se trouverait ce cercueil, si votre histoire raconte la vérité ? Pourquoi personne ne l'a retrouvé ?
— Sur l'île de Min'Kaness. Et personne ne se rend sur l'île depuis que la malédiction l'a frappée. De plus, les Th'Eos ont été occultés de nos livres d'Histoire depuis des centaines d'années. Pour la plupart des gens qui ne s'intéressent pas à leur passé, leur nom ne signifie plus rien... Ils sont devenus une légende.
— Pas pour vous ? avait-elle demandé suspicieuse.
— Non. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai suggéré au gouvernement et à l'état-major de la Garde, de réintroduire leur histoire et celle de la Grande Guerre dans les cours des apprentis cette année. Cela faisait très longtemps que les Hérialiens n'en entendaient plus parler. Je trouvais ça dommage...
C'était Talek et lui qui avaient eu cette idée. Tous deux souhaitant que les triplés apprennent « à connaître » leurs ancêtres, avant de les rencontrer. Lihanna semblait être la seule des trois à avoir fait le rapprochement.
— D'après vous, libérer Eiliana signifie-t-il rompre la malédiction ? Pensez-vous que ce soit cela « les choix » qui attendent les Trois ?
Il avait été très surpris qu'elle ose lui poser cette question. Surtout que la suspicion brillait toujours dans son regard mauve.
— Je n'en sais rien Lihanna, avait-il rétorqué. Je pense que c'est beaucoup plus compliqué que cela...
— Vous pensez que nous sommes les Trois ?
— Oui, je fais partie de vos soutiens, apprentie MacCormac.
— Parce que vous savez que je ressemble à Eiliana ? Ce qui fait sans doute de moi sa descendante ? Sans aucun doute possible ?
— Parce que vous lui ressemblez comme deux gouttes d'eau. Oui. Mais ce n'est qu'une hypothèse...
— N'avez-vous pas peur de ces monstrueux Th'Eos qui voulaient réduire les autres Peuples en esclavage ? Voire même commettre un génocide ? N'avez-vous pas peur de moi, Professeur ? Ne souhaitez-vous pas m'enfermer par... je ne sais pas... principe de précaution ?
Elle avait posé ses questions sur un ton beaucoup plus sarcastique.
— J'ai peur de beaucoup de choses, Princesse Lihanna. Finir congelé à cause d'une malédiction en fait précisément partie.
Son regard s'était adouci.
— Certains des anciens Th'Eos me font peur également. Mais au même titre que certains Hérialiens qui arpentent notre monde en ce moment. J'imagine que vous devinez aisément de qui je veux parler ? Un indice : il ne s'agit pas de vous, mais de ceux qui veulent vous éliminer.
La jeune fille avait poussé un petit soupir amusé.
— Mais au même titre que pour la majorité des Hérialiens qui ne sont pas des Sang-Purs fanatiques, j'imagine que le fait d'être un Th'Eos ne fait pas de vous une bonne ou une mauvaise personne. Ce sont vos choix et vos actes qui vous définissent. Souhaitez-vous détruire Orcam, Lihanna ?
— Non.
La réponse avait fusé.
— Dans ce cas, je ne vois pas pourquoi j'aurais peur de vous.
Ses beaux yeux s'étaient troublés.
— C'est loin d'être aussi simple Professeur, ce que je souhaite...
— Ça l'est, l'avait-il coupée. Si à chaque fois qu'un choix s'imposera à vous, vous décidez de choisir ce qui vous semble juste pour la majorité d'entre nous. Pour faire d'Orcam un monde plus sûr et plus juste, pour les générations qui fouleront ce sol après nous...
Elle l'avait regardé d'un drôle d'air et maugréé un truc qui ressemblait vaguement à : « Bordel... mais je n'ai que dix-sept ans, nom d'un chien ». Il avait décidé de ne pas relever. Après tout, il savait qu'au final, c'était elle qui avait raison. Mais il voulait qu'elle sache que quelqu'un lui faisait confiance pour prendre les bonnes décisions. Même si elle n'avait que dix-sept ans...
— Cette « aire glaciaire » qui nous attend si la malédiction n'est pas brisée, savez-vous de quel type de magie il s'agit ? Ou est-ce plutôt un phénomène naturel ? Vos livres, qu'en disent-ils ?
Il avait été un peu décontenancé par cette question.
— Je n'en sais rien... Mais je dirais, sans doute un peu des deux. Si c'est bien Fergal qui a lancé cette malédiction, ses pouvoirs de Tes'Sara lui ont sans doute permis de contrôler un phénomène naturel d'une si grande ampleur et...
Face à lui, Lihanna s'était levé d'un bond.
— Des Tes'Sara ? Les Th'Eos étaient des Tes'Sara ?
Surpris par son agitation, il avait sursauté.
— Certains l'étaient, oui...
— C'est à cause de ça qu'ils ont voulu détruire notre monde ? Parce qu'ils étaient fous ?
Alors, il avait compris. Compris la cause de sa récente apathie. Compris qu'elle savait pourquoi les Tes'Sara n'existaient plus...
— Non, Lihanna. Certains Th'Eos devaient être un peu fous et assoiffés de pouvoir et de destructions. Mais pas parce qu'ils étaient des Tes'Sara.
— Mais...
— Les Th'Eos sont – enfin, plutôt étaient – les seuls Orcamiens à posséder sans exception la maîtrise de tous les éléments. Tous les Th'Eos étaient donc extrêmement puissants.
— Quel est le rapport ?
— De par leur nature Th'Eos, ils étaient habitués à utiliser et à contrôler une quantité phénoménale de magie. Et leurs pouvoirs de Tes'Sara n'étaient pas considérés parmi leur Peuple comme une anomalie.
— Peut-être. Mais je ne comprends toujours pas. Vous voulez dire qu'ils étaient tous complètement cinglés et mégalomanes ? Du coup, ça ne les choquait pas quand l'un des leurs l'était encore plus ?
Il avait difficilement réprimé un fou rire. Après tout, c'était un sujet sérieux. Aujourd'hui, des enfants Orcamiens mouraient régulièrement à cause de cette « anomalie »...
— Non. Ce que je veux dire, c'est que – comment dites-vous déjà sur Terre ? – génétiquement ? Je crois que c'est ça...
Semblant dubitative quant à l'emploi de ce terme dans la bouche d'un Orcamien, elle hocha néanmoins la tête.
— Alors voilà. Génétiquement, les Th'Eos sont – étaient – les seuls capables de contrôler tous ces pouvoirs. Les Th'Eos Tes'Sara ne deviennent pas fous Lihanna...
— Contrairement à... aux membres des autres Peuples...
Un éclair de colère avait soudain assombri de façon choquante ses yeux lavande. Puis elle avait serré les poings et ils avaient aussitôt repris leur teinte habituelle. La jeune fille avait retrouvé son air abattu.
— Pas nécessairement, avait-il dit sans savoir pourquoi.
Elle avait relevé la tête, le regard à nouveau vif.
— Que voulez-vous dire ?
— Il existe un moyen de...
Quelqu'un avait alors frappé à la porte de son bureau avant d'entrer. Il s'agissait de Joleen, son assistante Fille de la Terre, accompagnée de deux apprentis. Elle avait été surprise de trouver Lihanna, campée sur ses deux pieds, dans une attitude qu'un observateur extérieur pouvait trouver légèrement agressive.
— Oh... s'était-elle exclamée. Désolée de vous déranger mais cela fait un quart d'heure que les cours de rattrapage de ces deux apprentis devaient commencer. Je m'inquiétais. Tout va bien Professeur ?
— Parfaitement Joleen. Nous en avions fini.
— Mais, Professeur... avait protesté Lihanna.
— Nous en reparlerons quand vous reviendrez de votre stage de survie du deuxième trimestre. Où vous rendez-vous avec votre équipe ?
Elle avait semblé se décomposer, puis s'était ressaisie.
— Dans les montagnes de la principauté de Pa'Auro...
L'un des apprentis – un Sorcier – avait reniflé. Lihanna l'avait foudroyé du regard. Il avait aussitôt baissé les yeux.
— Oh, c'est magnifique vous verrez !
Elle avait hoché la tête.
— Lihanna, l'avait-il rappelée avant qu'elle ne franchisse la porte.
Elle s'était retournée en lui jetant un regard interrogateur.
— Peut-être que vous trouverez vous-même la réponse à votre dernière question dans les montagnes de la Manadaleòch...
Elle l'avait dévisagé avec un air étonné, puis une lueur s'était enfin rallumée dans ses yeux.
Le professeur Pal'Cavan secoua la tête pour se sortir de ses pensées.
Il se trouvait seul dans l'échoppe, car Jio était sorti quand un membre de la communauté était venu lui dire que la « bataille » – c'était malheureusement le mot qu'il avait employé – était terminée.
Le vieux Métis attendait son retour avec impatience. Il avait un mauvais pressentiment. Car le combat était peut-être fini, mais il avait tout de même entendu des cris d'effroi peu de temps après.
Au bout de ce qui lui semblât être une éternité, son ami revint.
Il était blême.
— Jio ? l'interpella-t-il en sentant l'angoisse lui tordre l'estomac. Que se passe-t-il ? L'un de nos amis est-il mort ou gravement blessé ?
— Plusieurs, confirma le commerçant d'une mine sombre. Tout comme la reine Eana...
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